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Utilisateur:Larunarig/Lancelot ou le Chevalier de la charrette

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Lancelot
ou
Le Chevalier de la charrette
Auteur Chrétien de Troyes
Pays France
Genre Roman courtois
Date de parution XIIe siècle
Chronologie

Lancelot ou Le Chevalier de la charrette est un roman en vers de Chrétien de Troyes, écrit probablement entre 1177 et 1181 à la demande de Marie de Champagne.

Le roman est rédigé vers octosyllabiques et fait environ 6200 vers. Il nous est connu par trois manuscrits différents.

Si Chrétien en a écrit la plus grande partie, il ne l'a cependant pas achevé, et a laissé ce soin à Geoffroy de Lagny, sous nous renseigner plus sur ses raisons. La rédaction est probablement parallèle à celle d'Yvain ou le Chevalier au Lion et l'on trouve dans celui-ci de multiples allusions à l'enlèvement de la reine Guenièvre par Méléagant qui occupent Lancelot loin de l'intrigue d'Yvain.

Résumé[modifier | modifier le code]

Le Chevalier de la Charrette commence par un bref prologue[1].

L'histoire démarre ensuite à la cour du roi Arthur : alors qu'ils célèbrent la fête de l’Ascension, un chevalier survient et défie l’assistance. Il a fait de nombreux prisonniers qu'il ne rendra que si un chevalier du roi prend le risque de défendre la reine Guenièvre et parvient à le vaincre. Le sénéchal Keu, à la consternation générale, relève le défi ; vaincu, il est emmené avec la reine comme prisonniers. Gauvain décide de partir à leur recherche[2].

En chemin, Gauvain rencontre un chevalier inconnu[3] et lui cède l’un de ses chevaux. L’inconnu repart à toute allure et Gauvain le retrouve peu après, alors que celui-ci, après un bref débat intérieur entre Honte et Amour, accepte de monter dans la charrette d’infamie. Le nain qui dirige la charrette lui a en effet promis de le renseigner sur le lieu ou se trouve la reine s'il monte dans sa charrette. Le fait de monter dans une charrette, nous explique Chrétien est assimilable à l’exposition des criminels au pilori, ce qui équivaut à se déshonorer : Gauvain n’est pas peu étonné qu’un chevalier accepte cette dégradation[4]. Hébergés la nuit dans un château, le chevalier de la charrette triomphe de l’épreuve du lit périlleux : il réussit à éviter une lance enflammée qui, à minuit, jaillit du toit pour le transpercer[5].

Le lendemain, le chevalier voit la reine, prisonnière, passer en contrebas de la tour. Gauvain et le chevalier se lancent à leur poursuite. A un carrefour, ils rencontrent une demoiselle qui, en échange d’un service à venir, les renseigne sur l’objet de leur quête : le ravisseur de la reine s'appelle Méléagant, il est le fils de Baudemagu, roi de Gorre. Deux chemins sont possibles pour se rendre dans son royaume : Gauvain choisit le premier, le Pont sous l’Eau, et le chevalier inconnu choisit le deuxième, le Pont de l’Epée[6]. Le récit s’attache alors au parcours de cil de la charrete[7].

Le chevalier traverse un gué défendu et passe la nuit dans un château ou après un simulacre de viol, il résiste aux avances d'une demoiselle tentatrice.[8]. Le troisième jour, après quelques détours durant lesquels il découvre près d'une fontaine un peigne de la reine qui le plonge dans une profonde rêverie[9], le chevalier parvient dans un cimetière qui contient les tombes des chevaliers d’Arthur. Guidé par un moine, il découvre sur le plus riche des tombeaux, une inscription annonçant que seul celui qui pourra soulever cette pierre tombale délivrera les prisonniers retenus dans le pays dont nul ne revient, ce qu'il fait sans difficulté[10]. Le soir venu, le chevalier trouve à se loger chez un vavasseur accueillant[11]. Accompagné par deux des fils du celui-ci, le chevalier franchit le Passage des Pierres[12], après de nouveaux défis[13] et s'être blessé au Pont de l'Epée, il est accueilli par le roi Baudemagu, père de Méléagant, qui fait soigner ses blessures[14].

Le lendemain, il engage le duel avec Méléagant, et exalté à la vue de la reine qui révèle pour la première fois son nom, Lancelot[15], il l'emporte, mais Baudemagu obtient que Lancelot arrête le combat et épargne son fils[16]. Lancelot a accomplit sa mission, et libéré la reine et les prisonniers[17].

Après sa victoire, Lancelot va voir la reine, qui lui réserve un accueil glacial. Lancelot part aussitôt à la recherche de Gauvain qu’il a laissé quelques jours auparavant. Mais capturé par les habitants du pays, la nouvelle de sa mort se répand. En apprenant la nouvelle, la reine Guenièvre veut se tuer. Lancelot, apprenant cette nouvelle, veut mourir à son tour, et tente de se suicider. Finalement, de retour à la cour de Baudemagu. Lancelot apprend par la reine la cause de sa froideur: elle lui reproche d'avoir hésité à monter dans la charrette « le temps de deux pas » et songé à préférer son honneur à l’amour. Le soir venu, Lancelot rejoint Guenièvre à la fenêtre de sa chambre, et écartant les barreaux qui lui blessent les mains, ils passent ensemble une nuit d'amour[18].

Le lendemain, veille de la Pentecôte, Méléagant découvre les traces de sang laissée par les blessures aux mains de Lancelot dans les draps de Reine. Il accuse d’adultère la reine et le sénéchal Keu qui dormait, blessé, dans la même chambre que la reine. Pour défendre leur honneur, Lancelot soutient contre Méléagant un duel judiciaire. De nouveau vainqueur, Lancelot ne laisse la vue sauve à Méléagant que sur la demande, pour la deuxième fois, de Baudemagu[19].

Lancelot repart en quête de Gauvain, mais tombe dans le piège orchestré par Méléagant[20]. Pendant ce temps, les captifs et Gauvain qui a été retrouvé par la reine rentrent à la cour du roi Arthur. Lancelot, prisonnier, réussi à participer -incognito- au tournois organisé par de la dame de Noauz, où se trouve la reine. Sur l'ordre de celle-ci il alterne pendant deux jours le meilleur et le pire au combat. Rentré, comme il l'avait promis à la geôlière, dans sa prison, Lancelot est enfermé par Méléagant dans une tour murée[21].

A partir de ce point, le roman n'est plus l’œuvre de Chrétien, mais est terminé par Geoffroy de Lagny.

Méléagant part pour la cour d’Arthur et se présente au jour prévu pour le duel avec Lancelot. En l'absence de celui-ci, toujours prisonnier, Gauvain se propose pour combattre[22]. Mais Lancelot, libéré, arrive et, dans un dernier combat, tranche la tête de Méléagant[23].

Le titre[modifier | modifier le code]

Lancelot ou le Chevalier de la charrette est le titre le plus couramment utilisé. Cependant, les manuscrits qui nous en ont conservé le texte ne comportent pas de titre. Les indications qui figurent dans les manuscrits sont les suivantes :

  • au début du texte : « Del Chevalier de la Charrete / Comance Crestïens son livre »
  • à la fin du texte : « Godefroiz de Leigni, li clers, / A parfinee La Charrete »
  • l'explicit : « Ci faut li romans de Lancelot de la charrete »

Rédaction de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Le roman n'a pas été achevé par Chrétien de Troyes, comme nous l'indique le texte lui-même: « Godefroiz de Leigni, li clers, / A parfinee La Charrete / Mes nus hom blasme ne l'an mete / Se sor Crestïen a ovré / Car ç'a il fet par le boen gré / Crestïen, qui le comença »[24]. Les raisons qui ont poussé Chrétien à laisser à Geoffroy de Lagny (ou Godefroi de Lagny) le soin d'en écrire la fin ont fait émerger de nombreuses hypothèses, sans qu'un consensus ne se dégage au sein de la critique.

Sa rédaction est probablement parallèle à celle d'Yvain ou le Chevalier au Lion, car on trouve dans cet autre roman plusieurs allusions à l'enlèvement de la reine Guenièvre par Méléagant.

Il a été probablement rédigé vers 11771181. Dans le prologue, Chrétien de Troyes indique que c'est ma dame de Champaigne qui lui a fourni la matere et le san du roman[25].

Les manuscrits[modifier | modifier le code]

Ce roman rédigé en vers octosyllabiques nous est connu par trois manuscrits différents[26].

Les sources[modifier | modifier le code]

Il semble en tout cas que Chrétien se soit inspiré de plusieurs récits indépendants, qu'il aurait lié en inventant l'amour adultère de Lancelot et Guenièvre, inspiré de Tristan. En effet si l'on en croit le Lanzelet d'Ulrich von Zatzikhoven, un roman allemand probablement adapté d'un texte anglo-normand en vers antérieur au Chevalier de la Charrette (fin du XIIè), Lancelot n'était originellement pas amoureux de Guenièvre. C'était un héros dont l'histoire suit le modèle du Bel Inconnu. D'ailleurs le récit de l'enlèvement de Guenièvre par Melvas dans la Vita Gildae (v. 1145-1160), ne fait nulle mention de l'intervention de Lancelot.[27]

La Structure du roman[modifier | modifier le code]

Le roman se sépare en deux partie: la première, jusqu'au franchissement du Pont de l’Épée par Lancelot et son combat avec Méléagant : comme dans Erec et Enide, la première phase du roman est structurée par la résolution d’une coutume, et Lancelot a remplit sa mission et libéré la reine et les prisonniers. La seconde à partir de ce point va chercher à donner une réponse à deux points : la rivalité entre Lancelot et Méléagant, d’une part ; la destinée de l’amour de Lancelot pour la reine, d’autre part. La suite du roman apportera une solution définitive au premier point, mais laissera le second dans un relatif inachèvement, et motivera les élaborations des romans postérieurs.

La structure du roman, qui alterne les aventures de Gauvain et celles de Lancelot, inaugure la technique de l'entrelacement[28].

Analyse[modifier | modifier le code]

Le chevalier de la Charrette est un roman paradoxal. L'interprétation la plus communément admise, depuis les travaux de M. Lot-Borodine, est qu'il met en scène le conflit entre la coutume chevaleresque et l'amour : l'amour ignorerait les conventions sociales (telle la charrette d'infamie) et permettrait au chevalier de se dépasser en le poussant à un total don de soi[29].

Mais, comme dans les romans de Tristan, l'adultère menacerait l'autre base de la société arthurienne, la loyauté envers le roi. Cette contradiction ne se résoudrait que par le renoncement qui permet la rédemption. Selon J-Ch. Payen, l'explication de ce paradoxe serait dans le prologue du Roman. En rejetant la responsabilité du sujet sur Marie de Champagne, Chrétien de Troyes exprimerait un refus moraliste de l'adultère et défendrait le mariage, comme dans Erec et Cligès.[30].

Comment l'a montré M. Roques, il s'agit bien de la soumission absolue du chevalier à sa dame, telle qu'elle est définie et codifiée par les règles de la fin'amor[31].

Le roman met en scène Lancelot qui part en quête pour délivrer la reine Guenièvre, prisonnière de Méléagant.: c'est un très bon exemple de la fin'amor ou amour courtois, amour idéal, dans la littérature du Moyen Âge. Ce terme désigne une série de règles qui régissent le rapport entre un amant et sa dame. La dame est toujours de rang supérieur à l'amant, et celui-ci doit accomplir des prouesses et des sacrifices pour montrer son caractère extraordinaire et son dévouement à l'être aimé.

Dans ce roman, la reine Guenièvre, la dame aimée de Lancelot, est enlevée par Méléagant. Lancelot part la délivrer, mais pour réussir dans cette quête, il doit accomplir des prouesses et réaliser des sacrifices, qui sont autant d'épreuves dans son parcours initiatique.

Les épreuves les plus importantes du poème sont celles à caractère sacrificiel : l'une d'elles donne le nom du roman le Chevalier de la charrette, car Lancelot se résout à monter dans une charrette de condamné conduite par un bouvier, signe d'opprobre à l'époque médiévale, dans le but de sauver sa dame : il perd son honneur et devient un paria selon le code de la chevalerie. Mais ce code courtois exige de lui un sacrifice, pour sa dame. Lancelot finit donc par monter dans la charrette, après une hésitation « de deux pas », révélant son caractère faillible. La deuxième épreuve à caractère sacrificiel est la traversée du Pont de l'Épée, qui lui permettra d'aller dans le royaume de Baudemagus (père de Méléagant) pour sauver la reine Guenièvre.

Le poids du don contraignant

Point de départ de nombreux romans arthuriens, la « promesse en blanc » joue un rôle essentiel dans le Chevalier de la charrette et plus largement dans l'histoire du royaume de Logres. La succession de dons contraignants funestes inscrit les événements dans une dimension tragique et aboutit à la fin du royaume[32].

Une figure christique

La théorie suivante est développée par Ribart dans son œuvre critique Le Chevalier de la Charrette. Lancelot, sous l'apparence de l'amant courtois type, est une figure christique. Ce roman est à la fois un roman courtois et une allégorie christique, car en sauvant la reine, Lancelot rétablit l'équilibre du monde. De plus, certains voient, dans la soumission de Lancelot, des valeurs chrétiennes : humilité, soumission et sacrifice de soi. Ce thème sera traité de façon encore plus évidente dans Perceval ou le Conte du Graal.

Réception et influence[modifier | modifier le code]

L'importance littéraire du Chevalier de la Charrette est considérable. Au delà du motif de l'aventure, déjà présent dans erec et Cligès, celui de la quête constituera la trame de la plupart des œuvres arthuriennes ultérieures. La figure de Lancelot fixe le modèle du parfait chevalier, qui concilie l'amour dévoué à sa dame et la prouesse guerrière. Comme plus tard celle du Conte du Graal, la fin du Chevalier de la Charrette demeure ouverte, offrant la possibilité de multiples développements qui nourriront le Lancelot en prose et le Perlesvaus[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. vers 1-29, Edition Charles Méla
  2. Vers 30-267
  3. Il s'agit de Lancelot, mais son nom ne sera prononcé que bien plus tard, par la reine elle-même.
  4. Vers 268-394
  5. Vers 395-534
  6. Vers 535-710
  7. Vers 711 : celui de la charrette
  8. Vers 712-1280
  9. Vers 1280-1828
  10. Vers 1828-2010
  11. Vers 2010-2189
  12. Vers 2190-2504
  13. Vers 2505-2983
  14. Vers 2984-3488
  15. Vers 3660
  16. 3489-3898
  17. Vers 3899-3901
  18. Vers 3901-4736
  19. Vers 4737-5043
  20. Vers 5044-5085
  21. Vers 5086-6146
  22. Vers 6057-6635
  23. Vers 6636-7112
  24. « Le clerc Godefroi de Lagny a achevé La Charrette. Mais que personne ne lui reproche d'avoir continué le travail de Chrétien, car il l'a fait avec le complet accord de Chrétien qui l'a commencé. » traduction de Daniel Poirion in Chrétien de Troyes, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1994, p. 682
  25. Delcourt 2000, p. 20
  26. Walter 1997, p. 58
  27. Delcourt 2000, p. 21
  28. a et b Delcourt 2000, p. 23
  29. Delcourt 2000, p. 21-22
  30. Delcourt 2000, p. 22
  31. Delcourt 2000, p. 22
  32. Nadège Le Lan, La demoiselle d'Escalot (lire en ligne), p. 58-59

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Ouvrages contemporains[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • Jean-Claude Kooijman, « Temps réel et temps romanesque: le problème de la chronologie relative d'Yvain et de Lancelot de Chrétien de Troyes », Le Moyen Âge, t. 84, no 2,‎ , p. 225-237
  • Michel Stanesco, « Sous le masque de Lancelot. Du comportement romanesque au Moyen Âge », Poétique, no 66,‎ , p. 25-33
  • Maurice Accarie, « L'Eternel Départ de Lancelot: Roman clos et roman ouvert chez Chrétien de Troyes », Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Alice Planche, {{Article}} : paramètre « date » manquant, p. 1-20
  • Stephen Noreiko, « Le Chevalier de la Charrette : prise de conscience d'un fin'amant », Romania, t. 94,‎ , p. 463–483
  • Jean Rychner, « Le prologue du Chevalier de la Charrette et l'interprétation du roman », Mélanges offerts à Rita Lejeune,‎ , p. 1121-1135
  • (en) Gerald Morgan, « The Conflict of Love and Chivalry in Le Chevalier de la Charrette », {{Article}} : paramètre « périodique » manquant, t. 102, no 2,‎ , p. 172-201
  • (en) David Shirt, « Le Chevalier de la Charrette: A World Upside Down? », Modern Language Review, vol. 76, no 4,‎ , p. 811-822
  • (en) Ernst Soudek, « Structure and Time in the Chevalier de la Charrette. An Aspect of Artistic Purpose », Romania, t. 93,‎ , p. 96-108

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie sur le site de l'ARLIMA