Commission d'arbitrage de la Conférence de paix sur la Yougoslavie

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Commission d'arbitrage de la Conférence de paix sur la Yougoslavie
Histoire
Fondation
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Organisation
Fondateur
Président

La Commission d'arbitrage de la Conférence de paix sur la Yougoslavie (communément appelée Commission Badinter) était un organe d'arbitrage créé par le Conseil des ministres de la Communauté économique européenne (CÉE) le 27 août 1991 pour fournir des conseils juridiques à la Conférence européenne de paix sur la Yougoslavie. Robert Badinter, Président du Conseil constitutionnel français, a été désigné président de la Commission de cinq membres composée des présidents des cours constitutionnelles de États membres de la CÉE. La Commission a rendu quinze avis sur des « questions juridiques majeures » soulevées par le conflit entre plusieurs républiques de la République fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY)[1].

Composition de la commission[modifier | modifier le code]

Avis rendus par la Commission[modifier | modifier le code]

Entre la fin de l'année 1991 et le milieu de l'année 1993, la Commission a rendu 15 avis sur des questions juridiques découlant de la fragmentation de la Yougoslavie[2].

Avis n°1 (dissolution de la RFSY)[modifier | modifier le code]

Le 20 novembre 1991, Lord Carrington, président de la Conférence de paix sur la Yougoslavie, a demandé si la sécession de certaines républiques de la République fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY) n'avait pas empêché cette dernière de continuer d'exister, comme le défendait la Serbie-et-Monténégro, ou si elle avait au contraire provoqué sa dissolution, toutes les républiques étant des successeurs égaux de la RFSY. La Commission répondit le 29 novembre 1991 que « la République fédérative socialiste de Yougoslavie est en train de se dissoudre »[1].

Avis n°2 (autodétermination)[modifier | modifier le code]

Le 20 novembre 1991, Lord Carrington demandait : « La population serbe de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, en tant que peuple constitutif de la Yougoslavie, a-t-elle le droit à l'autodétermination ? ». La Commission a conclu le 11 janvier 1992 « que la population serbe de Bosnie-Herzégovine et de Croatie a droit à tous les droits relatifs aux minorités et aux groupes ethniques ... Les Républiques doivent accorder aux membres de ces minorités et groupes ethniques tous les droits et libertés fondamentaux reconnues par le droit international, y compris, le cas échéant, le droit de choisir sa nationalité »[1]. L'avis étend également pour la première fois le principe de l'uti possidetis juris à l'ex-Yougoslavie[3].

Avis n°3 (frontières)[modifier | modifier le code]

Le 20 novembre 1991, Lord Carrington demandait : « Les frontières intérieures entre la Croatie et la Serbie et entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie peuvent-elles être considérées comme des frontières au sens du droit international public ? ». Appliquant le principe de l'uti possidetis juris, la Commission a conclu le 11 janvier 1992 que « Les frontières entre la Croatie et la Serbie, entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, et éventuellement d'autres États indépendants adjacents, ne peuvent être modifiées que par un accord librement conclu... . Sauf convention contraire, les anciennes frontières deviennent des frontières protégées par le droit international »[2].

Avis n°4 (Bosnie-Herzégovine)[modifier | modifier le code]

Il a été demandé à la Commission si l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine devait être reconnue. La Commission s'est prononcée contre la reconnaissance car, contrairement aux autres républiques aspirant à l'indépendance, la Bosnie-Herzégovine n'a pas encore organisé de référendum sur cette question[4].

Avis n°5 (Croatie)[modifier | modifier le code]

La Commission a examiné la demande présentée par la Croatie concernant sa reconnaissance en tant qu'État indépendant. La Commission a estimé que l'indépendance de la Croatie ne devait pas encore être reconnue car la nouvelle Constitution croate n'intégrait pas les protections des minorités requises par la Communauté européenne. En réponse à cette décision, le président croate a écrit à Robert Badinter pour lui donner l'assurance que cette lacune serait comblée, et la Communauté européenne a alors reconnu la Croatie[4].

Avis n°6 (Macédoine)[modifier | modifier le code]

La Commission a recommandé à la Communauté européenne d'accepter la demande de reconnaissance de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (aujourd'hui Macédoine du Nord) comme État indépendant, car la République avait donné les garanties nécessaires pour respecter les droits de l'Homme ainsi que la paix et la sécurité internationales. Cependant, la Communauté européenne a été initialement réticente à accepter les recommandations en raison de l'opposition grecque[5].

Avis n°7 (Slovénie)[modifier | modifier le code]

La Commission a recommandé à la Communauté européenne de reconnaître la Slovénie.

Décision interlocutoire[modifier | modifier le code]

La Commission a rejeté les objections serbes et monténégrines quant à son incompétence pour répondre aux trois demandes d'avis qu'elle avait reçues de Lord Carrington, ce qui a donné lieu aux avis 8, 9 et 10.

Avis n°8 (achèvement du processus de dissolution de la RFSY)[modifier | modifier le code]

La Commission a établi que le processus juridique de dissolution de la RFS de Yougoslavie était terminé et que la RFSY n'existait donc plus.

Avis n°9 (règlement des problèmes de succession d'États)[modifier | modifier le code]

La Commission a estimé que la succession d'États résultant de la dissolution de la RFSY devrait être résolue. Elle a précisé que le problème devait être résolu par accord mutuel entre les différents États successeurs, avec une répartition équitable des actifs et obligations internationaux de l'ex-RFSY. Elle a également estimé que la participation de la RFSY aux organisations internationales ne pourrait être maintenue ou reprise par aucun État successeur, mais que chaque État nouvellement indépendant devrait demander à nouveau son adhésion à titre individuel.

Avis n°10 (République fédérale de Yougoslavie ou Serbie-et-Monténégro)[modifier | modifier le code]

Dans cette avis, la Commission a considéré que la République Fédérale de Yougoslavie (Serbie-et-Monténégro) ne pouvait pas légalement être considérée comme une continuation de l'ancienne RFSY, mais qu'il s'agissait d'un nouvel État. Ainsi, la Communauté européenne ne devrait pas reconnaître automatiquement la RFY mais appliquer les mêmes critères que pour la reconnaissance des autres États nés de la dissolution de la RFSY.

Texte[modifier | modifier le code]

Le texte des dix premiers avis de la Commission Badinter a été publié dans le European Journal of International Law. Les avis 1 à 3 sont reproduits dans 3 EJIL 1 (1992) pp. 182ff ( disponible en ligne ou gratuitement sur [1] ). Les avis 4 à 10 sont reproduits dans 4 EJIL 1 (1993) pp. 74ff ( disponible en ligne ).

Critique de l'avis n°3[modifier | modifier le code]

Peter Radan, un universitaire australien d'origine serbe, a critiqué l'interprétation de la Constitution de la RFSY par la Commission Badinter. Outre les principes du droit international, la Commission Badinter a cherché à justifier la pertinence du principe de l'intangibilité des frontières en se référant à l'article 5 de la Constitution de 1974 de la Yougoslavie. La Commission a déclaré que le principe d'intangibilité des frontières s'appliquait d'autant plus facilement aux Républiques que les deuxième et quatrième alinéas de l'article 5 de la Constitution de la RFSY disposaient que les territoires et les frontières des Républiques composant la RFSY ne pouvaient être modifiés sans leur consentement.

L'article 5 dispose :

« (1) Le territoire de la RFSY est indivisible et comprend les territoires de ses républiques socialistes.

(2) Le territoire d'une république ne peut être modifié sans le consentement de cette république, et le territoire d'une province autonome — sans le consentement de cette province autonome.

(3) Les frontières de la RFSY ne peuvent être modifiées sans l'accord de toutes les républiques et provinces autonomes.

(4) La frontière entre les républiques ne peut être modifiée que sur la base de leur accord et, dans le cas d'une frontière d'une province autonome, sur la base de son accord. »

En ce qui concerne l'article 5, sa critique est que la Commission Badinter s'est fait usage de citations sélectives. La raison de Radan pour cette opinion est qu'en s'appuyant sur les paragraphes 2 et 4 de l'article 5, la Commission Badinter a ignoré les dispositions des paragraphes 1 et 3. Ce faisant, elle justifiait la division de la RFSY et la modification de ses frontières internationales en violation des paragraphes 1 et 3. Radan soutient que l'intégrité territoriale des républiques et le caractère sacré de leurs frontières mentionnés aux paragraphes 2 et 4 de l'article 5 ne s'appliquaient que dans le contexte de l'État yougoslave dont l'intégrité territoriale et les frontières restaient en place. Selon Radan, une république cherchant à violer les dispositions des paragraphes 1 et 3 de l'article 5 pourrait difficilement bénéficier des garanties contenues dans les paragraphes 2 et 4. Par conséquent, il fait valoir que l’article 5 ne soutient pas l’application du principe d'intangibilité des frontières à la fragmentation de la RFSY.

Sur la base de l'analyse ci-dessus du raisonnement de la Commission Badinter dans l'avis n°3, Radan conclut que ni les principes du droit international relatifs au respect du statu quo territorial et de l'uti possidetis juris ni les dispositions de l'article 5 de la Constitution de la RFSY de 1974 ne fournissent de justifications pour l'application du principe d'intangibilité des frontières et qu'en redéfinissant les nouvelles frontières entre États indépendants « il pourrait même être nécessaire de faciliter les transferts ordonnés et volontaires d'une partie de la population »[2].

Voir également[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Allain Pellet, « The Opinions of the Badinter Arbitration Committee: A Second Breath for the Self-Determination of Peoples », European Journal of International Law, vol. 3, no 1,‎ , p. 178–185 (lire en ligne)
  2. a b et c Peter Radan, « Post-Secession International Borders: A Critical Analysis of the Opinions of the Badinter Arbitration Commission », Melbourne University Law Review, vol. 24, no 1,‎ , p. 50–76 (lire en ligne)
  3. Harris, D. Cases and materials on International Law. 106-107
  4. a et b Roland Rich, « Recognition of States: The Collapse of Yugoslavia and the Soviet Union », European Journal of International Law, vol. 4, no 1,‎ , p. 36–65 (lire en ligne [archive du ] [PDF], consulté le )
  5. Greece's Macedonian Adventure: The Controversy over FYROM’s Independence and Recognition. Evangelos Kofos, Macmillan Press Ltd (UK, USA 1999), edited by James Pettifer

Liens externes[modifier | modifier le code]