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Utilisateur:Denis PIAT/Brouillon

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Biographie[modifier | modifier le code]

Maison d'Adrien d'Épinay à Port-Louis. Le 28 juillet 1832, une députation d'habitants vint demander que sa fille, qui venait de naître, fut adoptée par l'Ile Maurice et portât le nom de "Mauricia". Au balcon, d'Épinay tenant son enfant dans ses bras. Estampe du XIXe siècle.

Personnalité de l'histoire de Maurice, il est connu pour avoir participé au début du XIXe siècle au développement économique de l'île Maurice notamment en modernisant l'importante sucrerie d'Argy, dans l'est de l'île à Belle-Mare, avec des moulins à vapeur, en fondant une société savante comme la Société royale des arts et des sciences de l'île Maurice, une banque, la "Banque de Maurice" ou encore en 1832 le journal Le Cernéen. Ce journal est sans doute le plus ancien quotidien de l'hémisphère sud.

Après la prise de l'Isle de France en décembre 1810 par les forces militaires britanniques, l’Angleterre a déjà l'intention d'abolir la traite et l’esclavage à l'île Maurice[Note 1]. Dès 1813 la traite est officiellement abolie mais ce n'est qu'en 1821 qu'elle cessera complètement. En 1830 les choses se précisent concernant l'abolition de l'esclavage et Adrien d’Épinay, avocat et planteur, ne s’oppose pas au principe de l’abolition, mais lui et les autres acteurs de l’industrie sucrière ne peuvent envisager qu’elle ne soit pas accompagnée d’une aide financière qui permettrait d’éviter l’effondrement inéluctable de l’économie du pays. Ce principe d’indemnité financière avait d’ailleurs été préconisé, en son temps, par le gouverneur Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès de Malartic quand la France (la Convention) envisageait l’abolition à l’Isle de France en 1794.

Son action fait parfois l’objet de controverses. Certains lui reprochent, en effet, de s’être opposé à l’abolition de l'esclavage en 1835. Mais on ne retrace dans aucun de ses discours ou de ses écrits qu'il se serait prononcé contre l'abolition de l'esclavage. Pourtant, le titre de son rapport, publié, page 203, dans l'ouvrage du Dr Auguste Toussaint Les Missions d'Adrien d'Épinay 1830-1834, adressé aux autorités britanniques, en dit long sur son état d'esprit et sur ses objectifs : Rapport fait par Adrien d'Épinay au Conseil du Gouvernement, en 1832, sur les moyens les plus propres à obtenir la plus grande amélioration possible de la condition des esclaves à l'île Maurice et les préparer à jouir de l'état de liberté sans compromettre le sort de la colonie et qui se termine par : « on aura trouvé le moyen d'avancer sûrement vers une émancipation générale, signé : A. d'Épinay, Rapporteur ». L'introduction de sa lettre à Thomas Fowell Buxton, fondateur de l'Anti-Slavery Society et député du Parlement du Royaume-Uni, en date du 17 novembre 1831, donne également une indication sur ses sentiments à l'égard du projet de l'abolition de l'esclavage à l'île Maurice : « je ne vous écrit que dans le désir sincère d'allier les intérêts de mon pays à la cause de l'humanité que j'ai toujours servie, que je servirai toujours et qui eût déjà triomphé si le sacrifice n'avait dû porter que sur moi seul »[1].

On lui reproche en fait, d’avoir été envoyé en octobre 1830 comme représentant des planteurs mauriciens à Londres auprès du gouvernement britannique pour défendre l'intérêt des planteurs en acceptant le principe de l'abolition à condition d'obtenir une contrepartie financière des autorités anglaises. En effet, les planteurs allaient se retrouver du jour au lendemain (après l'abolition) sans aucune main d’œuvre pour travailler sur les plantations et faire fonctionner les sucreries, ce qui ne manquerait pas de ruiner très rapidement cette industrie naissante. Adrien d'Épinay est de retour en 1831 avec la promesse de Lord Goderich, Secrétaire d'état pour les colonies, que l'abolition sera accompagnée d'une aide financière. Début 1832, il fonde l’un des premiers futurs quotidiens au monde et le nomme : Le Cernéen du nom de Cirné nom inscrit sur les portulans portugais pour indiquer l'île Maurice. Le journal qui paraîtra quotidiennement à partir de 1852 et est sans doute le deuxième plus ancien quotidien de langue française au monde. C’est au courant de cette même année qu’il fonde également la "Banque de Maurice" qui fonctionnera pendant une vingtaine d’années avant d’être supplantée par la Mauritius Commercial Bank mise en place en 1838 par des commerçants anglais et mauriciens avec l’appui du gouverneur Sir William Nicolay (en).

Statue d'Adrien d'Épinay au "Jardin de la Compagnie" à Port-Louis, Ile Maurice. Gravure du XIXe siècle. Légende parue dans la Revue l'"Illustration-Paris" : "La pose est noble et simple et répond admirablement à l'idée qu'on a pu se former d'Adrien d'Épinay, mandataire de ses concitoyens. Il leur rend compte de son mandat avec ce geste suprême de l'Homme convaincu de n'avoir puisé ses aspirations que dans son coeur de patriote."

Mais en juin 1832, John Jeremie, Secrétaire d'état, débarque à Maurice pour tenter une abolition sans compensation sans doute sous l'influence de l'Anti-Slavery Society dont il était un ardent défenseur. Adrien d'Épinay se met immédiatement en avant pour faire respecter les engagements de Lord Goderich. Il met en place un système d'inertie (sorte de grève générale avant la lettre) dans l'île et le gouverneur Sir Charles Colville convoque une réunion extraordinaire du Conseil législatif qui se prononce à une très grande majorité pour le renvoi de John Jeremie en Angleterre. D'Épinay repart alors en mission à Londres au début de 1833. Après d'âpres négociations, il revient à Maurice en janvier 1835 avec l'accord d'une compensation[Note 2] obtenu et entériné par le gouvernement anglais en faveur de tous les sucriers de la colonie. Très rapidement, l'esclavage[Note 3] est alors légalement et officiellement abolit à l'île Maurice dès le 1er février 1835. L'industrie sucrière traverse alors une période où tous les esclaves et apprentis abandonnent leurs postes de travail. Ils furent très nombreux à se diriger alors vers des métiers comme forgerons, maçons, mécaniciens, charpentiers etc. ou comme pêcheurs sur les côtes de l'île car ils ne voulaient plus travailler la terre. Les planteurs se tournèrent alors vers une main d'œuvre volontaire indienne qu'ils feront venir dans l'île en provenance de la région du Tamil Nadu (pays des Tamouls), de l'Odisha et du Bihar. Dès 1837 cette initiative sera légalisée sous l'administration du gouverneur Nicolay.

Il a donc obtenu du gouvernement anglais, non seulement que l’abolition sera accompagnée d’une assistance financière pour subvenir à la main d’œuvre ainsi supprimée, mais aussi l'abolition de la censure et la liberté de la presse jusqu’alors muselée par les autorités anglaises [2]. Il obtient également de l’Angleterre la création d’un Conseil Législatif comprenant des représentants mauriciens exclus de l’administration[Note 4], ainsi que l’accès des mauriciens aux emplois publics sans distinction d'origine et sans autre préférence que celle due au mérite, l'abolition de tout monopole, la réorganisation de la police surtout dans les campagnes et une loi pour la répression des abus résultant du débit des liqueurs spiritueuses[3]. Comme on peut le constater et comme l'écrit le Dr Toussaint dans son ouvrage, Les Missions d'Adrien d'Épinay 1830-1834, : « Ce à quoi il visait était quelque chose de beaucoup plus noble et de beaucoup plus grand (que la simple obtention d'une indemnité financière) : c'était de rendre à son pays une âme, une âme que le pays avait possédé jadis, qui n'était pas encore tout à fait morte et sans laquelle ce pays ne pourrait jamais plus accomplir rien de grand. »

C’est lors de son premier séjour à Londres que d’Épinay a été présenté, le 11 juin 1831, à Arthur Wellesley, duc de Wellington, après un banquet où se trouvait de très nombreux membres des deux Parlements. D’Épinay en profita pour exprimer au duc combien les Mauriciens regrettaient le décès du gouverneur Sir Robert Farquhar, défenseur de l’Île Maurice et des mauriciens. Et c’est pendant son deuxième et long séjour à Londres qu’Adrien d’Épinay aura l’occasion de rencontrer et de s'adresser à Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, alors Ambassadeur de France, lors d’un dîner le 23 juin 1833 chez ce dernier.

Portrait en pied d'Adrien d'Épinay, vers 1834. Tableau exécuté sans doute par François-Gabriel Lépaulle (1804-1886).

Victime de tracasseries incessantes de la puissance coloniale en la personne de Sir William Nicolay (en), alors gouverneur de l'île Maurice, Adrien d'Épinay quitta son pays natal en 1839 pour s'installer en France. Il y meurt prématurément la même année à Paris à l’âge de 45 ans. Adrien d'Épinay avait eu pour marraine la belle-soeur du célèbre et infortuné navigateur Lapérouse. Sur son lit de mort, il demande à ce qu'au moins son cœur soit retourné à l'île Maurice. Mais sur l'insistance de ses compatriotes, c'est sa dépouille mortelle qui sera rapatriée et inhumée au cimetière de Pamplemousses, en face de l'église de St François et à côté du jardin de Pamplemousses créé par Pierre Poivre, intendant à l'Isle de France et de Bourbon de 1767 à 1772 [4]

Adrien d'Épinay est le père du sculpteur Prosper d'Épinay (né en 1836 à l'île Maurice et mort en 1914 à Saint-Cyr-sur-Loire en France).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. À la page 145 de son livre Les Missions d'Adrien d'Épinay publié en 1946, le Dr Auguste Toussaint précise : « Ainsi, tout en se refusant à adopter l'abolition complète de l'esclavage décrétée par la Convention à Paris, l'Assemblée Coloniale de l'Ile-de-France se montra disposée à rencontrer les vues du gouvernement républicain au sujet de l'esclavage dans ce qu'elles avaient de sage et de modéré. »
  2. 20 millions de livres sterling, montant équivalent à 500 millions de francs de l'époque et dont les habitants de l'île Maurice recevront UK£ 2,112,632-10s 11d, soit Roupies mauriciennes 31,659,495.- selon le Dr A. Toussaint, page 143, note 81, de l'ouvrage Les Missions d'Adrien d'Épinay
  3. Selon la lettre d'Adrien d'Épinay à Lord Goderich, en date du 16 juillet 1831 : 65,000 esclaves dont 25,000 sur les sucreries. Si l'on excepte de ces 25,000 les enfants, les vieillards et les infirmes, il reste 15,000 activement et effectivement employés aux travaux de sucreries.
  4. Les membres de ce Conseil étaient les suivants

Références[modifier | modifier le code]

  1. Les Missions d'Adrien d'Épinay 1830-1834, par Dr A. Toussaint, Lauréat de l'Institut, 1946, p. 55.
  2. Toussaint Dr A., Lettre d'A.d'Épinay au Comité Colonial, in Les Missions d'Adrien d'Épinay (1830-1834), Port-Louis, Ile Maurice, 1946, p. 31
  3. Toussaint Dr A., « Lettre d'A. d'Épinay à M. Irving, Secrétaire colonial » in Les Missions d'Adrien d'Épinay (1830-1834), Port-Louis, Ile Maurice, 1946, p. 41.
  4. Poivre Pierre, Mémoires d'un Botaniste, La Découvrance Éditions, 2006.