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Thompson (pistolet-mitrailleur)

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Thompson M1
Image illustrative de l'article Thompson (pistolet-mitrailleur)
Thompson M1 utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Présentation
Type Pistolet-mitrailleur
Pays d'origine Drapeau des États-Unis États-Unis
Concepteur John T. Thompson
Date de création 1917-1919
Fabricant Auto-Ordnance
Colt
Savage Arms
Période de production 1919-1944
Quantité produite 1 387 134 (1944)
Utilisateur(s) > 30 pays (Liste)
Période d’utilisation XXe siècle
Caractéristiques
M1
Longueur 32 pouces (813 mm)
Longueur du canon 10,5 pouces (267 mm)
Masse (non chargé) 4,7 kg
Mode d'action culasse ouverte non calée
Munitions .45 ACP
Capacité 30 cartouches
Cadence de tir 500-600 cpm
Vitesse initiale 280 m/s

Le Thompson est un pistolet-mitrailleur développé aux États-Unis par Auto-Ordnance Corporation sous la direction de John T. Thompson entre 1917 et 1919. Conçu à l’origine pour la guerre des tranchées, il arrive trop tard pour être utilisé pendant la Première Guerre mondiale. Ne rencontrant pas un grand succès sur le marché militaire, l’arme est d’abord essentiellement vendue sur le marché civil. Elle est ainsi utilisée à partir de 1926 par les bandes criminelles des Roaring Twenties comme l’Outfit de Chicago, au point de devenir un accessoire emblématique du gangster de la prohibition. Ce n’est qu’à la fin des années 1930, avec l’imminence de la guerre, que l’arme rencontre le succès auprès des militaires, pour lesquels elle est produite à plus d’un million d’exemplaires.

Il existe ainsi une différence importante entre les modèles d’origine, M1919 à M1928, et les modèles de guerre, les M1928A et M1. Les premiers sont des armes dont la mécanique complexe est usinée avec soin dans des matériaux de qualité. Coûteux, ils n’ont été produits qu’en faible quantité. Les seconds, produits pour répondre à la hausse brutale de la demande militaire causée par la Seconde Guerre mondiale, sont simplifiés au maximum et fabriqués dans des matériaux plus abordables afin de réduire le plus possible le coût et la durée de fabrication.

Bien que le Thompson ait été décliné en de nombreuses versions, presque toutes tirent la cartouche .45 ACP. Les premières versions peuvent utiliser des chargeurs tambours de cinquante ou cent cartouches, qui sont appréciés par les criminels. Ceux-ci ne sont pas utilisables sur les versions militaires, ces derniers leur préférant les chargeurs droits de vingt ou trente cartouches. Sur le plan mécanique, l’arme fonctionne avec une culasse non calée et tire culasse ouverte : bien qu’un système de calage existe sur les premières versions, celui-ci s’est révélé avoir un effet négligeable en pratique et a été par la suite supprimé sans que cela n’affecte le fonctionnement.

Pendant la Première Guerre mondiale, les affrontements à très courte portée ayant lieu dans les tranchées font émerger le besoin d’une arme plus facile à manipuler et tirant plus rapidement que les fusils. Les Allemands introduisent une nouvelle arme à partir de la fin de l’année 1916, le pistolet-mitrailleur[1]. En 1917, il n’existe pas d’équivalent dans les forces de l’Entente. Les Britanniques considèrent leurs propres soldats comme trop incompétents pour leur confier une arme automatique. Les Français disposent eux de la mitrailleuse Chauchat et du fusil semi-automatique modèle 1917, mais ces armes n’égalent pas les performances du MP18 allemand[2]. Après leur arrivée en 1917, les Américains se rendent rapidement compte que si le Colt M1911 est adéquat, le fusil Springfield M1903 l’est moins et cherchent à se procurer une arme complémentaire[3].

Développement initial

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photographie en noir et blanc montrant un homme âgé montrant une mitraillette
John Thompson tenant une M1921.

Rappelé en 1917 au poste de responsable des armes légères de l’Army Ordnance Department, le brigadier général John Thompson lance les recherches sur un pistolet-mitrailleur qu’il veut léger et maniable. Il met en parallèle à contribution l’entreprise d’armement Auto-Ordnance Corporation qu’il dirige avec son fils Mercellus[3]. Celle-ci produit en 1917 un prototype appelé Auto-Rifle. Il s’agit d’un fusil automatique ressemblant au M1917 Enfield et utilisant la même cartouche de .30-06 Springfield, mais avec un verrou de culasse inventé par le physicien John Blish[4]. L’arme ayant tendance à exploser, elle est révisée par les ingénieurs en armement Theodore Eickhoff et Oscar Payne. Ceux-ci attribuent le problème à la puissance trop importante de la cartouche et recommandent de la remplacer par celle de .45 ACP, moins puissante mais ayant tout-de-même un important pouvoir d’arrêt[5].

Le prototype de l’arme révisée est produit en et appelé Persuader, mais il ne fonctionne pas correctement et s’enraye toujours au bout de quelques coups[4]. Ce n’est qu’en 1919 que tous les problèmes parviennent à être résolus avec la production de l’Annihilator[6]. Bien qu’en état de fonctionner, l’arme doit toutefois encore faire l’objet d’améliorations pour devenir vraiment utilisable. Entre vingt et quarante prototypes sont ainsi produits avant qu’elle puisse enfin entrer en production sous la désignation M1919[7].

Les années 1920 : entre innovations et échecs commerciaux

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photographie en noir et blanc d’un policier en uniforme pointant une mitrailette
Membre de l’unité spéciale de la police de New York armé d’une Thompson, en 1926.

L’Auto-Ordnance Corporation n’ayant pas les moyens de produire en masse le M1919, la majeure partie de la production est sous-traitée à l’usine de la Colt Patent Firearms Company à Hartford. Un contrat pour la fabrication de quinze mille exemplaires est signé en et la production débute le au rythme de cent exemplaires par jour[8]. En réalité, Colt ne réalise que l’usinage de la carcasse et de la culasse, ainsi que l’assemblage final. Les pièces usinées par Colt sont forgées par Billings & Spencer à Hartford, les pièces en bois par Remington Arms à Ilion, les canons par la Savage Arms Corporation, tandis que les organes de visée et les compensateurs sont fabriqués par la Lyman Gunsight Company[9].

Ce contrat est également l’occasion d’améliorer la conception. La nouvelle version est appelée Modèle 1921A et se distingue en particulier par l’ajout d’une crosse, le Thompson n’en ayant pas été doté jusque-là[10]. L’autre innovation majeure de cette période est l’introduction en 1927 du compensateur, qui permet d’améliorer le contrôle de l’arme lors du tir automatique[11]. Divers modèles particuliers, notamment utilisant d’autres cartouches, sont également produits en petites quantités dans les années 1920[12].

En dépit de la multiplication des modèles et l’amélioration de l’arme, les ventes demeurent néanmoins largement en berne. En dehors de mille cinq cents exemplaires pour l’US Navy, aucune armée ne s’est portée acquéreuse, malgré des évaluations généralement positives. Jusqu’en 1928, seuls dix mille trois cents exemplaires tous modèles confondus ont été vendus et l’entreprise Auto-Ordnance se maintient pendant plusieurs années au bord de la faillite[13].

Production de masse

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Après plusieurs années difficiles, le M1928 est adopté de manière limitée par l’US Army en , mais les commandes restent peu nombreuses[14]. Marcellus et John Thompson, actionnaires majoritaires d’Auto-Ordnance, meurent respectivement en 1939 et 1940, ce qui entraîne le rachat de l’entreprise par Russell Maguire, qui la renomme Thompson Automatic Arms Corporation[15]. En parallèle, les événements en Europe suscitent l'accroissement brutal de la demande. Maguire octroie alors à Savage Arms Corporation une licence pour produire dix mille M1928A. Néanmoins, la complexité de la chaîne logistique, un grand nombre de pièces provenant de divers sous-traitants, ralentit le lancement de la production, qui ne débute qu’en [9].

En , la production du M1928A1 atteint 562 511 exemplaires. Entretemps, une version simplifiée nommée M1 a vu le jour afin de réduire le coût et le temps de production. Sa production débute au printemps 1942 et 285 480 exemplaires en sont produits avant son remplacement par une version améliorée, la M1A1. La production de celle-ci s’arrête à la fin de l’année 1944 après que 539 153 exemplaires ont été produits. À l’arrêt de la production militaire en 1944, le nombre total de M1928A1, M1 et M1A1 est de 1 387 134 exemplaires[16].

Utilisateurs

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Bien que Thompson n’ait pas voulu que son arme soit vendue aux civils, celle-ci se retrouve rapidement entre les mains de criminels du fait de l’absence presque totale de contrôle sur la vente et la circulation des armes à feu à cette époque. Ainsi en à Chicago, le procureur William McSwiggin est assassiné au pistolet-mitrailleur Thompson[17]. La situation s’aggrave après le départ de Thompson et la mort de Thomas Ryan en 1928, le nouveau dirigeant John Larkin ouvrant totalement la vente au marché civil afin d’augmenter ses profits[18]. Le nombre total d'armes acquises par les gangs est estimé à environ cinq cents en 1928[19]. Elle y gagne divers surnoms, comme chopper (« hachoir ») ou Chicago Piano, tandis que les hommes de main qui en sont porteurs sont appelés des Tommy-men[20].

La politique de Larkin est toutefois vivement contestée après le massacre de la Saint-Valentin et il est contraint de démissionner en . Les nouveaux dirigeants restreignent alors considérablement la vente en ne permettant que les commandes directes à l’entreprise[21]. Cela ne freine guère l’usage criminel et le Thompson est largement utilisé au cours des années 1930 par les criminels. Il est particulièrement utilisé par des gangs de braqueurs, comme ceux de John Dillinger ou Ma Barker, qui écument la campagne, où la police est démunie face à une telle puissance de feu[22].

Services gouvernementaux

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affiche intitulée « Thompson Anti-Bandit Gun » avec un policier tenant une mitraillette
Publicité des années 1920 vantant les mérites du Thompson pour les forces de l’ordre dans l'Ohio.

Les services de police commencent à acheter le Thompson dès le début des années 1920, mais il s’agit la plupart du temps de petites commandes du fait des faibles budgets des polices locales. Ainsi, la police de New York en achète dix exemplaires en [23]. La première commande d’importance d’un service gouvernemental provient de l’US Postal Service, qui commande vers 1927 deux cents exemplaires du M1921 pour fournir davantage de puissance de feu aux équipes protégeant les trains postaux. Ces armes sont ultérieurement converties en M1928[24]. Dans le même temps, l’entreprise fait évoluer sa communication et fait la promotion du Thompson sous le nom de « l’arme anti-bandits », ce qui fait fortement augmenter les ventes[25].

Sous l’impulsion de John Edgar Hoover, le nouveau Federal Bureau of Investigation achète cent quinze Thompson afin de lutter contre les bandes criminelles. En parallèle, une école de tir est mise en place à Quantico. Ces armes arrivent toutefois tardivement, la plupart des gangs ayant déjà été démantelés à cette date[26].

Groupes armés

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Les budgets militaires des États ayant été fortement réduits après la fin de la Première Guerre mondiale, le Thompson est d’abord acheté par des groupes paramilitaires. L’Irish Republican Army est de fait la première force à s'en procurer lorsque Frank Ochsenreiter, un sympathisant de l’IRA aux États-Unis, en commande cinq cents exemplaires en . Ochsenreiter évolue dans le cercle des proches de Thomas Fortune Ryan, un des propriétaires d’Auto-Ordnance et lui-même membre du Clan na Gael. La destination des armes est donc probablement connue de l’entreprise, d’autant qu’une réduction généreuse est faite sur le prix de la commande[27]. Bien que la majeure partie des armes aient été immobilisées par la police de New York lors d’une tentative d’exportation ratée, quelques-unes parviennent néanmoins dans l’année en Irlande. L’arme y est utilisée pour la première fois lors de l’attaque par l’IRA d’un train transportant des soldats du West Kent Regiment le à Drumcondra[28]. Parmi les Thompson livrés figurent notamment les quarante exemplaires de préproduction, ce qui tend à confirmer l’hypothèse que les dirigeants de l’Auto-Ordnance Corporation ont été informés et impliqués dans ces ventes[29].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Thompson fait partie des armes parachutées aux groupes de résistance dans l'Europe occupée par les nazis[30].

Forces armées américaines

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photographie en noir et blanc montrant deux soldats avançant dans un paysage dévasté, l’un épaulant une mitraillette
Un Marine armé d’une Thompson M1 à Okinawa.

L’United States Marine Corps utilise avec succès en 1927 des Thompson empruntés à l’US Postal Service lors de l’occupation du Nicaragua. Satisfaits, les Marines commandent deux cents M1921, qui sont notamment fournis aux China Marines[31]. Finalement l’United States Navy fait la première commande d’importance, avec 1 500 exemplaires, qui entrent en service le [32].

De son côté, l’United States Army rejette d’abord l’arme après un examen en 1924[33]. Un réexamen en 1931 amène à un revirement et le Thompson est adopté de manière limitée pour la cavalerie en , mais sans entraîner pour autant de commande[34]. L’adoption complète a lieu en 1938 sous la désignation Gun, Submachine, Caliber .45, Model of 1928A1 lorsque l’U.S. Army constate que le M1 Garand ne peut être utilisé efficacement à bord des véhicules[14]. Les commandes débutent en avec 950 exemplaires, nombre porté à 20 405 à la fin de l’année 1940[35].

En l’absence de concurrent sérieux, le Thompson devient le principal pistolet-mitrailleur des forces armées américaines. L’arme est globalement appréciée par les Marines engagés dans des combats à courte portée dans la jungle, même si sa capacité de pénétration plus faible que celle d’une balle de fusil ne permet pas de traverser les couverts les plus épais[36]. C’est toutefois en Europe que les Américains utilisent le plus le Thompson, notamment dans la prise des positions fortifiées comme Monte Cassino et dans le bocage normand[37]. L’arme est également populaire chez les parachutistes, qui la préfèrent au BAR, trop encombrant pour eux[38].

Armées européennes

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photographie en couleur montrant un soldat en uniforme beige
Fantassin britannique armé d’un Thompson en Italie, 1944.

Le Thompson ne rencontre qu’un succès limité dans les armées européennes : les Britanniques, bien que trouvant l’arme efficace, refusent toujours de confier des armes automatiques à leurs soldats ; la démonstration faite aux Français est gâchée par une rupture de culasse et si l’armée belge fait montre d’intérêt, cela ne se solde par aucune commande[39]. Plus tard, la France libre en reçoit six mille exemplaires.

N’ayant pas d’arme équivalente disponible en quantité suffisante, le Royaume-Uni acquiert des Thompson après le début de la Seconde Guerre mondiale. Du fait de son coût, l'arme est néanmoins fournie essentiellement aux commandos et aux Home Guard Special Units, les autres troupes devant se contenter généralement de la Sten. Elle est ainsi utilisée pour la première fois en Europe le lors du raid sur les îles Lofoten[40]. Au total, le Royaume-Uni a commandé 514 000 exemplaires, mais n’en a reçu qu’environ 100 000 et les unités de la Home Guard sont parfois équipées d’imitations en bois afin de donner le change au renseignement allemand[41].

L’armée soviétique a reçu plusieurs milliers de Thompson au titre du prêt-bail. La plupart n’ont toutefois jamais été utilisés du fait que l’arme fonctionne mal aux basses températures ; les Soviétiques leur ont par conséquent préféré la PPSh-41 développée localement et non sujette à ce problème[42].

Caractéristiques

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Disposition générale

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dessin montrant en coupe l’organisation intérieure d’une Thompson
Schéma d’ensemble d’un Thompson M1921.

Bien que l’aspect général du Thompson soit assez variable selon les modèles, la disposition de base est généralement la même. Le canon a une longueur de 10,5 pouces (267 mm) et comporte six rainures vers la droite. Jusqu’au modèle M1928A2, il comporte sur la surface extérieure des ailettes servant de radiateur. À son extrémité, il comporte parfois une pièce dite « compensateur Cutts », dont les évents sont orientés de manière à atténuer la tendance du canon à se relever et à dévier vers la droite lors du tir en automatique[43].

Afin d’offrir une meilleure prise en main, les premiers modèles comportent une poignée en noyer à l’avant, sous le canon. Celle-ci est absente sur les modèles de grande série afin de réduire le coût et la durée de production. La crosse, elle aussi en noyer, est amovible et comprend un compartiment pour un flacon d’huile[44]. À partir de la M1, les parties en bois sont fabriquées dans des essences moins coûteuses[45].

Bien qu’ayant la réputation d’avoir un important recul et d’être difficile à contrôler, le PM Thompson est en réalité une arme assez stable et permettant d’obtenir une précision correcte, notamment lorsque le compensateur est monté. Les essais réalisés par l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale montrent ainsi qu’il est possible de grouper cinquante cartouches dans un rectangle de 7,6 × 15,2 cm à 46 m, de 35,5 × 25,4 cm à 91 m, de 63,5 × 73,6 cm à 274 m et de 61 × 116,8 cm à 457 m. Une cible de la taille d’un être humain peut donc être assez facilement touchée à une centaine de mètres, pour peu que l’opérateur tire en rafales de trois ou quatre coups, y compris en avec l'arme à la hanche[46].

dessin montrant en coupe le mécanisme de l’arme
Schéma de détail du mécanisme d’une Thompson M1921.

Le Thompson est pensé à l’origine comme une arme à culasse calée, dont le verrouillage a la particularité de ne pas être mécanique, mais de reposer sur le principe de l’adhérence entre différents métaux lorsqu’ils sont soumis à des pressions importantes. Le concept est mis en œuvre par l’intermédiaire d’une pièce en bronze en forme de H, dite « verrou Blish », du nom de son inventeur John Blish, qui est placée derrière la culasse. Lors du tir, elle bloque la culasse en place tant que la pression est élevée dans la chambre, puis la libère lorsque celle-ci diminue[47].

En pratique, cette pièce n’a toutefois qu’un impact très faible sur la durée d’ouverture de la culasse. Dès 1921, les experts de la Royal Small Arms Factory qui testent l’arme émettent des réserves sur l’intérêt du verrou Blish et estiment qu’une légère augmentation de la masse de la culasse produirait le même effet à moindre coût. La pièce est en effet complexe et par conséquent longue et difficile à produire[11]. Les ingénieurs de Savage chargés de simplifier le Thompson en 1941 pour en accélérer la production arrivent aux mêmes conclusions et le verrou Blish est supprimé à partir de la version M1, qui est par conséquent une arme à culasse non calée[48]. Du fait du peu d’effet du verrou Blish, les versions précédentes sont parfois considérées comme faisant partie des armes à culasse non calée à recul retardé, plutôt qu’à culasse calée[49].

Organes de visée

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Les organes de visée comprennent à l’origine une hausse Lyman, avec ou sans ailettes de protection selon les modèles. Elle est graduée jusqu’à 600 yards (549 m). Placé sur le dessus du boîtier de culasse, le levier d’armement obstrue la vue et est donc percé d’une rainure complétant les organes de visée[50]. Trop complexe, cette hausse est remplacée sur la M1 par une simple pièce en L percée d’un trou. Dans le même temps, le levier d’armement est déplacé sur le côté pour ne plus gêner la visée[51].

photographie en couleur montrant un chargeur circulaire démonté, un autre circulaire complet et deux droits
Les différents types de chargeurs utilisables sur les Thompson.

Bien que des versions de divers autres calibres aient été produites en quantité très limitée, le Thompson est principalement chambré pour la cartouche .45 ACP. Celle-ci a en effet plusieurs caractéristiques qui la rendent intéressante pour une telle arme. Tout d’abord, la combinaison d’une balle lourde et d’une faible vitesse lui confère une importante puissance d’arrêt, au prix d’une faible pénétration. Ainsi, la balle ne traverse pas sa cible, mais lui transmet toute son énergie, avec pour effet des dommages aux tissus équivalents à ceux d’une balle de fusil à cinquante mètres[52]. La faible vitesse de la balle a toutefois pour conséquence que, à longue portée, il y a un délai notable entre le tir et l'impact, ce qui peut nuire à la précision[46]. Cette cartouche dispose également d’un coefficient d’éjection, c’est-à-dire l’inertie de l’étui lors de l’éjection, idéal pour une arme automatique[4].

Il existe trois modèles de chargeurs : un chargeur droit de vingt cartouches et deux modèles de type tambour contenant respectivement cinquante et cent cartouches[6]. Ce dernier a toutefois l’inconvénient de peser 1,4 kg et de conférer à une M1921 pleinement chargée le poids non négligeable de 6 kg[10]. Paradoxalement, quatre chargeurs droits pèsent moins lourd pour la même contenance. Par conséquent, les militaires les ont toujours préférés, d’autant qu’ils sont plus faciles à transporter et moins bruyants. La possibilité d’utiliser les chargeurs de type tambour est ainsi supprimée à partir de la version M1[53].

Premier modèle du Thompson à entrer en production, le M1919 se distingue des modèles postérieurs par l’absence de crosse et de mires. Les chargeurs sont encore à cette époque du type « boîte ». Le M1919 est encore largement un modèle d’essai : pratiquement aucun des exemplaires conservés n’est parfaitement identique à l’autre, ce qui amène parfois à désigner l’ensemble comme une série de prototypes plutôt que comme une série de production[49].

photographie en couleur montrant une Thompson de profil.
M1921 avec chargeur tambour de cent cartouches.

Le M1921 diffère du M1919 par l’ajout d’une crosse détachable et de mires métalliques et par la modification du mécanisme afin d’améliorer le contrôle de l’arme en tir automatique en réduisant la cadence de tir de mille à huit cents coups par minute. Auto Ordnance en a fait produire 15 000 exemplaires par Colt, mais peu ont en réalité été assemblés et vendus, la plupart ayant servi de réserve de pièces pour les modèles suivants[54]. Dans la nomenclature, l’appellation M1921A désigne la version originale, tandis que les exemplaires produits à partir de 1927 avec le compensateur Cutts sont nommés M1921AC. Celui-ci est généralement considéré comme étant le modèle le plus classique du Thompson[11].

Le M1923 est une variante de la M1921 conçue pour être utilisée avec une nouvelle cartouche spécialement conçue pour elle, la Remington-Thompson .45. Celle-ci dispose d’un étui d’un pouce (25,4 mm) sur lequel est sertie une balle de 250 grains (16,2 g), ce qui en fait une cartouche considérablement plus puissante que la .45 ACP, avec une vitesse de sortie de bouche d’environ 450 m/s. Une version destinée aux militaires est fournie avec un bipied et une baïonnette de seize pouces (40,64 cm). Aucune armée ne s’est toutefois portée acquéreuse et seul un faible nombre de M1923 a été produit[55].

Le M1923 a également été décliné dans divers autres calibres comme le 9 × 19 mm Parabellum ou le 9 × 25 mm Mauser, mais ces variantes ont été produites en quantités encore plus faibles que la M1923 originale, et dans certains cas il n’est même pas certain qu’elles soient même entrées en production[55]. Le M1923 a également donné lieu à divers projets sans suites, comme un affût pour side-car ou pour monter vingt-huit Thompson dans le plancher d’un avion pour l’attaque au sol[56].

Le M1927 est une variante de la M1921 ne fonctionnant qu’en semi-automatique. Cette version n’a été produite qu’en petite quantité à partir de pièces destinées au M1921. Elles se reconnaissent d’ailleurs aisément au fait que la référence M1921 sur la carcasse a été effacée et un marquage Model 1927 Thompson semi-automatic carbine estampé par-dessus. L’arme peut d’ailleurs facilement redevenir automatique en remplaçant quelques pièces par celles de la M1921 ou de la M1928. La clientèle, peu nombreuse, est composée essentiellement de services de police ainsi que de quelques particuliers[57].

photographie en couleur montrant une Thompson de profil.
M1928 de début de production.

Le M1928 existe en plusieurs variantes. Celle de base a essentiellement été vendue aux Britanniques et se distingue surtout des modèles précédents par la présence du compensateur Cutts[58]. La variante dite Navy se distingue extérieurement par l’absence de poignée avant et la présence de points d’attache pour une sangle, du compensateur Cutts et d’un marquage US Navy. Intérieurement le mécanisme est modifié afin de réduire la cadence de tir à sept cents coups par minute[59].

photographie en couleur montrant une Thompson de profil.
M1928A2.

Le M1928A1 n’a été produit qu’à environ quatre cents exemplaires pour l’United States Cavalry. Il ne se distingue de la précédente version que par le marquage[60]. Le M1928A2 est en revanche radicalement différent avec plusieurs parties supprimées ou modifiées pour rendre la production plus facile. Il ne comporte ainsi pas la poignée avant, le compensateur Cutts et la hausse Lyman, tandis que les ailettes de refroidissement du canon sont supprimées. Le numéro de série des exemplaires produits par Savage débute par S et ceux produits par Auto Ordnance par AO[61]. Savage a en outre produit une série expérimentale de M1928 dont la carcasse est en aluminium et le bois remplacé par du plastique. Les essais n’ont pas été concluants en raison de la mauvaise qualité des matériaux disponibles à l’époque[62].

photographie en couleur montrant une Thompson dans une vitrine avec ses accessoires autour
M1A1 et ses chargeurs.

Le M1 est un M1928A2 encore simplifié par la suppression du système de verrouillage de la culasse. Les chargeurs tambours sont également abandonnés et les anciens ne peuvent pas être utilisés sur cette version. La version 42M1, produite en faible quantité en 1942, ne comporte plus de chien mais conserve un percuteur indépendant[63]. Celui-ci est supprimé sur la version M1A1, le percuteur étant désormais partie intégrante de la culasse[64].

Diverses variantes expérimentales du M1A1 ont été produites pendant la guerre. La plupart sont simplement chambrées pour une autre cartouche, notamment le .30 Carbine, le 9 × 19 mm Parabellum et le .22 Long Rifle. Le modèle T2 est toutefois radicalement différent, n’évoquant le Thompson que par sa capacité à utiliser les mêmes chargeurs et par quelques éléments identiques. Conçu avec un minimum de pièces pour réduire les coûts et concurrencer le M3 Grease gun, le T2 n’est finalement pas retenu pour la production en masse[64].

Autres modèles

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La BSA 1926 est une M1921 modifiée et produite sous licence par la Birmingham Small Arms Company. La principale modification consiste à rechambrer l’arme en 9 × 19 mm Parabellum. L’entreprise conçoit en 1929 plusieurs autres modèles pour répondre à un appel d'offres de l’armée belge. Au moins quatre modèles coexistent sous l’appellation BSA 1929 et se distinguent essentiellement par l’usage de cartouches différentes : .45 ACP, mm Bayard, 7,63 × 25 mm Mauser. En l’absence de commande, la production est toutefois arrêtée dès 1930[65],[39].

De nombreux exemplaires contrefaits des différents modèles de Thompson ont par ailleurs été produits pendant les années 1930 à l’arsenal de Taiyuan. Celles-ci se reconnaissent facilement à leurs marquages en chinois. L’arme a également été copiée avec plus ou moins de réussite par des ateliers clandestins du Viet-Cong pendant la guerre du Vietnam[66].

Impact culturel

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photographie en noir et blanc d’un homme en costume et armé vu derrière une fenêtre pleine d’impacts de balles
Costume rayé et pistolet-mitrailleur Thompson : l’archétype du gangster de Chicago dans Scarface (1932).

Du fait de son usage criminel, le Thompson occupe une place iconique dans les représentations de l’Amérique des années 1920. Il apparaît pour la première fois au cinéma dans le film muet Underworld, sorti en 1927. Une arme chargée à balles réelles est encore utilisée pendant le tournage de celui-ci, mais peu de temps après, des Thompson spécialement modifiés sont mis au point pour tirer des cartouches à blanc sans altérer leur apparence, afin de réduire les risques sur les plateaux[67]. Little Caesar, sorti en 1930, est le premier film à comporter une bande-son permettant de restituer le bruit caractéristique du tir de l’arme[68].

Le Thompson figure dans au moins une soixantaine de films sortis entre 1930 et 1935. L’un de ceux qui le montre le plus abondamment, Scarface, sorti en 1932, a la particularité d’adopter également une approche critique vis-à-vis de celui-ci : le fait que les gangsters puissent acheter librement de telles armes, alors que la police ne peut s’en procurer y est décrit comme une situation anormale. Cette évolution dans la présentation de l’arme est liée aux pressions gouvernementales sur les producteurs de cinéma, qui se traduisent par l’introduction dans le code Hays de l’interdiction de montrer des bandits armés de Thompson[69].

Dans les décennies suivantes, le Thompson devient ainsi l’arme de l’ordre, portée d’abord par l’agent du FBI puis, à partir de 1941, par le soldat, qu’il s’agisse du GI, du Marine ou du commando britannique. Toutefois, avec le relâchement du code Hays dans les années 1960, le Thompson redevient l’accessoire des criminels. Il occupe ainsi une place prééminente dans Bonnie and Clyde, même si le couple ne l’a jamais utilisé, ainsi que dans St. Valentine’s Day Massacre, tous deux sortis en 1967. L'arme reste au XXIe siècle l’accessoire caractéristique des criminels de la plupart des films dont l'action se situe entre 1920 et 1940, apparaissant par exemple en 2009 entre les mains de John Dillinger dans Publics Enemies[70].

Pays utilisateurs

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Caractéristiques techniques

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Tableau récapitulatif des caractéristiques techniques par modèle
Modèle M1919 M1921 M1923 M1928A1 M1/A1
Longueur 31,8 pouces (808 mm)
25 pouces (635 mm) crosse démontée[72]
36 pouces (914 mm)[55] 33,75 pouces (857 mm)[72] 32 pouces (813 mm)[72]
Masse à vide 4,6 kg[72] 4,8 kg[72] 4,7 kg[72]
Fonctionnement En théorie : culasse ouverte calée

En pratique : culasse ouverte non calée à ouverture retardée[49],[73]

culasse ouverte non calée[48]
Modes de tir semi-automatique, automatique[74]
Longueur canon 10,5 pouces (267 mm)
12,5 pouces (318 mm) avec compensateur[72]
14,5 pouces (368 mm)[55] 10,5 pouces (267 mm)
12,5 pouces (318 mm) avec compensateur[72]
10,5 pouces (267 mm)[72]
Rainurage du canon Six rainures à droite[44]
Cartouche .45 ACP[72],[75] Remington-Thompson .45[55] .45 ACP[72] .45 ACP[72]
Alimentation Chargeur droit 20 cartouches, chargeur tambour 50 ou 100 cartouches[72] Chargeur droit de 18 cartouches[55] Chargeur droit 20 ou 30 cartouches, chargeur tambour 50 ou 100 cartouches[72] Chargeur droit 20 ou 30 cartouches[72]
Cadence de tir 1000 cps/min[75] 800 cps/min[72] 600-750 cps/min[72] 500-600 cps/min[72]
Vitesse à la bouche 280 m/s[72] 442 m/s[55] 280 m/s[72] 280 m/s[72]

Bibliographie

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Pegler 2010, p. 7.
  2. Pegler 2010, p. 7-8.
  3. a et b Pegler 2010, p. 8.
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