Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l'exploitation d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence

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Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l'exploitation d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence
Description de cette image, également commentée ci-après
Affiche du film Gorge profonde (1972)
Présentation
Titre Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l'exploitation d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence
Référence 1605 sexies et suivants du Code général des impôts
Pays Drapeau de la France France
Type Loi ordinaire
Adoption et entrée en vigueur
Législature Ve législature de la Cinquième République
Gouvernement Gouvernement Jacques Chirac
Adoption
Entrée en vigueur
Abrogation

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Le prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l'exploitation d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence est une taxe française affectée au profit du Centre national du cinéma et de l'image animée créée en 1976 et abrogée en 2021. Son produit est quasi nul.

Historique[modifier | modifier le code]

Parmi les nombreuses mesures de la loi de finances pour 1976 contre la pornographie, il y a l'instauration d'une taxe sur les bénéfices de 20 % des œuvres cinématographiques pornographiques ou d'incitation à la violence[1],[2],[3]. Le montant des recettes fiscales enregistrées pour 1977 est de 1 349 588 Francs[4].

L'article 14 de la loi de finances pour 1979 étend la taxe codifiée à l'article 235 ter L du code général des impôts aux représentations théâtrales à caractère pornographique[5].

L'article 18 de la loi de finances pour 1984 étend la taxe aux vidéocassettes[6],[7].

L'article 9 de la loi de finances pour 1989 étend la taxe aux établissements dont l'accès est interdit aux mineurs en raison de leur caractère licencieux ou pornographique (sex shop, peep show...)[8],[9]. En 2011, le Conseil d’État rappelle dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que la surtaxe « est seulement un moyen de limiter la multiplication de ces lieux de vente mais en aucun cas une mesure pour interdire ou soumettre l’activité à une autorisation préalable »[10].

Outre l'élargissement de l'assiette, le taux du prélèvement spécial est également révisé à la hausse : 25 % entre 1989 et 1990, puis 30 % entre 1990 et 1993, et enfin 33 % depuis le .

Lors du projet de loi de finances pour 2003, Charles de Courson propose de porter le taux à 60 %. « Notre but est de rendre ce secteur inintéressant sans pour autant en arriver à l'expropriation » déclare le député. Or cette surtaxation, qui s'ajoute aux 33 % d'impôt sur les sociétés, aboutit à une taxation à 93 % des bénéfices. La commission des finances de l'Assemblée nationale adopte l'amendement mais le député le retire en séance publique à la suite de l'intervention du ministre délégué au Budget, Alain Lambert : « Sur un sujet aussi sensible, il me faut exprimer les doutes du gouvernement. Même si l'on comprend parfaitement la démarche de M. de Courson, il est difficile d'être favorable à son amendement, qui conduirait à imposer ces activités à un taux supérieur à 90%. Cette mesure équivaudrait à une interdiction de fait »[11],[12],[13].

En 2009, le décret n° 2009-389 du portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code transfère le prélèvement de l'article 235 ter L à l'article 1605 sexies du code général des impôts[14].

En 2014, l'Inspection générale des finances liste le prélèvement spécial parmi les 192 taxes à faible rendement[15] et en recommande sa suppression.

Dans le cadre de la suppression de taxes à faible rendement prévue dans le projet de loi de finances pour 2019, des sénateurs du groupe Union centriste déposent un amendement pour en abroger un plus grand nombre, dont le prélèvement spécial. L'amendement est rejeté à la suite d'un avis défavorable du gouvernement[16],[17].

Nouvelle tentative lors du projet de loi de finances pour 2020. Le député Xavier Paluszkiewicz propose d'abroger les articles au motif que « les modalités de poursuite de cet objectif de politique publique apparaissent aujourd'hui désuètes au vu de l’évolution des marchés orientés vers internet » et « afin d'améliorer la lisibilité de la fiscalité en France »[18],[19].

La loi de finances pour 2021 abroge le prélèvement[20].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Redevables[modifier | modifier le code]

Sex shop à Paris.

Le prélèvement vise plusieurs types d'œuvres pornographiques :

  • Le classement X d'une œuvre cinématographique par la Commission de classification des œuvres cinématographiques, au motif de contenu pornographique ou pour incitation à la violence, soumet l'œuvre à un prélèvement spécial de 33 % sur une fraction des bénéfices industriels et commerciaux résultant de la production, la distribution ou la représentation du film. Le prélèvement est décrit à l'article 1605 sexies du code général des impôts.
  • Les supports physiques et la vidéo à la demande sont régis par l'article 1605 septies qui taxe les représentations publiques diffusées sur support vidéographique et l'article 1605 octies qui taxe la vente et la location d'œuvres d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence.
  • L'article 235 ter M s'adresse aux représentations théâtrales à caractère pornographique.
  • L'article 235 ter MB s'adresse aux établissements dont l'accès est interdit aux mineurs en raison de leur caractère licencieux ou pornographique[21]. Le prélèvement concerne les sex shop, les peep show et certaines salles de spectacles, mais les discothèques et les salles de jeux ne sont pas concernés.

Les entreprises redevables doit s'acquitter d'un prélèvement sur le bénéfice fixé à 33 %.

Bénéficiaire[modifier | modifier le code]

Le produit de ce prélèvement est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée. Il est d'environ 100 000 euros en 2012[15],[22] ce qui fait dire à des juristes que le dispositif fiscal français « a au moins pour effet — sinon pour but — d’agir sur la création pour limiter la production et la consommation de films pornographiques ou incitant à la haine »[23],[24].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Georges Lamousse, Avis de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 1976, Sénat, (lire en ligne), p. 7-19
  2. Maurice Schumann, « La pénalisation des films de violence et de pornographie », dans Rapport général fait au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1976., vol. III, (lire en ligne), p. 39-51
  3. « Fac-similé JO du 31/12/1975, page 13566 | Legifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  4. Jean-Pierre Fourcade, « Bilan de l'application des mesures fiscales de dissuasion vis-à-vis des films pornographiques ou d'incitation à la violence », dans Rapport général fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 1979, (lire en ligne), p. 74
  5. « Fac-similé JO du 30/12/1978, page 04341 », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000319977&pageCourante=03803
  7. Maurice Blin, « Les locations de magnétoscopes et de cassettes vidéo préenregistrées », dans Rapport général fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 1984, (lire en ligne), p. 73-74
  8. https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000508832&pageCourante=16321
  9. Maurice Blin, « Institution d'un prélèvement spécial de 20 % sur les bénéfices de certains établissements et les publications à caractère pornographique ou comportant une incitation à la violence, diffusées sur supports vidéographiques », dans Rapport général fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 1984, , p. 43-44
  10. Pascal Jan, « QPC. "Taxes pornographiques" maintenues par le Conseil d’Etat », sur www.droitpublic.net, (consulté le )
  11. Le Parisien, « Pas de surtaxe pour les films pornographiques », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « Offensive fiscale contre le porno », sur Liberation.fr, Libération, (consulté le ).
  13. « Les députés renoncent
    à surtaxer le X
     », sur Nouvelobs.com, L'Obs, (consulté le )
    .
  14. Décret n° 2009-389 du 7 avril 2009 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code, (lire en ligne)
  15. a et b Jean-Philippe de Saint Martin, Paul-Marie Dubée, Jean-Marc Toublanc et Marie Anne Ballotaud, Les taxes à faible rendement, Inspection générale des finances, (lire en ligne)
  16. « Amendement I-222 rectifié du projet de loi de finances pour 2019 », sur www.senat.fr, (consulté le )
  17. Lilian Alemagna, « Petites taxes : l’idée fisc du gouvernement », sur Libération.fr, (consulté le )
  18. « Loi de finances 2020 (no 2272) Amendement n°I-CF1380 - Assemblée nationale », sur Assemblée nationale (consulté le ).
  19. « Loi de finances 2020 (no 2272) Amendement n°I-CF1373 - Assemblée nationale », sur Assemblée nationale (consulté le ).
  20. « Projet de loi de finances pour 2021 », sur assemblee-nationale.fr,
  21. VI. Institution d'un prélèvement spécial de 20 % sur les bénéfices de certains établissements et les publications à caractère pornographique ou comportant une incitation à la violence, diffusées sur supports vidéographiques, 44 p. (lire en ligne)
  22. Sébastian Compagnon, « Farine, ski de fond, pylônes... ces taxes incongrues que Bercy veut supprimer », sur leparisien.fr, (consulté le )
  23. Carine Balabaud, « La fiscalité dissuasive des films X face à la liberté de création et de diffusion », sur blogdroitadministratif.net (consulté le )
  24. Frédéric Gras, « L'œuvre pornographique et le droit », LEGICOM, vol. 37, no 1,‎ , p. 79 (ISSN 1244-9288 et 2272-8090, DOI 10.3917/legi.037.0079, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]