Don't ask, don't tell

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Image issue d'un manuel de formation américain expliquant ce que sont des « informations crédibles » pouvant mener à l'application de la loi. Sont en particulier concernés le témoignage de la part d'une personne digne de confiance qu'une autre « s'est engagée dans des actes homosexuels » ou « a déclaré être homosexuelle ou bisexuelle ».

Don't ask, don't tell (« Ne demandez pas, n'en parlez pas » en français) est une politique et législation discriminatoire en vigueur de 1994 à 2011 dans les forces armées des États-Unis vis-à-vis des homosexuels ou bisexuels[1],[Note 1]. Elle est abolie par un vote du Sénat américain le et mise en application jusqu'au [2].

Principe[modifier | modifier le code]

Cette politique adoptée en 1993 consiste à assouplir l'interdiction faite aux non hétérosexuels de s'engager dans l'armée en intimant à l'armée de ne pas se renseigner sur l'orientation sexuelle des recrues, avec pour contrepartie la discrétion des intéressés : ne pas demander, ne pas révéler. La loi continuait d'interdire à toute personne qui « démontre une propension ou a l'intention de s'engager dans des actes homosexuels » de servir dans l'armée américaine, parce que cela « créerait un risque inacceptable contre les hauts standards moraux, l'ordre, la discipline et la cohésion qui forment l'essence des capacités militaires ». La législation empêche donc toute personne homosexuelle ou bisexuelle de révéler son orientation sexuelle et de parler de relations homosexuelles, y compris du mariage et de l'homoparentalité tant qu'ils servaient les Forces américaines. La partie « ne demandez pas » indique que les supérieurs ne doivent pas commencer d'enquête tant qu'il n'existait aucun comportement prohibé, bien qu'il existe de nombreux cas où des soupçons quant à l'homosexualité ou la bisexualité d'une personne ont entraîné une enquête. Pendant l'application de cette législation, au moins 14 000 militaires américains ont dû démissionner de l'armée pour cette raison[3].

Début de la politique[modifier | modifier le code]

Le président Bill Clinton, en juillet 1993, parlait de la nouvelle politique concernant les homosexuels dans l'armée.

Cette politique a été conçue en 1993 comme un compromis entre ce qui existait déjà, le bannissement complet des homosexuels et bisexuels de l'armée, et la promesse de campagne de Bill Clinton que tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, pourraient servir dans l'armée. Cette politique a été mise en place par Colin Powell et maintenue par George W. Bush.

« L'orientation sexuelle ne sera pas un frein au service militaire à moins d'une conduite homosexuelle manifeste. Les autorités militaires renverront les membres qui s'engagent dans des conduites homosexuelles, c'est-à-dire des actes homosexuels, une affirmation que le membre est homosexuel ou bisexuel ou un mariage avec une personne du même sexe »

— « The Pentagon's New Policy Guidelines on Homosexuals in the Military », The New York Times (), p.A14.

De manière plus générale, Don't ask, don't tell a été utilisé pour décrire toute instance demandant aux personnes de garder secret leurs relations sexuelles et sentimentales (et donc parfois leur famille) mais sans réclamer de mensonge délibéré.

Opinion publique[modifier | modifier le code]

Des sondages ont indiqué qu'une grande majorité d'Américains étaient pour autoriser les gays, les lesbiennes et les bisexuels à servir dans l'armée américaine sans cacher leur orientation. Un sondage national, conduit en mai 2005 par le Boston Globe, a indiqué que 79 % des votants n'avaient rien contre les personnes ouvertement homosexuelles servant dans l'armée[réf. nécessaire]. Dans un sondage conduit en 2008 par le Washington Post et ABC News, 75 % des Américains, soit respectivement 80 % des démocrates, 75 % des indépendants et 66 % des républicains affirment que les personnes ouvertement homosexuelles devraient pouvoir servir militairement[4]. Un sondage du conduit par le Washington Post donnait presque les mêmes résultats, estimant que 77 % des Américains étaient pour autoriser les gays et les lesbiennes à servir dans l'armée américaine sans cacher leur orientation[5].

Fin de la loi[modifier | modifier le code]

Réunion au sujet de l'abrogation de la politique Don't ask, don't tell, avec Barack Obama, les chefs d'état-major américains et le secrétaire à la Défense Robert Gates, dans le bureau ovale, le 29 novembre 2010.

Barack Obama, tout juste désigné prix Nobel de la paix, s'exprimant lors d'un dîner de la Human Rights Campaign le , a indiqué qu'il allait mettre fin à la loi Don’t ask, don’t tell (de 1993) qui impose le silence aux homosexuels et bisexuels au sein de l'armée américaine. Il a précisé que « nous ne devrions pas punir des Américains patriotes qui se sont portés volontaires pour servir ce pays. Nous devrions louer leur volonté de montrer tant de courage et de désintéressement au nom de leurs concitoyens, spécialement quand ils combattent dans deux guerres. »

Le , la Chambre des représentants adopte, par 250 voix contre 175, un projet de loi du Congrès visant à abolir cette doctrine. L’administration du président Barack Obama est alors nettement favorable à cette abrogation, comme les sondages dans l'armée. Le 18 décembre, le Sénat vote l'abolition définitive de la loi de Bill Clinton de 1993 par 65 voix contre 31. 8 sénateurs républicains se joignent aux démocrates pour voter pour cette abolition. « Comme le président le dit depuis longtemps, mettre fin à la directive Don't ask, don't tell et permettre aux gays et lesbiennes de servir ouvertement dans l'armée renforcera notre sécurité nationale, tout en confirmant le principe fondamental d'égalité sur lequel notre pays a été fondé », est la déclaration officielle sous forme de communiqué de la Maison-Blanche après le vote du Sénat.

Le , par décision d'une cour d'appel de San Francisco, les normes qui interdisaient encore formellement aux différents Américains gays, lesbiennes et bisexuels de s'engager dans leurs armées sont immédiatement suspendues. Le Pentagone écrit dès lors de nouvelles règles mais cette décision prévaut et oblige le porte-parole du département de la Défense à anticiper ces engagements « dans les toutes prochaines semaines ». D'ores et déjà, n'importe qui peut s'adresser à un centre de recrutement et se déclarer ouvertement gay, lesbienne ou bisexuel : le centre de recrutement a désormais l'obligation légale d'instruire cette demande[Passage à actualiser].

Après l'abrogation[modifier | modifier le code]

L'association Human Rights Campaign estime, près de deux ans après le retrait de la loi, que les soupçons de « chaos gay » qu'aurait causé l'abrogation de la loi, portés par ceux qui y étaient opposés, se sont révélés infondés[6]. Le sénateur républicain John McCain déclarait par exemple en 2010 que cette loi « causerait un grand dommage » à l'armée américaine[6].

Le New York Times rapporte en 2012 que des comités de soutien aux étudiants ouvertement gays, lesbiennes ou bisexuels se forment dans certaines académies militaires américaines[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Bien que la loi soit très claire sur les personnes et les comportements visés, qui ne se limitent nullement à l'homosexualité, mais qui englobent également la bisexualité et les comportements bisexuels, la bisexualité et les personnes bisexuelles servant dans l'armée ont généralement été oubliées des débats publics ou des déclarations politiques sur cette loi, et plus largement par la couverture médiatique. Voir notamment (en) Sheela Lambert, « Don't Ask Don't Tell news coverage ignores bisexual servicemembers », 1er décembre 2010, Examiner.com (lire en ligne).

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « NLGJA Stylebook on LGBTQ Terminology », sur nlgja.org (consulté le )
  2. (en) « DODD 1304.26, Dec. 21, 1993 », sur biotech.law.lsu.edu (consulté le )
  3. « Barack Obama promulgue l'abolition de la loi "Don't ask, don't tell" », sur France 24, (consulté le )
  4. (en) Kyle Dropp and Jon Cohen, « Acceptance of Gay People in Military Grows Dramatically », Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Most back repealing 'don't ask, don't tell', poll says - washingtonpost.com
  6. a et b (en) Charlie Joughin, « Two Years After ‘Don’t Ask, Don’t Tell’ Repeal, Threats of Gay “Chaos” Still Unfounded », 19 septembre 2013, Human Rights Campaign (lire en ligne)
  7. (en) Rachel L. Swarns, « Out of the Closet and Into a Uniform », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )