Germaine Bouloumié
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Marie Germaine Bouloumié |
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Louis Bouloumié (grand-père) |
Germaine Bouloumié, née le [1] à Vittel, où elle est morte le , est une cheffe d'entreprise française. Elle fut la présidente-directrice générale de la Société générale des eaux minérales de Vittel (SGEMV) durant vingt ans, de 1952 à 1972, et de ce fait l'une des rares dirigeantes d'une grande entreprise française durant la période des Trente Glorieuses.
Biographie
L'héritière de la dynastie Bouloumié à Vittel
Germaine Marie Bouloumié est la petite-fille de Louis Bouloumié (1812-1869), fondateur de la station thermale de Vittel dans les années 1850, la fille d'Ambroise Bouloumié (1843-1903), qui a succédé à Louis, et de Félicie Bonnet et la sœur cadette de Jean Bouloumié (1878-1952), qui succède à leur père en 1903.
Elle est éduquée dans un pensionnat parisien catholique de jeunes filles, le Couvent des Oiseaux[2], tenue par les Chanoinesses de Saint-Augustin de la Congrégation Notre-Dame, congrégation qui se dévoue à l'enseignement des jeunes filles (pauvres et riches mais séparément) fondée au XVIIè siècle dans les Vosges par saint Pierre Fourier et la bienheureuse Alix Le Clerc. Elle épouse en un officier, lieutenant au 3e régiment de chasseurs d'Afrique, puis capitaine, Jacques Chalmeton de Croy[3]. Un fils naît en 1910 à Constantine (Algérie), prénommé Bertrand[4], mais il meurt à 12 ans en 1922, à Vittel[5]. L'époux siège au conseil d'administration de la SGMEV, à moins qu'il ne s'agisse d'elle[6]. Le couple se sépare quelques années plus tard - divorce ou plus vraisemblablement annulation du mariage par la Papauté ? - et son ancien mari épouse une autre femme en 1928[7]. Germaine Bouloumié reprend son nom et ne se remarie pas. Elle habite le manoir de Haréloup, près de Vittel, dans les Vosges[8].
Elle aide son frère à animer la station thermale, haut lieu de la mondanité de l'entre-deux-guerres[9]. Elle organise des déjeuners et des diners[10], prend part à des déjeuners à l'Ermitage, un des hôtels de luxe de la station, donnés par des personnalités[11], figure dans les tribunes des événements sportifs rythmant la saison. Elle s'occupe plus particulièrement du golf de Vittel, qu'elle préside[12].
Elle siège aussi au conseil d'administration de la Société générale des eaux minérales de Vittel (SGEMV), peut-être à partir de 1932[13], à celui de la société des grands hôtels de Vittel[14] et à celui de la verrerie de Gironcourt, détenue conjointement par la SGEMV et Souchon-Neuvesel.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'activité thermale et mondaine reprend, la station reçoit à nouveau des personnalités comme le roi du Laos Sisavang Vong en 1949[15] et Germaine Bouloumié poursuit son activité d'animatrice de la saison[16], notamment comme présidente du Golf Club de Vittel[17].
Activités caritatives
Les Bouloumié sont une famille de patrons sociaux. Il existe à Vittel des œuvres privées dont s’occupent Jean et Germaine Bouloumié, et aussi leur mère, morte à 83 ans, en 1935[18].
Germaine Bouloumié pratique la charité au profit des pauvres de Vittel[19]. Elle a plus particulièrement fondé « La Goutte de lait », en 1924, qu'elle préside. Elle est installée dans un local situé dans un immeuble du centre-ville appartenant à leur famille. Local qu’elle a baptisé du nom de « Maison de l’enfance ». Cette œuvre lutte contre la mortalité infantile. Les femmes de Vittel y trouvent une crèche, un dispensaire, des consultations médicales, avec des religieuses et une infirmière, et du lait pasteurisé pour les nourrissons, fourni par la Société des Eaux. L'œuvre offre des layettes. Il existe aussi un Comité des dames visiteuses, fondé en 1929 à son initiative et dont elle est présidente d’honneur. Cela lui vaut la médaille d'argent de l'assistance publique en 1933[20].
Sous l'Occupation, elle est l'une des deux déléguées départementales de la Croix-Rouge française, l'autre déléguée étant l'épouse de l'industriel cotonnier Georges Laederich[21], administrateur de la SGEMV. Elle s'occupe plus particulièrement du camp d'internement de Vittel installé par les Allemands de 1941 à 1944 pour les prisonniers britanniques et américains et qui accueillit aussi des Juifs[22]. Le comité de Vittel transmet les colis reçus des Croix-Rouges britannique et canadienne. Au mois d’, elle établit ainsi le rapport suivant :
« Le ravitaillement reste toujours très largement assuré par les colis reçus régulièrement des Croix-Rouges canadienne et anglaise. Nous sommes encore chargés de faire parvenir au camp de Troyes 5 à 600 kilos de conserves que les internés de Vittel envoient à leurs compatriotes moins favorisés. A ce jour nous avons déjà livré aux internés britanniques 5 000 mètres de tissu, 1200 paires de bas, du coton à tricoter et à repriser, des gants et serviettes de toilettes, des chaussures, etc. et nous attendons encore de nouveaux arrivages de tissus, bas, lingerie ces jours-ci. Les internés ont d’ailleurs reçu d’Amérique et d’Angleterre d’importantes quantités de vêtements et de tissus et paraissent donc être pourvus pour cet hiver d’un vestiaire suffisant…. En ce qui concerne les indigènes, j’ai organisé, grâce à la bonne volonté de l’ouvroir vittellois, le raccommodage et l’entretien des vêtements et linge des prisonniers noirs actuellement cantonnés à Vittel. Je crois que c’est une mesure indispensable à prendre partout où il y a des prisonniers indigènes, pour leur permettre de passer l’hiver avec des vêtements en bon état.[23] »
En 1947, elle reçoit la médaille de bronze du service de santé[24]. En , à l'ambassade du Royaume-Uni, elle reçoit de l'ambassadeur les insignes de membre honoraire de l'Ordre de l'Empire britannique avec deux autres femmes, en témoignage des services rendus aux internés britanniques par la Croix-Rouge[25]. C'est au titre de présidente du comité de la Croix-Rouge de Vittel qu'elle obtient la croix de chevalier de la Légion d'honneur en 1953[26].
Patronne de la SGEMV
Comme son frère était resté célibataire, c'est elle qui prend la direction de l'entreprise à sa mort en 1952[27]. La SGEMV possède alors sept hôtels, un casino, un centre thermal avec ses sources, ses piscines, son parc, son golf, son champ de courses hippiques, et des usines d'embouteillage.
L'exploitation de la station continue d'être déficitaire mais le déficit est comblé par la vente des bouteilles[13]. Germaine Bouloumié est secondée par deux hommes, Louis Chavane, administrateur et directeur, et Guy de La Motte-Bouloumié[28], neveu de Germaine et Jean, entré dans la société en 1947, secrétaire général en 1949, directeur en , administrateur en 1964 puis vice-président directeur général[29]. Comme P-DG de la SGMEV, elle est en relation avec d'autres patrons français, des hommes pour la plupart[30].
Alors que les femmes ont le droit de vote et sont éligibles depuis 1944, elle ne prend pas de responsabilités politiques, contrairement à son père, à son oncle et à son frère. C'est Guy de La Motte-Bouloumié qui se présente avec succès aux cantonales en 1952, succédant à Jean Bouloumié[31], et aux municipales en 1953. Il est conseiller général de 1952 à 1976 et maire de Vittel de 1953 à 1977 puis de 1995 à 2001.
Elle organise en 1954 le centenaire de l'achat de la « grande source ». D'où cet article du quotidien Le Monde :
« Au nord Vittel-Thermal, ses trottoirs sur lesquels on hésite à laisser tomber la cendre de sa cigarette, ses boutiques dont chaque vitrine est un écrin, ses entrées de palaces, son peuple de grooms et de liftiers galonnés, ses perspectives de fleurs et de verdures, ses piscines, son palmarium, son casino, son hydrothérapie, en un mot ses eaux. Car l'eau est reine. Elle a fait la fortune de Vittel. Elle a même pratiquement réussi à éliminer les sommeliers... Une fois de plus Vittel connaît sa belle époque. Sur tous ses murs des affiches annoncent des galas, des concerts, des représentations. Mais en cet été 1954 on y fête un autre événement : le centenaire. Pour une station thermale ce n'est pas un titre de vieillesse. " Vittel-Vitalité ", proclament au contraire, et fièrement, les prospectus sur fond vert tendre que l'on distribue à profusion[32]. »
Un autre quotidien, Paris-presse l'Intransigeant, évoquant aussi le centenaire, présente Germaine Bouloumié, « femme au cheveu argenté, au visage doux, au sourire aimable », comme « la femme d'affaires n° 1 de France » et affirme que son eau minérale est passée devant Perrier, Evian et Vichy[13].
En 1956, le capital de la SGEMV passe de 527 840 000 francs à 792 395 000 francs et le bilan comptable s'élève à 2 154 306 243 francs au 31 décembre 1954[33]. En 1960, le capital s'élève à 10 209 350 francs (nouveaux francs)[34].
Sous sa direction, la station thermale décline cependant et perd son rôle de pôle mondain. A l'été 1959, les restrictions apportées par la Sécurité sociale dans le remboursement des cures amènent la fermeture d'un hôtel de plus de cent chambres. En revanche, la production et la vente de bouteilles d'eaux minérales progressent considérablement, dans le contexte des Trente Glorieuses : 86 millions en 1951, 131 millions en 1953, 338 millions en 1958[35]. La société produit aussi le quart Ricqlès à partir de 1959 et acquiert en 1964 la source Pierval (une eau de source), à Pont-Saint-Pierre dans l'Eure[36]. Elle exploite aussi une autre source à Camps-la-Source dans le Var, à partir du (fabrication de boissons gazeuses et eaux minérales). Le capital de la SGEMV s'élève alors à 30 millions de francs environ[37].
La fin de sa direction est marquée par le lancement de la grande bouteille en PVC, qui a reçu l'agrément du ministère de la santé le , et l'entrée au capital de la société de la puissante firme suisse Nestlé, en 1969. Vittel est alors la deuxième eau minérale en France, avec environ 20 % de part de marché. Le chiffre d'affaires s'élève à 197 millions de francs et la production à 585 millions de bouteilles[38].
Elle est marquée aussi par des conflits sociaux, à partir de 1969 : s'il n'y eut pas de grève en , une partie des 2400 employés de la Société des eaux travaillant dans les deux usines de Vittel, celle dite du Sud, spécialisée dans l'emballage en verre traditionnel, où la capacité de production atteint trois millions de bouteilles par jour, et celle du Nord (embouteillage en plastique), produisant un million de bouteilles par jour, s'est mise en grève. Deux grèves éclatent en 1969; la première en (vingt-quatre heures) et la seconde en août, elle dure huit jours. Les grévistes réclament une amélioration des conditions de travail. En , 150 salariés font grève pendant une semaine. Puis, du 21 au , a lieu une grève plus suivie. Les usines sont occupées, puis libérées à la demande des syndicats. Les gardes mobiles interviennent, des manifestations ont lieu[39].
Elle demeure à Haréloup et possède aussi une adresse à Paris, au 14 avenue Georges-Mandel dans le 16e arrondissement[2].
Elle cède en 1972 son fauteuil de P-DG de la SGEMV à son neveu Guy de la Motte-Bouloumié, à 87 ans[40]. En 1972, la société a vendu 680 millions de bouteilles, pour un chiffre d'affaires de 312 millions de francs et un bénéfice de 8 875 159 francs. Sa part dans le marché des eaux de table plates est de 20 % environ contre 25 % à Évian et 28 % à Contrexéville. En ce qui concerne les bars, restaurants et hôtels, sa part est de 70 %, contre 30 % à Évian[40]. La SGEMV est l'une des trois grandes entreprises du secteur des eaux minérales, derrière Perrier de Gustave Leven et Évian.
Notes et références
- Archives départementales des Vosges, commune de Vittel, année 1885, acte de naissance no 90, cote 4E528/14-82745, vue 16/26 avec mention marginale de décès
- Qui est qui en France, .
- Le Figaro, 19 mai 1909
- Le Figaro, 21 novembre 1910
- Le Figaro, 3 juillet 1922, Le Télégramme des Vosges, 5 juillet 1922
- L'Est républicain, 11 octobre 1924
- Le Figaro, 13 mars 1928
- L'Express de l'Est, 29 octobre 1925
- Paris-midi, 3 septembre 1932, Paris-soir, 21 juillet 1933, Ibid., 4 septembre 1932, Le Figaro, 28 juillet 1934, Le Télégramme des Vosges, 30 juillet 1931
- Le Gaulois, 23 août 1927, Le Figaro, 22 août 1937
- Le Télégramme des Vosges, 20 août 1936, Ibid., 9 août 1939
- Le Télégramme des Vosges, 16 juin 1935
- Paris-presse l'Intransigeant, 12 août 1954, p. 8 (en ligne sur Retronews)
- L'Est républicain, 19 mars 1939
- Le Monde, 26 juillet 1949, "Les adieux du roi du Laos" : « Avant leur départ LL. MM. le roi et la reine ont offert un cocktail dans leur appartement particulier du Grand Hôtel. Y étaient conviés : Mme G. Bouloumié, Mme le docteur Paillard-Varin, le professeur Henri Paillard, le docteur Boigey, M. Chavane, administrateur-directeur général de la Société des eaux; M. de la Motte, secrétaire général de la société des eaux, etc. »
- Le Monde, 29 juillet 1949, "La saison de Vittel" : « Lundi dernier S.E. FAHKRI PACHA, ambassadeur d'Égypte, réunissait à sa table au Grand Hôtel : Madame BOULOUMIE, la comtesse de ROHAN-CHABOT, S.E. ABAZA PACHA et Madame ABAZA FACHA. Monsieur MARTINEZ de HOZ, le comte et la comtesse de MOUSTIER, Monsieur et Mademoiselle CATTUI BEY. »
- Le Monde, 28 juin 1950, "Finale de la coupe de golf d'hiver de la Vittelloise"
- L'Express de l'Est, 8 février 1935
- Le Télégramme des Vosges, 30 septembre 1921
- L'Œuvre, 12 décembre 1934, L'Express de l'Est, 4 octobre 1934, Ibid., 28 septembre 1933, Le Télégramme des Vosges, 7 mars 1924, Ibid., 22 décembre 1931 (fête de Noël), Ibid., 27 septembre 1934, Ibid., 24 août 1939
- L'Express de l'Est, 19 septembre 1942
- Katherine Lack, Frontstalag 142: The Internment Diary of an English Lady, Amberley Publishing Limited, 2010, Camp de Vittel
- Jean Camille Bloch, Le camp de Vittel 1940-1944
- Journal officiel, 5 février 1947
- Vie et bonté, janvier 1949
- Vie et bonté, mars 1953
- Paris-presse l'Intransigeant, 30 juillet 1952, p. 2
- Né à Lyon, Guy de La Motte-Bouloumié, est le fils de Jacques de La Motte, officier de cavalerie et aristocrate, issu d'une ancienne famille de noblesse de robe du Dauphiné, et d'Edith Bouloumié, fille aînée de Pierre Bouloumié, oncle de Germaine, frère d'Ambroise Bouloumié et fils de Louis Bouloumié
- Bertrand Munier, Le grand livre des élus vosgiens, 1791-2003 : conseillers généraux et régionaux, députés, sénateurs, ministres, Gérard Louis, 2003, p. 205
- Bulletin du Conseil national du patronat français
- Le Monde, 22 avril 1952, "Six élections cantonales"
- Le Monde, 4 août 1954, Jean-Marc Théolleyre, "Cure hydrominérale , cure d'exercice cure de détente : tout parle de cure à VITTEL"
- Bulletin des annonces légales, 30 avril 1956
- Ibid., 18 janvier 1960
- Le Monde, 19 novembre 1959, "430 millions de bouteilles en 1959 à Vittel et à Contrexéville
- Paris-presse l'Intransigeant, 2 mai 1969, p. 4
- Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, 1964
- Paris-presse-l'Intransigeant, 12 juillet 1969
- Le Monde, 30 novembre 1970, "La demande de licenciement d'un délégué C.F.D.T. confirme la détérioration du climat social à la Société des eaux de Vittel". Un mouvement social se poursuit en 1973, avec un lock-out décidé par Guy de la Motte-Bouloumié.
- « Les Boulomié », Le Monde, (lire en ligne).
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Lise Grenier (dir.), Villes d'eaux en France, Exposition de l'École nationale supérieure des beaux-arts, Institut Français d'Architecture, 1985
- Vittel, 1854-1936: Création d'une ville thermale, Éditions du Moniteur, 1982
- Vittel 1854-1954, Paris, Éditions du Service de documentation économique, préface de Germaine Bouloumié
- Guy de La Motte-Bouloumié, 125 années de Vittel, la Plaine de Vosges, 1977
- Albert Ronsin (dir.), Dictionnaire biographique illustré ; Les Vosgiens célèbres, Vagney, Ed. Gérard Louis, 1990
- Bertrand Munier, Le grand livre des élus vosgiens, 1791-2003 : conseillers généraux et régionaux, députés, sénateurs, ministres, Gérard Louis, 2003
Liens externes