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Théâtre Parminou[modifier | modifier le code]

La "Coopérative des travailleuses et travailleurs de théâtre des Bois-Francs, théâtre Parminou", aussi connu sous le nom Théâtre Parminou est une troupe de création collective et de tournée permanente et professionnelle. Créée en 1973, la troupe s'inscrit dans un courant du théâtre collectif au Québec, faisant partie du mouvement du Jeune Théâtre. D'abord basée à Québec, la troupe s'installe rapidement à Victoriaville pour répondre à sa volonté d'être proche de toute la population, et pas seulement de celle des grandes villes. C'est à ce moment que la troupe se désigne comme "coopérative", affirmant sa volonté de collectif. Le Parminou disait dans un entretien en 1983 :

"Le Parminou devenait une organisation théâtrale à finalités multiples : économiques (faire vivre les membres de la troupe), sociales (faire un théâtre intégré à la société) et, par-dessus tout, artistiques (faire du théâtre). Nous voulions être une organisation politique."[1]

Toujours en activité aujourd'hui, la troupe n'a pas changé sa politique d'origine : un théâtre engagé, proche des classes populaires, qui cherche à poser des questions de société.

Origines et création de la troupe[modifier | modifier le code]

La troupe est créée par d'anciens étudiants de théâtre de Québec ou de Montréal au printemps 1973. Ils font alors partis du programme Perspective Jeunesse qui leur permet de se rencontrer et de faire une première tournée à travers la région de Québec. Ils sont alors dix-sept comédiens, avec une vision très politique de ce que pourrait être le théâtre et la volonté de faire autre chose que du théâtre conventionnel.

Ils se retrouvent un an plus tard, en 1974, pour présenter leurs premières créations La grand'langue et Porte dans face, face dans porte. Ils ne sont déjà plus que treize alors, et ne seront plus que six à la fin de ce deuxième été. On garde ces six derniers comme fondateurs du théâtre Parminou : Hélène Desperrier, Jean-Léon Rondeau, Jack Robitaille, Remy Girard, André Poulin et Jean-Pierre Cyr. Hélène Desperrier est la seule fondatrice du Parminou encore présente dans la troupe actuelle.

Contexte historique et influences artistiques[modifier | modifier le code]

Les années soixante et soixante-dix sont marquées par une grande effervescence politique et de nombreuses revendications que le théâtre Parminou incluait dans ses préoccupations. Chaques décennies est liée à des questions politiques que l'on retrouve dans le théâtre et l'art en général.

Les années soixante[modifier | modifier le code]

Ainsi, les années soixante sont marquées par des pratiques théâtrales liées au nationalisme : le premier spectacle du Parminou La Grand'langue (1974) s'inscrit dans ce questionnement autour de l'histoire québécoise et de l'assimilation de la culture québécoise par la langue. Mais le théâtre Parminou n'est pas précurseur face à ce thème : le théâtre de cette décennie est incrusté dans le débat de l'identité québécoise. La première des Belles-sœurs de Michel Tremblay en 1968 est une révolution dans l'affirmation d'un théâtre proprement québécois dont les personnages ont un langage et des préoccupations québécoises. Les années soixante sont en effet politiquement marquées par la Révolution Tranquille, qui permet l'acquisition de nouveaux droits pour les classes populaires : protection sociale, éducation, etc. C'est aussi le temps des revendications nationalistes croissantes au Québec, avec notamment la création du Front de libération du Québec. Au départ très soutenu par les milieux ouvriers comme intellectuels, les actes de plus en plus violents du FLQ signeront sa fin.

Les années soixante-dix[modifier | modifier le code]

Cependant les années soixante-dix voit émerger des revendications de moins en moins tournées vers le nationalisme, et de plus en plus sociales et économiques. La Crise d'Octobre en 1970 est la borne de ce changement. Une importante crise économique touche le pays et fait naître des mouvements ouvriers anti-capitalistes : les mouvements proprement communistes se développent. Enfin, des mouvements féministes voient aussi le jour dans cette décennie.

Le théâtre s'empare de toutes ces préoccupations et de nombreuses troupes de théâtre collectif, engagé, d'intervention ou encore d'expérimentation voient le jour. Sous des formes variées, le but est le même : trouver de nouvelles formes d'expression pour se détacher d'un théâtre trop institutionnel. La création du Grand Cirque ordinaire en 1969 pose les bases de la création collective qui cherche à s'adresser à un public très large et à prendre ses distances par rapport au théâtre institutionnalisé. Le Théâtre Euh! naît en 1970 suivant la veine de démocratisation de l'art, proche d'un public populaire, jouant dans des espaces qui ne sont pas faits pour accueillir du théâtre. De nombreuses autres troupes verront le jour, dont le Parminou en 1973. Deux ans plus tard, en 1975, ils signent le "Manifeste pour un théâtre au service du peuple" en partenariat avec le Théâtre Euh, la Gaboche, Les Gens d'en bas, le Tit Tac Boom, le Comité de direction de l'Association Québécoise du Jeune Théâtre (AQJT dont fait partie le Parminou).

Le Parminou s'inspire fortement des troupes de création collective présentes au Québec avant lui. Il ne se revendique pas du théâtre d'agit-prop, pourtant présent au Canada dès les années trente, puisque ce théâtre d'intervention est souvent trop dépendant des partis politiques. Ils en conservent l'essence en affirmant une parole politique et en voulant agir sur le spectateur. En revanche, ils s'inspirent du Théâtre Euh! en ce qui concerne la dimension de l'engagement politique, et la forme théâtrale improvisée à base de canevas. Certains des membres fondateurs du Parminou, élèves du conservatoire de Québec, ont pu suivre les cours de Marc Doré en improvisation. Ce membre du Théâtre Euh! mettait aussi l'accent sur le jeu corporel qu'il tenait de Jacques Lecoq dont il a reçu l'enseignement en France.[2] Le Grand Cirque ordinaire inspire aussi la troupe dans sa façon d'aborder la création collective ainsi que dans le style de jeu proposé.[2]

Mais le Parminou est surtout influencé à ses débuts par les troupes d'intervention américaines. L'aspect très politique des performances du Living Theatre, anti-capitaliste et anti-impérialiste se rapproche des idées que voudrait défendre la troupe. La forme présentée n'est cependant pas celle qui leur correspond, ils vont aller chercher du côté de la San Francisco Mime Troupe qui utilise des techniques empruntées au cirque, à la Commedia dell'arte, aux clowns. Ces esthétiques se rapprochent en effet des formes populaires de spectacles, on pourrait aussi évoquer le burlesque une forme avec laquelle les classes populaires peuvent s'identifier.[3] La forme didactique du théâtre donné par la San Francisco Mime Troupe est un élément que cherche à reprendre le Parminou, qui s'intéresse aussi à l'organisation de la troupe dans sa dimension collective. Enfin, les membres du Parminou s'inspirent du Bread and Puppet lorsque la troupe se déplace à Québec. Ils suivent alors un stage avec Peter Schumann, fondateur de la compagnie. La dimension cérémonielle, l'utilisation d'objets et de marionnettes marquent leur intérêt pour le théâtre d'objet.[4]

Les fondements du théâtre Parminou[modifier | modifier le code]

Le nom choisi par la troupe "Parminou" est révélateur de leur volonté de faire du théâtre parmi tous, d'aller à la rencontre du public pour mettre en scène des sujets qui le touchent et qui questionnent la société[5]. Ils veulent être proches des classes populaires en donnant des représentations dans la rue, en tournée, sous la forme d'interventions. Le Parminou s'oppose au théâtre institutionnel, commercial et c'est pour cette raison que la troupe fonctionne sur une base collective.

Le fonctionnement des troupes collectives[modifier | modifier le code]

La première dimension du théâtre institutionnel rejetée par le théâtre collectif est le pouvoir de l'auteur. Tous les fondateurs du Parminou sont comédiens, et ils refusent la suprématie de l'auteur tout comme celle du metteur en scène au profit de la création et de la liberté du comédien. Ils refusent autant la hiérarchisation à l'intérieur de la troupe, afin que chacun soit impliqué, sans vedettariat. C'est pourquoi les communiqués de ce théâtre ont toujours été signés du théâtre Parminou, les noms des membres de la troupe n'apparaissent pas.[6] Ils parviennent donc à une égalité dans le travail en cohérence avec leur engagement politique socialiste. La troupe fonctionne selon le modèle de l'auto-gestion, de façon démocratique. Ils se regroupent sous la forme d'une coopérative ouvrière de production lorsqu'ils s'installent à Victoriaville.

"Le fonctionnement de la troupe (intimement lié à son idéologie) se concrétise à travers un partage équitable des responsabilités, des tâches et des salaires; les membres s'assurent mêmes droits et mêmes avantages" - propos tenus par Yves Dagenais lors d'un entretien. [7]

C'est au cours d'assemblées générales que l'on décide des tâches à remplir et du rôle de chacun. Tout le monde a le même salaire, les hommes comme les femmes, mais aussi les comédiens, les secrétaires, les décorateurs. Le but est ainsi de valoriser le travail de chacun. Dans les années soixante-dix et quatre-vingts, les membres de la troupe ont aussi la chance d'être couverts pour leurs frais de santé non pris en charge par les services gouvernementaux. Les vêtements de travail sont aussi pris en charge collectivement par la troupe.

La grande majorité des membres de la troupe est aussi engagée dans des organismes populaires en lien avec le théâtre Parminou. Cet engagement est considéré comme du temps de travail, il était donc rémunéré.

Tout était mis en œuvre pour permettre à la troupe de subsister de façon durable, tout en étant en accord avec ses valeurs. Le financement se basait sur trois principales sources : les subventions publiques du Conseil des Arts du Canada et du Ministère des Affaires culturelles du Québec, les revenus des différentes commandes, ainsi que ceux engendrés par la vente de billets. Cependant, le Parminou perd en 1993 la totalité des fonds accordés par le Conseil des Arts[2] : ils se replient donc complètement sur le théâtre de commande. Ils mettent aussi en place dès 1994 les "Cabarets-théâtre". Organisés tous les ans, la troupe invite des comédiens, personnalités de théâtre connus pour une soirée bénéfice. L'argent récolté permet à la troupe un apport financier non négligeable pour l'année à venir. [8]

Trois types de création[modifier | modifier le code]

Le Parminou propose trois types de créations différentes.

Le théâtre-maison[modifier | modifier le code]

Le "théâtre-maison" est un spectacle proposé à l'initiative de la troupe qui décide du sujet, de la forme de la pièce etc. La troupe peut aussi chercher un organisme qui pourrait être intéressé par leur pièce de façon à trouver un soutien financier, mais aussi un public. Dans ce cas la structure fait office d'accueil au spectacle monté par la troupe. Sinon, le Parminou présente sa pièce en tournée, dans des lieux d'accueils populaires pour rencontrer un public toujours plus large : centres culturels, cegeps, universités, fêtes populaires... Cette façon de procéder était majoritaire durant les débuts du Parminou, soit jusqu'en 1977. Ses premières pièces présentées à Québec relèvent du théâtre-maison comme : La Grand'langue, Le Monde c't un cirque, Porte dans face, face dans porte et L'argent ça fait-y vot' bonheur ?.[2] Aujourd'hui le théâtre maison ne se fait presque plus au Parminou, les créations réalisées sans partenaires se font rares, mais existent à travers les productions internationales. En effet le Parminou a su tisser de forts liens avec plusieurs compagnies en Belgique[2], mais a aussi été moteur lors de la création du Rassemblement International de Théâtre d'Intervention (RITI) qui s'est déroulé à Victoriaville en 2004.[9]

Le théâtre-commande[modifier | modifier le code]

En 1977, la troupe rencontre le Théâtre Action de Grenoble et suit leur démarche du théâtre-commande. Le but étant qu'un organisme (bien souvent de lutte) fasse une demande de pièce à la troupe. L'organisme choisit le thème souvent lié à l'actualité cherchant un effet immédiat sur le public. Cette façon de procéder induit quelques contraintes, de temps notamment puisqu'il faut pouvoir rapidement répondre à la demande. L'organisme ou l'association travaille en partenariat avec le théâtre qui doit aussi répondre à ses attentes. Ils restent tout de même assez libres sur la forme du spectacle puisqu'ils ne s'accordent que sur le thème et le canevas de la pièce. Le Parminou a toujours suivi avant tout ses propres idéaux politiques en refusant les demandes qui leur paraissaient incompatibles avec leurs engagements. L'avantage du théâtre de commande est l'efficacité politique du spectacle : le thème de la pièce et les propos qui y sont tenus sont forcément en accord avec les préoccupations du public qu'ils rencontrent grâce à l'association organisatrice. La pièce qui marque leur entrée dans le théâtre de commande est La pauvreté n'existe plus, montée en 1977 à la demande du Centre de Relèvement et d'information sociale de Victoriaville.[2] Une deuxième équipe de création est mise sur pied en 1980 pour répondre aux demandes toujours plus nombreuses. Cette forme de création est dominante chez le Parminou qui le pratique encore aujourd'hui. L'engagement très socialiste s'étant peu à peu essoufflé, la troupe se tourne vers des engagements sociaux plus précis, mais aussi dans les années 2000 vers le mouvement altermondialiste dans lequel il se reconnaît.[2] Les commanditaires de ces spectacles sont beaucoup d'organismes gouvernementaux dont scolaires, mais aussi des associations féministes, LGBT+, des organisations syndicales, et plus récemment des associations pour la défense des cultures autochtones. Le Parminou a par exemple réalisé Le prince serpent en 2003 pour répondre à une commande des Services de Police de la Ville de Montréal (SPVM). Ce spectacle cherche à mettre en garde les jeunes filles contre le recrutement dans les gangs de rue.[2] Le Perminou propose à ce jour encore cette pièce pour les élèves du secondaire,[10]la troupe avait en 2014 réalisé 342 représentations pour 82 000 spectateurs de langue française, ainsi que 37 représentations en anglais pour 9000 spectateurs.[2]

Le théâtre d'intervention[modifier | modifier le code]

Enfin, le Parminou s'illustre pour ses spectacles d'intervention. Le théâtre d'intervention s'apparente à l'agit-prop puisque c'est un spectacle donné lors d'un évènement, qui s'inscrit dans un colloque, un stage de formation : il s'agira alors en général de théâtre d'intervention commandé; mais les interventions "maison" peuvent aussi se faire dans la rue, sur des lignes de piquetage (par exemple durant les négociations menées par le Front commun en 1979-80)... La pièce Bonne crise Lucien, Luc, Lucille et les autres a par exemple été présentée sur les lignes de piquetage en 1982.[11] Ce genre de création est soumis à de nombreux changements qui se font en fonction de l'actualité : le propos se déplace en fonction des dernières nouvelles.[2] La scénographie du spectacle d'intervention est pauvre, tout repose sur le jeu de l'acteur pour des interventions brèves mais marquantes, pour "impliquer le public à l'enjeu proposé afin qu'il s'en sente le principal protagoniste".[5] Les personnages présentés par les comédiens sont fictifs, mais ils entrent en relation avec les participants pour les mener à débattre sur un sujet.

Décentralisation[modifier | modifier le code]

Le Parminou, dans sa recherche pour faire un théâtre proche du peuple, adhère à l'idée de Jean Vilar sur la décentralisation. Cette politique qui se développe en France dès les années 50 et s'applique au Québec dans les années 70 avec le rapport L'Allier concernant la décentralisation de la culture[12]. Le but est de démocratiser la culture, en la rendant accessible à toute la population, en allant chercher un public qui n'est pas habitué à aller au théâtre. Les grands centres urbains regorgent de lieux de spectacles, c'est donc vers des villes moyennes de campagne que cherche à s'implanter le Parminou. L'installation à Victoriaville deux ans après la création de la troupe est liée à cet engagement politique. La ville regroupe aussi de nombreux avantages, comme un certain dynamisme dû à la présence de nombreuses associations, de collectifs d'entraide, d'organisations coopératives et populaires.

Dans cette optique, le Parminou fait construire son propre centre de production à Victoriaville. Subventionné par le Gouvernement du Québec et la commune de Victoriaville, le Parminou fait appel à l'architecte Christian Ouellet pour construire un bâtiment qui correspondrait à ses attentes. Celui-ci doit en effet pouvoir regrouper toutes les fonctions théâtrales : la création, la scénographie, l'administration, la gestion. Le bâtiment est organisé autour de deux salles : une grande de 40x40 pieds, et la seconde de 30x20 pieds. Les deux salles ont pour vocation de permettre les répétitions. Très peu de pièces sont présentées dans ce lieu, puisque les pièces sont en majorité des productions de tournées ou de commande. Le bâtiment comprend aussi des ateliers de création pour les décors et les costumes, ainsi que des espaces dédiés à l'administratif. L'architecture est représentative de la politique du Parminou : les espaces sont ouverts les uns sur les autres, créant une circulation entre les différentes tâches de fonctionnement de la troupe.[13] Entre 2015 et 2016 le centre de production subit une rénovation de grande ampleur pour moderniser les équipements. La superficie du lieu est aussi doublée. Un appartement est ajouté de façon à pouvoir accueillir les pigistes de passage auxquels fait appel la troupe. [14]


Esthétique et création[modifier | modifier le code]

Écriture de plateau[modifier | modifier le code]

Les membres fondateurs du Parminou ayant reçu des enseignements d'improvisation, c'est vers cette forme authentique de spectacle qu'ils se tournent. Le travail de création commence par des recherches autour du thème choisi. Le Parminou étant en lien constant avec des organismes ou associations de lutte, il peut arriver qu'il organise des ateliers où la parole est ouverte à des gens dont le vécu et l'expérience pourraient servir les recherches du théâtre. À partir de ces matériaux de base ancrés dans la société et les questionnements politiques, les comédiens se mettent d'accord sur un canevas, c'est-à-dire une sorte de fil conducteur autour duquel ils peuvent improviser. Le but étant d'atteindre une forme d'authenticité qui pourrait toucher un public populaire, opposée à l'esthétique pure présentée dans les théâtres institutionnels. Ils ne cherchent pas non plus à aboutir à l'écriture d'un texte, le dialogue qui découle de l'improvisation est un matériel comme le reste des éléments scéniques : "la théâtralité dans un texte de théâtre est toujours virtuelle et relative, la seule théâtralité concrète est celle de la représentation."[15]

Petit à petit, le Parminou se dirige vers l'écriture à proprement parlée. Jusque dans les années 70, la troupe suit dans le principe de l'écriture collective, chacun ayant son mot à dire. De même, les organismes qui ont commandé un spectacle ont aussi un regard sur ce que la troupe compte présenter. Ils sont en dialogue constant pour intégrer certaines critiques afin de toucher le plus efficacement possible le public visé. À la fin de la représentation, le dialogue est ouvert avec les spectateurs pour mettre en place d'éventuelles améliorations.

"En vue d'un théâtre populaire, je trouve essentiel de créer en se reliant avec d'autres, en se reliant à la collectivité qui nous entoure." Propos d'Hélène Desperrier lors d'un entretien. [7]

Le spectateur est donc encore une fois au centre de la création artistique du Parminou. Dans les années 80, alors la figure du metteur en scène devient dominante dans le théâtre québécois, le Parminou change sa façon de créer. Les équipes de création se réduisent (on pouvait avant faire des équipes de dix personnes, celles-ci se réduisent à deux ou trois), rendant la création plus simple et efficace. Si tout le monde conserve le droit de faire des propositions concernant le spectacle, les rôles sont un peu plus distribués que précédemment. Puis on fait appel à des auteurs, et donc à un texte fixe. Cela ne veut pas dire pour autant qu'un travail préalable d'improvisation est abandonné. Ce virage s'est fait dans de réels soucis d'efficacité, Yves Dangenais, membre du Parminou tenait ces propos en 1980, comme bilan face à la création collective :

"Aujourd'hui mon optique diffère un peu; ce que je désire avant tout c'est du bon contenu. L'important se résume à véhiculer une idée, à laquelle je crois; à partir de là, tous les moyens de la théâtraliser sont à retenir."[7]

On réduit donc les équipes de création pour des petits groupes de trois personnes qui s'essayent à de l'écriture collective. Puis, une fois l'expérience d'écriture faite en groupe, on passe à un auteur simple. Les premiers textes écrits sont montés en 1991 avec Le plafond de verre de Maureen Martineau et Alphonse, Dorimère et les autres d'Hélène Desperrier.[2]

Esthétique pour un théâtre engagé[modifier | modifier le code]

Toute l'esthétique des pièces montées par le Parminou se réfléchit comme un moyen d'action directe sur les spectateurs de tous horizons sociaux. C'est dans cette volonté d'inscrire le théâtre dans une démarche politique que le Parminou exécute des pièces de commandes, d'interventions, de tournées. Ces formes théâtrales nécessitent des moyens restreints de façon à pouvoir être facilement transportables. Le jeu du comédien est donc essentiel.

Pour créer un lien fort avec le spectateur, le comique est souvent utilisé, avec par exemple la figure du clown, du gag comme dans la Comedia dell'arte, etc. Ces formes spectaculaires sont des formes dites populaires qui se lient avec la volonté de toucher un public hors des théâtres institutionnels. Cela permet de "démystifier" le théâtre, de le rendre plus accessible, de détruire les préjugés à son sujet.[5]

Les théories brechtiennes[modifier | modifier le code]

Le comique fait jouer des ressorts dramaturgiques empruntés à Brecht dans sa vision d'un théâtre épique. Pour lui, le théâtre politique n'est efficace que s'il est lié au divertissement, il faut que le spectateur ait du plaisir tout en ayant une conscience politisée du spectacle. Ce théâtre vise à distancier le spectateur de ce qui est montré sur scène : s'il n'y a pas d'identification, le spectateur possède le recul nécessaire pour avoir un regard critique sur ce qui lui est montré.[16] S'il n'y a pas d'identification mise en jeu, le spectacle ne fait pas appel à l'affect et aux émotions, mais bien à la raison. Différents moyens sont mis en place pour créer l'effet de distanciation. Tout d'abord, le nombre de comédiens restreint imposé par la forme du théâtre de tournée fait qu'un même comédien peut jouer plusieurs personnages dans la même pièce. Ils maîtrisent aussi le chant, la danse pour certains, la jonglerie, les acrobaties, le jeu clownesque, la pantomime. Tous ces différents moyens d'expression sont utilisés pour mettre en place une forme de ludisme, de divertissement dans le spectacle. De plus, cela permet la forme du spectacle par collage d’images, de tableaux : la fragmentation de la fable (qu'on pourrait appeler intrigue) est un élément typique de la théorie Brechtienne. Même si la fable est plus filée, elle peut tout de même être interrompue par des chants, des commentaires faits sur l’action, le tout nous faisant sortir du récit. Les comédiens du Parminou mettent donc en avant le ludisme, en jouant sur scène, mais aussi avec les spectateurs. Ils font notamment appel à la figure du clown qu'ils travaillent dans Ô travail monté en 1978 qui oppose le clown banc au clown rouge représentant l'opposition entre patron et salarié. L'humour est aussi présent dans des pièces comme Mon royaume pour une carotte (1979) ou La vie à l'an vert (1980).[2]

Deux autres influences : Augusto Boal et Peter Brook[5][modifier | modifier le code]

L'idée de la participation directe des spectateurs est une notion empruntée à Augusto Boal et son "théâtre forum"[17]. Le "quatrième mur", qui est la séparation symbolique entre la salle et la scène, est donc aboli. Les comédiens et les spectateurs ne forment alors qu'un seul et même corps, la salle et la représentation sont liées voir s'entremêlent. Les comédiens peuvent prendre à parti les spectateurs, leur demander leur opinion, ou encore les faire agir. L'idée est que le spectateur puisse remplacer l'acteur pour emmener l'intrigue, le débat où il le souhaite. C'est donc, tout comme chez Brecht finalement, amener le spectateur à prendre conscience de ses opinions politiques, et à agir en conséquence.

Enfin, on peut voir l'influence de Peter Brook concernant le dépouillement scénique.[18] Cela est bien sûr lié à l'impossibilité de jouer avec de grands décors puisque les spectacles doivent tourner. Mais la forme simple de la mise en scène rappelle des formes médiévales et populaires de théâtre. Souvent donnés sur des tréteaux (estrades de bois), les spectacles sont comiques et reposent entièrement sur le jeu de l'acteur, ainsi que les costumes et quelques objets présents. On figure les différents espaces au moyen de panneaux (aussi utilisés par Brecht pour créer des effets de coupures, et donc la distanciation). C'est donc sur l'imagination du spectateur que repose la représentation, le spectateur est actif.


Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Adrien Gruslin, « Dix ans de création collective — C’est singulier! Entretien avec Le Parminou », Jeu : revue de théâtre, no 28,‎ , p. 111–129 (ISSN 0382-0335 et 1923-2578, lire en ligne, consulté le )
  2. a b c d e f g h i j k et l St. Hilaire, Jean,, Théâtre Parminou, ton histoire en est une des pas pires : 40 ans de théâtre populaire de création (ISBN 9782895023517 et 2895023514, OCLC 880578186, lire en ligne)
  3. Chantal Hébert, « Sur le burlesque : un théâtre « fait dans notre langue » », Jeu : revue de théâtre, no 18,‎ , p. 19–31 (ISSN 0382-0335 et 1923-2578, lire en ligne, consulté le )
  4. (en-US) « Bread and Puppet Theater | Puppeteers and Sourdough Bakers of Glover » (consulté le )
  5. a b c et d Jean-Guy Côté, "Le théâtre Parminou ou la résurgence du théâtre d'intervention au Québec dans les années 1970", Montréal, mémoire présenté à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), , 278 p., p.106
  6. Presse Canadienne, « Un "artiste collectif" - Parminou : du théâtre sur commande...progressiste », Arts et spectacles,‎
  7. a b et c Lise Roy, La création collective vécue par des troupes de théâtre et des groupes populaires, Sherbrooke Presses étudiantes du CEGEP de Sherbrooke, , 167 p., Entretien avec le théâtre Parminou
  8. Marie-Andrée, « Soirée bénéfice », sur parminou.com (consulté le )
  9. Sara Langlois, « International », sur parminou.com (consulté le )
  10. « LE PRINCE SERPENT », sur www.parminou.com (consulté le )
  11. « Bonne crise Lucien, Luc, Lucille et les autres [image fixe] », sur banq,
  12. Fernand Harvey, « Le gouvernement de Robert Bourassa et la culture, 1970-1976 : 1re partie : la souveraineté culturelle », Les Cahiers des Dix, no 72,‎ , p. 291–326 (ISSN 0575-089X et 1920-437X, DOI https://doi.org/10.7202/1056419ar, lire en ligne, consulté le )
  13. Gilles Desrosier, « Le théâtre Parminou », Architecture concept,‎ , p. 16-19
  14. Sara Langlois, « Mission et historique », sur parminou.com (consulté le )
  15. Ubersfeld, Anne., Lire le théâtre, Belin, (ISBN 9782701119168 et 2701119162, OCLC 1043212581, lire en ligne)
  16. Brecht, Bertolt, 1898-1956., Petit organon pour le théâtre : 1948 ; Additifs au petit Organon : 1954, L'Arche, (OCLC 420321220, lire en ligne)
  17. Boal, Augusto, (1931-2009), et Impr. Bussière), Théâtre de l'opprimé, La Découverte, dl 2007 (ISBN 978-2-7071-5237-4 et 2-7071-5237-4, OCLC 493850276, lire en ligne)
  18. Brook, Peter., L'espace vide écrits sur le théâtre., Éd. du Seuil, (ISBN 2-02-004607-5 et 978-2-02-004607-7, OCLC 1030363069, lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

https://www.parminou.com/