Pic Toussidé

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Pic Toussidé
Image satellite du Tarso Toussidé avec le pic Toussidé au centre de la tache sombre et le Trou au Natron en bas à droite (en blanc).
Image satellite du Tarso Toussidé avec le pic Toussidé au centre de la tache sombre et le Trou au Natron en bas à droite (en blanc).
Géographie
Altitude 3 296 m[1]
Massif Tarso Toussidé (massif du Tibesti)
Coordonnées 21° 02′ 28″ nord, 16° 28′ 26″ est[2]
Administration
Pays Drapeau du Tchad Tchad
Région Tibesti
Ascension
Première 1934, par le lieutenant Ibos
Géologie
Roches Trachyte, trachyandésite
Type Volcan de point chaud
Morphologie Stratovolcan
Activité Actif
Dernière éruption quelques centaines d'années
Code GVP 225010
Observatoire Aucun
Géolocalisation sur la carte : Tchad
(Voir situation sur carte : Tchad)
Pic Toussidé

Le pic Toussidé est un volcan du Tchad, point culminant du Tarso Toussidé avec 3 296 mètres d'altitude. Il a émis jusqu’à une époque récente de longues coulées de lave. Il forme un cône de 8 à 9 kilomètres de diamètre aux pentes moyennes mais atteignant 45° dans les deux cents derniers mètres[3]. Le nom Toussidé signifierait « qui a tué les Tou par le feu » (Toubou = « peuple des Tou »)[4].

Géographie[modifier | modifier le code]

Situation[modifier | modifier le code]

Le Toussidé est situé dans le Nord-Ouest du Tchad, dans la partie centrale du Sahara, à l'extrémité occidentale du Tarso Toussidé, un plateau d’où émerge un ensemble de volcans du massif du Tibesti[5]. À l'est, il domine de près de mille mètres le Yirrigué, une caldeira d’effrondement sur laquelle il s'est partiellement édifié, et au sud-est le Doon ou Trou au Natron, une caldeira d’explosion[5]. À proximité au nord-est par le Timi, un stratovolcan tout aussi récent atteint 3 040 mètres[5]. Administrativement, il est situé dans la région du Tibesti.

Altitude[modifier | modifier le code]

La première altitude donnée au Toussidé, 3 265 mètres, a été calculée le par Jean Tilho à partir d'une distance (obtenue par intersection d'un azimut géographique déterminé astronomiquement à Bardaï et d'un azimut magnétique observé à Derkeï), d'une hauteur angulaire (mesurée au théodolite du haut du mirador du poste de Bardaï) et de l’altitude de Faya qu’il avait longuement calculée pour lui servir de référence pour l’ensemble de ses missions[6]. Les cartes de l'Institut géographique national portent cette altitude jusque dans les années 1970.

À la suite des nivellements de précision de 1958-1959 et de 1963-1964, la carte IGN au 1/200 000 Bardaï (NF 33 XI), édition de 1977, indique 3 315 mètres.

En 2007, l'altitude du point culminant donnée par l'équipe de Clive Oppenheimer est de 3 296 mètres[1].

Géologie[modifier | modifier le code]

Le pic Toussidé est un stratovolcan formant un cône exactement centré sur la faille bordière occidentale du Yirrigué. Sa pente moyenne de 10 à 15° prouve qu’on a bien affaire à un stratovolcan où les laves dominent pourtant. Seuls le cône terminal et quelques puys adventifs au sud-ouest sont essentiellement formés de lapilli et de scories à demi-cimentés et présentent des pentes de 40 à 45°. Il s’est établi sur un substratum de schistes antécambriens et de grès ordoviciens au sud et à l’ouest, de schistes antécambriens et de grès crétacés au nord et à l’est. Ce substratum s’élève progressivement de 900 au sud près de Zouar jusqu’à plus de 2 000 mètres au sud-est immédiat du Toussidé[3].

Il est constitué principalement de laves dont les coulées dépassent les vingt kilomètres sur son flanc occidental atteignant alors les grès paléozoïques. Ces coulées couvrent au total environ 200 km2. Le volume du cône est estimé à 12 km3 pour un volume total émis de 20 km3. Elles constituent un ensemble très chaotique dont les formes de détail indiquent une lave assez fluide avec des tunnels, canaux et grottes de lave avec quelques stalactites. Elles présentent un aspect très frais et se montrent grossièrement cordées[7]. Ce sont des laves noires à faciès soit vitreux et compact, soit finement bulleux, soit scoriacé, soit surtout porphyrique à phénocristaux losangiques. Sur le plan pétrographique ces laves sont des trachytes et des trachyandésites, dont la composition moyenne correspond à des doréites[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

Histoire éruptive[modifier | modifier le code]

L'histoire éruptive du Toussidé est mal connue, la région dans laquelle il s'élève étant faiblement habitée[5]. Ainsi, si la date de sa dernière éruption est inconnue, les coulées de lave atteignant au sud le tarso ont moins de 2 000 ans[8] et, la topographie le montre, ce ne sont pas les plus récentes[4]. La transcription de son nom en français, « qui a tué les Tou par le feu », est tout à fait significative.

Une intense activité volcanique se maintient à son sommet, constitué de produits pyroclastiques, lapilli et scories aux couleurs claires, sous forme de fumerolles qui apparaissent dès 3 000 mètres d’altitude et dont les températures varient de 40 °C vers 3 000 mètres à 60 °C au sommet[3]. Dans la petite caldeira sommitale, les jets de vapeur sont très puissants et bruyants, comparables à ceux émis par les anciennes locomotives à vapeur. Le naturaliste Philippe Bruneau de Miré en a laissé une description très concrète[9]. De la base, ces vapeurs ne sont visibles que lorsque des conditions de températures et d'hygrométrie favorables sont réunies, ce qui se produit rarement tant l'air est sec. Ces vapeurs prennent alors l'aspect d'un mince filet blanc comparable à celui émis par un petit réacteur d'avion[10]. En 2011, les astronautes de la Station spatiale internationale ont photographié un panache de fumée d'un kilomètre de long, complètement inaperçu pour quiconque sur Terre[11].

Premières ascensions[modifier | modifier le code]

Les sommets du Tibesti ne présentent en général que peu de difficultés mais leur ascension est tardive car la région est très isolée. Les premières personnes connues à être montées au sommet du pic Toussidé sont des marabouts venus de Koufra. Leur présence est attestée par les ruines d'un lieu de pèlerinage au pied sud-ouest du cône volcanique. Le premier à avoir décrit dans un livre le Toussidé (et le Doon, le Trou au Natron) est Gustav Nachtigal, en 1869, mais sa description est très imparfaite en raison vraisemblablement d'une observation depuis un point éloigné. Le second est Burthe d'Annelet (1870-1945)[12]. Toutefois, le 20 novembre 1929, s'il longe le Doon, pressé par le temps et les températures négatives, il regrette de ne pouvoir y monter[13]. Pour parer cette lacune, au cours d'une nouvelle mission en 1934, il se détourne de son itinéraire et parvient au sommet au cours d'une randonnée les 9 et 10 avril 1934, à l'âge de 64 ans. Il apprend plus tard que le lieutenant Ibos, chef du poste administratif de Wour, dont il avait été l’hôte le 2 mars, l'a précédé de quelques jours le 4 mars[14]. D'autres officiers en ont vraisemblablement fait l'ascension sans en laisser d'écrit. Wilfred Thesiger, après être monté à l'Émi Koussi fin août 1938, s'arrête au pied du Toussidé à la mi-septembre se contentant d'admirer le Doon[15]. En 1940, Théodore Monod, qui fait son service militaire à Bardaï, en fait l'ascension le 9 mai 1940 sur le chemin de son retour à Dakar.

Le Toussidé devient après la guerre l'un des objectifs de nombreuses missions scientifiques : Pierre Vincent[16], volcanologue, y monte en 1957 avec Bernard Gèze, Henri Hudeley et Philippe Wacrenier[17] puis en 1967 avec cette fois Haroun Tazieff, Giorgio Marinelli, ami de Tazieff et patron de la volcanologie italienne et Pierre Bordet. Philippe Bruneau de Miré[18], entomologiste passionné de botanique, y va également en septembre 1958, emmenant avec lui le botaniste Pierre Quézel[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Jason L. Permenter et Clive Oppenheimer, « Volcanoes of the Tibesti massif (Chad, northern Africa) », Bulletin of Volcanology, no 69,‎ , p. 609-626 (DOI 10.1007/s00445-006-0098-x, lire en ligne)
  2. Carte IGN au 1/200 000 Bardaï (NF 33 XI), édition de 1977.
  3. a b c et d Gèze et al. 1957, p. 1816
  4. a et b Beauvilain 1996, p. 20
  5. a b c et d (en) « Tarso Toussidé », Global Volcanism program (consulté le )
  6. Jean Tilho, Reconnaissance du Tibesti. Rapport du chef de bataillon Tilho, Commandant la circonscription du Borkou-Ennedi, sur les opérations effectuées dans le Tibesti méridional du 4 septembre au 12 novembre 1915, N'Djaména, Centre national d'appui à la recherche, éditeur scientifique Alain Beauvilain, , 160 p.
  7. Vincent 1963, p. 195
  8. Kushnir 1995, p. 72
  9. Philppe Bruneau de Miré, « L'aventure extraordinaire du Toussidé », Le Saharien, no 215, 4e trimestre 2015, pages 36-43
  10. « La caldeira du Doon (Trou au Natron, fond à 1520 m) et le Toussidé (3315 m) en décembre 1992 », sur panoramio (version du sur Internet Archive)
  11. The peaks of the Sahara
  12. Yves Boulvert, Jules Louis Charles, baron de Burthe d'Annelet (lieutenant-colonel) (1870-1945) : officier, chasseur, naturaliste, in J. Serre (dir.), Hommes et destins : tome 11. Afrique noire, Académie des Sciences d'Outre Mer, Paris, L'Harmattan, 2011 (ISBN 978-2-296-54603-5), p. 153-158.
  13. Burthe d'Annelet, Lieutenant-colonel, À travers l'Afrique française du Cameroun à Alger par le Congo, le Haut-Oubangui-Chari, le Ouadaï, l'Ennedi, le Borkou, le Tibesti, le Kaouar, le Zinder, l'Aïr, le Niger, le Ahaggar et le pays Ajjer (septembre 1928-juin 1931), vol. 2, t. 2, Paris, Pierre Roger, 1932, 843 p., pages 262-268.
  14. Burthe d'Annelet, Lieutenant-colonel, À travers l'Afrique française du Sénégal au Cameroun par les confins libyens (Mauritanie, Soudan français, Niger, Aïr, Kaouar, Djado, Tibesti, Borkou, Ennedi, Ouadaï, Sila, Baguirmi, Tchad, Haut-Oubangui) et au Maroc, par les confins sahariens (octobre 1932-juin 1935), vol. 2, t. 2, Paris, Firmin Didot, 1939, 1551 p., pages 808-818.
  15. Thesiger Wilfred, La Vie que j'ai choisie, Paris, Plon, 1990, 510 p., page 331.
  16. Alain Gourgaud, Frédéric Lécuyer, Hommage à Pierre Vincent (1927-2014).
  17. Gèze et al. 1959, p. planche XV, leur photo
  18. Jean-Yves Meunier, Hommage à M. Philippe Bruneau de Miré, Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault, 19 mars 2021.
  19. Frédéric Médail, Pierre Quézel (1926-2015), une vie et une œuvre scientifique entre Méditerranée et Sahara, Ecologia Mediterranea, 2018, vol. 44, no 2, pages 5-22.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Beauvilain, Pages d’histoire naturelle de la terre tchadienne, N’Djaména, (lire en ligne).
  • (en) Catherine Deniel, Pierre M. Vincent, Alain Beauvilain et Alain Gourgaud, « The Cenozoic volcanic province of Tibesti (Sahara of Chad): major units, chronology, and structural features », Bulletin of Volcanology, nos 77/74,‎ (lire en ligne).
  • Bernard Gèze, Henri Hudeley, Pierre Vincent et Philippe Wacrenier, « Le volcan du Toussidé dans le Tibesti occidental (Sahara du Tchad, A.E.F.) », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, no 245,‎ , p. 1815-1818 (lire en ligne).
  • Bernard Gèze, Henri Hudeley, Pierre Vincent et Philippe Wacrenier, « Succession et âge probable des formations volcaniques du Tibesti (Sahara du Tchad, A.E.F.) », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, no 245,‎ , p. 2328-2331 (lire en ligne).
  • Bernard Gèze, Henri Hudeley, Pierre Vincent et Philippe Wacrenier, « Les volcans du Tibesti (Sahara du Tchad) », Bulletin Volcanologique, nos 77/74,‎ , p. 135-172, 5 figures, 16 planches, 1 carte (lire en ligne).
  • Imrich Kusnir, Géologie, ressources minérales et ressources en eau du Tchad, vol. Travaux et documents scientifiques du Tchad, t. Connaissance du Tchad I, N'Djaména, Centre National d'Appui à la Recherche, éditeur scientifique Alain Beauvilain, 1995, seconde édition, 115 p., une carte hors-texte et deux annexes, Les cratères d'impact météoritiques du B.E.T. par Pierre Vincent, et Découverte au Tchad du premier australopithèque connu à l'ouest de la Rift Valley par Michel Brunet.
  • Jean Tilho et Henri Couturier, Borkou et Tibesti : Rapport du chef de bataillon Tilho, Commandant la circonscription du Borkou-Ennedi, sur les opérations effectuées dans le Tibesti méridional du 4 septembre au 2 novembre 1915 ; Tournée dans le Tibesti, 20 décembre 1922 au 21 janvier 1923 et du 11 juin au 20 septembre 1923 par le chef de bataillon Henri Couturier, commandant la circonscription du Borkou-Ennedi, vol. Travaux et documents scientifiques du Tchad, t. Connaissance du Tchad IV, N'Djaména, Centre National d'Appui à la Recherche, éditeur scientifique Alain Beauvilain, , 208 p.
  • Pierre Vincent, Les volcans quaternaires du Tibesti occidental et central, Paris, . Mémoires du Bureau de recherches géologiques et minières, no 23, 307 pages, 70 figures, XXIII planches photographiques.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]