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Utilisateur:Phieronimus/Brouillon

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Pacification du cap Bon
Image illustrative de l’article Phieronimus/Brouillon
Ruines consécutives à une attaque sur Tazarka.

Localisation Tazarka, El Maamoura, Beni Khalled, Beni Khiar, Somaa, Kelibia, Hammam Ghezèze, Menzel Bouzelfa
Cible Civils, foyers suspectés de sabotage
Coordonnées 37° 05′ 15″ nord, 11° 02′ 07″ est
Date Entre le 28 janvier et le 2 février 1952
Type Exécution de masse, Viols, Pillage
Morts (env.) 200[1]. non-combattants
Blessés 1 soldat
Auteurs General Garbay, Jean de Hauteclocque
Organisations Légion étrangère : 3e régiment étranger de parachutistes
Géolocalisation sur la carte : Tunisie
(Voir situation sur carte : Tunisie)
Phieronimus/Brouillon

La pacification du cap Bon – aussi appelée « opération de ratissage » - est une série d'interventions militaires et politiques menées par la France dans la région du Cap Bon, au nord-est de la Tunisie, entre 1951 et 1956. Ce chapitre sombre illustre la lutte entre les forces coloniales françaises et les mouvements nationalistes tunisiens, qui aboutira à l'indépendance de la Tunisie. Les évènements majeurs de cette dite pacification ont lieu du 20 janvier au 1er février 1952, le Cap Bon devient alors le théâtre d'opérations militaires violentes menées par la Légion étrangère sous le commandement du Général Pierre Garbay. Ces opérations sont marquées par des pillages, des destructions, des exécutions sommaires et des viols, exacerbant la résistance tunisienne dans la région et ailleurs. L'historienne Georgette Elgey, dans son Histoire de la IVe République (Robert Laffont, 2018), confirme un nombre de 200 pour les civils tués[2].

Contexte historique[modifier | modifier le code]

En 1952, la Tunisie était sous protectorat français depuis 1881. Ce régime, bien que nominalement un "territoire protégé", fonctionnait de facto comme une occupation où la "sécurité militaire" était maintenue par la France, et où le pouvoir législatif, administratif et judiciaire était dominé par le résident général français. Ce dernier avait le pouvoir de promulguer des décrets et d'annuler toute décision des autorités locales. En 1951, les autorités françaises renforçaient cette occupation en refusant les transferts de souveraineté demandés par les Tunisiens, affirmant ainsi le "caractère définitif" des liens entre la France et la Tunisie.

Or les aspirations nationalistes montaient en puissance. La population tunisienne, galvanisée par des leaders comme Habib Bourguiba (mouvance nationale), Ferhat Hached (mouvance syndicale), Salah Ben Youssef (mouvance islamo nationale) ainsi que par les antennes locales du Néo-Destour et de l'UGTT [3]. Lesquels demandaient de plus en plus fortement l'indépendance sinon l'autonomie. Cette période était marquée par une répression accrue de la part des autorités françaises, qui voyaient d’un mauvais œil ces aspiration a l'autonomie. La nomination de Jean de Hauteclocque comme résident général en Tunisie en janvier 1952 marqua un durcissement significatif de la politique coloniale française.

Le président de la République française, Vincent Auriol, lui-même, a noté le 3 décembre 1952 dans son Journal : « On fait là-bas, actuellement et depuis longtemps, de l’administration directe [4]».

Les Événements de Cap Bon[modifier | modifier le code]

Les événements de Cap Bon, en janvier 1952, marquent une période particulièrement sombre de la lutte pour l'indépendance tunisienne. Cette région, située dans le nord-est de la Tunisie, fut le théâtre d'une répression militaire brutale menée par les forces coloniales françaises. Les opérations, appelées ratissages, visaient à écraser les foyers de résistance nationaliste.

Contexte et Début des Opérations[modifier | modifier le code]

Jean de Hauteclocque est nommé Résident général en Tunisie le 13 janvier 1952, arrivant à Tunis à bord du croiseur Le Mercure. Il remplace Louis Périllier et témoigne rapidement d'une opposition farouche aux mouvements nationalistes, notamment en rencontrant le bey sans la présence des ministres, ce que ce dernier refuse. Le 18 janvier 1952, la situation en Tunisie s'aggrave avec l'arrestation de 150 militants nationalistes, communistes et néo-destouriens par Jean de Hauteclocque, le nouveau résident général français, arrivé à Tunis quelques jours auparavant. Sa politique répressive est résumée par sa maxime : « Jusqu'ici, nous avons bandé mou, maintenant il nous faut bander dur » [5]. Ces arrestations provoquent une flambée de violences à travers le pays, notamment des grèves générales et des manifestations de rue organisées par le Néo-Destour. Le 18 janvier, la tension croissante explose après l'arrestation des leaders[6]. du Néo-Destour, entraînant une vague de grèves et de manifestations en Tunisie. L'UGTT appelle à la grève et les commerçants ferment leurs magasins. Les autorités, croyant pouvoir contrôler la situation en arrêtant les leaders, préfèrent l'intimidation à la violence. Hédi Chaker et plusieurs délégués sont arrêtés peu après le congrès, mais ces mesures ne font qu'alimenter l'insurrection. La grève générale décrétée le 18 janvier continue, accompagnée de manifestations violentes dans diverses régions, entraînant de nombreux blessés et morts. Malgré cela, des incidents sanglants éclatent dès le jour-même dans la capitale, avec des morts et des blessés. La révolte s'intensifie à partir du 19 janvier, forçant le résident général à adopter une répression aveugle[7].

Arrestations et Répressions Massives (janvier-février 1952)[modifier | modifier le code]

À partir du 22 janvier, des affrontements plus sanglants surviennent dans le Sahel et au Cap Bon. À Sousse, une émeute cause la mort de douze Tunisiens et une trentaine de blessés. Le lendemain, à Moknine, une fusillade éclate lors d'une manifestation, et la situation dégénère en bataille rangée à Téboulba avec plusieurs morts et blessés. Jean de Hauteclocque instaure le couvre-feu et l'état d'urgence suite de la mort - encore le 22 janvier - du colonel Durand à Sousse, alors qu'il tentait de raisonner les manifestants. En faisant état de sa mort, le communiqué de la Résidence prétendait que « le colonel avait été atteint de deux coups de feu, alors qu’il parlementait avec les manifestants ». La réalité est que le colonel était mort des suites de coups de gourdin en bois d’olivier qu’un manifestant lui assena à la tête, après que l’officier eut fait usage de son arme et que celle-ci se fut enrayée[8]. Le lieutenant de gendarmerie Vaché le 23 janvier, est assassiné à son tour alors qu'il traversait la ville de Béni Khalled avec une patrouille. La répression violente des autorités ne réussit pas à calmer la situation, les populations locales continuant à résister malgré les arrestations et les sévices. Il interdit également le congrès du Néo-Destour et lance une opération de ratissage dans le Cap Bon, aboutissant à l'arrestation de Habib Bourguiba et d'autres leaders nationalistes.

Le Massacre de Cap Bon[modifier | modifier le code]

Le 28 janvier 1952, les troupes françaises lancent une opération militaire massive dans la région de Cap Bon. Les villages de Tazarka, El Maâmoura et Béni Khiar [9] sont sévèrement touchés pendant trois jours (du 28 janvier au 1er février 1952). Les troupes françaises, équipées de blindés et de chars, procèdent à des perquisitions brutales, des actes de barbarie et des destructions de biens. La répression[10]. est d'une violence extrême, laissant derrière elle un lourd bilan humain : exécutions sommaires, pillages, viols et piétinement de bébés. Selon une commission d'enquête[11] menée par les ministres Mahmoud El Materi et Mohamed Ben Salem, au moins trente civils sont tués lors de ces opérations et les décombres de deux mosquées sont retrouvés souillés[12].

La Nature des Opérations[modifier | modifier le code]

Les operations dans le Cap Bon sont caractérisés par un déploiement disproportionné de la force. Des tanks et des troupes lourdement armées sont déployés dans des villages, transformant ce qui devait être une "opération de police" en véritable campagne militaire. Les fermes et les maisons sont pillées et incendiées, les habitants maltraités et parfois exécutés sans jugement[13].

Les arrestations arbitraires de plus de 2000 personnes et internées dans le camp de concentration de Servière à Fondouk-Djedid - a l'indépendance il sera transformé en académie militaire. Un correspondant de l’Associated Press écrivit, après sa visite seulement à Tazerka : « Il s’agit de crimes prémédités, d’expéditions punitives minutieusement organisées et effectuées avec une sauvagerie implacable «.

Le Coup de Force du 26 Mars 1952[modifier | modifier le code]

Le 26 mars 1952, Jean de Hauteclocque, appliquant une politique répressive rigoureuse, ordonna l'arrestation de plusieurs ministres tunisiens, dont M'hamed Chenik, Mahmoud El Materi, Mohamed Salah Mzali et Mohamed Ben Salem. Ces arrestations faisaient suite à un ultimatum infructueux émis le 25 mars, exigeant le départ du gouvernement tunisien dirigé par Chenik. Les ministres furent déportés dans le sud de la Tunisie, à Kébili, tandis qu’Habib Bourguiba fut transféré à Remada. Cette opération visait à décapiter le mouvement nationaliste tunisien en éliminant ses principaux leaders, considérés comme complices de l'insurrection contre l’autorité coloniale.

Réactions[modifier | modifier le code]

La violence des opérations choque l'opinion publique internationale. La presse américaine, entre autres, se saisit rapidement de l'affaire, dénonçant les exactions commises par les forces françaises. En Tunisie, la répression ne fait qu'amplifier la détermination du mouvement nationaliste. Des manifestations et des grèves générales sont organisées en signe de protestation, transformant la médina de Tunis et ses environs en ville morte. Cette mobilisation massive démontre le soutien populaire croissant officiellement pour l'autonomie ; officieusement pour l'indépendance.

L’impact sur le mouvement nationaliste[modifier | modifier le code]

Le Néo-Destour, bien que sévèrement touché par les arrestations de ses leaders, continue d'organiser la résistance. Le mouvement nationaliste, en dépit de la répression, maintient une pression constante sur les autorités coloniales. La violence des "ratissages" renforce la légitimité de leur cause et galvanise la population tunisienne contre l'occupant français.

Les répercussions politiques[modifier | modifier le code]

Sur le plan politique, ces événements exacerbent les tensions entre la Tunisie et la France. Le gouvernement tunisien, sous la direction de Lamine Bey, refuse de céder aux demandes françaises de limoger les ministres nationalistes. La déportation de ces ministres dans le sud du pays et le maintien de Bourguiba en détention illustrent la détermination des autorités françaises à maintenir le contrôle, mais aussi leur crainte croissante face à l'ampleur du mouvement indépendantiste. En somme, les événements de Cap Bon en janvier 1952 sont une illustration tragique de la brutalité de la répression coloniale française et de la résilience du mouvement nationaliste tunisien. Ces opérations militaires, loin d'éteindre les aspirations à l'indépendance, ont au contraire renforcé la détermination du peuple tunisien à lutter pour sa liberté. Les massacres et les violences perpétrés ont marqué un tournant dans la lutte pour l'indépendance, attirant l'attention internationale et augmentant la pression sur la France pour qu'elle mette fin à son régime colonial en Tunisie.

Les Conséquences et Réactions[modifier | modifier le code]

Ces événements eurent des répercussions profondes, intensifiant le mouvement nationaliste tunisien et attirant l'attention internationale. Les brutalités commises par les forces françaises furent largement condamnées, notamment par la presse américaine. Les ratissages furent perçus comme des actes de guerre visant à étouffer toute résistance et à maintenir l’ordre colonial par la terreur. Ces expéditions punitives eurent pour effet de galvaniser davantage les nationalistes tunisiens, renforçant leur détermination à lutter pour l'indépendance.

L'Influence du Mouvement Nationaliste[modifier | modifier le code]

Le mouvement national tunisien, structuré autour du Néo-Destour de Habib Bourguiba et de l'UGTT de Farhat Hached, se renforça significativement après ces événements. Malgré les arrestations massives et la répression violente, le Néo-Destour réussit à mobiliser la population par le biais de grèves générales, de manifestations et de diverses formes de résistance. Les dirigeants nationalistes adoptèrent des stratégies de résistance diversifiées pour faire face aux actions brutales de l’administration coloniale.

L'Assassinat de Ferhat Hached (5 décembre 1952)[modifier | modifier le code]

Ferhat Hached, leader syndicaliste influent et symbole de la résistance tunisienne, est assassiné par la Main Rouge, un groupe paramilitaire lié aux services secrets français. Cet événement tragique marque un tournant dans la lutte pour l'indépendance, mobilisant l'opinion publique tunisienne et internationale contre la présence française.

La responsabilité de Jean de Hauteclocque et de la Légion[modifier | modifier le code]

Jean de Hauteclocque, avec sa politique de répression sévère, fut un acteur central de cette période. Arrivé en Tunisie en janvier 1952, il déclara immédiatement son intention de durcir la répression contre les mouvements nationalistes. Sa politique se caractérisa par des arrestations massives, des déportations et des opérations militaires brutales. Hauteclocque justifia ses actions comme nécessaires pour maintenir l’ordre colonial et réprimer les velléités d’indépendance.

Le général Garbay qui commandait les troupes engagées dans le « ratissage » du Cap Bon, déclara, pour sa part, que « les viols et les avortements » font « partie du folklore tunisien », ajoutant : « Les femmes se vantaient — elles en sont revenues depuis — d’avoir été violées et les étudiants, après s’être assurés qu’elles étaient mariées, s’offraient généreusement à les épouser pour effacer l’outrage. On allait même jusqu’à photographier le sexe d’une femme qui avait des égratignures aux fesses et à présenter au bey ce tableau suggestif que Son Altesse considérait d’ailleurs avec un intérêt évident.»[14]

Conclusion[modifier | modifier le code]

La pacification du Cap Bon révèle les difficultés de la France à maintenir son emprise sur la Tunisie face à un mouvement nationaliste de plus en plus résolu. Les événements de cette période, marqués par des actes de violence extrême, ont non seulement façonné le cours de l'histoire tunisienne mais ont également influencé les politiques décolonisatrices dans d'autres parties de l'Afrique et du monde. Les massacres du Cap Bon et le coup de force du 26 mars 1952 constituent des épisodes tragiques de l'histoire tunisienne, révélant la brutalité de la répression coloniale et l’intensité de la lutte pour l'indépendance. Ces événements furent un tournant dans la résistance tunisienne, renforçant la détermination du peuple tunisien à obtenir sa souveraineté. Sous la pression internationale et face à une résistance interne croissante, la France entame des négociations avec les leaders tunisiens. Ces pourparlers aboutiront à l'autonomie interne en 1955, suivie par la proclamation de l'indépendance complète de la Tunisie le 20 mars 1956.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994
  • Le livre blanc sur la détention politique en Tunisie, élaboré par la commission internationale contre le régime concentrationnaire (Bruxelles, 1953)
  • Hedi Baccouche, En toute franchise, éd. Sud Éditions, Tunis, 2018
  • Alain Ruscio, Y'a bon les colonies, Autrement n°144, Oublier nos crimes, avril 1994.

Note et Références[modifier | modifier le code]

  1. « LE RATISSAGE DU CAP BON: RAPPORT DE MATERI ET BEN SALEM ».
  2. Témoignage chrétien, Le Drame tunisien,
  3. Thierry Brésillon, « Un crime d’Etat en Tunisie : Ferhat Hached, le symbole (1/3) » [zip], sur nouvelobs.com.
  4. « Le régime de protectorat : l’occupation de la Tunisie par les autorités françaises » [PDF]
  5. Thierry Brésillon, « Un crime d’Etat en Tunisie : Ferhat Hached, le symbole (1/3) » [zip], sur nouvelobs.com.
  6. Habib Kazdaghli, « Coup de force colonialiste en Tunisie » [zip], sur humanite.fr.
  7. Institut national de la statistique et des études économiques, « Fichiers des personnes décédées depuis 1970 » [zip], sur lapresse.tn.
  8. « Aujourd’hui — commémoration des évènements du 18-janvier: Une page glorieuse de l’histoire oubliée » [zip], sur lapresse.tn.
  9. « Le massacre perpétré par les troupes françaises à Tazerka, le 29 janvier 1952: le rapport inédit des Drs [[Mahmoud El Materi]] et [[Mohamed Ben Salem]] » [zip], sur leaders.com.tn.
  10. « Scandales et crimes d'Etat des 21 et 22 janvier " » [zip], sur mediapart.fr.
  11. Mahmoud El Materi, Mohamed Ben Salem, « Rapport au sujet de les evenements du Cap-Bon » [zip], sur leaders.com.tn.
  12. ANDRÉ SEVRY, « UNE VISITE dans les villages du cap Bon où eurent lieu les " ratissages " » [zip], sur lemonde.fr.
  13. Henri DE MASSALS, « Le cap Bon où la Légion a procédé A DE RUDES OPERATIONS DE " NETTOYAGE " est par un loyer d'agitation » [zip], sur lemonde.fr.
  14. Hedi Baccouche, En toute franchise, Tunis, Sud Éditions,

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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