« Propergol liquide » : différence entre les versions

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=== Aujourd'hui ===
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On peut classer les systèmes à propergol liquide en fonction du nombre d'ergols qui les composent :
On a coutume de distinguer formellement trois types de propergols liquides selon le nombre d'ergols qui les constituent :

# les [[monergol]]s (ou ''monoergols''), qui ne sont composés que d'un seul ergol
# les [[diergol]]s (ou ''biergols''), qui sont composés de deux ergols
# les [[triergol]]s, qui sont composés de trois ergols

Cette nomenclature est en fait assez artificielle car la différence fondamentale réside entre les [[monergol]]s et les autres propergols liquides :

:* les monergols fonctionnent sur la base d'une décomposition exothermique catalysée
:* les autres propergols reposent sur la combustion d'un ou plusieurs carburants dans un ou plusieurs comburants

==== Hydrazine ====

L'[[hydrazine]] {{fchim|N|2|H|4}} est le [[monergol]] le plus couramment employé, notamment dans les phases finales de descente des sondes spatiales avant atterrissage sur leur cible : ce fut le cas des ''landers'' du [[programme Viking]] ainsi que de la mission [[Phoenix (sonde spatiale)|Phoenix]], arrivée sur [[Mars (planète)|Mars]] le 25/05/2008. L'hydrazine se décompose de façon très exothermique sur [[catalyseur]] métallique d'[[iridium]] sur [[alumine]] {{fchim|Al|2|O|3}} ou nanofibres de carbone<ref name="Vieira">{{cite journal
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#[[Hydrazine|{{fchim|N|2|H|4}}]] → [[Diazote|{{fchim|N|2}}]] + 2 [[Dihydrogène|{{fchim|H|2}}]]
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Ces réactions dégagent suffisamment d'énergie pour conduire la [[chambre de combustion]] à {{unité|800|°C}} en une milliseconde<ref name="Vieira"/>) avec un très bon rendement<ref name="Chen"/>, d'où une [[impulsion spécifique]] dans le vide d'environ {{unité|220|s}}<ref>[http://cs.astrium.eads.net/sp/SpacecraftPropulsion/MonopropellantThrusters.html Monopropellant Hydrazine Thrusters]</ref>.

<!-- On peut classer les systèmes à propergol liquide en fonction du nombre d'ergols qui les composent :


# les [[monergol]]s (ou ''monoergols''), qui ne sont composés que d'un seul [[ergol]], notamment :
# les [[monergol]]s (ou ''monoergols''), qui ne sont composés que d'un seul [[ergol]], notamment :
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# les [[triergol]]s, qui résultent de l'utilisation successive ou simultanée de trois [[ergol]]s, notamment :
# les [[triergol]]s, qui résultent de l'utilisation successive ou simultanée de trois [[ergol]]s, notamment :
#* LOX&nbsp;/&nbsp;LH2&nbsp;&&nbsp;RP-1 ([[Dioxygène|oxygène]] liquide / [[Dihydrogène|hydrogène]] liquide et [[RP-1|kérosène ultra-raffiné]]), réalisé expérimentalement en URSS mais jamais finalisé
#* LOX&nbsp;/&nbsp;LH2&nbsp;&&nbsp;RP-1 ([[Dioxygène|oxygène]] liquide / [[Dihydrogène|hydrogène]] liquide et [[RP-1|kérosène ultra-raffiné]]), réalisé expérimentalement en URSS mais jamais finalisé
#* LF2&nbsp;/&nbsp;LLI&nbsp;&&nbsp;LH2 ([[Difluor|fluor]] liquide / [[lithium]] liquide & [[Dihydrogène|hydrogène]] liquide), théoriquement le plus puissant propergol liquide connu mais jamais mis en oeuvre compte tenu des difficultés techniques insurmontables qu'il présente
#* LF2&nbsp;/&nbsp;LLI&nbsp;&&nbsp;LH2 ([[Difluor|fluor]] liquide / [[lithium]] liquide & [[Dihydrogène|hydrogène]] liquide), théoriquement le plus puissant propergol liquide connu mais jamais mis en oeuvre compte tenu des difficultés techniques insurmontables qu'il présente -->


== Propriétés des propergols liquides ==
== Propriétés des propergols liquides ==

Version du 17 mai 2009 à 08:49

En astronautique, on appelle propergol liquide tout système chimique composé d'un ou plusieurs ergols stockés à l'état liquide pour produire, par décomposition ou par combustion, un mélange gazeux dont la détente à travers une tuyère fournit une force de poussée. De tels propergols sont couramment utilisés pour fournir l'impulsion nécessaire au décollage des fusées spatiales.

Grandeurs caractérisant un propergol

Ces grandeurs sont introduites dans l'article "Moteur-fusée".

Impulsion spécifique

Notée Isp et mesurée en secondes, l'impulsion spécifique indique la durée pendant laquelle une masse d'un kilogramme de propergol peut fournir une force de poussée d'un kilogramme-force, soit 9,806 65 N :

, d'où

avec :

  • Isp l'impulsion spécifique exprimée en secondes
  • Fprop la force de poussée du propergol, mesurée en Newton
  • g0 l'accélération de la gravité à l'équateur, soit 9,806 65 m/s2
  • le débit massique d'éjection des gaz d'échappement, mesuré en kilogrammes par seconde

Cette équation souligne que, à poussée égale, l'impulsion spécifique sera d'autant plus élevée que le débit massique sera faible, ce qui signifie qu'on privilégiera des ergols dont les produits de combustion ont une masse molaire faible.

L'impulsion spécifique n'est pas une grandeur absolue d'un propergol, mais dépend des performances du moteur-fusée, et tout particulièrement de la pression atteinte dans la chambre de combustion, qui peut affecter les performances du système de 10 à 15 %. Elle dépend également de la détente des gaz d'échappement dans la tuyère, dont la géométrie doit être optimale pour maximiser la poussée, et elle dépend donc aussi de la pression à l'extérieur de la fusée : l'impulsion spécifique est maximale dans le vide, mais est inférieure près de 15 % au décollage au niveau de la mer.

Vitesse d'éjection des gaz d'échappement

Dans la mesure où le rapport de la force de poussée au débit massique est égal à la vitesse d'éjection des gaz d'échappement, on peut également exprimer l'impulsion spécifique d'un propergol au moyen de la vitesse d'échappement, exprimée en mètres par seconde, selon l'égalité :

avec :

  • ve la vitesse d'éjection des gaz d'échappement, exprimée en m/s
  • g0 l'accélération de la gravité à l'équateur, soit 9,806 65 m/s2
  • Isp l'impulsion spécifique mesurée en secondes

Delta V

On appelle couramment « delta V » le surcroît de vitesse imprimé à un engin spatial par la combustion d'une quantité donnée de propergol. En l'absence de champ de gravité et de frottements, l'équation de la fusée permet de déduire sa valeur :

avec :

Cette équation indique que, pour maximiser le delta V, il faut :

  1. utiliser un propergol qui permette d'éjection des gaz d'échappement à une vitesse ve aussi élevée que possible
  2. maximiser le rapport mprop / M0 de la masse de propergol consommé sur la masse de l'astronef, ce qui signifie :

Le delta V dépend donc à la fois de la masse du véhicule spatial et des qualités intrinsèques (masse volumique et vitesse d'éjection) du propergol utilisé.

Qualités d'un propergol

Hypergolique / non-hypergolique

On qualifie d'hypergolique un couple d'ergols qui, lorsqu'ils sont mis en contact l'un avec l'autre, autocatalysent leur propre oxydoréduction : la combustion s'initie spontanément, sans qu'il y ait besoin d'un système d'allumage, ce qui simplifie la réalisation du moteur-fusée. La fiabilité de la propulsion s'en trouve améliorée, car il devient possible de contrôler la poussée à l'aide de deux valves (une par ergol) sans devoir recourir à des systèmes de contrôle d'allumage complexes et fragiles. De plus, la nature même des ergols empêche qu'ils ne s'accumulent sous forme d'un mélange explosif à l'origine de surpressions dommageables au moment de l'allumage (hard start). En contrepartie, de tels hypergols sont généralement dangereux à manipuler en raison de leur grande réactivité chimique.

Cryogénique / stockable

On qualifie de cryogénique un propergol dont l'un au moins des ergols doit être maintenu à une température inférieure à −150 °C, température à partir de laquelle certains gaz de l'air commencent à se condenser à pression ambiante. De tels propergols sont généralement très performants mais ne peuvent être utilisés qu'au décollage depuis la Terre, car ils ne peuvent être maintenus longtemps à la température requise une fois chargés dans l'engin spatial. C'est tout particulièrement le cas de l'hydrogène liquide, qui commence à s'évaporer dès qu'il est en réservoir.

A l'opposé, les propergols stockables peuvent être maintenus liquides sur de longues périodes de temps sans nécessiter d'installations particulières pour ce faire.

Développement et utilisation des propergols liquides

Dans les années 1940

Les bases de l'astronautique ont été jetées par les ingénieurs allemands durant la seconde guerre mondiale à travers une série d'innovations techniques supportées par tout une gamme de substances chimiques conventionnellement désignées au moyen d'une lettre, par exemple :

Après la seconde guerre mondiale

Développée notamment au prix de la vie de nombreux prisonniers de guerre, la technologie allemande en matière de propulsion chimique a été reprise dans les années 1950 par les ingénieurs américains et soviétiques, qui expérimentèrent d'autres substances, parfois exotiques, telles que la tétrafluorohydrazine N2F4 avec le pentaborane B5H9.

Avec le développement de l'industrie pétrolière et des techniques de raffinage, le kérosène et l'hydrogène se sont imposés comme combustibles de puissance (le kérosène de l'aviation militaire étant raffiné et purifié, notamment de son soufre, sous une forme appelée RP-1, pour Refined Petroleum-1 plus souvent compris comme Rocket Propellant-1), tandis que l'hydrazine N2H4 hydratée (B-Stoff) était méthylée en monométhylhydrazine H2N-NHCH3 (MMH) et diméthylhydrazine asymétrique H2N-N(CH3)2 (UDMH) pour en accroître les performances dans les manoeuvres de précision.

Côté oxydant, le A-Stoff est resté le comburant des applications de puissance avec le kérosène et l'hydrogène, tandis que les recherches sur le SV-Stoff ont visé à stabiliser l'acide nitrique HNO3 pour limiter les effets nocifs des vapeurs de dioxyde d'azote NO2 abondamment libérées par l'acide nitrique (ces vapeurs sont d'ailleurs la raison pour laquelle HNO3 concentré est appelé acide nitrique fumant, WFNA en anglais, pour White Fuming Nitric Acid). Ceci fut réalisé en diluant HNO3 dans le peroxyde d'azote N2O4, ce qui donnait à l'ensemble une coloration rougeâtre (d'où le nom acide nitrique fumant rouge, RFNA en anglais), tandis que le problème de la corrosion des réservoirs était résolu en ajoutant de l'acide fluorhydrique HF pour passiver la surface intérieure des réservoirs en y déposant une couche de fluorure métallique : c'est ce qu'on appelle l'acide nitrique fumant rouge inhibé, ou IRFNA en anglais.

Aujourd'hui

On a coutume de distinguer formellement trois types de propergols liquides selon le nombre d'ergols qui les constituent :

  1. les monergols (ou monoergols), qui ne sont composés que d'un seul ergol
  2. les diergols (ou biergols), qui sont composés de deux ergols
  3. les triergols, qui sont composés de trois ergols

Cette nomenclature est en fait assez artificielle car la différence fondamentale réside entre les monergols et les autres propergols liquides :

  • les monergols fonctionnent sur la base d'une décomposition exothermique catalysée
  • les autres propergols reposent sur la combustion d'un ou plusieurs carburants dans un ou plusieurs comburants

Hydrazine

L'hydrazine N2H4 est le monergol le plus couramment employé, notamment dans les phases finales de descente des sondes spatiales avant atterrissage sur leur cible : ce fut le cas des landers du programme Viking ainsi que de la mission Phoenix, arrivée sur Mars le 25/05/2008. L'hydrazine se décompose de façon très exothermique sur catalyseur métallique d'iridium sur alumine Al2O3 ou nanofibres de carbone[1] ou, plus récemment, du nitrure de molybdène sur l'alumine[2], qui catalysent les réactions :

  1. 3 N2H4 → 4 NH3 + N2
  2. N2H4N2 + 2 H2
  3. 4 NH3 + N2H4 → 3 N2 + 8 H2

Ces réactions dégagent suffisamment d'énergie pour conduire la chambre de combustion à 800 °C en une milliseconde[1]) avec un très bon rendement[2], d'où une impulsion spécifique dans le vide d'environ 220 s[3].


Propriétés des propergols liquides

Notes et références

  1. a et b R. Vieira, « New carbon nanofiber/graphite felt composite for use as a catalyst support for hydrazine catalytic decomposition », Chemical Communications, no 9,‎ , p. 954–955 (DOI 10.1039/b202032g)
  2. a et b Xiaowei Chen, « Catalytic Decomposition of Hydrazine over Supported Molybdenum Nitride Catalysts in a Monopropellant Thruster », Catalysis Letters, vol. 79,‎ , p. 21-25 (DOI 10.1023/A:1015343922044)
  3. Monopropellant Hydrazine Thrusters

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie