Sanusi Lamido Sanusi

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Sanusi Lamido Sanusi
Lamido Sanusi au gala du Time 100 en 2011.
Fonctions
Émir de Kano
depuis le
Gouverneur de la banque centrale du Nigeria
-
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (62 ans)
KanoVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Université Ahmadu-Bello
King's College (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités

Sanusi Lamido Sanusi (aussi appelé Muhammadu Sanusi II, raccourci en Sanusi II), né le à Kano, est un économiste, homme politique et leader spirituel nigérian, gouverneur de la Banque centrale du Nigeria de 2009 à 2014 et émir de Kano de 2014 à 2020.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Sa mère se nomme Saudatu Anduwa Hussain, tandis que son père, Muhammad Aminu Sanusi, est un éminent diplomate nigérian, plusieurs fois ambassadeur, notamment en Belgique et en Chine, et Ministre des Affaires étrangères du Nigeria jusqu'en 1979[1].

Son grand-père est déjà émir de Kano, sous le nom de Muhammadu Sanusi I, de 1954 à 1963[2], Sanusi décrit d'ailleurs sa politique comme la « continuité » de celle de son grand-père[1].

Sa famille descend d'une lignée importante de dignitaires religieux et politiques du pays[1], et est reliée à la famille royale peul[3].

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Sanusi Lamido Sanusi naît le [4]. Il commence ses études à l'école primaire Sainte Anne à Kakuri, dans la banlieue de Kaduna. Il part ensuite étudier au King's College de Lagos, avant d'étudier à l'université Ahmadu-Bello, où il obtient une licence, en 1981, puis une maîtrise d'économie[4]. Il débute alors dans le secteur bancaire, employé par Icon Limited puis par d'autres banques[4],[5]. Il quitte son poste de gestionnaire de risques[3] en 1990 et part étudier à Khartoum, au Soudan, où il se concentre sur l'apprentissage de l'arabe et de la théologie sunnite[5],[6].

Carrière professionnelle et politique[modifier | modifier le code]

Dans le milieu bancaire privé[modifier | modifier le code]

Il se familiarise brièvement avec le milieu bancaire lors de son passage chez Icon Limited.

Après avoir terminé ses études, Lamido Sanusi rejoint la United Bank of Africa en 1997, puis gravit les échelons au sein du milieu bancaire nigérian[4].

Il devient en janvier 2009 le directeur général de la First Bank of Nigeria[4].

Depuis 2015, il est président du conseil d'administration de l'entreprise bancaire Black Rhino, filiale africaine du fonds d'investissement Blackstone[2].

En tant que gouverneur de la Banque centrale[modifier | modifier le code]

Le , Lamido Sanusi est nommé gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, par le président Umaru Yar'Adua[4].

Il prend en charge le redressement économique et financier du pays, se chargeant personnellement de conclure des partenariats entre le milieu agricole et des acteurs extérieurs, l'AGRA en tête. Il met aussi en place des plans ambitieux de sauvetage des banques du pays, et parvient à faire baisser l'inflation sous le seuil des 10 %[7].

Au cours de ses cinq années passées en poste, il est admiré pour son action contre la corruption et est reconnu comme celui qui a permis le redressement du pays[7]. Il est toutefois critiqué pour son abus des prérogatives prévues par sa fonction, ainsi que pour son influence dans des domaines comme l'agriculture[8] et l'industrie, qui ne font pas partie de son domaine d'action[7]. Il est nommé par le magazine Time parmi les 100 personnalités les plus influentes de 2011[2],[7].

En 2013, dans une tribune publiée dans le Financial Times, il critique l'influence chinoise en Afrique, et en particulier au Nigeria, qu'il juge « impérialiste » et appelle à une plus grande indépendance vis-à-vis du pays, qui contribue selon lui à la « désindustrialisation et au sous-développement de l'Afrique »[9].

Il est renvoyé de son poste après avoir révélé une affaire de détournement de fonds. Dans une lettre à destination du président Goodluck Jonathan, il accuse la compagnie pétrolière nationale, Nigeria National Petroleum Company (NNPC), d'être à l'origine d'un détournement de plus de 20 milliards de dollars[7],[10]. Il met aussi personnellement en cause la ministre du pétrole, Diezani Alison-Madueke[2]. À la suite de ses révélations, il est renvoyé, interdit de quitter le pays, et son passeport est saisi par la police secrète du Nigeria[10],[11].

Ses engagements contre la corruption lui créent de nombreux ennemis à travers le pays[12], mais il est cependant populaire dans les pays européens, notamment pour son action financière[13].

En tant qu'émir de Kano[modifier | modifier le code]

Peu après son renvoi du poste de gouverneur, il devient émir de Kano, à la suite de son prédécesseur, Ado Abdullahi Bayero, mort à 83 ans des suites d'un cancer, et prend le nom de Muhammadu Sanusi II, dit Sanusi II[2],[12]. Il accède ainsi à un poste politico-religieux qui lui donne une influence sur plus de 10 millions de fidèles musulmans dans le Nord du Nigeria[5]. En tant qu'émir, il dirige la communauté soufie du Nigeria, rassemblés au sein de la branche des Tijaniyyas[2]. Il est ainsi le deuxième plus important dirigeant religieux du Nigeria, après le sultan de Sokoto

Dès sa nomination, il est critiqué par une partie de la population, les soutiens d'Aminu Ado Bayero, son rival, qui se rassemblent dans la rue et font face à ses partisans. les évènements tournent à l'affrontement, et la police, absente des lieux, ne peut empêcher plusieurs partisans de Sanusi d'être blessés[12].

Le , un attentat dans une mosquée de Kano fait 120 morts et plus de 300 blessés. Lamido Sanusi affirme alors sa détermination face aux terroristes islamistes de Boko Haram : « Nous ne nous laisserons pas intimider », annonce-t-il. Il soutient alors la création de milices d'autodéfense populaires pour faire face au manque d'action de l'armée nigériane face aux groupes terroristes, ce qui déplaît au gouvernement fédéral, qui prend cette décision pour un « appel à l'anarchie »[14]. Il affirme « ne pas être la cible » de l'attentat, bien qu'il ait été désigné comme un homme à abattre par le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau[2].

À partir de 2015, il entre en conflit avec le gouverneur de l'État de Kano, Abdullahi Umar Ganduje, qui le soupçonne d'avoir soutenu un autre candidat aux élections pour le poste de gouverneur[5].

Il est renvoyé du poste d'émir le , officiellement pour « insubordination », officieusement pour ses prises de position virulentes à l'encontre des décisions gouvernementales et son conflit personnel avec Ganduje[13].

À partir de 2020[modifier | modifier le code]

Il devient en 2022 le président de l'association Tabital Pulaaku International, qui rassemble les membres du peuple peul[15].

En août 2023, lors de la crise qui suit le coup d'État au Niger, il se rend à Niamey pour réaliser une médiation avec les putschistes, et rencontre notamment Abdourahamane Tchiani. Il annonce vouloir transmettre au président nigérian Bola Tinubu, dont il est un ami proche, un message venant de leur part. Il affirme toutefois ne pas agir en tant qu'« émissaire du gouvernement »[16],[17].

Opinions politiques[modifier | modifier le code]

Lors d'un entretien avec le journal Jeune Afrique en 2017, il affirme être opposé à l'application de la charia[18], ce qui lui attire l'inimitié du groupe terroriste djihadiste Boko Haram. Il estime que le Nigeria « a besoin de justice sociale, d’éducation, d’une espérance de vie plus longue et de moins de violence domestique », et que ces mesures suffiront à rendre inutile l'application de la charia[18].

Opposé à la polygamie, il réforme le code de la famille pour lutter contre les violences domestiques et les mariages forcés[18].

Il critique l'influence des pays musulmans du Moyen-Orient, comme l'Arabie Saoudite et l'Iran, sur la politique religieuse au Nigeria[18], et plaide pour un rapprochement avec d'autres pays musulmans modérés, comme le Maroc ou la Malaisie[2].

Il se revendique lui-même « moderne et musulman »[18].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) « His Highness Sanusi Lamido Sanusi », sur www.africanstudies.ox.ac.uk (consulté le )
  2. a b c d e f g et h « Nigeria : l’émir de Kano, entre islam et finance », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b « L'émir de Kano détrôné pour "manque de respect" », BBC News Afrique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d e et f « Sanusi Lamido Sanusi ou le musulman africain du 21e siècle », sur Agence Ecofin (consulté le )
  5. a b c et d « Nigeria : Lamido Sanusi, le caméléon « détrôné » – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  6. Viviane Forson, « Nigeria : le puissant émir de Kano, Sanusi Lamido Sanusi, perd son trône », sur Le Point, (consulté le )
  7. a b c d et e « Lamido Sanusi, la polémique de trop – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  8. « Lamido Sanusi, le Nigérian sans peur – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  9. « Un gouverneur hausse le ton contre les Chinois – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  10. a et b Malick Diawara, « Nigeria : Sanusi Lamido interdit de sortie », sur Le Point, (consulté le )
  11. « Au Nigeria, Lamido Sanusi « destitué » du titre d’émir de Kano – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  12. a b et c « Nigeria : affrontements à Kano après la nomination de Lamido Sanusi comme émir – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  13. a et b « Fin de règne. Au Nigéria, Lamido Sanusi, trop moderne pour être émir », sur Courrier international, (consulté le )
  14. « Nigeria : Sanusi Lamido Sanusi, un émir dans la ligne de mire de Boko Haram – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  15. Rédaction, « Le banquier Sanusi Lamido nouveau président de Tabital Pulaaku International », sur Financial Afrik, (consulté le )
  16. « Niger : un ex-émir du Nigeria annonce être à Niamey pour une médiation avec le régime militaire », sur Franceinfo, (consulté le )
  17. « Niger : un ex-émir du Nigeria déclare être à Niamey pour une médiation avec le régime militaire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. a b c d et e « Nigeria : le puissant émir de Kano, Lamido Sanusi, se revendique « moderne et musulman » – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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