Passion de saint Maurice et de ses compagnons

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Passion de saint Maurice et de ses compagnons
Artiste
Un miniaturiste lombard anonyme
Jacopo Bellini ou Giovanni Bellini (attribué à)
Date
vers 1453
Technique
enluminures sur parchemin
Dimensions (H × L)
18,7 × 13 cm
Format
39 folios reliés
No d’inventaire
Ms.940
Localisation

La Passion de saint Maurice et de ses compagnons (Passio Mauricii et sotiorum ejus en latin) est un manuscrit enluminé commandé par le général vénitien Jacopo Antonio Marcello à destination de Jean Cossa. Ses miniatures sont attribuées à un miniaturiste lombard anonyme ainsi qu'au peintre vénitien Jacopo Bellini ou son fils Giovanni Bellini. Il est actuellement conservé à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris.

Historique[modifier | modifier le code]

Le , le général vénitien Jacopo Antonio Marcello (1399-1464) fait envoyer ce livre à destination de Jean Cossa, sénéchal de Provence et conseiller de René d'Anjou. Ce dernier tente en effet de prendre possession du Royaume de Naples, dont il a hérité. Il noue pour cela un certain nombre d'alliances en Italie et Marcello soutient le prince français. En récompense, il est admis au sein de l'ordre du Croissant le , un ordre de chevalerie fondé par le roi René l'année précédente. La cérémonie d'investiture a lieu en 1450, alors que Jean Cossa est le sénateur annuel de l'ordre. Cependant, cette alliance entre René et Venise est contrariée par l'arrivée au pouvoir de Francesco Sforza. La Sérénissime entre en guerre contre Sforza et soutient finalement Alphonse V d'Aragon, qui est parvenu à prendre le royaume de Naples à René d'Anjou, tandis que ce dernier reçoit le soutien du nouveau pouvoir milanais, de Florence et des rois de France. Par le cadeau de ce manuscrit enluminé, Marcello tente de rallier René d'Anjou au parti de Venise. Dans la lettre l'accompagnant en tête de l'ouvrage, à destination de Jean Cossa et des membres de l'ordre du Croissant, il s'excuse de ne pouvoir être présent au chapitre annuel de l'ordre et les informe que l'armée de la Sérénissime vient de prendre les villes de Quinzano d'Oglio et Pontevico contre l'armée de Sforza[1].

Par la suite, le manuscrit entre dans le trésor de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers avant 1539. Vers 1590, il appartient à la collection Petau à Orléans, puis à Claude Ménard en Anjou après 1614, puis Nicolas-Claude Fabri de Pereisc à Aix-en-Provence, Nicolas-Claude Boucot en 1695 et François Roger de Gaignières vers 1700. Après être passé dans les mains de Charles-Adrien Picard, il est acquis par Antoine-René d'Argenson, cité dans un de ses inventaires en 1781 et dont la collection constitue le cœur de l'actuelle bibliothèque de l'Arsenal après son achat en 1785[1].

Description[modifier | modifier le code]

Le petit opuscule contient trois parties :

Le récit central, sans doute rédigé en premier, est illustré par 11 lettrines et 7 miniatures représentant des scènes de la vie du saint. Elles sont l'œuvre d'un enlumineur lombard anonyme encore marqué par l'enluminure gothique. Il est fait appel, sans doute dans un second temps, à un artiste vénitien d'une plus grande envergure pour réaliser deux initiales le représentant (f.1 et 35) ainsi que pour 4 miniatures pleines pages[1].

Attribution des 4 miniatures[modifier | modifier le code]

Selon une étude de Millard Meiss en 1957, qui met en lumière la qualité de ces 4 miniatures du manuscrit, celles-ci sont alors attribuées à Andrea Mantegna[2]. Cette hypothèse est encore partiellement soutenue par quelques historiens de l'art. À la suite d'une étude de Gil Robertson en 1968, le nom de Giovanni Bellini est avancé, le beau-frère de Mantegna[3]. En 1969, l'italienne de l'art Giordana Mariani Canova avance le nom de Jacopo Bellini, le père de Giovanni, car selon elle, on peut déceler des réminiscences gothiques dans les peintures propres au père[4]. Cette hypothèse est fortement critiquée par Luciano Bellosi, pour qui il semble difficile que Jacopo puisse réaliser des compositions aussi innovantes à la fin de sa vie et qui soutient pour sa part l'hypothèse de Giovanni[5], de même que Dominique Thiébaut. Selon ce dernier, on peut rapprocher ces miniatures des œuvres précoces du fils, comme le Christ au tombeau du Museo Poldi Pezzoli ou la Pietà de la Pinacothèque de Brera[6]. La majorité des autres historiens de l'art penchent pourtant pour maintenir une attribution à Jacopo[7].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Marc-Édouard Gautier (dir.), Splendeur de l'enluminure. Le roi René et les livres, Angers/Arles, Ville d'Angers / Actes Sud, , 416 p. (ISBN 978-2-7427-8611-4), p. 216-223
  • J.J.G. Alexander (trad. de l'anglais), Manuscrits de la Renaissance italienne, Paris, éditions du Chêne, , 118 p. (ISBN 2-85108-140-3), p. 54-59

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Splendeur de l'enluminure, p. 216
  2. Millard Meiss, Andrea Mantegna as illuminator. An Episode in Renaissance Art, Humanism and Diplomacy, Gluckstadt-Hambourg, 1957
  3. Gil Robertson, Giovanni Bellini, Oxford, 1968
  4. Giordana Mariani Canova, La miniatura veneta del Rinascimento, Venise, 1969
  5. Luciano Bellosi, « Giovanni Bellini, l'assemblée de l'ordre du Croissant », in Dominique Thiébaut (dir), Andrea Mantegna (1431-1506), Paris, 2008
  6. Splendeur de l'enluminure, p. 216-217
  7. (en) Luke Syson, « Reflections on the Mantegna Exhibition in Paris », The Burlington Magazine, vol. 151, no 1277,‎ , p. 526–535 (JSTOR 40480439)