Mosaïque des bestiaires festoyant dans l'arène
Mosaïque des bestiaires festoyant dans l'arène | |
Aperçu de la mosaïque. | |
Type | Mosaïque |
---|---|
Dimensions | 1,40 m × 1,25 m[A 1], 1,45 m × 1,31[D 1]. |
Période | IIIe siècle |
Culture | Rome antique |
Date de découverte | Septembre 1954 |
Lieu de découverte | El Jem |
Conservation | Musée national du Bardo |
Fiche descriptive | Inv. 3361 |
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La mosaïque des bestiaires festoyant dans l'arène, appelée aussi mosaïque du banquet costumé, est une mosaïque romaine datée du IIIe siècle et découverte à El Jem, site de l'ancienne Thysdrus. Elle est conservée au musée national du Bardo.
Histoire et localisation
[modifier | modifier le code]Histoire antique
[modifier | modifier le code]Elle date du début du IIIe siècle[C 1] selon l'étude des critères stylistiques, d'éléments géométriques et de la forme des lettres[A 2]. La date a pu être affinée à 200-220[D 1].
Redécouverte
[modifier | modifier le code]La mosaïque est découverte de manière fortuite en septembre 1954 par un habitant d'El Jem, à 500 mètres à l'ouest de l'amphithéâtre[D 1]. L'œuvre est déposée par Louis Foucher, conservateur du musée archéologique de Sousse, et envoyée au musée Alaoui, le futur musée du Bardo[A 3].
L'œuvre est retrouvée dans une pièce rectangulaire d'un édifice dont les murs étaient arasés[A 1].
Description
[modifier | modifier le code]La mosaïque, qui porte le numéro d'inventaire Inv. 3361[C 2], est en bon état, sauf dans son angle gauche[D 1]. La mosaïque est l'emblema d'une mosaïque plus grande : un décor géométrique avec des ovales et des carrés était présent sur les bords du panneau central, avec des motifs géométriques divers parmi lesquels des tresses ou des motifs crénelés[A 1].
La mosaïque est inscrite dans un cadre carré fermé par quatre tiges de millet, pourvues de feuilles et de fleurs[B 1]. Le millet est rare dans les bordures des mosaïques[B 2]. Cinq individus sont installés sur une table de forme arquée, boivent et discutent de manière grossière[C 2]. Chaque personnage est muni d'un symbole différent : une feuille de lierre, une couronne pourvue de trois pointes, une autre de cinq pointes, une tige de millet et une hampe munie d'un croissant[C 2].
Gilbert Charles-Picard a publié la mosaïque en 1954 et donne sa vision de l'œuvre :
Personnage | Symbole[A 1] | Parole prononcée selon Charles-Picard | Traduction ou sens |
---|---|---|---|
Femme | Sceptre avec croissant | nostrestenemus | nous trois, nous nous tenons convenablement[D 1] ou « sens obscur »[B 3] |
Homme | Roseau ou tige millet (selon Seyrig[B 3]) | ||
Homme | Couronne radiée avec poisson | iam udulo avocemur quimini | |
Femme | Couronne radiée avec ancre | bibere venimus | nous venons boire |
« Personnage » | Feuille de lierre | [n]osnudi [f]iemus | exhortation à se mettre à l'aise[A 4] |
Le banquet débute à peine[B 1],[B 4]. Le convive portant le lierre semble s'être dévêtu et débraillé[A 5] et tient un verre[B 1]. Les trois personnages sur la droite semblent choqués de son attitude selon Charles-Picard, et l'un d'eux, peut-être le maître de maison, semble embarrassé : la phrase au-dessus des trois convives de droite semble vouloir dire « détournons nous de l'ivrogne (etc) » ou « cessons de nous imbiber (etc) »[A 6].
Le personnage situé sur la droite prononce une parole obscure selon Henri Seyrig. Celui situé à sa gauche, au vêtement rouge, tient une tige de millet et prononce le mot Avocemur qui signifie « Divertissons-nous ». Le suivant porte un manteau vert et dit Ja(m) multu loquimini (« vous parlez depuis trop longtemps »). Le personnage aussitôt à gauche porte le même type de manteau et sa phrase ne pose pas de problème de lecture, tout comme le dernier qui est vêtu légèrement[B 3].
Devant les convives se trouve une table ou un guéridon portant deux œnochoés, un pot par terre[A 1], un cratère[B 1], et deux personnages en tunique courte[B 1], sans doute des serviteurs, dont l'un sert à boire aux convives à partir d'une amphore car il leur tend un verre. Le second, peut-être le bouvier[A 1], a la main à la bouche et dit Silentiu(m), dormiant tauri ! (« silence, laissez dormir les taureaux »)[C 2],[B 5].
Devant les serviteurs, cinq taureaux à bosse ou zébus[D 1] sont installés « les uns contre les autres »[A 1] : l'un est debout et deux lèvent la tête. Sur leur croupe on trouve une marque[C 1],[B 1], un « guerrier combattant »[A 1] et un sistre. Ce signe était marqué au fer chaud[D 1].
Interprétation
[modifier | modifier le code]Œuvre originale et très vivante
[modifier | modifier le code]La scène est très vivante, en dépit de maladresses dans le dessin ; l'expression des personnages est réussie, tout comme la figuration du troupeau qui rappelle la mosaïque du haras de Sorothus[A 7].
Scène de banquet divin ou des Saturnales ?
[modifier | modifier le code]Les spécialistes ne sont tout d'abord pas d'accord sur le sens à apporter à cette œuvre.
Les personnes participent à une beuverie, qui suivait traditionnellement le dîner[A 1]. Selon Charles-Picard, il s'agit de la représentation d'un banquet divin : il s'agit d'« une bande de joyeux fêtards, qui n'ont pas hésité à se déguiser en dieux ». La présence des taureaux est faite de sous-entendus selon lui[A 8].
Selon Henri Seyrig, le roseau est l'« emblème d'une royauté burlesque » et doit être lié au banquet des Saturnales, fête durant laquelle « les maîtres et les esclaves échangeaient leurs rôles » : son porteur est le roi burlesque élu. Les cinq personnes à table seraient les bouviers et les serviteurs seraient les maîtres[B 6]. La phrase prononcée à propos des taureaux est « une allusion plaisante » et le tout est une « farce burlesque »[B 4].
Lien avec les jeux de l'amphithéâtre
[modifier | modifier le code]Pour les spécialistes, la mosaïque concerne désormais le monde de l'amphithéâtre[D 1] après les travaux d'Azedine Beschaouch. Les marques présentes sur les croupes des taureaux sont des marques d'animaux d'amphithéâtre[C 1].
Les marques présentes quant à elles au-dessus des convives permettent d'identifier ces derniers à des venatores, personnages qui luttaient contre les animaux sauvages dans les amphithéâtres. Ils appartenaient à différents groupes[C 1] comme le signalent les différents symboles[D 1].
Les venatores étaient organisés en associations professionnelles, les sodalités, qui étaient au service des cités et des évergètes qui offraient des spectacles à leurs concitoyens. Chaque association était pourvue d'une divinité tutélaire et de symboles spécifiques[C 1].
Symbole | Sodalité[D 1] |
---|---|
Bâton et croissant | Telegenii |
Tige de millet | Leontii |
Couronne à cinq pointes et poisson | Pentasii |
Couronne à trois pointes avec lettre S | Sinematii |
Tige de lierre et chiffre II ou III | Taurisci ou Crescentii |
Ce tableau figure la veille des jeux : les animaux et les chasseurs sont réunis[D 1]. La formule At dormiant tauri a été trouvée à Uzita et peut être interprétée comme le souhait de la défaite d'une équipe adverse, celle des Taurisci[D 1].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Un banquet costumé sur une mosaïque d'El-Djem
- Charles-Picard 1954, p. 419.
- Charles-Picard 1954, p. 423.
- Charles-Picard 1954, p. 418-419.
- Charles-Picard 1954, p. 420.
- Charles-Picard 1954, p. 420-421.
- Charles-Picard 1954, p. 421.
- Charles-Picard 1954, p. 422-423.
- Charles-Picard 1954, p. 421-423.
- Sur une mosaïque récemment découverte à El-Djem
- Seyrig 1955, p. 521.
- Seyrig 1955, p. 523-524.
- Seyrig 1955, p. 523.
- Seyrig 1955, p. 525.
- Seyrig 1955, p. 521-522.
- Seyrig 1955, p. 524-525.
- Le musée du Bardo : départements antiques
- Yacoub 1993, p. 142.
- Yacoub 1993, p. 141.
- De Carthage à Kairouan, 2000 ans d'art et d'histoire en Tunisie
- Collectif 1982, p. 170.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]Ouvrages généraux
[modifier | modifier le code]- Aïcha Ben Abed-Ben Khedher, Le musée du Bardo : une visite guidée, Tunis, Cérès, , 76 p. (ISBN 978-9973-700-83-4).
- Azedine Beschaouch, « Nouvelles observations sur les sodalités africaines », CRAI, vol. 129, no 3, , p. 453-475 (lire en ligne).
- Azedine Beschaouch, « Nouvelles recherches sur les sodalités de l'Afrique romaine », CRAI, vol. 121, no 3, , p. 486-503 (lire en ligne).
- Azedine Beschaouch, « La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie », CRAI, vol. 110, no 1, , p. 134-157 (lire en ligne).
- M'hamed Hassine Fantar, Samir Ouanallah et Abdelaziz Daoulatli, Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie : musée, sites et monuments, Tunis, Alif, (ISBN 978-9938-9581-1-9).
- Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, (ISBN 978-2-7068-1695-6).
- Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 978-2-85620-421-4).
- Mohamed Yacoub, Le musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 294 p. (ISBN 978-9973-917-12-6). .
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 421 p. (ISBN 9973-917-23-5).
- Collectif, De Carthage à Kairouan, 2000 ans d'art et d'histoire en Tunisie, Paris, association française d'action artistique, , 280 p. (ISBN 2-86545-015-5). .
Travaux sur la mosaïque
[modifier | modifier le code]- Gilbert Charles-Picard, « Un banquet costumé sur une mosaïque d'El-Djem », CRAI, vol. 98, no 4, , p. 418-424 (lire en ligne, consulté le ). .
- Henri Seyrig, « Sur une mosaïque récemment découverte à El-Djem », CRAI, vol. 99, no 4, , p. 521-526 (lire en ligne, consulté le ). .