Hawfi

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Hawfi
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Cheïkha Tetma (Fatéma TABET) [1891-1962], au milieu, interprète du Hawfi au XXe siècle.
Origines culturelles Tlemcen (Algérie)
Instruments typiques voix, kamendja, kuitra, luth, qanun.
Popularité Tlemcen et l'ouest algérien
Voir aussi  

Le hawfi ou haoufi (arabe : الحوفي) est un genre poétique et musical algérien, c'est un répertoire exclusivement féminin interprété dans la ville de Tlemcen.

Étymologie

Le mot Hawfi provient de la racine sémitique H(W)F, qui peut renvoyer à au moins deux niveaux sémantiques[1] ; un niveau topographique/topologique, avec deux interprétions possibles : l'une vers la notion de « limite », de « périphérie », de « marge » et l'autre vers celle de « gouffre », de « précipice » ; et un autre niveau psychoaffectif avec la notion d'« étourdissement », de « vertige » (pouvant s'expliquer par la pratique de l'escarpolette ou d'autres rituels de transe)[1].

Le mot Hawfi aurait une relation directe avec le verbe hawafa qui signifie « mettre sur le bord » ou « d'entourer et d'environner un espace » en arabe littéraire[2].

Histoire

Le hawfi est un genre de poésies féminines, associé à la ville de Tlemcen[3], mais qui appartient à un patrimoine culturel commun aux vieilles cités du Maghreb[3], d'un répertoire de tradition orale qui a des terminologies différentes suivant les régions : arûbî, buqâla, aayyû[4]. Ce répertoire est l'héritier des aarûd al-bâlad, littéralement les « mètres (ou, les « poèmes ») citadins (ou « locaux », « autochtones ») », mentionnés dans les écrits d'Ibn Khaldoun[1]. Ses inspirations sont puisées dans les modalités poétiques des genres mouachah et du zadjal andalous[5].

Sa forme primitive remonte aux IXe et Xe siècles, la variante locale apparaît aux XIIIe et XIVe siècles. Le hawfi a connu une stabilisation, et devient autonome et propre au milieu féminin au XVe siècle[2].

Un genre poétique féminin

Le hawfi est une poésie populaire citadine chantée, conçue pour le chant en solo, autrefois sans accompagnement instrumental[2], que les femmes tlemceniennes chantaient en jouant à l'escarpolette, et pendant certaines pratiques culturelles qui étaient très fréquentes dans le passé tel que le filage de la laine, le lavage à la main dans les rivières, le tissage[2] et parfois lors des soirées familiales, il était également pratiqué lors des ziyarât aux saints[3].

Ces poèmes dialectaux en arabe algérien du XVIe siècle sont véhiculés par des textes courts sous forme de quatrains aux auteurs anonymes[2]. Ils s'inspirent des thèmes de l'imaginaire de la femme tlemcénienne : sa culture, son quotidien, ses aspirations et sa vie sentimentale ainsi que l'amour courtois, et se rattachent à l'imaginaire arabo-andalou[5].

Cheikha Tetma est la première interprète professionnelle (aux sens moderne) du genre[3].

Exemple d'un texte

Ce quatrain exprime un imaginaire étonnant et subversif[4] :

« La vigne a poussé et la grappe s’est révélée au regard.
A son lever, le muezzin a trouvé les amoureux endormis
Les étoiles ont menacé : "Nous allons tout dévoiler" ; les nuages ont répondu :"Arrêtez !"
Laissez dormir les amoureux ! Que leurs ennemis ne puissent pas se réjouir ! »

Ou bien sur le thème de l'amour[6] :

« L’amour est dans notre maison et l’amour nous a élevé,
l’amour est dans notre puits et nous donne une eau douce,
l’amour est dans notre vigne et la fait croître,
et aucun bey, ni aucun sultan, ne peut interdire l’amour. »

Références

  1. a b et c Mourad Yelles, « Littérature maghrébine et tradition orale : El Haoufi, Chants de femmes d’Algérie », Insaniyat / إنسانيات. Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales, no 46,‎ , p. 77–88 (ISSN 1111-2050, DOI 10.4000/insaniyat.379, lire en ligne, consulté le )
  2. a b c d et e Zeyneb Senouci Bereksi, « L’erreur culturelle dans la traduction des textes du patrimoine populaire algérien », dans L’erreur culturelle en traduction : Lectures littéraires, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Traductologie », (ISBN 978-2-7574-3012-5, lire en ligne), p. 211–224
  3. a b c et d Mourad YELLES, Musiques et danses traditionnelles du patrimoine algérien, http://www.cnrpah.org/pci-bnd/images/livre.pdf, CNRPAH, (lire en ligne), p. 225
  4. a et b Mourad Yelles, « Le ‘arûbî féminin au Maghreb. Tradition orale et poétique du détour », Insaniyat / إنسانيات. Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales, no 21,‎ , p. 37–53 (ISSN 1111-2050, DOI 10.4000/insaniyat.7334, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b « Extrait revue Babzman : Tahwifet Tlemcen, les romances chantées par les femmes autrefois - Babzman », sur babzman.com (consulté le )
  6. https://cahiers.crasc.dz/pdfs/n_15_propos_amour_femmes_maghreb.pdf

Annexes

Bibliographie

Vidéographie

  • Le Hawfi: la magie d'un chant tlemcenien, film de Lotfi Bouchouchi, réalisé le cadre de «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011».

Articles connexes