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La pastourelle[modifier | modifier le code]

La pastourelle est une forme lyrique du moyen âge, qui s'est principalement développée au début du XIIIe siècle, vraisemblablement en langue d'oc puis en langue d'oïl.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Caractéristiques formelles[modifier | modifier le code]

La pastourelle est une forme narrative brève rimée. Les manuscrits conservés comportent pour les pastourelles des notations musicales, ce qui permet de penser que ces poèmes étaient chantés[1].

Certaines pastourelles sont dotées de refrains. On peut distinguer :

- les pastourelles « à refrain » dotées d’un refrain fixe

- les pastourelles dites « avec refrains » qui proposent à la fin de chaque strophe un nouveau refrain, peut-être emprunté à d'autres textes et fonctionnant ainsi comme une série de clins d'œil intertextuels[2].

La reprise d'un même récit[modifier | modifier le code]

La pastourelle repose sur la reprise d'un schéma narratif simple. Il peut se résumer comme il suit : le narrateur se promène hors de la ville. Il fait la rencontre d'une bergère qu'il tente de séduire. Celle-ci peut soit se laisser convaincre par le discours du narrateur, soit être achetée par des présents, soit se refuser au narrateur. Dans ce cas, le narrateur abandonne parfois la partie, mais il peut également prendre par la force ce que la bergère lui a refusé. Certaines pastourelles font intervenir d'autres bergers qui chassent le narrateur.

Définition de la pastourelle au Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Certains auteurs de langue d'oc proposent de définir la pastourelle. Raimon Vidal écrit dans les Razos de Trobar :

Pastora : si vols far pastora, deus parlar d'amor en aytal semblan com eu te ensenyaray, ço es a saber, si t'acostes a pastora e la vols saludar, o enquerar o manar o corteiar, o de qual razo demanar o dar o parlar li vulles. E potz li metre altre nom de pastora, segons lo bestiar que gardara. Et aquesta manera es clara assaltz d'entendre, e potz li fer sis o vuit cobles, e so novell o so estrayn y a passat.
Pastourelle : si tu veux faire une pastourelle, tu dois parler d'amour de la façon que je vais t'enseigner : tu abordes une bergère et tu veux la saluer ou la requérir d'amour ou lui dire quelque chose ou la courtiser, ou discuter avec elle sur quelque point. Et tu peux lui donner un autre nom de bergère selon les bêtes qu'elle gardera. Et ce genre est assez facile à comprendre, et tu peux lui faire six ou huit couplets et une musique nouvelle ou une musique qui a déjà été utilisée.[3]

Il n'existe pas de texte équivalent pour la langue d'oïl[3] où la pastourelle se déroule de manière un peu différente. Si le comique de la forme d'oc repose surtout sur la joute verbale opposant les deux personnages, celui de la forme d'oïl s'appuie plutôt sur une forme de grivoiserie[4].

La violence dans les pastourelles[modifier | modifier le code]

Si la pastourelle semble avoir été avant tout une forme légère et comique, la représentation dans plusieurs poèmes de viols ou tentatives de viols, mais également de violences physiques (jets de pierres, etc.) invite à questionner la réception de ces textes.

De la requête d'amour au viol[modifier | modifier le code]

Les poètes qui ont composé des pastourelles étaient aussi des auteurs de poésies courtoises. Certains éléments réapparaissent dans la pastourelle, notamment la promesse d'amour du narrateur. Toutefois, alors que la dame des schémas courtois est inatteignable et maîtresse des désirs de son amants, la bergère est souvent soumise à la volonté du narrateur. On a donc pu parler pour la pastourelle de genre "anti-courtois"[5], bien que la pastourelle ne constitue pas à proprement parler une parodie d'amour courtois.

Dans un article intitulé "Camouflaging Rape : The Rhetoric of Sexual Violence in the Medieval Pastourelle", Kathryn Gravdal souligne que les jeux de points de vue et de focalisation permettent au public de s'identifier au narrateur au détriment de la bergère. L'expérience est ainsi toujours retranscrite par le narrateur qui peut à loisir réécrire la scène, en décrivant par exemple une bergère d'abord opposée à tout rapport sexuel, mais le remerciant finalement[5].

Pastourelles et tradition pastorale : héritages et continuités[modifier | modifier le code]

L'origine de la pastourelle a fait l'objet d'un long débat[6][7]. S'il existe des formes proches dans la poésie médio-latine, il n'est pas évident de déterminer quels ont été les premiers textes. Par ailleurs, si l'on trouve des bergers dans la poésie latine classique, en particulier dans les Bucoliques de Virgile, la forme littéraire est trop distincte pour que l'on puisse conclure à une source sûre de la pastourelle.

En revanche, plusieurs textes se sont inspirés des pastourelles par la suite. La réutilisation de la pastourelle et son déplacement vers d'autres formes a été tout particulièrement étudié par Geri L. Smith dans un ouvrage intitulé The medieval French pastourelle tradition: poetic motivations and generic transformations[8]. On peut citer entre autres Le Jeu de Robin et Marion d'Adam de la Halle, pièce de théâtre ponctuée d'extraits chantés de pastourelles. La bergère Marion y devient un personnage à part entière. Dans le Dit de la pastoure de Christine de Pizan, la bergère devient la narratrice elle-même, renversant ainsi la structure de la pastourelle.

Éditions[modifier | modifier le code]

Jean Audiau, La Pastourelle dans la poésie occitane, Slatkine, Genève, 1923, disponible en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k22156r

Karl Bartsch, Romances et pastourelles françaises des XIIe et XIIIe siècles, Leipzig, 1870, disponible en ligne : https://archive.org/details/altfranzsische00bartuoft/page/n7

Jean-Claude Rivière, Pastourelles, Droz, Genève, 1974.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Pierre Bec, « La pastourelle » dans La lyrique française au Moyen Age, XIIe-XIIIe siècles : contribution à une typologie des genres poétiques médiévaux, A. & J. Picard, 1977, p. 119‑36.

Kathryn Gravdal, "Camouflaging Rape: The Rhetoric of Sexual Violence in the Medieval Pastourelle" Romanic Review; Nov 1, 1985 ; 76, 4; ProQuest p. 361-373.

Erich Köhler, « La pastourelle dans la poésie des troubadours », Études de langue et de littérature du moyen âge : offertes à Félix Lecoy., Champion, 1973, p. 279‑92.

Geri L. Smith, The Medieval French Pastourelle Tradition : Poetic Motivations and Generic Transformations, University Press of Florida, 2009.

Michel Zink, La Pastourelle : poésie et folklore au Moyen âge, Paris, Bordas, 1972.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. voir par exemple le "Chansonnier de Noailles", manuscrit BNF fr.12615
  2. Jean-Claude Rivière, Pastourelles I, Introduction à l’étude formelle des pastourelles anonymes françaises des XIIe et XIIIe siècles, textes du chansonnier d’Oxford, avec notes, Vol. 1., Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », , p. 61
  3. a et b Michel Zink, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen Âge, Paris-Montréal, bordas, , « Définitions de la pastourelle », p. 25-26
  4. Michel Zink, La pastourelle : poésie et folklore au Moyen âge, Paris-Montréal, Bordas, , « État de la question », p. 43
  5. a et b (en) Kathryn Gravdal, « Camouflaging Rape : The Rhetoric of Sexual Violence in the Medieval Pastourelle », Romanic Review,‎ 1e novembre 1985, p. 361-373
  6. Michel Zink, La Pastourelle : poésie et folklore au moyen âge, Paris-Montréal, Bordas, , « Roman et latin », p. 9-16
  7. Erich Kölher, Études de langue et de littérature du moyen âge : offertes à Félix Lecoy, Paris, Honoré Champion, (lire en ligne), « La Pastourelle dans la poésie des troubadours », p. 279-292
  8. (en) Geri L.Smith, The medieval French pastourelle tradition: poetic motivations and generic transformations, Gainesville, University Press of Florida, (ISBN 978-0-8130-3336-5)

Catégorie:Littérature médiévale française