Dernière adresse

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Dernière adresse
Illustration.

Le projet « Dernière adresse connue » («После́дний а́дрес») est un mouvement civique né en Russie qui vise à commémorer les victimes des répressions politiques en Union soviétique. En mémoire des victimes, une plaque commémorative de la taille d'une carte postale est installée sur le mur du bâtiment de leur dernier domicile connu. Le principe du projet est formulé ainsi : « Un nom, une vie, un signe »[1].

Ce projet a été mis en place par une organisation non gouvernementale russe qui se nomme « La Fondation pour la commémoration des victimes des répressions politiques Dernière adresse connue ». Les données biographiques des victimes sont puisées dans la base de l'ONG Memorial.

En automne 2018, le théâtre du Bolchoï a choisi d'utiliser la photographie d'une plaque commémorative « Dernière adresse connue » pour illustrer une affiche de l'opéra du compositeur Alexandre Tchaïkovsky Une journée d'Ivan Denissovitch, inspiré de la nouvelle d'Alexandre Soljenitsyne — symbolisant ainsi la mémoire des victimes des répressions soviétiques[2].

En juillet 2019, le mouvement « Dernière adresse connue » est devenue membre de la Coalition internationale des lieux de mémoires (International Coalition of Sites of Conscience)[3].

Description[modifier | modifier le code]

Stolpersteine en mémoire de Marcel et Jacques Gaucher (27 rue Marcel et Jacques Gaucher, Fontenay-sous-Bois)

Le mouvement « Dernière adresse connue » a été initié en 2014 par le journaliste et éditeur russe Sergey Parkhomenko (ru) qui s'est inspiré projet de commémoration des victimes de la Shoah « Stolpersteine » crée par l'artiste allemand Gunter Demnig. Dès le départ, il a bénéficié du soutien de l'ONG « Memorial » et de son président Arseny Roguinsky (ru).

La plaque commémorative a été dessinée par l'artiste Alexandre Brodsky (ru). Elle est fabriquée en acier inoxydable (dimensions : 11 × 19 cm) avec une inscription poinçonnée comportant le nom, la profession, les dates de naissance, d'arrestation, de mort et de réhabilitation[4] de chaque victime.

L'installation de la plaque commémorative est initiée par une personne physique qui paye sa production et sa fixation sur la façade afin d'assurer sa visibilité à partir de l'espace public.

Base législative[modifier | modifier le code]

Le projet est conforme à la loi russe « relative de la réhabilitation des victimes des répressions politiques ». Votée en 1991[5], cette loi définit le statut de victime et fixe le début de la période des répressions politiques au 25 octobre (7 novembre) 1917.

Financement[modifier | modifier le code]

Le financement du projet est assuré par la fondation à but non lucratif « Dernière adresse connue »[6]. Tout citoyen peut demander l'installation d'une plaque, et fait alors à la fondation un don couvrant les frais de sa fabrication et son installation. Les frais administratifs et juridiques, les recherches archivistiques et le fonctionnement du site Internet sont financés par les donations.

Recherches des noms et des adresses des victimes[modifier | modifier le code]

La base de données de l'ONG Memorial recense les noms des victimes ou l'adresse de leur dernier domicile. Cet outil comprend les archives des fusillés, créées à partir des Martirologs[7], ainsi que la base des victimes des répressions de Leningrad élaborée par l'historien pétersbourgeois Anatole Razoumov[8].

Récompenses[modifier | modifier le code]

Installation des plaques en Russie[modifier | modifier le code]

Né à Moscou, « Dernière adresse connue » s'est développée dans les villes où se sont organisés des mouvements de citoyens. Les plaques sont installées dans plus de 50 villes russes, la plupart à Moscou et à Saint-Pétersbourg, mais aussi à Krasnoïarsk, Ekaterinbourg, Tomsk, Taganrog, Orel, Perm, etc.

En février 2020, 1000 plaques commémoratives avaient été installées[11].

Installation des plaques en dehors de Russie[modifier | modifier le code]

Ce projet a pris une dimension internationale hors des frontières russes :

Le 5 mai 2017 a démarré le projet autonome Ostannia adressa en Ukraine[12],[13] ;

Le 27 juin 2017, jour commémorant les détenus politiques, les premières plaques du projet Poslední adresa sont apparues en République Tchèque[14],[15] ;

Le 2 août 2018, a été lancée Ultima adresa en Moldavie[16] ;

Depuis le 5 octobre 2018, le projet უკანასკნელი მისამართი. საქართველო[17] fonctionne officiellement en Géorgie[18] ;

Le 30 août 2019, la première plaque du projet « Letzte Adresse » est installée en Allemagne[19] ;

Le 25 septembre 2022, la première plaque du projet « Dernière adresse connue » est installée en France[20]

Des groupes de citoyens sont actifs dans d'autres pays, comme en Pologne, en Lituanie et en Biélorussie[21], ainsi qu'en Roumanie[22].

Liens externes[modifier | modifier le code]

Presse
  • (de) Voswinkel J., « Operation "Letzte Adresse" », Die Zeit, nos 53/2014,‎ (lire en ligne)
  • (en) Tavernise S., « Russian Project Honors Stalin’s Victims and Stirs Talk on Brutal Past », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  • (en) Sneider N., « Remembering the Soviet Union’s Disappeared », The Atlantic,‎ (lire en ligne)
  • (es) Vicéns E., « Aquí vivió una víctima del estalinismo: Activistas civiles colocan placas en memoria de los represaliados de la época soviética », El País,‎ (lire en ligne)
  • Mandraud I., « Dernière adresse connue... au temps de la terreur stalinienne : Dans la capitale russe, des militants accrochent aux murs des immeubles des plaques en acier à la mémoire des victimes de la terreur stalinienne. », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  • (en) Sergey Parkhomenko, « Russia has yet to recover from the trauma of the Stalin era », The Guardian,‎ (lire en ligne)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Mandraud I., « Dernière adresse connue... au temps de la terreur stalinienne », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  2. (ru) « Табличка «Последнего адреса» появится на здании Камерной сцены Большого театра », sur Последний адрес (consulté le )
  3. (en-US) « Last Address – Sites of Conscience » (consulté le )
  4. (en) Sneider N., « Remembering the Soviet Union’s Disappeared : Russia has never fully reckoned with Stalin’s atrocities. Now a grass-roots effort is memorializing victims, plaque by plaque. », The Atlantic,‎ (lire en ligne)
  5. (ru) « Закон РФ "О реабилитации жертв политических репрессий" от 18.10.1991 N 1761-1 » (consulté le )
  6. (ru) « Fondation « Posledny adres » » (consulté le )
  7. (ru) « Recherche dans les bases de données du « Memorial » », sur www.poslednyadres.ru (consulté le )
  8. (ru) « Centre Les noms de retours » (consulté le )
  9. (de) « Verleihung des Karl-Wilhelm-Fricke-Preises 2018 », (consulté le )
  10. (ru) « "Последний адрес" получил в ФРГ премию за проект памяти жертв репрессий », sur Deutsche Welle,‎ (consulté le )
  11. « Dernière adresse. France = Последний адрес. Франция », sur www.facebook.com (consulté le )
  12. (en) « First memorial signs in Kyiv », www.memo.ru (consulté le )
  13. Проект «Последний адрес» начинает работать в Украине // Интерфакс, 5 августа 2016.
  14. Last Address project marking communism victims launched in Prague // Prague Daily Monitor, 28 июня 2017.
  15. «Last Address» project commemorates vistims who were executed or whose deaths were hastened by Communist regime // Radio Prague, 27 июня 2017.
  16. « Ultima Adresă » (consulté le )
  17. (ru) « უკანასკნელი მისამართი. საქართველო », sur lastaddress.ge (consulté le )
  18. В Тбилиси «Последний адрес» впервые установил мемориальный знак жертве политических репрессий // Новости-Грузия, 6.10.2018
  19. (de) Richard Herzinger, « Gedenken an Stalinismus-Opfer: Ins Rathaus bestellt. Und nie zurückgekehrt », DIE WELT,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Lancement du projet Последний адрес - "Dernière adresse connue" en France », sur Association Mémorial France,‎ (consulté le )
  21. (ru) « Initiatives civiques » (consulté le )
  22. Проект увековечения памяти жертв репрессий «Последний адрес» стал международным // МОСКВА, 28 октября. /ТАСС/.