Représentabilité finie (espace de Banach)

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La représentabilité finie est un concept mathématique utilisé dans l'étude des espaces de Banach. L'idée principale, introduite par Grothendieck[1],[2], consiste à examiner les isomorphismes entre sous-espaces de dimension finie.

Définition[modifier | modifier le code]

Soient E et F deux espaces vectoriels normés. F est dit finiment représentable dans E si, pour tout sous-espace U F de dimension finie et tout ε > 0, il existe un sous-espace V E et un isomorphisme T : U V tels que ║T║║T −1║ < 1 + ε, où ║ ║ désigne la norme d'opérateur.

Autrement dit, F est finiment représentable dans E si tout sous-espace de dimension finie de F est à distance de Banach-Mazur arbitrairement petite d'un sous-espace de dimension finie de E.

Exemples[modifier | modifier le code]

  • Tout sous-espace de E est finiment représentable dans E.
  • La représentabilité finie est une relation transitive, c'est-à-dire que si G est finiment représentable dans F et F finiment représentable dans E, alors G est finiment représentable dans E.
  • Pour 1 ≤ p < +∞, Lp([0, 1]) est finiment représentable dans p.
  • Pour p > 2 et 1 ≤ q ≤ 2, p n'est pas finiment représentable dans Lq(X, μ).
  • L'espace de fonctions C([0, 1]) est finiment représentable dans l'espace c0 des suites réelles de limite nulle, et vice-versa.

Théorème de Dvoretzky[modifier | modifier le code]

D'après le théorème de Banach-Mazur, tout espace de Banach séparable est isométrique à un sous-espace de C([0, 1]). Tout espace de Banach est donc finiment représentable dans C([0, 1]), autrement dit : C([0, 1]) est maximal pour la relation de représentabilité finie. Un corollaire du théorème de Dvoretzky garantit qu'à l'opposé, les espaces de Hilbert sont minimaux :

Un espace de Hilbert est finiment représentable dans tout espace de Banach de dimension infinie.

Cette minimalité caractérise même les espaces de Hilbert. En effet, si un Banach H est finiment représentable dans tout Banach de dimension infinie alors il l'est dans 2 et on en déduit facilement qu'il vérifie l'identité du parallélogramme donc, d'après le théorème de Fréchet-von Neumann-Jordan, H est un Hilbert.

Super-propriétés[modifier | modifier le code]

Pour toute propriété P vérifiée par certains espaces de Banach, on dit qu'un Banach E a la propriété super-P, ou « est » super-P, si tout Banach finiment représentable dans E a la propriété P. D'après le théorème de Dvoretzky, pour qu'il existe un Banach super-P de dimension infinie, il faut que tout Hilbert ait la propriété P.

« Super- » est bien sûr un opérateur de clôture, c'est-à-dire qu'on a « super-P P », « si P Q alors super-P ⇒ super-Q » et « super-super-Q ⇔ super-Q ».

En particulier, P est une super-propriété (c'est-à-dire de la forme super-Q) si et seulement si super-P P. Par exemple, la convexité uniforme est une super-propriété, mais pas la réflexivité.

Super-réflexivité[modifier | modifier le code]

La convexité uniforme entraîne la propriété de Banach-Saks (théorème dû à Kakutani), qui elle-même entraîne la réflexivité (théorème de T. Nishiura et D. Waterman). Tout espace uniformément convexe est donc réflexif (théorème de Milman-Pettis) et même super-réflexif (puisque la convexité uniforme est une super-propriété). La réciproque est due à Per Enflo[3] :

Un espace de Banach est super-réflexif (si et) seulement s'il est uniformément convexe pour au moins une norme équivalente.

On en déduit :

La super-réflexivité et la super-propriété de Banach-Saks sont équivalentes.

Principe de réflexivité locale[modifier | modifier le code]

Le principe de réflexivité locale, explicité par Joram Lindenstrauss et Haskell Rosenthal[4],[5], assure que le bidual E'' d'un espace de Banach E est finiment représentable dans E, et même :

Pour tous sous-espaces de dimensions finies U E'' et V E' et tout ε > 0, il existe une injection linéaire T : U E telle que

  • T║║T −1║ < 1 + ε,
  • x*, T(x**)〉 = 〈x**, x*〉 pour tous x* ∈ V et x** ∈ U,
  • la restriction de T à UE est l'identité.

Notes et références[modifier | modifier le code]

(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Endliche Präsentierbarkeit (Banachraum) » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Raymond A. Ryan, Introduction to Tensor Products of Banach Spaces, Springer, , 226 p. (ISBN 978-1-85233-437-6, lire en ligne), p. 201
  2. A. Grothendieck, « Résumé de la théorie métrique des produits tensoriels topologiques », Bol. Soc. Mat. Sao Paulo, vol. 8,‎ , p. 1-79 (lire en ligne)
  3. (en) Per Enflo, « Banach spaces which can be given an equivalent uniformly convex norm », Israel J. Math., vol. 13,‎ , p. 281-288 (DOI 10.1007/BF02762802)
  4. (en) Marián Fabian, Petr Habala, Petr Hájek, Vicente Montesinos et Václav Zizler, Banach Space Theory : the basis for linear and nonlinear analysis, New York, Springer, , 820 p. (ISBN 978-1-4419-7515-7, lire en ligne), p. 292
  5. (en) J. Lindenstrauss et H. P. Rosenthal, « The ℒp-spaces », Israel J. Math., vol. 7,‎ , p. 325-349 (DOI 10.1007/BF02788865)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Bernard Beauzamy, Introduction to Banach Spaces and their Geometry, North-Holland, , 2e éd. (lire en ligne)
  • (en) Joseph Diestel, Sequences and Series in Banach Spaces, Springer, coll. « GTM » (no 92), (1re éd. 1984) (ISBN 978-1-4612-9734-5)
  • (en) Nigel J. Kalton, « The Nonlinear Geometry of Banach Spaces », Revista Matemática Complutense, vol. 21, no 1,‎ , p. 7-60 (lire en ligne)