Abhidharmakosha

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L'Abhidharmakośakārikā ou les Versets sur le Trésor d'Abhidharma est un texte de l'Abhidharma rédigé en vers sanskrit par Vasubandhu au IVe siècle ou Ve siècle de notre ère[1]. Il résume les principes de Sarvāstivādin en huit chapitres avec un total d'environ 600 versets. En Inde, au Tibet et en Asie de l'Est, ce texte est respecté et enseigné dans les écoles.

Vasubandhu écrit un commentaire sur cette œuvre, appelé Abhidharmakośabhāsya. Dans ce document, il critique les interprétations des Sarvāstivādins, Vaibhasikas et d'autres des principes présentés dans ses œuvres précédentes dans une perspective Sautrāntika[2]. Ce commentaire comprend un chapitre supplémentaire en prose réfutant l'idée de la «personne» (pudgala) favorisée par certains bouddhistes de l'école de Pudgalavada . Cependant, plus tard, le maître Sarvāstivādin, Samghabhadra, considère qu'il avait déformé leur pensée dans ce processus. Il désigne alors Vasubandhu comme un Sautrāntika (défenseur des sutras) plutôt que comme un défenseur de l' Abhidharma .

Chapitres[modifier | modifier le code]

En français, les titres des neuf chapitres (qui comprennent les huit chapitres originaux et le neuvième constituant le commentaire de Vasubandhu) peuvent être traduits ainsi :

1: Le Dhātus
2: Les Indriyas
3: Réalité de la souffrance
4: Réalité de l'origine de la souffrance
5: Les souillures latentes
6: Les chemins et les personnes
7: Sagesse
8: Les absorptions
9: Réfutation du Pudgala

Karma : causes, conditions, résultats[modifier | modifier le code]

Le chapitre quatre du Kośa est consacré à une étude du karma, et les chapitres deux et cinq contiennent une formulation quant au mécanisme de fructification et de rétribution[3]. Les philosophes du Mahayana tardif s'inspirent de ces analyses afin de comprendre les perspectives du bouddhisme précoce[4].

Vasubandhu s'intéresse aux causes[note 1] et conditions[note 2] de la production de résultats, [note 3] dans le cadre d'une réflexion sur le karma, qui représente à la fois la « cause de la maturation » et le « résultat mûri[5] ». Les conditions y sont souvent considérées comme des causes auxiliaires. Vasubhandhu s'inspire des traités antérieurs de Sarvāstivādin Abhidharma pour établir une étiologie bouddhiste élaborée avec les six causes suivantes :

  • Causes agissantes[note 4], c'est-à-dire tous les phénomènes, autres que le résultat lui-même, qui n'empêchent pas la production du résultat. Elles incluent, d'une part, des causes agissantes puissantes, telles qu'une graine pour une pousse, et d'autre part, des causes agissantes impuissantes, telles que l'espace qui permet à une pousse de pousser et la mère ou les vêtements du fermier qui a planté la graine.
  • Causes survenant simultanément[note 5] avec les résultats. Les caractéristiques et tous ceux qui les possèdent sont incluses.
  • Causes congruentes[note 6]. Il s'agit d' une sous-catégorie de causes apparaissant simultanément, elle comprend les causes partageant le même objet focal, aspect mental, capteur cognitif, temps et inclinaison avec leurs causes. Elle se réfère principalement à la conscience primaire et à ses facteurs mentaux congruents.
  • Cause de statut égal[note 7]. Il s'agit de causes pour lesquelles les résultats sont des moments ultérieurs dans la même catégorie de phénomènes. Par exemple, un moment de patience peut être considéré comme la cause du prochain moment de patience.
  • Causes de conduite[note 8]. Ce sont des émotions et attitudes dérangeantes qui provoquent d'autres émotions et attitudes dérangeantes ultérieures dans le même plan d'existence, même si les deux n'ont pas besoin d'avoir le même statut éthique.
  • «Cause de maturation[note 9] - la cause karmique ou l'efficacité. [6]

Les conditions, au nombre de quatre, sont les suivantes :

  • Conditions causales[note 10] - correspond à cinq des six causes, à l'exception du kāraṇahetu (causes agissantes), qui correspond aux trois conditions ci-dessous.
  • Conditions immédiatement précédentes[note 11] - une conscience qui précède un sens ou une conscience mentale sans aucune conscience intermédiaire et qui produit la conscience ultérieure en une entité prête à l'expérience.
  • Condition focale[note 12] - ou "condition d'objet" - objet qui produit directement la conscience en l'appréhendant comme ayant son aspect, par exemple l'objet bleu provoque la génération d'une conscience oculaire pour qu'elle ait l'aspect du bleu
  • Condition dominante[note 13]

Les résultats, au nombre de cinq, sont les suivants :

  • Résultats affinés[note 14] - résultats karmiques[6].
  • Résultats qui correspondent à leur cause [note 15] - effets causalement concordants
  • Résultats dominants[note 16] - le résultat de la prédominance. Tous les dharmas conditionnés sont les adhipatiphala (résultats dominants) d'autres dharmas conditionnés[7].
  • Résultats créés par les êtres humains[note 17] - un résultat dû à l'activité d'un autre dharma
  • Des résultats qui sont des états de séparation[note 18] - il ne s'agit pas de résultat, ce terme se réfère à la cessation qui découle de la perspicacité.

Traductions[modifier | modifier le code]

L' Abhidharmakośa-kārikā (les versets) et l' Abhidharmakośa-bhāsya (l'auto-commentaire) sont traduits en chinois au VIe siècle par Paramārtha (T1559), puis au VIIe siècle par Xuanzang (T1560 & T1558). D'autres traductions et commentaires existent en tibétain, chinois, mongol classique et ancien ouighour.

La plus ancienne traduction dans une langue occidentale est celle de Louis de La Vallée-Poussin, publiée en 1923-1931 en français. Elle se fonde avant tout sur la traduction chinoise de Xuanzang mais fait aussi référence aux textes sanscrit et tibétain, et à la traduction chinoise de Paramārtha.

Commentaires[modifier | modifier le code]

Il existe de nombreux commentaires écrits sur ce texte, y compris un autocommentaire de Vasubandhu intitulé Abhidharmakoshabhasya. Le disciple de Vasubandhu, Sthiramati, écrit le Tattvartha-tika (6e s. CE). Le savant Nalanda Yasomitra (6e s. CE), écrit aussi un sous-commentaire sur l' Abhidharmakoshabhasya, le Sputarth-abhidharmakosa-vyakhya .

D'autres érudits rédigent des commentaires sur le Kosa pour défendre les principes de Sarvastivadin que Vasubandhu réfute dans le texte, notamment le Nyayanusara («En accord avec la vérité», de Samghabhadra, 5e c) et l' Abhidharma-dipa («Lampe d'Abhidharma», anonyme).

Le commentaire de Dignaga, l' Abhidharmakosa Vrtti Marmadipa comprend de nombreuses citations de sutra.

Abhidharmakośopāyikā-ṭīkā de Śamathadeva, ( Le compagnon essentiel du 'Trésor de l'Abhidharma, Tib. Chos mngon paʼi mdzod kyi ʼgrel bshad nye bar mkho ba zhes bya ba, Derge no. 4094 / Pékin no. 5595), est un manuel de l'Abhidarmakosa qui cite des passages du Mūlasarvāstivāda Tripitaka[8].

Le premier dalaï-lama, Gyalwa Gendun Drup (1391-1474) compose un commentaire intitulé Illumination du chemin menant à la liberté.

Mikyö Dorje, 8e Karmapa Lama (1507-1554) publie un commentaire en deux volumes sur ce texte.

Article connexe[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. S. hetu, Tib. rgyu
  2. S. pratyaya, Tib. rkyen, Pāli: paccaya
  3. S. vipākaphalam, Tib. rnam-smin-gyi 'bras-bu
  4. S. kāraṇahetu, T. byed-rgyu
  5. S. sahabhuhetu, T. lhan-cig 'byung-ba'i rgyu
  6. Skt. saṃmprayuktahetu, T. mtshungs-ldan-gyi rgyu
  7. S. sabhagahetu, T. skal-mnyam-gyi rgyu
  8. S. sarvatragohetu, T. kun groi rgyu
  9. Skt. vipākahetu, T. rnam-smin-gyi rgyu
  10. S. hetupratyaya, T. rgyu-rkyen
  11. S. samanantarapratyaya, T. dema thag rkyen
  12. S. alambanapratyaya, T. dmigs-rkyen
  13. S. adhipatipratyaya, T. bdag-rkyen
  14. S. vipakaphalam, T. rnam smin gyi 'bras-bu
  15. S. niṣyandaphalam, T. rgyu-mthun gyi 'bras-bu
  16. S. adhipatiphalam, bdag poi bras bu
  17. S. puruṣakāraphalam, T. skyes bu byed-pa'i 'bras-bu
  18. S. visamyogaphalam, T. bral 'bras

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Dale H. Hoiberg, « Abhidharmakosha », dans Encyclopædia Britannica, vol. I: A-ak Bayes, Chicago, Illinois, Encyclopædia Britannica Inc., (ISBN 978-1-59339-837-8), p. 31
  2. (en) Jonathan C. Gold, « Vasubandhu », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Edward N. Zalta (ed.) (lire en ligne).
  3. Lamotte 2001, p. 18.
  4. Lamotte 2001.
  5. (en) Alexander Berzin, « Causes, Conditions, and Results », sur studybuddhism.com.
  6. a et b Ronkin 2005, p. 25.
  7. (en) Susan C. Stalker Ph.D. thesis, A Study of Dependent Origination: Vasubandhu, Buddhaghosa, and the Interpretation of Pratīyasamutpāda, University of Pennsylvania, , p. 25.
  8. (en) « Śamathadeva », sur agamaresearch.ddbc.edu.tw (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Etienne Lamotte (trad. English translation by Leo M. Pruden), Karmasiddhi Prakarana: The Treatise on Action by Vasubandhu, Asian Humanities Press,
  • (en) Noa Ronkin, Early Buddhist Metaphysics: the Making of a Philosophical Tradition, Routledge, (ISBN 0-203-53706-8)
  • Vasubandhu (trad. Louis de La Vallée-Poussin), L’Abhidharmakosa de Vasubandhu, vol. 1 à 6, Paris, Paul Geuthner, 1923-1931.