Dis Son Nom

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Dis Son Nom était un site internet québécois répertoriant, sous la forme d'une liste de dénonciation, le signalement de personnes se considérant victimes de violence à caractère sexuelles, en y incluant le nom complet, les pseudonymes, les faits et la ville de résidence de personnes qu’elles accusaient de les avoir agressées[1].

Le mouvement "Dis Son Nom" avait pour objectif de « libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs allégués »[2].

Historique

Durant l’été 2020, une vague de dénonciations d’agressions et d’inconduites sexuelles s’empare des réseaux sociaux du Québec[3].

Sandrine Ricci, spécialiste en sociologie féministe et en violences sexuelles à l'Université du Québec à Montréal, émet l’hypothèse que cette troisième vague où les agresseurs allégués sont directement nommés naît grâce à « certains acquis du mouvement #MeToo » et « un effet associé au confinement, au fait que les personnes passent plus de temps sur les réseaux sociaux »[4]. La sociologue affirme que les signalements proviennent de "femmes très jeunes" et que les mesures de confinement pendant la pandémie de COVID-19 on aussi joué un rôle[5].

D’abord, sous la forme d’un statut Facebook[6], puis d'un Wordpress, puis d'un Pastebin, pour terminer en tant que site web indépendant, au mois de juillet 2020, Dis Son Nom est alors officiellement lancé[7].

Le premier ministre François Legault a soutenu la démarche avec les oppositions et a apporté son soutien au mouvement et salué le « courage » des dénonciatrices[5].

Contenu

Le contenu de la liste Dis Son Nom est recueilli par messagerie privée sur Facebook ou sur Instagram par le biais d'un protocole strict duquel seule la victime directe peut répondre pour y établir un lien de confiance afin d'aider à sa guérison. Des messages de soutien sont aussi échangés.

Cette liste contient différentes informations : le nom de l’agresseur présumé, sa ville de résidence, le nombre de victimes alléguées l’ayant dénoncé, la date d’ajout de l’entrée et la nature de l’inconduite sexuelle reprochée. Des détails peuvent aussi être ajoutés au besoin[2], comme le suivi judiciaire, les emplois de l'agresseur présumé, les lieux qu'il fréquente ainsi qu'une source issue des médias.

Les inconduites sexuelles ne sont pas détaillées, mais sont classifiées en trois catégories afin d’élaborer au maximum tout en protégeant l’identité des victimes présumées :

[1] Photos à caractère sexuel non sollicitées, propos sexuels déplacés

[2] Coercition sexuelle, attouchements, voyeurisme, exhibitionnisme, leurre (communication avec une personne mineure en vue de commettre une agression sexuelle), grooming (désensibilisation à la sexualité envers une personne mineure), pornodivulgation (revenge porn), sextorsion

[3] Stealthing (retrait non consensuel du condom), masturbation sans consentement, sexe oral sans consentement, pénétration digitale (doigts), vaginale ou anale sans consentement, proxénétisme

Sur leur site web, on retrouve des ressources d'organismes pour accompagner les victimes et sensibiliser la population générale aux violences à caractère sexuel. Des liens GoFundMe et Paypal pour faire des dons sont également accessibles. À ce jour, plus de 50 000$ ont été amassés via une campagne de financement afin d'aider Dis Son Nom à payer ses frais judiciaires. La campagne s'est déroulé jusqu'en mai 2023 au moyen de vêtements à l'effigie de l'initiative[8].

Par ailleurs, les pages Instagram et Facebook de Dis Son Nom servent de véhicule pour partager l'actualité entourant les violences sexuelles. Il s'agit d'une plateforme pour éclairer la population sur le sujet en présentant, entre autres, des statistiques et portraits d'initiatives établies qui viennent en aide aux victimes d'agression sexuelle.

Porte-parole

En septembre 2020, Delphine Bergeron, une ancienne illustratrice judiciaire, révèle être membre du groupe derrière Dis Son Nom[7]. Elle sert désormais de porte-parole dans les médias lorsque l’initiative est concernée[9].

Judiciarisation

Depuis sa création, Dis Son Nom est impliqué dans plus d’un processus judiciaire, accompagné du cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats spécialisé en litige civil, brutalité policière, agressions sexuelles et actions collectives[10].

En juillet 2020, Charles Lehouillier-Dumas mène une action collective contre Facebook pour atteinte à sa réputation en raison d'un nom identique au sien s’étant retrouvé sur la liste Dis Son nom[11],[12]. En août 2021, sa demande est rejetée[13].

En septembre 2020, puisque son nom s’est retrouvé sur la liste mais qu’il affirme ne rien avoir à se reprocher, le montréalais Jean-François Marquis réclame 50 000$ aux administratrices de Dis Son Nom[14], en plus d’exiger que leur identité soit dévoilée[15]. En février 2021, la Cour supérieure du Québec tranche que l’anonymat des administratrices ne peut pas être conservé [16],[17] et qu’elles doivent divulguer à M. Marquis le contenu caviardé de milliers de dénonciations reçues[18]. Dis Son Nom fait appel à la décision[19] et en juin 2022, la Cour d'appel confirme le jugement[20].

En juin 2021, en raison de son nom qui s’était lui aussi retrouvé sur Dis Son Nom, Jasmin Roy tente d’obtenir l’anonymat dans l’éventualité d’une poursuite en diffamation[21]. La Cour supérieure, la Cour d’appel et la Cour suprême la lui refusent[22],[23]. En juin 2023, on apprend qu’il poursuit à la fois sa victime alléguée et les deux administratrices de Dis Son Nom, Delphine Bergeron et Emmy Guilbault[24],[25] pour diffamation[26].

Critiques

Le mouvement #MeToo au Québec essuie de nombreuses critiques [Quel mouvement?]. Les plus répandues consistent à qualifier les dénonciations de « tribunal populaire »[27],[28], de « lynchage public »[29],[30] et de « chasse aux sorcières »[31],[32].

Plusieurs opposent la présomption d’innocence aux allégations publiées sur les réseaux sociaux[30],[33],[34] et affirment que les fausses victimes y sont légion[35].

Notes et références

  1. Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Des centaines de noms disparaissent de la liste de dénonciations « Dis son nom » », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  2. a et b (en) « Dis Son Nom - Liste officielle des abuseuses et abuseurs présumés du Québec », sur www.dissonnom.ca (consulté le )
  3. Marissa Groguhé, « Vague de dénonciations : un an après: Qu’est-ce qui cloche dans le milieu culturel ? », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Le Point magazine, « Québec : vague de dénonciations #MeToo sur les réseaux sociaux », sur Le Point, (consulté le )
  5. a et b Le Point magazine, « Québec : vague de dénonciations #MeToo sur les réseaux sociaux », sur Le Point, (consulté le )
  6. Q. U. B. radio, « Facebook doit fermer la page «Dis Son Nom», clame Evelyne Audet », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  7. a et b Améli Pineda, Guillaume Lepage, « Dénonciations anonymes: une membre de la page «Dis son nom» dévoile son identité », sur Le Devoir, (consulté le )
  8. « Dis son nom : une campagne de financement pour les frais juridiques », sur www.droit-inc.com (consulté le )
  9. Magdaline Boutros, « «Dis son nom» refuse de se taire », sur Le Devoir, (consulté le )
  10. « ARSENAULT DUFRESNE WEE AVOCATS », sur www.adwavocats.com (consulté le )
  11. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « Les dénonciations anonymes sur Facebook au cœur d'un débat juridique », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  12. Gabrielle Duchaine, « Vague de dénonciations: demande d’action collective contre Facebook », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Lia Lévesque, « L’action collective contre la page Facebook «Dis son nom» rejetée », sur Le Devoir, (consulté le )
  14. « Dis Son Nom: la liste des présumés abuseurs est de retour », sur TVA Nouvelles, (consulté le )
  15. Michael Nguyen, « «Dis son nom»: il poursuit pour avoir l’identité des administrateurs », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  16. Roxane Léouzon, « La page de dénonciations «Dis son nom» ne peut pas être anonyme », sur Le Devoir, (consulté le )
  17. Robert Dutrisac, « Dénonciatrices à visière levée », sur Le Devoir, (consulté le )
  18. Magdaline Boutros, « Une victime présumée veut s’adresser à la Cour d’appel dans le dossier Dis son nom », sur Le Devoir, (consulté le )
  19. Magdaline Boutros, « «Dis son nom» porte en appel la décision de la Cour supérieure », sur Le Devoir, (consulté le )
  20. Frédérik-Xavier Duhamel, « Dis son nom: Pas d’anonymat pour les administratrices, confirme la Cour d’appel », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Améli Pineda, « Un artiste veut l’anonymat pour sa poursuite en diffamation », sur Le Devoir, (consulté le )
  22. Améli Pineda, Stéphanie Vallet, « Le comédien Jasmin Roy n’aura pas droit à l’anonymat, tranche la Cour suprême », sur Le Devoir, (consulté le )
  23. Raphaël Pirro, « «Dis son nom»: Jasmin Roy perd l’anonymat devant la Cour suprême et réplique », (consulté le )
  24. « Jasmin Roy poursuivi pour 500 000 $ en lien avec une présumée affaire d’agression sexuelle », sur Noovo Info (consulté le )
  25. Zone Justice et faits divers- ICI.Radio-Canada.ca, « Jasmin Roy visé par une poursuite de 500 000 $ pour agression sexuelle | Radio-Canada.ca », sur Radio-Canada, (consulté le )
  26. Lila Dussault, « Accusations d’agression sexuelle et de diffamation: Jasmin Roy réplique et poursuit en diffamation Jean-François Robillard », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Isabelle Hachey, « Dénonciations sur le web: Le retour du pilori », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Véronique Morin, Agence QMI, « Éric Lapointe: l'ancienne juge Nicole Gibeault déplore le jugement du tribunal populaire », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  29. « Des cicatrices et des regrets », sur La Presse+, (consulté le )
  30. a et b Sophie Durocher, « Fred Dubé et la meute », (consulté le )
  31. François-David Bernier, « Où est rendue la présomption d'innocence? », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  32. Sophie Durocher, « Julien Lacroix et la chasse aux sorcières », (consulté le )
  33. Richard Martineau, « Balance le système de justice! », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  34. François-David Bernier, « Où est rendue la présomption d'innocence? », sur Le Journal de Québec, (consulté le )
  35. Nathalie Elgrably, « Présomption de culpabilité », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )