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Les enjeux de l'économie de l'attention se laissent entrevoir dès le début du {{s|XX|e}}<ref name=eco>Citton (2014), ''Pour une écologie de l'attention'', p.20</ref>. Le sociologue [[Gabriel Tarde]] formule en effet, au début siècle dernier, les toutes premières réflexions autour d'une économie de l'attention, constatant que la surproduction industrielle nécessite des formes de publicités qui puissent « arrêter l'attention, la fixer sur la chose offerte »<ref name=danscitton>Cité dans Citton, ''Pour une écologie de l'attention'', p. 20</ref>.
Les enjeux de l'économie de l'attention se laissent entrevoir dès le début du {{s|XX|e}}<ref name=eco>Citton (2014), ''Pour une écologie de l'attention'', p.20</ref>. Le sociologue [[Gabriel Tarde]] formule en effet, au début siècle dernier, les toutes premières réflexions autour d'une économie de l'attention, constatant que la surproduction industrielle nécessite des formes de publicités qui puissent « arrêter l'attention, la fixer sur la chose offerte »<ref name=danscitton>Cité dans Citton, ''Pour une écologie de l'attention'', p. 20</ref>.


En 1969, le chercheur [[Herbert Simon]] formule le concept en des termes plus précis :
En 1971, le chercheur [[Herbert Simon]] formule le concept en des termes plus précis :
{{Début citation}}Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer{{Fin citation|Simon, H. A. « Designing Organizations for an Information-Rich World »|<ref>Simon, H. A. (1971), « Designing Organizations for an Information-Rich World », in Martin Greenberger, ''Computers, Communication, and the Public Interest'', Baltimore, MD: The Johns Hopkins Press, {{ISBN|0-8018-1135-X}}</ref>}}
{{Début citation}}Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer{{Fin citation|Simon, H. A. « Designing Organizations for an Information-Rich World »|<ref>Simon, H. A. (1971), « Designing Organizations for an Information-Rich World », in Martin Greenberger, ''Computers, Communication, and the Public Interest'', Baltimore, MD: The Johns Hopkins Press, {{ISBN|0-8018-1135-X}}</ref>}}


La citation de Simon est présente dans la quasi-totalité des écrits sur l'économie de l'attention, mais il faut la remettre dans le contexte de sa pensée selon Agnès Festré et Pierre Garrouste<ref name=":0">{{Article|langue=en|prénom1=Agnès|nom1=Festré|prénom2=Pierre|nom2=Garrouste|titre=The ‘Economics of Attention’: A History of Economic Thought Perspective|périodique=Œconomia. History, Methodology, Philosophy|numéro=5-1|date=2015-03-01|issn=2113-5207|doi=10.4000/oeconomia.1139|lire en ligne=http://journals.openedition.org/oeconomia/1139|consulté le=2019-03-25|pages=3–36}}</ref>. Celle-ci se caractérise par un accent mis sur la cogniton (les limites de notre capacité d'attention) et un autre mis sur la structure (l'organisation oriente l'attention des individus). Simon s'intéresse au processus de décision dans une perspective de [[Rationalité limitée|rationalité limitée]].
En 1989, l'économiste et philosophe allemand Georg Franck propose formellement une première approche analytique dans le domaine de l'économie de l'attention<ref>Citton (2014), ''Pour une écologie de l'attention'', p.22</ref>{{,}}<ref>Un article de Franck à ce sujet est disponible en français dans Citton (dir.) sous le titre ''Économie de l'attention''</ref>.

Comme le montre Festré et Garrouste, de très nombreux chercheurs, à la frontière entre la psychologie et l'économie, se sont intéressés à l'économie de l'attention<ref name=":0" />. Parmi les pionniers, on peut citer [[Friedrich Hayek]] et ses premiers travaux sur l'ordre sensoriel et nos capacités de classification<ref>{{Ouvrage|prénom1=F. A.|nom1=Hayek|titre=The Sensory Order|éditeur=University of Chicago Press|date=1999|isbn=9780226320946|isbn2=9780226321301|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.7208/chicago/9780226321301.001.0001|consulté le=2019-03-25}}</ref><ref name=":0" />.

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En 1989, l'économiste et philosophe allemand Georg Franck propose formellement une approche analytique dans le domaine de l'économie de l'attention<ref>Citton (2014), ''Pour une écologie de l'attention'', p.22</ref>{{,}}<ref>Un article de Franck à ce sujet est disponible en français dans Citton (dir.) sous le titre ''Économie de l'attention''</ref>.


Plus récemment dans le grand public, l'avènement de l’économie de l’attention a été mise au jour à travers la polémique qui a suivi le discours de [[Patrick Le Lay]] qui, parlant du [[modèle d'affaire]] de [[TF1]] affirma ceci : {{Citation|Ce que nous vendons à [[Coca-Cola]], c'est du [[temps de cerveau humain disponible]]}}<ref name=express>[http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/patrick-le-lay-president-directeur-general-de-tf1_105361.html « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible »], ''[[L'Expansion]] - [[L'Express]]'', 9 juillet 2004.</ref>.
Plus récemment dans le grand public, l'avènement de l’économie de l’attention a été mise au jour à travers la polémique qui a suivi le discours de [[Patrick Le Lay]] qui, parlant du [[modèle d'affaire]] de [[TF1]] affirma ceci : {{Citation|Ce que nous vendons à [[Coca-Cola]], c'est du [[temps de cerveau humain disponible]]}}<ref name=express>[http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/patrick-le-lay-president-directeur-general-de-tf1_105361.html « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible »], ''[[L'Expansion]] - [[L'Express]]'', 9 juillet 2004.</ref>.

Version du 25 mars 2019 à 12:50

L’économie de l’attention est une nouvelle branche des sciences économiques et de gestion qui traite l'attention comme une ressource rare en prenant appui sur les théories économiques afin de problématiser « le fonctionnement de marchés dans lesquels l’offre est abondante (et donc économiquement dévalorisée) et la ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs »[1]. Dans ce contexte, le niveau d'attention dont bénéficie un objet est une source de valorisation : les produits de la surabondance de l'offre (contenus numériques, radiophoniques, télévisuels, etc.) sont ceux qui, offerts à très peu de frais la plupart du temps, consomment l'attention désormais limitée par cette même surabondance, et les objets qui en sont investis prennent de la valeur.

Histoire

Les enjeux de l'économie de l'attention se laissent entrevoir dès le début du XXe siècle[2]. Le sociologue Gabriel Tarde formule en effet, au début siècle dernier, les toutes premières réflexions autour d'une économie de l'attention, constatant que la surproduction industrielle nécessite des formes de publicités qui puissent « arrêter l'attention, la fixer sur la chose offerte »[3].

En 1971, le chercheur Herbert Simon formule le concept en des termes plus précis :

« Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer »

— Simon, H. A. « Designing Organizations for an Information-Rich World », [4]

La citation de Simon est présente dans la quasi-totalité des écrits sur l'économie de l'attention, mais il faut la remettre dans le contexte de sa pensée selon Agnès Festré et Pierre Garrouste[5]. Celle-ci se caractérise par un accent mis sur la cogniton (les limites de notre capacité d'attention) et un autre mis sur la structure (l'organisation oriente l'attention des individus). Simon s'intéresse au processus de décision dans une perspective de rationalité limitée.

Comme le montre Festré et Garrouste, de très nombreux chercheurs, à la frontière entre la psychologie et l'économie, se sont intéressés à l'économie de l'attention[5]. Parmi les pionniers, on peut citer Friedrich Hayek et ses premiers travaux sur l'ordre sensoriel et nos capacités de classification[6][5].

Plus récemment, Georg Franck[7], Thomas Davenport et Georges Beck[8], Michael Goldhaber[9], Richard Lahan[10], Yves Kessous[11] et Yves Citton[12][13] y ont apporté leur contribution.

En 1989, l'économiste et philosophe allemand Georg Franck propose formellement une approche analytique dans le domaine de l'économie de l'attention[14],[15].

Plus récemment dans le grand public, l'avènement de l’économie de l’attention a été mise au jour à travers la polémique qui a suivi le discours de Patrick Le Lay qui, parlant du modèle d'affaire de TF1 affirma ceci : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible »[16].

Enjeux contemporains

Notes et références

  1. Musique et numérique : L’économie MySpace est-elle favorable à la création ? Daniel Kaplan, InternetActu 12/04/07
  2. Citton (2014), Pour une écologie de l'attention, p.20
  3. Cité dans Citton, Pour une écologie de l'attention, p. 20
  4. Simon, H. A. (1971), « Designing Organizations for an Information-Rich World », in Martin Greenberger, Computers, Communication, and the Public Interest, Baltimore, MD: The Johns Hopkins Press, (ISBN 0-8018-1135-X)
  5. a b et c (en) Agnès Festré et Pierre Garrouste, « The ‘Economics of Attention’: A History of Economic Thought Perspective », Œconomia. History, Methodology, Philosophy, nos 5-1,‎ , p. 3–36 (ISSN 2113-5207, DOI 10.4000/oeconomia.1139, lire en ligne, consulté le )
  6. F. A. Hayek, The Sensory Order, University of Chicago Press, (ISBN 9780226320946 et 9780226321301, lire en ligne)
  7. (en) Georg Franck, « The economy of attention », Journal of Sociology, vol. 55, no 1,‎ , p. 8–19 (ISSN 1440-7833 et 1741-2978, DOI 10.1177/1440783318811778, lire en ligne, consulté le )
  8. Davenport, Thomas H., 1954-, The attention economy : understanding the new currency of business, Harvard Business School Press, (ISBN 157851441X, 9781578514410 et 1578518717, OCLC 45583388, lire en ligne)
  9. Michael H. Goldhaber, « The attention economy and the Net », First Monday, vol. 2, no 4,‎ (DOI 10.5210/fm.v2i4.519, lire en ligne, consulté le )
  10. Davenport, Thomas H., 1954-, The attention economy : understanding the new currency of business, Harvard Business School Press, (ISBN 157851441X, 9781578514410 et 1578518717, OCLC 45583388, lire en ligne)
  11. Kessous, Emmanuel., L'attention au monde : sociologie des données personnelles à l'ère numérique, Armand Colin, (ISBN 9782200280550 et 2200280556, OCLC 826849887, lire en ligne)
  12. Citton, Yves, (1962- ...).,, L'économie de l'attention nouvel horizon du capitalisme?, La Découverte, impr. 2014, cop. 2014 (ISBN 9782707178701 et 2707178705, OCLC 881708057, lire en ligne)
  13. Citton, Yves, (1962- ...)., Pour une écologie de l'attention, Éd. du Seuil, dl 2014, cop. 2014 (ISBN 9782021181425 et 2021181421, OCLC 892725761, lire en ligne)
  14. Citton (2014), Pour une écologie de l'attention, p.22
  15. Un article de Franck à ce sujet est disponible en français dans Citton (dir.) sous le titre Économie de l'attention
  16. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible », L'Expansion - L'Express, 9 juillet 2004.

Voir aussi

Bibliographie

  • Yves Citton (dir.), L'économie de l'attention : Nouvel horizon du capitalisme ?, Paris, Éditions La découverte, 2014 (ISBN 2707182966)
  • Yves Citton, Pour une écologie de l'attention, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2014 (ISBN 9782021181425)
  • Emmanuel Kessous, L'attention au monde : Sociologie des données personnelles à l'ère numérique, Paris, Éditions Armand Colin, coll. « Recherches », 2012 (ISBN 9782200280550)

Articles connexes

Liens externes