Aukan (peuple)

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Aukan (peuple)
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Pirogues à Grand Santi, une commune majoritairement okanisi.

Populations importantes par région
Drapeau du Suriname Suriname 33 000
Drapeau de la Guyane Guyane 22 000
Drapeau du Guyana Guyana 800
Population totale 55 800[1]
Autres
Langues Ndjuka
Ethnies liées Bushinengue,
Aluku (autrefois dits Bonis),
Paramaca,
Saramaca

Les Aukan, Okanisi[2],[3], Ndyuka, Ndjuka ou Djukas, sont un peuple marron des Guyanes, c'est-à-dire descendants de rebelles s'étant libérés de l'esclavage de la traite atlantique. Les Ndjukas vivent au Suriname et en Guyane française sur les berges du Maroni, mais aussi au nord-est du Guyana dans la région de Berbice Oriental-Courantyne près du fleuve de Courantyne à la frontière surinamienne. Ils parlent le ndjuka ou un créole local et pour certains pratiquent la polygamie[4].

Langue[modifier | modifier le code]

Leur langue est actuellement un créole fortement dérivé de l'anglais, à environ à 90 %, assez proche de celui parlé par les Saramacas pour qu'ils puissent se comprendre.

Histoire[modifier | modifier le code]

Deux enfants djukas sur un radeau, descendant le Maroni, dans le district de Marowijne. Une cabane est construite sur le radeau où les rameurs (djukas) habitent parfois avec leurs familles. Archives nationales néerlandaises, 1947.

Avant eux d'autres esclaves marrons Africains avaient établi des débuts de populations issues d'esclaves échappés (les Saramacas qui ont essaimé dans une grande partie de la Guyane), et après eux les aluku feront de même. Échappés des grandes plantations sucrières du Suriname aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils se sont progressivement enfoncé dans la forêt amazonienne, où on les considère comme principalement installés le long des berges de l'aval du bassin du fleuve Maroni, dans l'actuelle région frontalière de Saint-Laurent-du-Maroni à proximité du Suriname, ainsi que dans la région de Mana. Ce mouvement migratoire s'est fait après le moment de la première ruée vers l'or[4].

Les Djukas ont parfois du défendre leurs territoires contre les Saramacas ou d'autres groupes ethniques proches.

En 1760, ils ont signé un traité de paix avec les autorités coloniales de la Guyane hollandaise qui leur a donné liberté et autonomie, et avec des clauses de gratifications périodiques[5].

Aujourd'hui, hors de la forêt certains vivent en ville dont à Saint-Laurent-du-Maroni dans le quartier marron de la Charbonnière[4].

L'ethnologue Diane Vernon a décrit dans les années 1970 la vie d’un village sur le Tapanahoni (dit Ndjuka liba, ce qui signifie le fleuve ou le pays ndjuka), situé sur la partie amont du Maroni)[4].

Culture et organisation sociale[modifier | modifier le code]

La vie sociale des Ndjukas a notamment été étudiée et décrite par Thoden van Velsen & van Wetering (1988)[6] et Parris (2002) [7].

La société ndjuka est divisée en clans.

Chacun de ces clans est structuré selon son matrilignage et organisé sous l'autorité d'un « Gaanman ». Celui-ci, chef du clan et prêtre suprême est aidé dans ses tâches par « plusieurs kapiten (au moins un par clan) qui le représentent dans les divers grands villages du pays ndjuka ; ces kapiten sont eux-mêmes assistés de basia auxquels peuvent être dévolues des tâches plus spécifiques. Parmi ces basia et plus récemment parmi ces kapiten peuvent figurer des femmes qu’on appelle alors uman basia (femme basia) et uman kapiten (femme kapiten). »[4].

La société ndjuka est matrilinéaire. Chaque mariage se prépare par de longues négociations entre les matrilignages respectifs des deux futurs époux[4]. Un enfant est considéré comme appartenant à sa mère et à son lignage. Il ne peut lui être enlevé sans son accord.

À l'adolescence (avant 18 ans en général, dès que la mère juge que sa fille a les seins bien développés) la cérémonie du Pangi (« don rituel du pagne ») marque le passage de la jeune fille au statut de « femme adulte », lequel est associé à des droits, dont celui d'avoir pour les femmes le souhaitant leur propre abattis pour par exemple produire du couac (dénomination guyanaise du manioc préparé en tapioca), et avant le mariage d'avoir des relations sexuelles avec les partenaires de son choix (à condition de rester discrète, faute de quoi sa réputation et celle de sa famille en souffrirait). Le don du pagne peut aussi être déclenché par la survenue d'une grossesse durant l'adolescence[4].

Au Surinam, dans les villages de la forêt, la polygamie est pratiquée, tradition qui présente là la particularité de s'inscrire dans un « système matrilinéaire où les femmes sont tout à la fois puissantes et dépendantes ». Le droit français interdit la polygamie mais il est toléré chez certaines femmes ndjukas en situation d'immigration. Ce droit est revendiqué par les femmes, mais des ethnologues montrent qu'il peut aussi se retourner contre elles[4].
Le mariage coutumier est dit libi anga (vivre avec) ou poti a osu (mettre dans la maison) et pas plus que les fiançailles il ne modifie la notion de propriété ; les bien ne sont pas communs, la maison, la pirogue appartiennent à l'un ou l'autre des époux. Le père n'a pas de droit sur l'enfant. Un couple fiancé peut vivre ensemble durant des années avant de se marier (ou de se séparer)[4].

Dans les années 1980 et 1990 Diane Vernon a aussi décrit la vie spirituelle et la représentation du corps chez les Ndukas[8],[9],[10].

Quand un membre de la communauté meurt, le deuil durait autrefois jusqu’à deux ans mais il peut aujourd'hui se terminer après six mois. Le non-respect de la fidélité durant cette période est supposé porter malheur, via le kandu (principe magique et vengeur), et éventuellement apporter la maladie (sida y compris, depuis qu'il a été introduit dans ces régions)[4].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Aukan, Ndjuka », sur www.joshuaproject.net (consulté le ).
  2. Richard Price et Sally Price, LES MARRONS EN GUYANE, https://www.richandsally.net/les_marrons_en_guyane_.htm, , 136 p. (lire en ligne)
  3. Hélène Ferrarini, « Richard et Sally Price : "La vie des Marrons a beaucoup évolué" », Guyaweb,‎ (lire en ligne) :

    « Dans ce nouveau texte, les Ndyuka sont devenus les Aukans, ainsi que vous désignez désormais ce peuple marron. Pourquoi ce changement de nom ? Plaidez-vous pour que cette désignation se généralise en Guyane ? Ces dernières années, le peuple aukan lui-même a demandé d’être appelé "Aukan" ou "Okanisi" plutôt que Ndyuka, exactement comme le peuple saamaka a demandé, quelques ans avant, d’être appelé "Saamaka" plutôt que "Saramaka". Nous respectons leur choix. »

  4. a b c d e f g h i et j Marie-José Jolivet et Diane Vernon, « Droits, polygamie et rapports de genre en Guyane », Cahiers d’études africaines,‎ , p. 187-188 (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Hoogbergen W, The Boni Maroon Wars in Suriname, Leiden, E. J. Brill, , 254 p. (ISBN 978-9004093034)
  6. (en) Thoden van Velsen, H. U. E. et van Wetering, W., The Great Father and the Danger : Religious Cults, Material Forces, and Collective Fantasies in the World of the Surinamese Maroons, Leiden, Royal Institute of Linguistics and Anthropology, (ISBN 978-9067652346)
  7. Parris, J.-Y, Une controverse politique : l’interrogatoire posthume chez les Marrons ndjuka (Surinam, Guyane), Paris, EHESS, coll. « Thèse de doctorat », (lire en ligne)
  8. Diane Vernon et Jean Malaurie (Dir.), La Mal Moderne : un culte de sorcellerie chez les marrons Ndjuka du Suriname, Paris, EHESS, coll. « Mémoire présenté pour l’obtention du Diplôme des Hautes Études », (lire en ligne)
  9. Diane Vernon, Les représentations du corps chez les noirs marrons Ndjuka du Surinam et de la Guyane française, Paris, Éditions de l’ORSTOM, coll. « Études et thèses », (lire en ligne)
  10. Diane Vernon, « Choses de la forêt : Identité et thérapie chez les Noirs Marrons Ndjuka du Surinam », dans Jolivet M.-J., Rey-Hulman, Jeux d'identités. Études comparatives à partir de la Caraïbe, Paris, L'Harmattan, (ISBN 9782738421333, lire en ligne), p. 261-281

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Goury, Laurence et Migge, Bettina, Grammaire du nengee : Introduction aux langues aluku, ndyuka et pamaka, Paris, IRD Éditions, coll. « Didactiques », , 285 p. (ISBN 2-7099-1529-4, lire en ligne)
  • Hurault, J.-M, Africains de Guyane : la vie matérielle et l’art des Noirs réfugiés de Guyane, Paris-La Haye, Mouton,
  • Jolivet, Marie-José et Diane Vernon, « Droits, polygamie et rapports de genre en Guyane », Cahiers d’études africaines,‎ , p. 187-188 (lire en ligne, consulté le )
  • Jolivet, Marie-José, « De “l’habitation” en Guyane. Éléments de réflexion sur la question identitaire créole », dans Jolivet M.-J., Rey-Hulman, Jeux d'identités. Études comparatives à partir de la Caraïbe, Paris, L'Harmattan, (ISBN 9782738421333), p. 141-165
  • Jolivet, Marie-José, « Créoles et Marrons en Guyane : d’une créolisation à l’autre », dans Carlo A. Célius, Situations créoles. Pratiques et représentations, Québec, Nota Bene, coll. « Société », (ISBN 2-89518-247-7), p. 107-123
  • (en) Mintz, Sidney Wilfred et Price, Richard, The Birth of African-American Culture : An Anthropological Perspective, Boston, Beacon Press, , 144 p. (ISBN 978-0807009178)
  • Parris, J.-Y, Une controverse politique : l’interrogatoire posthume chez les Marrons ndjuka (Surinam, Guyane), Paris, EHESS, coll. « Thèse de doctorat », (lire en ligne)
  • (en) Thoden van Velsen, H. U. E. et van Wetering, W., The Great Father and the Danger : Religious Cults, Material Forces, and Collective Fantasies in the World of the Surinamese Maroons, Leiden, Royal Institute of Linguistics and Anthropology, (ISBN 978-9067652346)
  • H. U. E. Thoden van Velzen et Wilhelmina van Velzen, Een zwarte vrijstaat in Suriname: De Okaanse samenleving in de achttiende eeuw, Brill, (ISBN 978-90-04-25366-7, lire en ligne)
  • Diane Vernon, « Choses de la forêt : Identité et thérapie chez les Noirs Marrons Ndjuka du Surinam », dans Marie-José Jolivet et Diana Rey-Huhnan, JEUX D'IDENTITÉS - Études comparatives à partir de la Caraïbe, L'Harmatan, , 361-281 p. (ISBN 2-7384-2133-4, lire en ligne)
  • Diane Vernon, BAKUU - LE MAL MODERNE, un culte de sorcellerie chez les marrons Ndjuka du Suriname, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, , 360 p. (lire en ligne)
  • Diane Vernon, Les représentations du corps chez les Noirs Marrons Ndjuka du Surinam et de la Guyane française, ORSTOM, (lire en ligne)
  • Willem F. Van Lier, Notes sur la vie spirituelle et sociale des Djuka (Noirs réfugiés Auca) au Surinam, Universiteit Leiden, (lire en ligne)

Filmographie[modifier | modifier le code]