Morins

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Les Morins sont un des peuples gaulois belges[1].

Carte des peuples de la Gaule

Étymologie

Morini « Morins » est un nom dérivé avec le suffixe -no- que l'on retrouve dans le nom d'autres peuples celtiques (Ruteni, Santoni, Turoni ou Tigurini)[2].

La racine est probablement le gaulois mori, mer, attesté sous la forme more dans le Glossaire de Vienne et glosé par le latin mare, mer. De même la forme dérivée morici est glosée par marini[3]. Morini constitue donc une variante de morici 'marins' et pourrait signifier « ceux de la mer »[4]. On retrouve cette racine dans le nom des peuples Armoricains, de Aremorici « ceux qui habitent devant la mer ». Mori est un proche parent du gallois môr, du cornique et du breton mor[5].

Ce terme serait issu de l'indo-européen *mori « mer » ou « lagune » (plutôt que *mari) qui a également donné le germanique *mari « mer, lac », cf. l'anglais mere, l'allemand Meer, le néerlandais meer, le vieux norrois marr, d'où le français mare, le vieux slave morje, le latin mare (« mer », d'où le français 'mer')[6],[7].

Langue et culture

Leur langue était probablement celtique[8],[9]. Il résulte, d'après l'analyse de la toponymie (Thérouanne, Gesoriacum, etc.) que les noms de lieux antiques attestés sur leur territoire sont d'origine celtique, il en est de même pour les noms des personnages connus et le nom du peuple même.

Histoire

Les écrits connus les plus anciens mentionnant pour la première fois les morins sont ceux de Jules César, qui évoquent les difficultés qu'il a eu à les contrôler.

Boulogne-sur-Mer était leur port le plus important, le port par excellence pour accéder en Grande-Bretagne pour les Romains qui l'appelaient Bononia.

Zosime (historien) précise que Bononia (Boulogne) était germanique à la fin du quatrième siècle (Bononia germanorum). Le nom médiéval, quand la ville était encore flamande, était Bonen[10].

Le nombre d'habitants à l'époque peut être estimé à quelque 100 000 personnes.

Territoire

Leur territoire, avait pour civitas (capitale administrative romaine) Taruanna, Terwaan en néerlandais qui deviendra Thérouanne en français. La Morinie s'étendait de l'embouchure de l'Escaut - frontière avec les Ménapes au nord - à la vallée de la Canche, frontière avec les Ambiens.
Dans le nord, ce territoire se limitait aux polders belges et leurs 'rives'. Une grande partie de leur territoire était constituée de polders, terrains très argileux et impropres à l'habitation et de forêts humides dont il reste par exemple la forêt de Clairmarais (drainée depuis) dans le sud.
Les polders s'inondaient régulièrement durant l'hiver, soit à cause des pluies, soit à cause des tempêtes, soufflant du nord-ouest combinées avec des marées hautes, qui poussaient la mer vers l'intérieur des terres. Les Morins habitaient, suppose-t-on, surtout en bordure de ces territoires, soit à l'ouest, où ils ont produit du sel durant au moins 800 ans (de 400 av. J.-C. à 400 ap. J.-C.), sur la côte dans les dunes, soit à l'est, où le sol sablonneux remplace l'argile.

Ces moëres furent de temps en temps inondés par la mer. Les Morins jetaient des monticules pour bâtir des habitations au-dessus. Ces mottes s'appelaient pol, comparez avec 'boule', d'où polders[11]. Les Moëres étaient riches en poissons et fertiles, moyennant un bon drainage.

Guerre des Gaules

César fut très intéressé par cette partie du territoire Morin où la traversée vers la (grande) Bretagne était "le plus court"[12]. Les Morins avaient plusieurs ports dont le plus important était Portus Itius, le port moderne de Boulogne-sur-mer[13]. César voulut induire la peur auprès des Morins du nord espérant ainsi "qu'ils ne l'attaqueraient pas"[14]. La région des Morins et Ménapiens était bien protégée par des marais et forêts, un terrain idéal pour des attaques de harcèlement. Les dangers pour César ne valaient pas les bénéfices économiques dans la partie nord du territoire Morin. En 55 avant J.-C., le légat (général) Labienus renforça l'autorité romaine dans la partie sud et ouest (environs de Boulogne et Calais)[15]. En 54 avant J.-C., César décida de laisser hiberner une légion sur place sous le commandement du légat Caius Fabius[16]. En l'an 53 avant J.-C. les Morins, probablement ensemble avec les Ménapiens, furent "donnés" par César à Commius l'Atrébate[17]. Commius enverra (selon César) un contingent de quelque 5000 guerriers Morins vers Alésia, pour se battre à côté de Vercingétorix[18].

César estimait leur armée à quelque 25 000 hommes en 57 av. J-C.[19]. En réalité, ce chiffre est probablement exagéré. Le chiffre de quelques milliers de Morins (+ Ménapiens?) combattant à Alésia est probablement plus proche de la réalité.

César nous a donné quelques détails intéressants concernant les Morins. La tribus comptait des pagi (sous-régions) qui apparemment jouissaient d'une grande autonomie. Ceci rendait la 'pacification' difficile[20]. Les Morins attaquèrent et ensuite se réfugiaient dans les "moeren" sur leurs "pols" et restaient ainsi hors de portée de l'armée romaine. En l'an 56 av. J.-C., cette manœuvre réussissait bien après un automne très pluvieux, par contre, un an plus tard, la bonne saison était nettement plus sèche et la tactique échouait[21].

Les Morins auraient participé avec d'autre peuples vivant sur la côte (Lexovii, Namnetes, Ambiliati, Diablintes, Ménapiens, Vénètes et des tribus de la (grande) Bretagne) dans la grande 'rébellion' des Vénètes[22]. En théorie, tous ces peuples étaient impliqués dans le transport et les échanges commerciaux avec le sud de la (grande) Bretagne, une activité que César avait exigé pour lui-même.

Bien que César se soit battu contre les Morins, il n'a réussi à conquérir qu'une partie assez réduite de leur territoire (notamment le sud-ouest autour de Boulogne et Calais). La partie nord des Morins restait indépendante jusqu'à ce que l'empereur Auguste les annexe entre 33-23 av. J.-C. Plus tard un fort (Castellum Rodanum) temporaire fut bâti là où se trouve de nos jours la petite ville hollandaise d'Aardenburg (près de la frontière belge). Ce fort devait probablement contrôler l'embouchure de l'Escaut.

Les Morins furent convertis au christianisme par Saint Victorius et Saint Fuscian, apparemment sans grand succès car la région fut ré-évangélisée durant le septième siècle.

Les Morins n'ont pas participé avec Clovis à la conquête de la Gaule. Clovis les a annexés dans son royaume vingt ans plus tard.

La civitas Morinorum

À l'époque gallo-romaine, sans doute vers le IVe siècle, le territoire de la civitas du peuple des Morins[23] fut divisée en deux : la Morinie occidentale avec Boulogne (civitas Bononensium), et la Morinie orientale qui garda Thérouanne comme capitale (civitas Morinorum), ce qui donna les deux pagi : le pagus Gesoriacus (Boulogne), et le pagus des Morins au sens strict, en fait le pagus Teruanensis ou Terwanensis.

Notes et références

  1. Les Gaulois étaient pour Rome les gens qui vivaient entre les Pyrénées et le Rhin. Une langue ou ethnie spécifique n'était pas supposée
  2. Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise : description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies (Éd. rev. et augm.), Paris, Éd. Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 248 p., ill., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 2-87772-224-4, ISSN 0982-2720, BNF 38970347), p. 34
  3. Xavier Delamarre (préf. Pierre-Yves Lambert), Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental (2e éd. rev. et augm.), Paris, Éd. Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 440 p., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 2-87772-237-6, ISSN 0982-2720, BNF 38972112), p. 228
  4. Pierre-Yves Lambert, Op. cité.
  5. Xavier Delamarre, Op. cité
  6. Ugo Janssens, op. cit., p. 51.
  7. Bernard Sergent, op. cit., p. 211.
  8. Ugo Janssens, Ces Belges, « les Plus Braves », Histoire de la Belgique gauloise, 2007, Racine, p. 42.
  9. Bernard Sergent, Les Indo-Européens: Histoire, langues, mythes, Bibliothèques scientifiques Payot, Paris, 1995.
  10. à voir les cartes du haut Moyen Âge
  11. Etymologisch Woordenboek v/h Nederlands - mot PIE *bel signifiant gonflé dont sont dérivé des mots comme balle, boule, etc.
  12. Jules César, Commentaires sur la guerre des Gaules, IV 21.3 - auparavant César ne connaissait que la traversée à partir de la région des Vénètes
  13. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, V 2.3;Strabon, "Geographica" IV 5.2. La traversée la plus facile se faisait à partir de Boulogne, de Wissant(?) la plus courte.
  14. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, IV 22
  15. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, IV 38.1-2
  16. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, V 24.2
  17. César, Commentaires sur la guerre des Gaules,VI 8.4 et VII 76.2
  18. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, VII 75.3
  19. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, II, 4.
  20. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, IV 22.1.5 "apparemment" parce que César a dû croire trop aisément que tous les Morins allaient se soumettre à lui. Le dernier paragraphe du livre IV démontre que ce fut une illusion
  21. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, III 28-29; IV 38 César décrit des "forêts et marais ininterrompus". Dans le livre IV, il note que les Morins s'étaient retirés dans les marais et les Ménapiens dans les forêts (IV 38.2-3) - La province moderne belge de Flandre-Occidentale est caractérisée par des polders longeant la côte d'une dizaine de kilomètres de large au nord et d'une trentaine au sud. Dans le nord-est sableux de la province on trouve beaucoup de forêts. Ces forêts continuent dans le nord de la province de Flandre-Orientale, probablement le territoire des Ménapiens
  22. César, Commentaires sur la guerre des Gaules, III 9.10
  23. Jacques Malbrancq: De morinis morinorom rebus, Tournai, 1639.

Compléments

Bibliographie

  • Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise : description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies (Éd. rev. et augm.), Paris, Éd. Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 248 p., ill., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 2-87772-224-4, ISSN 0982-2720, BNF 38970347)
  • Xavier Delamarre (préf. Pierre-Yves Lambert), Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental (2e éd. rev. et augm.), Paris, Éd. Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 440 p., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 2-87772-237-6, ISSN 0982-2720, BNF 38972112)

Articles connexes

Liens externes