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Mikkel Borch-Jacobsen

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Mikkel Borch-Jacobsen (né en 1951), est professeur de littérature comparée à l'Université de Washington (Seattle). Né de parents Danois, il fait des études de philosophie en France puis émigre aux États-Unis en 1986. Personnalité cosmopolite (français, danois et américain), il est l'auteur de plusieurs livres sur l'histoire de la psychiatrie, de la psychanalyse et de l'hypnose.

Son analyse constructiviste de la coproduction des « faits » psychiques souligne notamment l'historicité des maladies dites « mentales ». Il est connu pour ses prises de position dans les débats virulents menés autour de la psychanalyse – désignés sous le nom de « Freud Wars » dans le monde anglo-saxon – notamment en raison de son rôle dans la publication du Livre noir de la psychanalyse en 2005. Dans un compte rendu de Folies à plusieurs. De l'hystérie à la dépression, Pierre-Henri Castel présente Mikkel Borch-Jacobsen comme « un des polémistes les plus en vue des Freud Wars »[1].

Biographie

Après des études de philosophie avec Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, deux philosophes proches de Jacques Derrida, il passe sa thèse sur Le Sujet freudien à Strasbourg en 1981 et enseigne au département de psychanalyse de Vincennes, que Jacques Lacan avait marqué de son empreinte.

En 1987 il reçoit le « Prix de la Psyché » de l'Association française d'études et de recherches psychiatriques alors qu'il a émigré aux États-Unis l'année précédente.

Il est aujourd’hui professeur de littérature comparée à l'Université de Washington à Seattle[2].

Critique contemporain de la psychanalyse

L'hypnose dans la psychanalyse

En 1983, Borch-Jacobsen participe à une rencontre sur l'hypnose à l'Hôpital Fernand-Widal en compagnie de Léon Chertok, René Girard et François Roustang et l'année suivante, il publie avec Éric Michaud et Jean-Luc Nancy, Hypnoses.

Le 21 janvier 1985, il donne une conférence intitulée « L'hypnose dans la psychanalyse » à la Société de Médecine Psychosomatique. Le texte de cette conférence sera publié en collaboration avec Chertok en 1987 avec les réactions de plusieurs psychanalystes, philosophes et sociologues, tels Georges Lapassade, Octave Mannoni et Franklin Rausky.

Dans cette conférence, Borch-Jacobsen met en évidence le fait que le transfert psychanalytique est une forme d'état altéré de conscience, comparable à celui qui était à l'œuvre dans les psychothérapies qui ont précédé historiquement la psychanalyse, du chamanisme, à l'hypnotisme de l'École de Nancy, en passant par le magnétisme animal. Il montre que « le phénomène du transfert n'est rien d'autre, de l'aveu même de Freud, que le resurgissement, au sein du dispositif analytique, de la relation (du « rapport ») caractéristique du dispositif hypnotique : dépendance, soumission ou encore… valorisation exclusive de la personne du médecin »[3]. Il souligne par conséquent un risque important de phénomènes de suggestion de la part du psychanalyste, quand bien même le psychanalyste lui-même ne serait pas conscient de ces phénomènes.

Il y rappelle également comment Sigmund Freud, après avoir commencé par utiliser la psychothérapie hypnotique suggestive d'Hippolyte Bernheim en 1887, est passé à la méthode cathartique en 1889, n'utilisant plus l'hypnose à des fins de suggestion directe mais pour faire revivre émotionnellement les scènes traumatiques des patients, puis, après avoir mis en pratique sa méthode des « associations libres » en 1892, finit par totalement abandonner l'hypnose à partir de 1896. Cet abandon de l'hypnose par Freud est expliqué de la façon suivante par Chertok: « Par opposition à l'hypnose, Freud avait cru fonder une psychothérapie scientifique, destinée, comme telle, à devenir la psychothérapie par excellence. L'interprétation et la prise de conscience y constituaient le pivot de la cure. L'affectivité ne pouvait certes pas être éliminée de la nouvelle méthode mais elle se trouvait canalisée dans le transfert, et par là, dominée et mise au service de la connaissance. Telle était l'ambition du fondateur de la psychanalyse, en cette fin de siècle encore toute imprégnée d'esprit positiviste »[4]. C'est précisément cette prétention de Freud à « dominer » l'affectivité par la conscience dans la cure analytique qui est mise en question par Borch-Jacobsen.

Bertrand Méheust reproche à Mikkel Borch-Jacobsen d'admettre sans trop la discuter l'image de l'hypnose historiquement datée, léguée par la médecine institutionnelle positiviste du XIXe siècle[5]. Il conteste en outre que l'hypnose soit un état d'absolue passivité et donc une nuit de l'esprit et que l'hypnotisé soit un être chez qui toute conscience est déconnectée, un être totalement immergé dans la vie affective ou bien un pantin qui pense et vit totalement à travers un autre[6]. Il rappelle que pour Puységur ou Deleuze, les phénomènes de lucidité magnétique étaient censés établir une sorte de synergie entre les fonctions supérieures de l'intelligence et l'immédiateté de l'instinct.

Retour sur le cas Anna O.

Il consacre un ouvrage au cas d'Anna O. (Bertha Pappenheim) en 1996 sous-titré Une mystification centenaire, dans lequel, selon Claude Meyer, il « met un terme à l'un des mythes fondateurs de la psychanalyse »[7]. C'est également l'avis d'Elizabeth Loentz, qui a elle aussi consacré un livre à la figure de Bertha Pappenheim[8], et de Paul Roazen qui considère cet ouvrage comme une étape majeure du travail universitaire et historiographique autour de la psychanalyse, et une pierre dans le jardin des « défenseurs de l'orthodoxie »[9].

Le Livre noir de la psychanalyse

Il co-dirige la publication en 2005 du Livre noir de la psychanalyse, livre qui a un grand retentissement et fait l'objet de nombreux commentaires.

Publications

  • Le Sujet freudien, Flammarion, 1982 (réédité en 1992 avec une préface de François Roustang dans la version anglaise).
  • avec Éric Michaud et Jean-Luc Nancy, Hypnoses, Galilée, 1984.
  • avec Léon Chertok, Hypnose et psychanalyse, Dunod, 1987.
  • Lacan, le maître absolu, Stanford University Press, 1991.
  • Le lien affectif, Aubier Montaigne, 1992.
  • Souvenirs d'Anna O.: une mystification centenaire, 1996.
  • Folies à plusieurs : de l'hystérie à la dépression, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002.
  • avec Bernard Granger, débats avec Georges Fischman, Constructivisme et psychanalyse, Le Cavalier Bleu, 2005.
  • avec Jean Cottraux, Jacques Van Rillaer, Didier Pleux, sous la direction de Catherine Meyer, Le Livre noir de la psychanalyse, Les Arènes, 2005.
  • avec Sonu Shamdasani, Le dossier Freud. Enquête sur l'histoire de la psychanalyse, Les Empêcheurs de penser en rond, 2006.

Liens externes

Notes et références

  1. Pierre-Henri Castel, Revue d’histoire des sciences humaines, 2003/1, N° 8, p. 161-177. [lire en ligne]
  2. Borch-Jacobsen sur le site de l'Université de Washington.
  3. Mikkel Borch-Jacobsen, Hypnose et psychanalyse, Dunod, 1987, p. 45.
  4. Léon Chertok, Hypnose et psychanalyse, Dunod, 1987, p. 2.
  5. Bertrand Méheust, Somnambulisme et médiumnité, Les Empêcheurs de penser en rond, 1999, p. 31
  6. Bertrand Méheust, Somnambulisme et médiumnité, Les Empêcheurs de penser en rond, 1999, p. 292
  7. Claude Meyer, Une histoire des représentations. Contribution à une archéologie de la société de la connaissance, L'Harmattan, 2007, p. 186.
  8. Elizabeth Loentz, Let Me Continue to Speak the Truth: Bertha Pappenheim as Author and Activist, Hebrew Union College Press, 2007, p. 216-217.
  9. Paul Roazen, The Trauma of Freud: Controversies in Psychoanalysis, Transaction Publishers, 2002, p. 253-254.