Coefficient binomial de Gauss

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En mathématiques, les coefficients binomiaux de Gauss ou coefficients q-binomiaux ou encore q-polynômes de Gauss sont des q -analogues des coefficients binomiaux, introduits par C. F. Gauss en 1808 [1].

Le coefficient q-binomial, écrit ou , est un polynôme en à coefficients entiers, qui donne, lorsque est une puissance de nombre premier, le nombre de sous-espaces vectoriels de dimension d'un espace vectoriel de dimension sur un corps fini à éléments.

Définition algébrique[modifier | modifier le code]

Les coefficients binomiaux de Gauss sont définis pour et entiers naturels et différent de 1 par[2] :

Pour , la valeur est 1 car le numérateur et le dénominateur sont tous deux des produits vides.

Bien que la première formule semble donner une fonction rationnelle en , elle désigne en fait un polynôme en de degré (la division est exacte dans ).

Tous les facteurs au numérateur et au dénominateur sont divisibles par , avec comme quotient le q-analogue :

.

La division de ces facteurs donne la formule équivalente :

ce qui met en évidence le fait que la substitution dans donne le coefficient binomial ordinaire

En termes de q-factorielles , la formule peut être écrite comme suit :

,

forme compacte (souvent donnée comme première définition), qui cache cependant la présence de facteurs communs au numérateur et au dénominateur.

Cette forme rend évidente la symétrie pour .

Contrairement au coefficient binomial ordinaire, le coefficient binomial de Gauss a une limite finie quand , pour  :

.

Exemples[modifier | modifier le code]

La plupart des logiciels de calcul formel ont des fonctions pour calculer les q-binomiaux :

  • q_binomial(n, k) dans SageMath
  • QBinomial(n,k,q) dans Maple (avec le package QDifferenceEquations)
  • QBinomial[n,k,q] dans Mathematica

Relations de récurrence[modifier | modifier le code]

Avec les définitions ci-dessus, on montre :

,

Cette égalité est la q-analogue de la formule du pion pour les coefficients binomiaux classiques.

Avec la formule , on déduit les relations q-analogues de la relation de Pascal :

et

.

Ces relations montrent, par récurrence, que les coefficients q-binomiaux sont bien des polynômes à coefficients entiers en .

q-analogue du triangle de Pascal[modifier | modifier le code]

Le triangle des coefficients binomiaux de Gauss, q-analogue du triangle de Pascal, se construit grâce aux relations précédentes :

1
1 1
1 1+q 1
1 1+q+q2 1+q+q2 1
1 1+q+q2+q3 1+q+2q2+q3+q4 1+q+q2+q3 1

Pour q =2, il forme la suite A022166 de l'OEIS ; pour les entiers q suivants jusqu'à 24, les numéros des références se succèdent de 1 en 1 ; pour q=-2 : suite A015109 de l'OEIS et suivantes jusqu'à q=-24.

Autres références de l'OEIS concernant le q-triangle de Pascal :

  • suite A008967 de l'OEIS et suite A219237 de l'OEIS donnant la succession des coefficients des polynômes des colonnes 2 et 4 : et .
  • suite A083906 de l'OEIS donnant les coefficients de la somme de chaque ligne.
  • suite A089789 de l'OEIS donnant le nombre de facteurs irréductibles de .

Définitions combinatoires[modifier | modifier le code]

Nombre de combinaisons présentant un nombre d'inversions donné[modifier | modifier le code]

Le coefficient binomial ordinaire compte les k-combinaisons obtenues à partir de éléments. Si l'on prend ces éléments comme les différentes positions de caractères dans un mot de longueur , alors chaque k-combinaison correspond à un mot de longueur utilisant un alphabet de deux lettres, disons {0,1}, avec copies de la lettre 0 (indiquant les positions dans la combinaison choisie) et lettres 1 (pour les positions restantes).

Pour obtenir de ce modèle le coefficient binomial de Gauss , il suffit de compter chaque mot avec un facteur , où est le nombre d' "inversions" du mot : le nombre de paires de positions pour lesquelles la position la plus à gauche de la paire contient une lettre 1 et la position la plus à droite contient une lettre 0 dans le mot.

Par exemple, pour , 0011 ne présente pas d'inversion, 0101 en présente une (en positions 2 et 3), 0110 et 1001 en présentent deux, 1010 en présente trois et 1100 en présente quatre. Cela correspond aux coefficients du polynôme en  :

Chemin correspondant au mot 011100010010 ; ici, n = 12, k = 7, et le nombre d'inversions, aire sous le chemin, vaut i = 22.

D'une façon générale, si est le nombre de mots binaires de lettres, contenant lettres 0, et présentant inversions, on a :

.

On démontre ceci à partir de la relation .

Une façon visuelle de comprendre cette définition consiste à associer à chaque mot un chemin à travers une grille rectangulaire de côtés de hauteur et de largeur , du coin inférieur gauche au coin supérieur droit, en faisant un pas à droite pour chaque lettre 0 et un pas vers le haut pour chaque lettre 1. Le nombre d'inversions du mot est alors égal à l'aire de la partie du rectangle qui se trouve sous le chemin.

Dénombrements de rangements de boules dans des urnes ou de partitions d'entiers[modifier | modifier le code]

Soit le nombre de façons de lancer boules dans urnes indiscernables pouvant contenir boules au plus, .

Pour , est donc aussi le nombre de partitions de l'entier en parties au plus, chacune des parties étant inférieure ou égale à .

On montre qu'avec les notations précédentes, .

Donc désigne le coefficient de dans le polynôme .

Notons que par symétrie, .

Nombre de sous-espaces vectoriels d'un espace vectoriel fini[modifier | modifier le code]

Lorsque est une puissance de nombre premier, le nombre de sous-espaces vectoriels de dimension d'un espace vectoriel de dimension sur un corps fini à éléments est [3].

Donc le nombre de sous-espaces projectifs de dimension d'un espace projectif de dimension sur un corps fini à éléments est .

Parties à k éléments de {1,2,..,n}[modifier | modifier le code]

Posons et pour une partie , notons sa somme ; alors[4]:

.

q-analogue de la formule du binôme[modifier | modifier le code]

Pour a et b réels ou complexes, on montre la formule q-analogue de la formule du binôme :

, dénommée "formule du binôme de Gauss" [4] .

On en déduit, pour , le développement du produit infini  : (première identité d'Euler).

Par exemple, pour , , on obtient , voir suite A081845 de l'OEIS.

Il existe aussi une formule q-analogue de la formule du binôme négatif, dénommée "formule du binôme de Heine" [4] :

pour .

dont on déduit :

pour et (deuxième identité d'Euler).

Par exemple, pour , on obtient , voir suite A065446 de l'OEIS.

Autres relations entre coefficients q-binomiaux[modifier | modifier le code]

q-analogue de la sommation en colonne[modifier | modifier le code]

Par application du q-analogue de relation de Pascal, on obtient le q-analogue de la formule d'itération de Pascal[1] :

q-analogue de l'identité de Vandermonde[modifier | modifier le code]

Le q-analogue de l'identité de Vandermonde est[4]

.

Sommation alternée d'une ligne[modifier | modifier le code]

Pour une ligne paire [1] :

Pour une ligne impaire (évident par la propriété de symétrie)[1] :

Étoile de David[modifier | modifier le code]

D'après leur définition algébrique, les coefficients binomiaux de Gauss vérifient le théorème de l'étoile de David, deuxième énoncé.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (la) C. F. Gauss, Opera, Vol. 2, Summatio quarumdam serierum singularium, (} lire en ligne), p. 7–12, paragraphes 5 à 9
  2. (en) George Pólya et Gábor Szegő, Problems and Theorems in Analysis, vol. I, Springer, (1re éd. 1972) (lire en ligne), p. 11 à 13
  3. (en) M. Sved, « ,Gaussians and binomials », Ars Combinatoria, 17A,‎ , p. 325-351. (lire en ligne)
  4. a b c et d (en) Victor Kac et Pokman Cheung, Quantum Calculus, Springer, (lire en ligne), chapitre 5, th. 7.6, th. 6.1