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Espèce clé de voûte[modifier | modifier le code]

Définition[modifier | modifier le code]

Une espèce clé de voûte est une espèce dont la présence a des effets majeurs et disproportionnés sur la persistance d’autres espèces de son environnement comparativement à son abondance. Le concept d’espèce clé de voûte est intimement lié aux notions de réseau trophique, d’interactions écologiques, et d’écosystème.

Le terme "clé de voûte" est employé en référence à la pierre placée dans l’axe de symétrie d’une voûte, en architecture, et qui assure la tenue de la voûte. Par extension, en écologie, l'espèce clé de voûte peut être qualifiée de régulatrice, voire structurante. Par sa dynamique, elle permet la persistance des autres espèces du milieu et contribue de façon significative à la structuration de ce dernier.

Le mode d’action de l’espèce varie en fonction de son statut dans l’écosystème. L’espèce clé de voûte peut être un prédateur carnivore ou herbivore, une proie, une espèce mutualiste, ou une espèce ingénieure (aussi “agenceurs écosystémiques”).[1]

Histoire du concept[modifier | modifier le code]

Le concept d’espèce clé de voûte est introduit par Robert Paine, écologue américain, en 1969.

Avant 1969[modifier | modifier le code]

Le concept d’espèce clé de voûte a été introduit en 1969 par R.T Paine. A l’époque, l’idée la plus répandue parmi les écologues était que la stabilité d’une communauté était liée à la diversité et aux nombres de liens et interactions trophiques de celle-ci. On pensait donc que les milieux et communautés les plus riches en espèces étaient les plus stables. Mais il n’y a que peu voire pas de preuves tangibles en faveur de cette idée (notamment à cause du manque de données et des problèmes de définition de la stabilité).

D’après Paine, le problème repose sur le manque de distinction, pourtant critique, entre deux manières de décrire le comportement d’une communauté d’espèces. D’une part, il est possible de décrire la capacité d’une communauté à subsister dans le temps sans perturbation. Cette première approche est facilement mesurable. D’autre part, la description peut porter sur la capacité de cette communauté à résister à l’existence de perturbations. Cette seconde option est fondamentale, mais plus difficile à décrire.[2]

Introduction du concept en 1969[modifier | modifier le code]

Robert Paine s’est penché sur le cas de deux évènements récents à l’époque, notamment dans les bancs rocheux (littoral) de la zone intertidale (zone de balancement des marées) des côtes américaines :

- Il observe des changements significatifs dans la densité des populations, la composition spécifique et l’apparence générale de la communauté si l’on en retirait un carnivore au sommet du réseau trophique : l’étoile de mer Pisaster ochraceus. Cela ne semblait pas se produire si on retirait un autre organisme carnivore.[2]

- Il a également observé qu’une grande partie de la barrière de corail était décimée par une étoile de mer, Acanthaster planci, devenue particulièrement abondante dans le milieu. Il a émis l’hypothèse que c’est l’extinction des tritons géants (prédateurs d’Acanthaster planci) dans le milieu qui a provoqué la surabondance des étoiles de mer et qui, malgré la grande complexité de la barrière de corail, a permis l’altération de cette communauté.[2]

Il a donc montré que ces deux communautés, pourtant complexes, ont été grandement modifiées par les activités d’une seule espèce native haute dans le réseau trophique. La prédation exercée par ces espèces maintient à un niveau réduit la densité d’autres espèces potentiellement dominantes, ce qui garantit une plus grande diversité des espèces. Supprimer ces prédateurs ou altérer leur densité implique des perturbations importantes dans la communauté d’espèces dont elles font partie.[2]

Il pose l'hypothèse que ces espèces sont la clé de voûte de leur communauté : elles préservent l’intégrité et la persistance de la communauté, ces facteurs étant grandement déterminés par l’activité et l’abondance de ces espèces “clé de voûte”. Historiquement, le concept d’espèce clé de voûte est donc fortement lié à celui de réseau trophique, ou chaîne alimentaire.[3] Il précise que ces espèces peuvent tout à fait n’avoir que peu d’importance dans la circulation des flux d’énergie dans la communauté.[2]

Selon Paine, les espèces clé de voûte sont caractérisées par leur capacité à maintenir l’intégrité d’une communauté et sa stabilité, qui correspond à sa persistance au cours du temps. Il conclut que la diversité spécifique est directement liée à l'efficacité avec laquelle les prédateurs empêchent la monopolisation des ressources de l’environnement par une espèce ( « local species diversity is directly related to the efficiency with which predators prevent the monopolization of the major environmental requisites by one species »)[1]. Il précise également que l’importance des carnivores cités plus tôt n’aurait pas pu être prouvée au préalable en raison de l’existence d’autres carnivores dans la communauté.[2]

Après 1969[modifier | modifier le code]

Après son introduction en 1969, le concept d’espèce clé de voûte s’est bien établi dans les discours scientifiques, mais les définitions se multiplient et en deviennent moins claires. Dans un article de 1993, Mills indique même « The term keystone species is poorly defined and broadly applied » (« Le terme espèce clé de voûte est mal défini, et approximativement appliqué »)[4]. En biologie de la conservation, ce concept est devenu très populaire car il permet de désigner des espèces qui exercent une influence disproportionnée sur leur écosystème comparé à leur abondance ou leur biomasse. Ces espèces sont donc la cible privilégiée des efforts de conservation pour maximiser la protection de la biodiversité d’après les biologistes de la conservation.[5]

Evolution des définitions[modifier | modifier le code]

La première définition d'espèce clé de voûte fut proposée par Robert Paine en 1969.[2]

Classification de Lamont en 1992 : Une classification basée sur la force de l’effet d’une interaction a été présentée par Lamont en 1992.  Dans celle-ci, il propose le concept d’espèces clé de voûte de 1er, 2nd et 3ème ordre (celles de 1er ordre ont plus d’impact sur l’écosystème que les autres). Selon cette alternative à la définition de Paine, une espèce clé de voûte désigne toute espèce avec un effet important sur l’écosystème, quelle que soit la fonction concernée. Cette définition inclut donc un grand nombre d’espèces dans le concept de clé de voûte (proie clé de voûte, compétitrices, mutualistes, disperseurs, pollinisateurs, modificateurs d’habitat, ingénieurs, hôtes, arbres dominants…). Suite à cela, Mills et d’autres ont proposé en 1993 d’abandonner totalement le concept car celui-ci devenait trop large et n’avait que peu de valeur pour des questions de conservation.[6][4]

Les “Keystone Cops” (un groupe de scientifiques composé de R. Paine, M. Power et S. Mills) ont proposé la première définition opérationnelle d’une espèce clé de voûte, en 1996. Celle-ci se base sur la relation entre la biomasse des espèces dans un écosystème et leur importance dans la communauté. Selon eux, une espèce clé de voûte est donc une espèce dont l’effet sur l’écosystème est disproportionné comparé à sa biomasse dans l’écosystème. Cette définition laisse donc de côté le concept de “food-web”, ou réseau trophique, de Paine.

Selon plusieurs review,  ce dernier concept n’a aucune valeur pour la conservation. D’après Power en 1996, les espèces dominantes peuvent coexister avec les clé de voûte et ont parfois le même impact qu’elles, ce qui rend complexe l’établissement de priorités de conservation pour les espèces qui ont un grand rôle écologique. Il a donc décidé de créer l’indice de “community importance”. Cependant, plusieurs écologues trouvent qu’il est mal défini et difficile à utiliser. Kotliar en 2002 invalide cet indice et propose qu’il soit redéfini en insistant sur le fait que les espèces clé de voûte ont un rôle que d’autres ne pourraient pas jouer.[6]

Davic en 2003 propose une dernière définition : une espèce clé de voûte est une espèce qui  interagit fortement avec d’autres espèces et dont l’effet top-down sur la richesse spécifique et la compétition est grand comparé à sa biomasse au sein d’un groupe fonctionnel. Cette définition reprend le premier concept de Paine, ainsi que sa suggestion selon laquelle la théorie doit inclure les interactions compétitrices dans le modèle proie-prédateur pour qu’il soit prédictible. Il insinue aussi que toute espèce dominante en biomasse qui peut réguler les espèces de niveaux trophiques inférieurs pourrait être une potentielle clé de voûte. Le “contrôle” d'un écosystème pourrait donc être fait par plusieurs espèces clé de voûtes, qui seraient présentes à plusieurs niveaux trophiques. Une espèce clé de voûte serait donc une régulatrice de la diversité spécifique dans les niveaux trophiques inférieurs. Selon Davic lui-même, cette définition est compliquée à utiliser car tous les groupes fonctionnels présents dans la nature sont différents selon les écosystèmes.[6]

Principaux types d'espèces clés de voûte[modifier | modifier le code]

Le terme d’espèce clé de voûte a été appliqué pour la première fois par R.T. Paine pour décrire des prédateurs. Par la suite, le terme a été appliqué à de nombreuses espèces à différents niveaux trophiques. Les principaux types d’espèces clé de voûte sont les prédateurs, les proies, les mutualistes et les ingénieurs des écosystèmes.

Prédateurs[modifier | modifier le code]

L’importance des prédateurs clé de voûte dérive de deux prérequis : le prédateur consomme et contrôle préférentiellement la densité d’un producteur primaire, et, le consommateur est capable d’exclure (par compétition ou prédation) les autres espèces de la communauté. L’idée originale est donc que le prédateur clé de voûte est important car il limite la prolifération de certaines espèces compétitivement dominantes.[4]

Des prédateurs peuvent être considérés comme clé de voûte s’ils ont un impact direct et écologiquement significatif sur la densité de proies.

Certains auteurs ont ignoré les prérequis originaux et considéré des prédateurs comme clé de voûte simplement lorsqu’ils avaient un effet majeur sur la composition de la communauté.[4]

La suppression d’un prédateur clé de voûte a pour effet l’augmentation de la population d’un ou plusieurs prédateurs / consommateurs / compétiteurs, ce qui mène par la suite à la disparition ou la diminution majeure d’une ou plusieurs proies ou autres moins bons compétiteurs.[4]

Exemple[modifier | modifier le code]

Balistapus undulatus

Le Balistapus undulatus, ou baliste ondulé est une espèce de poissons de la famille des Balistidae. C’est un prédateur majeur des oursins de mer dans les récifs coralliens d’Afrique de l’Est ainsi qu’un compétiteur majeur pour les autres prédateurs de la communauté. Sa disparition des récifs coralliens au XXe siècle en raison de la pêche a provoqué une croissance rapide et disproportionnée de la population des oursins de mers de la zone, dégradant ainsi les communautés de corail et d’algues environnantes.

Cependant, l’arrêt de la pêche dans certaines zones de la région à la fin du XXe siècle a permis à la population de Baliste ondulé de croître à nouveau et ainsi de réguler la population des oursins de mer et des autres prédateurs de la zone. Cette espèce est donc un bon exemple de prédateur clé de voûte.[7]

Proies / Ressources[modifier | modifier le code]

En considérant, en théorie, qu’il n’y a pas de compétition entre différentes espèces de proies, on montre qu’une espèce de proies (ou une ressource) capable de maintenir son abondance face à la prédation est préférentiellement consommée. Elle affecte la structure de la communauté en protégeant d’autres espèces de la surconsommation. La proie est alors qualifiée de “prédateur tolérante” et on parle de “ressource-clé”[1]

La suppression d’une proie clé de voûte peut engendrer l’extinction d’autres proies plus sensibles à la prédation et potentiellement l’effondrement de la population de prédateurs.[4]

Exemple[modifier | modifier le code]

Figuier

Les exemples de ressources-clé remarquables sont le plus souvent des espèces de plantes, dont la croissance et la régénération sont adaptées au rythme de leur consommation par les herbivores. D’autres espèces végétales qui présentent moins d’intérêt pour le consommateur sont ainsi épargnées. Il existe cependant également des espèces animales de proies clé de voûte.

En Australie, les figuiers ont un rôle de proie clé de voûte. Ils produisent des fruits toute l’année, y compris lorsque d’autres espèces ne produisent que peu de ressources pendant la saison sèche. Ils permettent ainsi de nourrir de nombreux oiseaux frugivores et insectivores (en attirant les insectes sur leurs fruits) tout en évitant à d’autres espèces végétales moins abondantes d’être sur-consommées.[8]

Mutualistes[modifier | modifier le code]

Les mutualistes clé de voûte sont des organismes qui participent dans des interactions écologiques mutuellement bénéfiques et très importantes pour l’écosystème. Ils incluent principalement les plantes qui supportent les pollinisateurs généralistes, et les disperseurs de fruits qui sont considérés comme des liens mobiles importants dans la communauté.[4]

Les effets de la suppression d’un mutualiste clé de voûte sur la communauté sont la disparition des espèces dépendantes de ces mutualistes, pouvant inclure des pollinisateurs et des disperseurs de graines (dans le cas des plantes) ou l’échec de la reproduction et du recrutement de certaines plantes, avec donc des extinctions possibles de celles-ci (dans le cas des pollinisateurs ou disperseurs).[4]

Exemple[modifier | modifier le code]

Fichier:Abeillefleur.jpg
Abeille pollinisatrice

L’abeille peut sans aucun doute être considérée comme une espèce clé de voûte de type mutualiste. Les abeilles sont des pollinisateurs et sont d’une importance cruciale pour la persistance des espèces végétales pollinisées, tant au niveau de leur écosystème qu’à une échelle plus globale. Elles contribuent à la dissémination des gamètes végétaux, donc à leur diversité et à leur persistance dans les écosystèmes.Elles agissent de façon directe ou indirecte sur le maintien des ressources que représentent ces végétaux pour un très grand nombre d'espèces, dont l’homme. Avec du recul, nous pourrions considérer que la clé de voûte est l'interaction mutualiste plante-pollinisateur, et pas seulement l’espèce pollinisatrice.

Ingénieurs des écosystèmes[modifier | modifier le code]

Les ingénieurs des écosystèmes (ou ingénieurs écosystémiques) clés de voûte, ou modificateurs clé de voûte, sont des espèces dont l’activité a de grands effets sur l’habitat et ses caractéristiques sans pour autant avoir un effet trophique direct sur d’autres espèces. Si la modification de l’habitat affecte positivement la survie et l’activité de nombreuses autres espèces, l’espèce ingénieure est considérée comme clé de voûte.[4]

Il existe deux types d’espèces ingénieures écosystémiques. D’un côté, les ingénieurs autogéniques sont des organismes qui modifient, par leur simple présence, la configuration de leur milieu et de fait sa dynamique, ce dont vont profiter les autres espèces présentes. Les ingénieurs allogéniques eux, modifient leur environnement par leur activité, avec des conséquences identiques que chez l’ingénieur autogénique.

Les effets de la suppression d’une espèce ingénieure clé de voûte sur la communauté sont la perte des structures/matériaux qui affectent le type d’habitat et les flux d’énergie et la disparition des espèces dépendantes d’habitats ou de ressources créées ou maintenues par les ingénieurs.[4]

Exemple[modifier | modifier le code]

Canopée

L’exemple le plus simple d’ingénieur autogénique sont les arbres. Leur canopée, suffisamment haute soit-elle, modifie l’accès aux ressources lumineuses pour les végétaux, ce qui crée des conditions de photosynthèse particulières à l’échelle locale.

De la même façon, les coraux, par leur structure, constituent un refuge pouvant prendre des formes variées, adaptées à un très grand nombre d’espèces dont la survie serait largement compromise sans l’existence de ces organismes marins.[1]

Chiens de prairie

Un exemple d’ingénieur allogénique est le chien de prairie. En creusant des tunnels, l’animal prodigue un abri et des ressources pour d'autres autres espèces et contribue ainsi à leur survie. De cette façon, ils interviennent aussi dans le cycle local des nutriments, puisqu’ils permettent leur meilleur enfouissement dans le sol et la facilitation de leur intégration par les végétaux. Il jouent donc un rôle dans le maintien de la diversité spécifique de leur écosystème, et sont essentiels pour la survie de plusieurs espèces de vertébrés.[9]

Intérêt pour la conservation[modifier | modifier le code]

Le concept d’espèce clé de voûte représente un intérêt majeur pour les enjeux de conservation de la biodiversité.[3][10] Ce concept offre la possibilité d’identifier des espèces dont dépend le maintien d’un écosystème. Autrement dit, les espèces clé de voûte sont des cibles particulièrement pertinentes pour la protection des espèces car elles permettent de maximiser les résultats des mesures de conservation d’un milieu. La protection d’une espèce clé de voûte semble alors garantir la protection des autres espèces qui en dépendent. Bien que la rareté d’une espèce motive souvent sa conservation, avec le concept d’espèce clé de voûte c’est plutôt l’importance du rôle écologique d’une espèce qui devrait guider les décisions sur les mesures de conservation.

L’intérêt de favoriser la conservation des espèces clé de voûte est double. D’une part, la conservation de telles espèces préserve le fonctionnement de l’écosystème ainsi que les services écosystémiques qui en découlent. D’autre part, leur conservation assure de hauts niveaux de diversité dans le milieu, non seulement par le contrôle de la densité des espèces plus compétitives, mais aussi parce qu’elles assurent le maintien des populations plus fragiles aux pressions du milieu.[3]

La conservation des espèces clé de voûte permet donc de préserver la résilience des écosystèmes en conservant la redondance des espèces (plusieurs espèces ont des rôles fonctionnels qui se chevauchent) dans le système, le rendant plus résistant aux perturbations.

Méthodes d'analyse[modifier | modifier le code]

Analyse empirique[modifier | modifier le code]

Il est relativement difficile de déterminer de manière empirique si une espèce est une clé de voûte ou non. La manipulation expérimentale des milieux, par la suppression de l’espèce étudiée pour en voir les conséquences sur la structure de l’écosystème, n’est pas toujours réalisable simplement par le retrait des individus de l’espèce. Par exemple, dans le cas d’espèces de très petite taille, difficilement détectables ou en très grand nombre dans le milieu, il semble impossible de supprimer un nombre suffisant d’individus pour en analyser les conséquences. Ainsi, la méthode suivie par Paine en 1969, qui consistait en un contrôle des densités des espèces dans le but d’en observer les effets sur la communauté, est pertinente uniquement sur des échelles spatiales assez réduites. Si cette méthode peut être efficace sur des communautés d’espèces peu mobiles voire fixes (par exemple les plantes), ou dont les conditions de vie sont facilement reproductibles en laboratoire, elle ne peut pas s’appliquer à des communautés dont les conditions environnementales ne peuvent être connues parfaitement.[3]

De plus, si les expériences sont menées hors d’un dispositif expérimental dont les paramètres sont contrôlés, il faut être capable de distinguer les observations liées à la baisse de densité d’une espèce clé de voûte, des conséquences de la simple variabilité intrinsèque des écosystèmes. La variabilité intrinsèque du milieu est la stochasticité (variabilité aléatoire de l’environnement et de la population). Ce dernier point ajoute une difficulté supplémentaire à la mise au point d'analyses empiriques des espèces clé de voûte.

Analyse par modélisation[modifier | modifier le code]

Le concept d’espèce clé de voûte est fortement lié au modèle de la chaîne trophique (chaîne alimentaire). La détermination des espèces clé de voûte dans un milieu passe donc par l’analyse des modélisations des réseaux trophiques de ce milieu. Plusieurs mesures ont été proposées, chacune proposant un angle d’approche différent.

Par exemple, des mesures topologiques permettent de quantifier le poids de chaque espèce dans la chaîne trophique. Une autre possibilité consiste à analyser la disparition d’autres espèces dans une communauté suite à la suppression de l’espèce dont on souhaite déterminer le rôle écologique, comme des extinctions secondaires. Cette succession progressive d’extinctions, en cascade, peut ensuite être modélisée pour comprendre le lien entre chacune de ces espèces et en déterminer les clés de voûte. Une troisième proposition repose sur les modèles de perturbation des écosystèmes (qui peuvent être divers). Ces modèles permettent des prédictions sur le comportement du système en cas de suppression d’une des espèces de la communauté. Enfin, il est possible de comparer l’effet d’une espèce sur la structure de la communauté à sa biomasse dans le système, pour savoir s’il s’agit d’une espèce dominante ou non.[3]

Un indice se révèle particulièrement pertinent dans l’analyse des espèces clé de voûte. Il s’agit de la keystoneness (terme anglais, indice qui mesure le degré avec lequel une espèce est clé de voûte). Cette keystoneness est une caractéristique qui peut s’appliquer à toutes les espèces de l’écosystème, avec une valeur propre à chacune. Elle permet d’ordonner les espèces de la communauté selon leur degré de keystoneness, sur une échelle continue allant de la moins importante pour la structure de la communauté, à celle dont le rôle comme clé de voûte est le plus important.[3]

Cette approche permet non seulement de quantifier le rôle des espèces en tant que clé de voûte mais aussi de déterminer les effets top-down (régulation de la biomasse par la prédation) ou bottom-up (régulation de la biomasse par la compétition pour l'accès aux ressources) dans le système.[11]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Robert Barbault, « Le concept d’espèce-clé de voûte en écologie de la restauration : clé... ou impasse ? », Natures Sciences Sociétés, vol. 3,‎ , s19–s28 (ISSN 1240-1307 et 1765-2979, DOI 10.1051/nss/199503s019, lire en ligne, consulté le )
  2. a b c d e f et g (en) R. T. Paine, « A Note on Trophic Complexity and Community Stability », The American Naturalist, vol. 103, no 929,‎ , p. 91–93 (ISSN 0003-0147 et 1537-5323, DOI 10.1086/282586, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e et f Simone Libralato, « Keystone Species and Keystoneness », dans Encyclopedia of Ecology, Elsevier, (ISBN 978-0-444-64130-4, lire en ligne), p. 451–456
  4. a b c d e f g h i et j L. Scott Mills et Daniel F. Doak, « The Keystone-Species Concept in Ecology and Conservation », BioScience, vol. 43, no 4,‎ , p. 219–224 (ISSN 0006-3568 et 1525-3244, DOI 10.2307/1312122, lire en ligne, consulté le )
  5. R.T. Paine, « A Conversation on Refining the Concept of Keystone Species », Conservation Biology, vol. 9, no 4,‎ , p. 962–964 (ISSN 0888-8892 et 1523-1739, DOI 10.1046/j.1523-1739.1995.09040962.x, lire en ligne, consulté le )
  6. a b et c Robert D. Davic, « Linking Keystone Species and Functional Groups: A New Operational Definition of the Keystone Species Concept », Conservation Ecology, vol. 7, no 1,‎ (ISSN 1195-5449, DOI 10.5751/es-00502-0701r11, lire en ligne, consulté le )
  7. T.R McClanahan, « Recovery of a coral reef keystone predator, Balistapus undulatus, in East African marine parks », Biological Conservation, vol. 94, no 2,‎ , p. 191–198 (ISSN 0006-3207, DOI 10.1016/s0006-3207(99)00176-7, lire en ligne, consulté le )
  8. K.D. Mackay, C.L. Gross et M. Rossetto, « Small populations of fig trees offer a keystone food resource and conservation benefits for declining insectivorous birds », Global Ecology and Conservation, vol. 14,‎ , e00403 (ISSN 2351-9894, DOI 10.1016/j.gecco.2018.e00403, lire en ligne, consulté le )
  9. Natasha B. Kotliar, Bruce W. Baker, April D. Whicker et Glenn Plumb, « A Critical Review of Assumptions About the Prairie Dog as a Keystone Species », Environmental Management, vol. 24, no 2,‎ , p. 177–192 (ISSN 0364-152X et 1432-1009, DOI 10.1007/s002679900225, lire en ligne, consulté le )
  10. Mary E. Power, David Tilman, James A. Estes et Bruce A. Menge, « Challenges in the Quest for Keystones », BioScience, vol. 46, no 8,‎ , p. 609–620 (ISSN 0006-3568 et 1525-3244, DOI 10.2307/1312990, lire en ligne, consulté le )
  11. Johanna Jacomina Heymans, Marta Coll, Simone Libralato et Lyne Morissette, « Global Patterns in Ecological Indicators of Marine Food Webs: A Modelling Approach », PLoS ONE, vol. 9, no 4,‎ , e95845 (ISSN 1932-6203, DOI 10.1371/journal.pone.0095845, lire en ligne, consulté le )