Philosophie du droit

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La philosophie du droit est une branche de la philosophie qui a pour objet d'étudier le droit et ses relations avec d'autres systèmes de normes[1],[2]. Philosophie du droit et théorie du droit sont souvent utilisées de manière interchangeable, cela étant ils dénotent deux visions différentes de l'approche du droit, la première adoptant une approche métaphysique et la deuxième une approche plus scientifique[3],[4],[5].

Concept[modifier | modifier le code]

Principes[modifier | modifier le code]

La philosophie du droit analyse les questions fondamentales du droit[6]. Elle traite de sa nature et de ses conceptions de la justice. Elle s'intéresse à la genèse des normes et des droits, ainsi qu'aux fondements de sa validité. Elle s'interroge sur les techniques d'interprétation du droit, en soulevant par exemple la question du respect de la lettre ou de l'esprit de la loi. La philosophie du droit se trouve ainsi à la confluence de la philosophie politique et de l'éthique[7].

La philosophie du droit ne se confond pas avec l'interprétation des normes juridiques, ni avec l'étude de la jurisprudence. Les philosophes jugent le droit d'un point de vue qui se veut fondateur (ou refondateur) pour le droit lui-même[8]. La philosophie du droit n'est donc pas une branche du droit, mais bien de la philosophie. Dans sa Doctrine du droit, Emmanuel Kant écrit que le droit n'est en soi, indépendamment de la philosophie, qu'une belle tête, mais sans cervelle.

Visées[modifier | modifier le code]

Parce que la philosophie du droit permet au juriste une réflexion sur les normes et les valeurs, cette discipline peut influencer des revirements de jurisprudence ou le vote de nouvelles lois. Le droit public français a été particulièrement influencé par la philosophie du droit[9]. Au XIXe siècle, certains professeurs, tels qu'Alfred Fouillée, soutiennent que le bouillonnement intellectuel permis par la philosophie du droit a été responsable d'évènements tels que la Révolution française[10].

Dans son cours de droit de 1844 à l'université de la Sorbonne, Jules Cauvet écrit que « les efforts de la philosophie du droit pour constater les bases primitives des législations présente[nt] un autre résultat plus important encore : ils serviront à combattre cette doctrine si funeste à nos pères, [selon laquelle] la loi peut consacrer la spoliation et l'injustice quand cela paraît nécessaire au salut de l’État »[11].

Philosophie du droit et théorie du droit[modifier | modifier le code]

Le terme de « philosophie du droit » provient des Principes de la philosophie du droit, que Georg Friedrich Hegel publie en 1821[4]. Le concept reste pendant longtemps ambigu. Il doit toutefois être distingué de celui de théorie du droit (Rechtlehre). La théorie du droit a pour objectif de découvrir une définition objective du droit, et chaque école de pensée argumente dans le sens d'une thèse spécifique qui vise à expliquer le droit. A contrario, « la philosophie du droit quête l'essence éternelle et universelle du phénomène juridique, en recourant largement à la spéculation et à la stipulation »[12].

Écoles de pensée[modifier | modifier le code]

École anglo-saxonne[modifier | modifier le code]

Aux États-Unis, l'influence de H. L. A. Hart (1907-1992) et de Ronald Dworkin éclipse largement celle de Hans Kelsen. Sous le terme de « legal philosophy », la théorie du droit anglo-saxonne relie étroitement philosophie du droit et jurisprudence. Selon ces auteurs, la jurisprudence se définit comme la théorie et la philosophie du droit[réf. nécessaire]. Les spécialistes de la jurisprudence, c'est-à-dire les « legal philosophers », désirent parvenir à une compréhension plus profonde de la nature du droit en étudiant le raisonnement juridique ainsi que le fonctionnement des institutions juridiques. En France, la tradition issue de Montesquieu peut être rapprochée de ce courant[réf. nécessaire].

Hart utilise notamment les outils de la philosophie analytique pour développer une approche spécifique du positivisme, courant qui a été critiqué par Dworkin, qui affirme le lien inhérent entre droit et morale.

École allemande[modifier | modifier le code]

École française[modifier | modifier le code]

Enseignement[modifier | modifier le code]

La philosophie du droit est une discipline mineure dans l'enseignement de la philosophie et l'enseignement de la philosophie en France, ainsi que dans l'enseignement du droit et l'enseignement du droit en France. En 1887, le professeur Diodato Lioy se plaint de ce qu'« il n'existe [en France] pas de cours spéciaux de philosophie du droit, comme en Allemagne, en Belgique, en Italie »[13].

En France, la théorie du droit se sépare désormais très nettement de la philosophie du droit par ses revendications non cognitivistes et elle est particulièrement développée autour du Centre de théorie du droit de Nanterre (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), fondé par Michel Troper (voir notamment les travaux de Pierre Brunet ou Eric Millard), ainsi que du laboratoire de théorie du droit d'Aix-en-Provence (Université Paul Cézanne) (voir notamment les travaux de Christian Atias, Raphaël Draï ou Otto Pfersmann). La philosophie du droit est quant à elle étudiée, sous l'angle du droit politique, à l'institut Michel Villey (Université Panthéon-Assas) (voir les travaux de Denis Baranger, Olivier Beaud ou Olivier Jouanjan, et les revues "Jus Politicum"[14] et "Droit & Philosophie"[15]). Aux États-Unis on peut trouver les écrits de Oliver Wendell Holmes Junior qui est l'un des précurseurs de la philosophie du droit aux États-Unis d'Amérique. En Belgique l'un des précurseurs de la philosophie du droit est le philosophe René Berthelot.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Philosophy of law », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  2. Kenneth Einar Himma, « Philosophy of Law », sur The Internet Encyclopedia of Philosophy,
  3. (en) Gerald J. Postema, A Treatise of Legal Philosophy and General Jurisprudence, Dordrecht, Springer Netherlands, , 181–211 p. (ISBN 978-90-481-8960-1, DOI 10.1007/978-90-481-8960-1_5, lire en ligne), « Economic Jurisprudence »
  4. a et b Michel Troper, La philosophie du droit, Paris, Presses universitaires de France, , 126 p. (ISBN 978-2-13-058535-0, OCLC 758906668, lire en ligne)
  5. Jean-Pascal Chazal, « Philosophie du Droit Et Théorie du Droit, Ou l'Illusion Scientifique », Archives de Philosophie du Droit, vol. 45,‎ , p. 303–333 (lire en ligne, consulté le )
  6. *De philosophie du droit: 1, F.A. Brockhaus, (lire en ligne)
  7. Bjarne Melkevik, Horizons de la philosophie du droit, Presses Université Laval, (ISBN 978-2-7637-7564-7, lire en ligne)
  8. Louis Le Fur, Philosophie du droit international, A. Pedone, (lire en ligne)
  9. Heinrich Ahrens, Cours de droit naturel ou de philosophie du droit: fait d'après l'état actuel de cette science en Allemagne, Meline, Cans et compagnie, (lire en ligne)
  10. Alfred Fouillée, L'idée moderne du droit en Allemagne, en Angleterre et en France, Hachette, (lire en ligne)
  11. Jules Cauvet, De la Philosophie du Droit, Imp. A. Hardel, (lire en ligne)
  12. Boris Barraud, La recherche juridique. Sciences et pensées du droit, Paris, L'Harmattan, , 550 p., p. 45-46.
  13. Diodato Lioy, La philosophie du droit, Chevalier Maresque, (lire en ligne)
  14. « Jus Politicum - Encyclopédie de droit politique », sur juspoliticum.com (consulté le )
  15. « Droit & Philosophie - Annuaire de l'institut Michel Villey - Accueil », sur droitphilosophie.com (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Introductions[modifier | modifier le code]

Manuels et cours[modifier | modifier le code]

Classiques[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]