Littérature Young Adult
La littérature Young Adult, souvent abrégée YA et aussi appelée littérature jeune adulte en français. C'est une catégorie de la littérature jeunesse, généralement de fiction, à destination d’un lectorat âgé de 12 à 18 ans[1]. Cependant même si cette littérature cible les adolescents, près de la moitié des lecteurs sont des adultes[2].
Historique
Origines
Même si le consensus commun est que la littérature Young Adult est née aux Etats-Unis, il est difficile de définir précisément ses origines.
En 1868, Louisa May Alcott publie Little Women (plus connu sous le nom Les Quatre Filles du docteur March en français) ; Horatio Alger Jr. publie Ragged Dick la même année :Ces livres sont considérés par certains comme les fondations de la littérature pour jeune adulte. Cependant, ils interviennent à un moment dans l'histoire où l'adolescence n'est pas encore un concept reconnu (il n'y a à cette époque que l'enfant et l'adulte), et où la littérature est encore très genrée. En effet, pendant longtemps, les livres étaient majoritairement écrits soit pour les hommes, soit pour les femmes, et il était difficile d'envisager qu'un même sujet puisse s'adresser aux deux à la fois[3].
Le concept de l'adolescence naît à la toute fin du XIXème siècle avec l'ouvrage du psychologue états-unien William Henry Burnham : The Study of Adolescence, en 1891. C'est Granville Stanley Hall qui approfondit les recherches au début du XXème siècle, notamment avec Adolescence: Its Psychology and Its Relations to Physiology, Anthropology, Sociology, Sex, Crime, Religion and Education en 1904. Ces ouvrages sont remplis d'erreurs et d'inexactitudes psychologiques concernant l'adolescence, mais ils introduisent le concept de jeune adulte tel qu'il existe aujourd'hui, en se référant à la tranche d'âge des 12-19 ans[4].
Ainsi, pendant la première moitié du XXème siècle, le concept d'adolescence se fait de plus en plus populaire ; cela s'accompagne alors de la création d'une nouvelle catégorie de littérature qui lui est destinée. De nombreux romans pourraient être considérés comme premier roman de la littérature jeune adulte telle qu'elle est définie aujourd'hui, mais l'un des plus notables est celui que Maureen Daly a publié en 1942 : Seventeenth Summer. Le récit se déroule dans les années 1940 dans le Wisconsin et met en scène Angeline Morrow, une jeune fille de 17 ans, et Jack Duluth, le champion de basket-ball du lycée. Les deux adolescents vivent une romance le temps d'un été, qui prend fin à la rentrée lorsque qu'Angeline déménage à l'université à Chicago et que Jack rentre chez sa famille dans l'Oklahoma. Aujourd'hui encore, ce roman est reste très populaire et continue d'être imprimé ; plus d'un million et demi de copies ont été vendues depuis sa publication[3].
Dans les années 1950, L'Attrape-cœurs attire l'attention d'un public adolescent, bien qu'il ne soit pas l'audience visée en premier lieu. Les thèmes de l'angoisse adolescente et de l'aliénation deviennent emblématiques de la littérature Young Adult[5].
En 1957, la Young Adult Library Services Association est fondée.
Gain de popularité
L'expression gagne en popularité dans les années 1960, après la publication de The Outsiders par S. E. Hinton en 1967. Il s'agit du premier roman dont le public visé est expressément celui des jeunes adultes, Hinton l'étant elle-même quand elle écrit le roman[6],[7]. Publié alors qu'elle a seize ans, il est reconnu pour ne pas faire preuve de la nostalgie habituelle des romans écrits par les adultes au sujet des adolescents[8].
Les années 1970 et la première moitié des années 1980 sont décrits comme l'âge d'or de la fiction Young Adult : c'est une période où des romans complexes discutent de sujets adolescents, pour un public d'adolescents et de jeunes adultes[5]. Dans les années 1980, la littérature Young Adult devient beaucoup plus sombre, avec une démocratisation de sujets comme le viol, le suicide, la mort de parents et le meurtre[9] ; en parallèle, la romance gagne en popularité elle aussi[10].
Dans les années 1990, à peine 250 livres considérés Young Adult étaient publiés par an ; dans les années 2010, le chiffre annuel tourne plutôt autour de 7000 livres[3].
Aujourd'hui encore, les principaux auteurs de Young Adult sont états-uniens. Parmi les plus connus figurent John Green (Qui es-tu Alaska ? en 2005, Nos étoiles contraires en 2012), Stephenie Meyer (série Twilight), Veronica Roth (série Divergente), ou encore Suzanne Collins (série Hunger Games). Une autre écrivaine mondialement connue est J. K. Rowling, pour sa série de livres Harry Potter. Bien que cette série ne soit pas tout à fait destinée aux jeunes adultes, elle est généralement considérée comme emblématique du genre[7].
Ce qui explique en grande partie l'engouement pour ces séries par toute une partie de la population, et non pas seulement les personnes entre 12 et 19 ans, est leur adaptation en films. C’est le cas pour Harry Potter, Twilight, Tous nos jours parfaits ou encore Nos étoiles contraires, qui les font connaître bien au-delà du livre papier. Une outil de divertissement, dans lequel l’action se déroule dans des mondes imaginaires, permettant aux jeunes adultes de se projeter et de s'identifier aux personnages. Ces histoires deviennent des moyens de loisirs et de divertissement qui deviennent très populaires.
L'intérêt grandissant du public pour la littérature Young Adult a donné lieu à la création d'une nouvelle catégorie, le New Adult, qui vise cette fois-ci les lecteurs entre 19 et 25 ans[3].
Même si la littérature Young Adult se démocratise et devient de plus en plus un phénomène de société, elle reste tout de même dégradée. En effet, nombre de personnes la relèguent au second plan et la considèrent comme une sous-littérature.
Nouvelles priorités
Au XXIe siècle, la diversité devient un thème majeur de la littérature Young Adult et de nombreux romans se tournent vers les expériences de groupes minoritaires[11],[12],[13]. De 2006 à 2016, 90% des romans britanniques Young Adult à succès ont des personnages principaux blancs, non handicapés, cisgenres et hétérosexuels[14]. Plusieurs maisons d'éditions, estimant que la diversité est essentielle pour éduquer les lecteurs les plus jeunes et représenter leur vie réelle[15], changent leurs lignes éditoriales au milieu des années 2010[16]. En 2017, un quart des romans jeunesse (Young Adult et pour enfants) a un personnage principal appartenant à un groupe minoritaire, soit une augmentation d'environ 10% par rapport à l'année précédente[17].
Francisation
Si certains éditeurs préfèrent en français le terme de littérature « jeune adulte »[18], la majorité garde toutefois l'appellation Young Adult[19].
Le littérature jeunesse moderne a fait ses débuts en France dans les années 1830, intimement liée à l'éducation et l'expansion de l'alphabétisation, avec les lois Ferry notamment. Les trente glorieuses, le boum économique et l'augmentation du pouvoir d'achat contribueront au développement de la culture jeune et à son émancipation. Ainsi seront créés, au cours des années 1960-1970, de nombreuses collections spécialisées dans la littérature ado (par les maisons d'édition Robert Laffont, Gallimard ou encore L'école des loisirs entre autres). Mais il faudra attendre le début des années 2000 et l'arrivée en France de Harry Potter ou encore Twilight, (fondamentaux de la littérature YA anglophone) pour constater une explosion du marché.
En 2004, ce genre littéraire à connu un pic de croissance et à repris un intérêt pour la population francophone en 2018[20]. En France, le chiffre d'affaires du Young adult est de 143,3 millions d'euros en 2018[21]. En effet, le classement des meilleures ventes en young adults du GFK/Livres Hebdo montre que la majorité des meilleures ventes sont des traductions anglophones. La croissance de la consommation young adults dans les pays francophones sont donc majoritairement des traductions. Cela montre que ces pays ont répandu cette littérature seulement comme lecture et que très peu d'auteurs francophones ont passé le cap de ce genre littéraire.
De plus, les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans la croissance du Young adult en France et autres pays francophones. Notamment booktok et bookstagram. En effet, en donnant leurs avis sur leurs lectures en cours et/ou terminé, en montrant l'univers où en mettant en scène certains personnages, les influencer sont à même de donner envie à leurs communautés de passer le pas et de les acheter[22]. Cela permet aussi, ont auteurs qui n'ose pas se lancer dans cette littérature encore trop peu répandu, de se faire connaître et de promouvoir leurs écrits.
Caractéristiques
Public visé
La fenêtre d'âge de l'audience s'étend de 12 à 18 ans[1], Cependant, on estime que près de la moitié du lectorat est plus âgé que cette fenêtre cible[23]. En effet, une part croissante de lecteurs de littérature Young Adult sont en fait des adultes ; si des chiffres précis sont difficiles à obtenir, il est tout de même estimé qu'ils représentent 65 à 70% des acheteurs. Ce pourcentage reflète la démocratisation de ce genre littéraire, et permet d'expliquer qu'il soit aujourd'hui un des domaines d'édition les plus dynamiques et prospères[3].
Thèmes
Les personnages des romans Young Adult font partie de la même catégorie d'âge que le public visé, évoluent dans des espaces adolescents comme le lycée, la maison familiale et rencontrent des problèmes classiques de la vie adolescente[24]. Les adolescents deviennent adultes et règlent des problèmes personnels tout en prenant la responsabilité de leurs actions[25]. De cette façon, les lecteurs peuvent s’identifier aux personnages, et se confronter, à travers la fiction, aux difficultés que sont susceptibles de rencontrer les adolescents au quotidien.
Une analyse des romans de 1980 à 2000 identifie dix-sept thèmes principaux du genre, dont en particulier l'amitié, le fait d'avoir des ennuis avec l'autorité, les relations romantiques, sexuelles et la vie de famille[26].
La littérature Young Adult aborde des thèmes de plus en plus diversifiés afin de sensibiliser les lecteurs, que ce soit des complexes dus à une malformation à la naissance (Inséparables de Sarah Crossan), des accidents qui peuvent chambouler une vie (Dévisagée d’Erin Stewart) ou encore le thème de la prison (Moon Brothers de Sarah Crossan). Ces romans permettent d’avoir une autre vision du monde et d’approfondir les connaissances sur ces différents sujets.
Le Young Adult voit toutefois un nouveau thème émerger depuis quelques années : celui de la communauté LGBTQIA+. De plus en plus de romans mettent en scène des adolescents dont la sexualité ne correspondent pas aux normes sociétales, qu'ils soient transgenres, intersexes, ou autre.
Tandis que certains auteurs abordent la littérature pour jeune adulte sous un angle réaliste, d'autres s'éloignent au contraire du monde connu pour créer un univers fantastique. Ainsi, John Green et Rainbow Rowell ont tendance à écrire des romans ancrés dans la société contemporaine connue de tous ; à l'inverse, Stephenie Meyer et J. K. Rowling, en mettant en scène des vampires et des sorciers, s'éloignent des règles définies de notre monde.
Œuvres Young Adult
- Série Journal d'un vampire, L. J. Smith (1991-2014)
- Série Harry Potter, J. K. Rowling (1997-2007)
- Pas raccord, Stephen Chbosky (1999)
- Qui es-tu Alaska ?, John Green (2005)
- Série Le Pouvoir des Cinq, Anthony Horowitz (2005-2012)
- Trilogie Hunger Games, Suzanne Collins (2008-2010)
- Série L'épreuve, James Dashner (2009-2016)
- Trilogie Divergente, Veronica Roth (2011-2013)
- Nos étoiles contraires, John Green (2012)
- Eleanor et Park, Rainbow Rowell (2013)
- Trilogie Did I Mention I Love You?, Estelle Maskame (2015-2016)
- Treize raisons, Jay Asher (2019)
- Série Phobos, Victor Dixen (2015-2017)
- Série Percy Jackson, Rick Riordan (2005-2015)
- Duologie Six of Crows, Leigh Bardugo (2015-2016)
Maisons d'édition
- Collection R (2012), collection des éditions Robert Laffont, Robert Laffont (1941)
- Éditions Pocket Jeunesse (1994), département des éditions Pocket, Sven Nielsen (1962)
- Hachette Romans, département des éditions Hachette Livre, Louis Hachette (1826)
- Éditions Albin Michel, Albin Michel (1902)
- Éditions Michel Lafon, Michel Lafon (1980)
- Éditions Gallimard Jeunesse (1972) ; filiale du groupe Gallimard, Gaston Gallimard, André Gide, Jean Schlumburger (1911)
- Éditions Nathan, Fernand Nathan (1881)
- Éditions Flammarion, Ernest Flammarion (1875)
- Éditions Actes Sud, Hubert Nissen (1978)
- Éditions Rageot, Tatiana et George Rageot (1941)
- Éditions Sarbacane, Frédéric Lavabre (2003)
Notes et références
- (en) « Young Adult Book Market Facts and Figures », sur The Balance Careers (consulté le ).
- (en) Caroline Kitchener, « Why So Many Adults Read Young-Adult Literature », sur The Atlantic, (consulté le )
- (en) Michael Cart, Young Adult Literature: From Romance to Realism, American Library Association, (ISBN 978-0-8389-1475-5, lire en ligne)
- Huerre Patrice, « "L'histoire de l'adolescence : rôles et fonctions d'un artifice" » , sur cairn.info, (consulté le )
- Mary Owen, « Developing a love of reading: why young adult literature is important », Orana, vol. 39, no 1, , p. 11–17 (ISSN 0045-6705, lire en ligne, consulté le )
- Jon Michaud, "S. E. Hinton and the Y.A. Debate", The New Yorker, October 14, 2014
- Constance Grady,"The Outsiders reinvented young adult fiction. Harry Potter made it inescapable.," Vox (website), January 26, 2017
- Dale Peck, 'The Outsiders': 40 Years Later, New York Times, 23 September 2007
- Bryan Gillis, Sexual content in young adult novels: Reading Between the Sheets, Rowman & Littlefield, (ISBN 9781442246874, OCLC 965782772), p. 101–124
- Berta Parrish, « Put a Little Romantic Fiction into Your Reading Program », Journal of Reading, vol. 26, no 7, , p. 610–615 (JSTOR 40029267)
- Leo Benedictus, « Torn apart: the vicious war over young adult books », The Guardian, (lire en ligne, consulté le )
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- Alison Flood, « Vetting for stereotypes: meet publishing's 'sensitivity readers' », The Guardian, (lire en ligne, consulté le )
- Melanie Ramdarshan Bold, « The Eight Percent Problem: Authors of Colour in the British Young Adult Market (2006–2016) », Publishing Research Quarterly, vol. 34, no 3, , p. 385–406 (DOI 10.1007/s12109-018-9600-5)
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- « Édition jeunesse : 18 477 titres publiés en 2018, pour un CA de 347,6 millions d’euros », sur BookSquad, (consulté le )
- « Sur le « #booktok », les jeunes utilisateurs de TikTok se réapproprient les critiques littéraires », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
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Bibliographie
- Lucie Bernard, Les filles qui aimaient les vampires (thèse), .