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Cryptes de Jouarre

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Cryptes de Jouarre
Vue intérieure de la crypte Saint-Paul.
Présentation
Type
Partie de
Construction
VIIe siècle
Patrimonialité
Localisation
Pays
département
région
Commune
Adresse
Place Saint Paul
Coordonnées
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Les cryptes de Jouarre sont des hypogées construites au sein de l'abbaye Notre-Dame de Jouarre, dans la commune de Jouarre dans le département de Seine-et-Marne.

Deux cryptes contiguës, construites sous l'église cémétériale Saint-Paul, disparue lors de la guerre de Cent Ans, contiennent les sépultures et certains cénotaphes des fondateurs et des premiers abbés et abbesses de l'abbaye encore conservés au XXIe siècle. Ces cryptes, dont la construction initiale remonte au VIIe siècle, ont connu de nombreuses évolutions et remaniements qui en rendent l'histoire difficile à lire. Dans leur architecture comme dans la décoration des tombeaux qu'elles renferment, elles combinent les influences de plusieurs époques (mérovingienne, carolingienne) et de plusieurs origines (Europe, bassin méditerranéen).

L'ensemble est classé au titre des monuments historiques par la première liste de 1840.

Localisation

Les cryptes de Jouarre sont des constructions hypogées situées sous l'abbaye Notre-Dame de Jouarre, sur la commune éponyme, au nord-ouest du département de Seine-et-Marne. L'abbaye comptait trois édifices religieux, dont l'église Saint-Paul-et-Saint-Martin ; les cryptes constituaient la partie orientale et souterraine de ce dernier[Hub 1].

Historique

Plan du XIIIe siècle représentant des cryptes et l'emplacement des tombeaux qu'elles sontiennent.
Plan des cryptes (Claude Chastelain, 1709)[Note 1].

L'abbaye Notre-Dame de Jouarre est fondée vers 630 ou 635 par Adon, avec la particularité de réunir sous une même autorité un couvent d'hommes et un couvent de femmes[Hub 2].

C'est vers 680 qu'est construite une crypte souterraine dans le but d'y abriter les tombeaux d'Adon et de sa famille. Ébrégisile, évêque de Meaux au tournant du VIIe et VIIIe siècles, ne souhaitant pas être inhumé dans la crypte d'Adon décide, semble-t-il, de faire aménager sa sépulture dans la crypte méridionale qu'il achève de construire[2]. Il était courant, pour les monastères de cette époque, de disposer d'une basilique cémétériale distincte de l'abbatiale[Hub 2]. C'est ainsi que reposent dans ces cryptes Adon (premier abbé), Telchilde (ou Théodechilde, première abbesse), Aguilberte (deuxième abbesse), Balde (troisième abbesse, tante des deux précédentes) ; d'autres personnages, n'ayant pas dirigé l'abbaye, sont également ensevelis dans les cryptes : Mode (belle-mère d'Adon), Agilbert (évêque de Paris, frère de Telchilde) et Ébrégisile (frère d'Alguilberte) ainsi qu'une certaine Osanne (ou Ozanne), princesse irlandaise qui vivait au VIIe siècle[Hub 3],[3].

Beaucoup plus imposant au Moyen Âge, l'ensemble est partiellement incendié pendant la Guerre de Cent Ans, aboutissant à la destruction des parties aériennes de l'église Saint-Paul[3]. D'autres interventions, dont le détail n'est pas connu, ont certainement lieu au niveau des cryptes entre cette destruction et les reprises du XVIIe siècle[Meq 1]. Vers 1640, des travaux intéressant l'ouest du site conduisent à l'alignement du mur occidental des deux cryptes[Meq 1] ; Ces travaux ont pour but la reconstruction d'une chapelle au-dessus des cryptes à l'emplacement de l'ancienne église Saint-Paul[Hub 2] ; dans le même temps, un passage est créé, faisant directement communiquer les deux cryptes[Hub 3]. D'autres travaux ont lieu à plusieurs reprises au XIXe siècle, ainsi qu'en 1951 pour réduire l'humidité ambiante[Hub 3].

Les nombreuses modifications apportées à la crypte Saint-Paul (agrandissements destructions, réfections) s'y sont succédé rendent difficile une lecture claire de l'histoire de cette crypte[Wat 1]. Les observations du début des années 2000 ont conduit archéologues et historiens à proposer des thèses contradictoires sur la chronologie de la construction des cryptes, que seules de nouvelles études permettraient de confronter et d'affiner[Meq 2].

Plusieurs éléments de l'abbaye Notre-Dame de Jouarre sont portés à l'inventaire des monuments historiques, mais les cryptes en sont les seuls édifices protégés par la première liste établie en 1840[1].

Description et architecture

L'ensemble se compose de deux cryptes juxtaposées, l'une au nord appelée crypte Saint-Paul, l'autre, latérale au sud de la précédente, dédiée à saint Ebrégisile[Meq 3]. La crypte Saint-Paul avait été aménagée à l'est du chevet de l'église du même nom[Hub 4]. Un souterrain passant sous l'église Saint-Paul permettait d'y accéder[4].

La crypte Saint-Paul

Les décors carolingiens.

Divisée en neuf travées, elle est décorée de futs de colonnes romaines de remploi en marbres de différentes sortes, surmontées de chapiteaux sculptés et abaques en marbre blanc des Pyrénées datant de la construction de la crypte au (VIIe siècle) qui supportent des voûtes en arêtes, romanes ou postérieures[4]. Le parement de son mur occidental est décoré de motifs géométriques réticulés[Hub 4]. Ce mur, daté du IXe siècle et qui ne fait pas partie des aménagements initiaux de la crypte[Wat 2], présente un décor qui le rapproche de certaines églises de la basse vallée de la Loire mais surtout de la Torhalle de Lorsch, qui pourrait avoir servi de modèle à cet ensemble[Wat 3],[Note 2].

Détail des sculptures ornant la paroi d'un sarcophage mérovingien : scène religieuse.
Sarcophage de saint Agilbert (détail).

Exception faite d'Ébrégisile, toutes les personnes inhumées dans les cryptes de Jouarre reposent dans la crypte Saint-Paul[Hub 3]. Un cénotaphe surmonte chacune des sépultures féminines[5]. Certains de ces tombeaux, rompant avec la tradition mérovingienne, présentent des motifs plus méditerranéens (bandeau sommital à fleurettes du sarcophage d'Adon, petites feuilles à trois limbes du cénotaphe d'Aguilberte) pouvant être comparables à des décors byzantins visibles en Italie ou en Afrique du Nord (frises du cénotaphe de Théodechilde)[5] ; en particulier, le style et le décor du sarcophage d'Agilbert semblent caractéristiques de l'art copte[5] ou, en tout cas, de l'Orient méditerranéen[6]. Le sarcophage de Téchilde, examiné vers 1870, a gardé la trace du corps qui y était déposé — il n'avait pas été au préalable enveloppé d'un linceul —[7]. Le tombeau d'Osanne semble plus tardif (fin du VIIIe siècle)[4].

La crypte de Saint-Ébrégisile

Vue rapprochée d'un sarcophage ouvert; au fond d'une niche.
Crypte Saint-Ebrégésile : le sarcophage.

Construite au sud de la crypte Saint-Paul à laquelle elle fut reliée par un passage au XVIIe siècle, elle fut construite pour y accueillir le seul tombeau d'Ébrégisile. Quelques colonnes semblent être les seuls vestiges de la construction d'origine, profondément remaniée au XIIe siècle[Wat 4] et agrandie au sud au XVIIe siècle[Hub 3].

Le sarcophage d'Ebrégésile a été exhumé à la suite de travaux destinés à combattre l'humidité de la crypte et réalisés en 1985 ; son couvercle avait été remplacé par deux fois, en 1627 puis en 1843-44[8]. Son examen a révélé la trace des linceuls qui enveloppaient le corps[7].

Études et fouilles

Vue de face d'un bâtiment dont l'entrée est partiellement en sous-sol.
L'entrée des cryptes.

Les premières fouilles archéologiques des cryptes datent du début des années 1840. Le déplacement du cimetière se trouvant à proximité immédiate des cryptes permet à l'abbé Thiercelin de réaliser en 1869-1870 une étude d'ensemble des cryptes et des vestiges de l'église Saint-Paul.

Les travaux d'assainissement des cryptes conduits en 1951 permettent à sœur Telchilde de Montessus de décrire précisément l'ordonnancement architectural des cryptes. De 1985 à 1989, Gilbert-Robert Delahaye complète les données concernant les secteurs sud et ouest de la crypte Saint-Paul, ainsi que la crypte Saint-Ébrégisile. En 2005, une opération de fouille préventive, préalable à un aménagement de la place Saint-Paul se déroule devant les cryptes, permettant une réinterprétation partielle des données antérieures. Les résultats, obtenus avec des techniques plus précises que celles disponibles au XIXe siècle, montrent que les observations de 1869-1870 sont en partie sujettes à caution ; elles sont cependant les seules à proposer pour l'ancienne église Saint-Paul un plan dont rien désormais ne permet de vérifier l'exactitude[Meq 4].

Notes et références

Notes

  1. Ce plan, extrait du Martyrologe universel, est repris par Claude de Mecquenem (de Mecquenem 2007 : publication citée en bibliographie de cet article).
  2. Barbara A. Watkinson soutient l'hypothèse selon laquelle Robert le Fort, originaire de Lorsch, aurait transposé dans le val de Loire ces modèles architecturaux quand il devint comte d'Anjou et de Touraine. Ermentrude, abbesse de Jouarre au milieu du IXe siècle et probablement issue d'une famille vassale de Robert le Fort, aurait introduit à Jouarre ce type de décor lors de travaux dans la crypte Saint-Paul (Watkinson 1990 : publication citée en référence de cet article).

Références

  • Jean Hubert, Nouveau recueil d'études d'archéologie et d'histoire, de la fin du monde antique au Moyen Âge, 1985 :
  1. Les cryptes de Jouarre, p. 174.
  2. a b et c Les cryptes de Jouarre, p. 175.
  3. a b c d et e Les cryptes de Jouarre, p. 176.
  4. a et b La renaissance carolingienne, p. 230.
  • Claude de Mecquenem, Les cryptes de Jouarre : un bilan archéologique provisoire (1840-20..), 2007 :
  1. a et b p. 1.
  2. p. 4.
  3. p. 3.
  4. p. 4.
  • Barbara A. Watkinson, Lorsch, Jouarre et l'appareil décoratif du Val de Loire, 1990 :
  • Autres références
  1. a et b Notice no PA00087037, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. Gilbert-Robert Delahaye, « Seine-et-Marne. Jouarre : empreinte du corps de Saint - Ébrégisile dans son sarcophage », Bulletin monumental, t. 154, no 1,‎ , p. 78 (DOI 10.3406/bulmo.1996.4518).
  3. a et b « Histoire de l'abbaye », sur le site de l'abbaye bénédictine Notre-Dame-de-Jouarre (consulté le ).
  4. a b et c Alain Erlande-Brandenburg, « Jouarre, abbaye de », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  5. a b et c Gilbert-Robert Delahaye, « Un îlot d’exotisme dans la Gaule mérovingienne du VIIe siècle : les tombeaux des cryptes de Jouarre (Seine-et-Marne) », sur le site du Centre Michel de Boüard (CNRS/Université de Caen Basse-Normandie) (consulté le ).
  6. Jean-Pierre Caillet, « Le sarcophage d'Agilbert dans les cryptes de Jouarre », Bulletin Monumental, t. 167, no 1,‎ , p. 74-75 (lire en ligne).
  7. a et b Gilbert-Robert Delahaye, « Seine-et-Marne. Jouarre : empreinte du corps de Saint - Ébrégisile dans son sarcophage », Bulletin Monumental, t. 145, no 1,‎ , p. 78 (DOI 10.3406/bulmo.1996.4518).
  8. Gilbert-Robert Delahaye, « Seine-et-Marne. Jouarre, mise au jour du sarcophage de saint Ébrégisile », Bulletin monumental, t. 134, no 4,‎ , p. 348-349 (DOI 10.3406/bulmo.1985.2752).

Pour approfondir

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Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Amédée Aufauvre et Charles Fichot, Les monuments de Seine-et-Marne : description historique et archéologique et reproduction des édifices religieux, militaires et civils du département : Abbaye de Jouarre, Paris, , 407 p. (lire en ligne), p. 191-194
  • Jean Hubert, Nouveau recueil d'études d'archéologie et d'histoire, de la fin du monde antique au Moyen Âge : Volume 29 de Mémoires et documents publiés par la Société de l'école des chartes, Genève, Librairie Droz, , 635 p. (ISBN 978-2-600-04532-2, lire en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Marquise de Maillé (ill. P. Rousseau), Les cryptes de Jouarre, Paris, A. et J. Picard, , 314 p.
  • Claude de Mecquenem, « Les cryptes de Jouarre : un bilan archéologique provisoire (1840-20..) » [PDF], sur le site du 4e congrès international d'archéologie médiévale et moderne (Médiéval Europe Paris -2007), Université Paris 1. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Henri Thiercelin, Le monastère de Jouarre, son histoire jusqu'à la révolution, Auguste Aubry, , 112 p. (lire en ligne).
  • Barbara A. Watkinson, « Lorsch, Jouarre et l'appareil décoratif du Val de Loire », Cahiers de civilisation médiévale, no 129,‎ , p. 49-63 (DOI 10.3406/ccmed.1990.2457). Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes

Liens externes