Monastère de Belcinac

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Monastère de Belcinac
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Localisation

Le monastère de Belcinac a été fondé dans la deuxième moitié du VIIe siècle par saint Condède, moine de l'abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle, sur une île disparue de la Seine, dénommée Belcinac dans les textes anciens.

Fondation du monastère[modifier | modifier le code]

Dans un acte falsifié[1],[note 1], Thierry III (654-691) roi de Neustrie, fils de Clovis II, donna l'île de Belcinac (Belcinnaca), voisine du fisc d'Arelaune, à saint Condède (Condedus). Ce dernier y construisit un monastère. En 675, il fit don de l'île et du monastère à l'abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle ; donation confirmée par Thierry III, puis de nouveau en 1319 par Philippe le Long et en 1349 par le duc de Normandie, Jean, futur roi Jean le Bon. Le monastère fut détruit par les flots lors de l'engloutissement de l'île en 1330 lors d'un épisode de mascaret de la Seine.

L'île de Belcinac[modifier | modifier le code]

Cette île, située sur la Seine face à Villequier et un peu en aval de Caudebec, en Seine-Maritime, est nommée Lutum dans la charte de donation de Thierry III. Ce nom parait être le même que Lotum ou Lotus, indiqué dans les Annales bénédictines comme le nom d'un habitat celte sur laquelle ou à côté de laquelle s'est par la suite élevée Caudebec. L'île, voisine de cet habitat, lui aurait emprunté son nom, et, dans les premiers temps, elle était appelée « l'île de Lot ». Elle était particulièrement sujette au mascaret, brusque surélévation du niveau d'eau du fleuve due à l'onde de la marée montante. Pratiquement sans effet en temps normal, « la Barre » devient un danger lors des grandes marées, et une catastrophe potentielle lors de marées d'équinoxe à très fort coefficient[2].

Au VIIe siècle, l'île mesurait « trois mille pas de long sur quinze cents de large »[2],[note 2]. Elle avait souvent été partiellement immergée, parfois de façon ininterrompue sur plusieurs années. Ainsi, en 1330, l'île fut submergée, puis réapparut quelques années après ; mais le monastère avait entièrement disparu, emporté par les flots[2],[3]. Elle disparut de nouveau en 1597, pour réapparaître en 1641. Elle disparut définitivement en 1740, et l'endiguement subséquent de 1846 assura son non-retour. Elle est maintenant perdue dans les prairies humides de Vatteville[4].

Par ailleurs, sur la rive droite de la Seine, se trouvait l'ancien port de Saint-Vulfran[2], dont le quai renvoyait souvent les eaux vers les prairies de la rive gauche. Les Grimonville, seigneurs de ces prairies impraticables, firent d'abord démolir le quai avec les matériaux duquel ils firent construire le nouveau château de la Mailleraie[5]. De plus, quand l'île réapparut en 1641, ils firent main basse dessus au détriment de l'abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle, à laquelle elle avait été donnée. Les moines attaquèrent Louis de Grimonville en justice et gagnèrent le procès en 1658. Puis Grimonville vendit son domaine de la Mailleraie à Angélique Fabert, épouse du marquis de Beuvron, et cette dernière poursuivit les moines en justice pour la possession de l'île, affaire qu'elle gagna vers 1690.

Saint Condède avait également construit trois petites églises : une consacrée à la Sainte Vierge, une à saint Pierre, une à saint Valery. Mais il semblerait que celles-ci n'aient pas été situées sur l'île ; la Chronique de Fontenelle et celle de la vie de saint Vandrille mentionnent toutes deux un oratoire dédié à saint Pierre, localisé le long d'un ruisseau appelé Vintlana (probablement la Vilaine[6], affluent gauche de la Seine, où elle se jette près de l'ancienne abbaye de Grestain ; elle prend sa source à Saint-Pierre-du-Val), sur une autre terre nommée Vitlana[7] et donnée à saint Condède par Waratton, maire du palais. Il pourrait s'agir de terres du côté de Neufchâtel-en-Bray[3] car l'abbaye de Saint-Wandrille y possédait quelques propriétés. L'église de Braymoutiers est dédiée à saint Pierre, l'étymologie de moutiers suggère un monastère ou une église, et Braymoutiers était une possession de l'abbaye de Saint-Wandrille depuis sa fondation ou presque[3].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Adalbert Maurice, L'Île engloutie de Belcinac, Seine-Inférieure : essai historique sur la vie et le monastère de saint Condède et sur les étranges disparitions d'une île de Seine, Caudebec-en-Caux, 1938.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Ferdinand Lot pense que la date de fabrication de cet acte a précédé de peu la charte de restitution de l'île par le comte d'Arques entre 1035 et 1047.
  2. Distance en pas : voir « Les unités de longueur à la fin du XVIIIe siècle ». Les mesures variaient d'une région à l'autre. Les lieues, de différentes longueurs selon l'endroit, ne contenaient pas non plus le même nombre de pas selon les régions — et variaient aussi dans une même région selon le contexte. Il est donc difficile de savoir ce que représentent 3 000 pas. « Les grandes lieues de France sont ordinairement de trois mille pas géométriques, et en quelques endroits de 3 500. La lieue moyenne, ou commune, est de 2 400 pas géométriques, et la petite lieue de 2 000. » Par ailleurs, en Normandie, la lieue équivalait à 4,444 km. Mais, comme on ne sait pas quel type de pas est indiqué, nous ne sommes guère avancés quant à déterminer précisément la longueur de notre île ; nous devons donc nous contenter d'une approximation basée sur une moyenne assumée de, disons 3 000 pas par lieue — ce qui donne 4,4 km de long pour 2,2 km de large et est bien sûr nettement démesuré pour une île au milieu de la Seine, alors que le fleuve mesure à cet endroit moins de 400 m de large, en tout cas de nos jours (la Seine était-elle plus large au VIIe siècle ?). La question reste ouverte.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Anne-Marie Flambard Héricher (préf. Vincent Juhel), Le château de Vatteville et son environnement, de la résidence comtale au manoir de chasse royal, XIe – XVIe siècle, vol. Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, t. XLVIII, Caen, Société des antiquaires de Normandie, , 393 p. (ISBN 978-2-919026-27-2), p. 22.
  2. a b c et d Description géographique et historique de la haute Normandie, volume 1, Michel Toussaint Chrétien Duplessis.
  3. a b et c Essai historique et descriptif sur l'abbaye de Fontenelle ou de Saint Wandrille. Eustache-Hyacinthe Langlois. 1827. p. 85-86.
  4. Belcinac. Site de l'académie de Rouen.
  5. « Ancien château -1569 », notice no PA00100743, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  6. Sandre, « Fiche cours d'eau - La Vilaine (H7020600) ».
  7. de Beaurepaire François. La Vintlana était-elle la Bresle ou la rivière de Cailly ?. In: Annales de Normandie, 10e année, no 1, 1960. pp. 61-64 [1].