Affaire des carburants africains

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L'affaire des carburants africains, aussi désignée sous le surnom de Dirty Diesel, désigne une série de révélations concernant les pratiques d'opérateurs pétroliers, principalement suisses et néerlandais qui, profitant de la faiblesse des cadres réglementaires concernant les carburants dans les pays africains (principalement en Afrique de l'Ouest), y ont écoulé pendant des années des carburants très polluants.

Comparaison des normes sur la qualité des carburants

Chaque juridiction définit des normes sur la qualité des carburants qui y sont commercialisés, visant principalement à contenir l'impact environnemental et sanitaire des transports. Ces normes ont été progressivement durcies, l'exemple donné ci dessous étant celui des normes européennes successives portant sur la teneur en soufre du diesel automobile.

Évolution des normes européennes sur la qualité du diesel automobile[1]
Normes Directive européenne Norme CEN Entrée en vigueur Maximum soufre (ppm)
Euro 1 aucune EN 590:1993 1994 2000
Euro 2 93/12/EEC 1996 500
Euro 3 93/12/EEC EN 590:1993, EN 228:1993 2000 350
Euro 4 98/70/EC EN 590:2004 (d) 2005 50
Euro 5 2003/17/EC EN 590:2009 2009 10

Ces normes diffèrent néanmoins selon les régions du monde. Si les pays développés et émergents ont des normes similaires à celles de l'Europe, la situation ailleurs est très variable. Outre le soufre, d'autres polluants comme le vanadium font aussi l'objet de réglementations.

Les pots catalytiques et filtres à particules sont très vulnérables au soufre. Ils ne peuvent donc fonctionner qu'avec des carburants dont la teneur en soufre a été drastiquement réduite. Éliminer le soufre des carburants est donc non seulement nécessaire pour réduire la pollution au soufre (cause des pluies acides), mais c'est aussi la première étape pour pouvoir réduire d'autres types de pollution comme les particules en suspension[2].

Normes en vigueur sur la teneur en soufre du diesel automobile en 2018

Pratiques dénoncées

Le raffinage de carburants de haute qualité destiné à des marchés très réglementés, comme ceux de l'Union Européenne, laisse les raffineurs avec des déchets issus de la dépollution du pétrole brut : du sulfure d'hydrogène H2S, des mercaptans et du benzène. Ces produits sont coûteux à éliminer - ils ont donc une valeur négative pour le raffineur. Certains acteurs (raffineurs et négociants) du secteur pétrolier européen ont développé une filière de blending (littéralement : mélange) permettant de se défaire de ces produits polluants en les diluant dans des carburants destinés à divers marchés africains. Les pays africains, faute de capacités de raffinage suffisantes, sont largement tributaires des carburants importés, c'est même le cas d'un pays comme le Nigeria, pourtant exportateur de brut[3]. Les principales sociétés mises en cause sont les compagnies suisses Trafigura et Vitol. Ces deux sociétés sont spécialisées dans le négoce, elles n'exportent pas physiquement le carburant, mais organisent cette pratique[4],[5].

Les ports (et centres de raffinage) d'Anvers, Rotterdam et Amsterdam, dont viennent environ le quart des carburants consommés dans certains pays d'Afrique de l'ouest, sont au centre de cette pratique. Selon l'analyse du Center for International Environmental Law (en), elle est illégale : même si les carburants vendus respectent les normes des marchés auxquels ils sont destinés, le fait d'exporter délibérément des déchets nocifs tombe sous le coup de la Convention de Bâle[6].

Analyse de carburants de « qualité africaine »

Des ONG comme Public Eye (Suise) ont soumis à des analyses de laboratoire des carburants obtenus en Afrique et représentatifs de ce trafic[5].

Ainsi, le rapport Dirty Diesel de Public Eye analyse 27 échantillons de diesel et 23 échantillons d'essence, achetés dans des stations-service d'Angola, de Côte d'Ivoire, du Ghana, du Congo-Brazzaville, du Sénégal, du Togo, du Mali et de Zambie, dont l'approvisionnement était relié aux négociants suisses. Des teneurs en souffre allant de 1 000 à 3 800 ppm ont été observées pour le diesel. Les teneurs en benzène sont également très élevées[7].

Suites juridiques et politiques

Les débats provoqués par les révélations de Public Eye ont amené plusieurs pays africains à revoir fortement leur réglementation sur la quantité des carburants importés. Le Ghana a drastiquement réduit (à 50 ppm) la teneur en soufre tolérée en 2016[8]. Le Mozambique, le Malawi, et le Zimbabwe ont pris la même disposition l'année suivante[9].

Voir aussi

Sources et références

  1. (en-US) « EU: Fuels: Diesel and Gasoline | Transport Policy » (consulté le )
  2. « La France adopte le carburant sans soufre », sur Les Echos, (consulté le )
  3. « Africa’s biggest crude producer remains stuck on imported fuels », sur www.worldoil.com (consulté le )
  4. « Subscribe to read | Financial Times », sur www.ft.com (consulté le )
  5. a et b (en-GB) Alice Ross, « Trafigura, Vitol and BP exporting dirty diesel to Africa, says Swiss NGO », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  6. (en-US) « Netherlands and Belgium Violate International Law by Allowing the Export of Dirty Petrol and Diesel », sur Center for International Environmental Law (consulté le )
  7. (en) « Dirty Diesel »
  8. « NPA - NPA revises sulphur content for imported diesel », sur www.npa.gov.gh (consulté le )
  9. (en) « Four more countries in Africa switch to low sulfur fuels », sur UN Environment, (consulté le )