Lophius vomerinus

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Baudroie diable, Baudroie du Cap

Lophius vomerinus, la Baudroie diable[1] ou Baudroie du Cap[1], est une espèce de poissons actinoptérygiens marins de la famille des Lophiidae[2] et qui se rencontre au large des côtes d’Afrique australe[3].

Description[modifier | modifier le code]

Les lophiiformes sont caractérisés par un aplatissement dorso-ventral et une peau fine dépourvue d’écailles. Leur face dorsale est munie d’épines dorsales et d’un illicium surmonté d’un bulbe de chair formant un leurre pour attirer leurs proies[4].

Lophius vomerinus présente une nageoire dorsale soutenue par 10 à 11 rayons, une nageoire anale qui en compte 9 et des nageoires pectorales avec 22 à 26 rayons. La troisième et quatrième épine dorsale sont très courtes[5]. Son péritoine a faible pigmentation une contrairement à l'espèce Lophius budegassa qui lui est très proche et qui présente un péritoine noir[6]. Son corps est d’un aspect général terne compatible avec son milieu. Son dos est brun foncé avec des zones plus foncées, ventre très clair avec des bandes brunes, face dorsale des nageoires pectorales de la même couleur que le dos mais foncées dans leur partie distale[5]. Des adaptations locales du camouflage nécessaire à leur mode de vie sédentaire et de chasse ont été remarquées[3].

Les femelles sont nettement plus grandes que les mâles. Elles peuvent atteindre une taille maximale d’environ 95 cm alors que les mâles n’atteignent que 67 cm au maximum. La proportion de femelles parmi les individus plus grands que 50 cm est largement supérieure à celle des mâles[7].

Phylogénie[modifier | modifier le code]

Lophius vomerinus est une espèce de poissons de la famille des Lophiidae (ordre des Lophiiformes)[8]. Lophius vomerinus bien que plus proche d'un point de vue phylogénétique de Lophius budegassa que de Lophius piscatorius, reste une espèce à part entière car suffisamment différente génétiquement de Lophius budegassa[6].

Répartition et habitat[modifier | modifier le code]

L. vomerinus est distribué au large des côtes de l’Afrique australe, du nord de la Namibie jusqu’à la pointe Est de l’Afrique du Sud[3],[8]. On peut donc le retrouver au sud de l’Océan Atlantique et de l’Océan Indien[5].

La baudroie diable est un organisme benthique, les individus vivent tapis au fond de l’eau sur le plateau continental à des profondeurs comprises entre 100 et 450 m voire jusqu’à 600 m[3],[5],[9],[8].

Au 28 janvier 2009, L. vomerinus est considérée comme menacée sur la liste rouge de l'UICN[10].

Physiologie[modifier | modifier le code]

En tant qu’organisme benthique, L. vomerinus ne peut percevoir que très peu de lumière. Il est donc doté d’une vision scotopique lui permettant de voir dans un milieu obscur en quasi absence de lumière[9]. L. vomerinus comme les autres lophiiformes est dépourvu de vessie natatoire[4].

Comportement[modifier | modifier le code]

L. vomerinus est un prédateur chassant avec la même stratégie que les autres lophiiformes. La première épine dorsale est modifiée en un illicium surmonté d’une protubérance charnue faisant office d’appât pour les proies de la baudroie. Elle reste immobile jusqu’à l’arrivée d’une proie qu’elle gobe rapidement[11]. La baudroie diable est un prédateur non-sélectif qui se nourrit des proies attirées par le leurre et passant à portée. Plus la baudroie est grande plus elle est capable de se nourrir de proies de grande taille mais elle ne délaisse pas les petites proies pour autant[9]. Les organismes les plus souvent retrouvés dans son estomac sont principalement des poissons (Merluccius capensis ; espèces des genres Coelorinchus, Nematogobius et Sardinops) et des céphalopodes (Sepia, Todarodes)[9],[12]. Les populations de sardines Sardinops sagax ayant diminué, L. vomerinus s’est tournée vers d’autres proies[13]. Dans les conditions normales, l'animal ingéré par une baudroie, passera près de 214 heures (soit environ 9 jours) dans son estomac avant d’en être évacué. Cette durée s’élèvera en hiver à 456 heures (soit environ 19 jours)[14].

Cycle de vie[modifier | modifier le code]

La période de reproduction a lieu tout au long de l’année mais les femelles ont un pic d’activité au cours du printemps austral (septembre à novembre)[6]. La femelle pond ses œufs au large des côtes sud-africaines. Ces derniers forment un long voile muqueux parfois appelé "radeau" lorsqu'il flotte en surface[7]. Les larves sont présentes dans la colonne d'eau. Les jeunes adoptent un mode de vie sédentaire au fond de l’eau où ils resteront à l’âge adulte[4]. Les femelles atteignent une maturité sexuelle plus tardivement que les mâles (respectivement 8 et 5 ans). Les tailles estimées auxquelles 50% des individus atteignent la maturité sexuelle est de 39,9 cm pour les mâles et 58,2 cm pour les femelles[7]. Cette différence de taille remarquable s’explique par la nécessité des femelles à produire une grande quantité d’œufs. Les gonades peuvent constituer jusqu’à 31% de la masse des femelles[8]. On estime que Lophius vomerinus a une longévité d’environ 10 ans[7].

L’âge des individus peut être calculé à partir des anneaux de croissance présents dans les otolithes ou dans l'illicium[8],[15]. Les espèces australes du genre Lophius, comme L. vomerinus, ont une croissance plus lente que les espèces septentrionales. Cela se remarque au niveau des anneaux de croissance[4].

Lien avec l'Homme[modifier | modifier le code]

Parmi les lophiiformes, le genre Lophius subit la plus forte pression de pêche. Il est nécessaire de veiller à la survie des stocks étant donnée la maturité tardive des individus[7],[8]. L. vomerinus représente 94% des baudroies débarquées en Namibie[16]. Bien qu’il s’agisse d’un poisson accessoirement pêché lors de la pêche au Merlu du Cap[17], elle était pêchée avec L. vaillanti à raison de 17 000 tonnes par an en 1998, soit un équivalent de 19,8 M$[16]. Une limite de prélèvement a été fixée en 2005 à 7 000 tonnes[4]. La valeur marchande de la tête de la lotte est sous-estimée jusqu'à présent alors qu'elle représente jusqu’à 30% de la masse du poisson. Elle est généralement transformée en sous-produits à faible valeur économique comme de la farine. Une nouvelle étude démontre qu’il est possible de valoriser ce sous-produit via hydrolyse enzymatique. De cette manière, le produit voit sa valeur nutritionnelle augmenter et donc sa valeur économique[17].

Les populations de Lophius vomerinus sont menacées par les futures exploitations minières en haute mer. Sa capacité à bioaccumuler des substances toxiques comme le méthyl-mercure dans ses tissus (foie et gonades) joue en sa défaveur[18]. Actuellement, bien que les concentrations en polluants au large de la Namibie soient faibles, elles devraient suivre l’augmentation des activités minières[18],[19]. Les fonds marins au large de l’Afrique du Sud constituent avec l’Ukraine et le Brésil près de 65% des réserves connues de cobalt et de manganèse[19].

Systématique[modifier | modifier le code]

Le nom valide complet (avec auteur) de ce taxon est Lophius vomerinus Valenciennes, 1837[20].

Ce taxon porte en français les noms vernaculaires ou normalisés suivants : Baudroie diable[20],[10], Baudroie du Cap[20],[10].

Lophius vomerinus a pour synonyme[20] :

  • Lophius upsicephalus Smith, 1841

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b FishBase, consulté le 25 mai 2023
  2. World Register of Marine Species, consulté le 25 mai 2023
  3. a b c et d (en) R. W. Leslie et W. S. Grant, « Lack of congruence between genetic and morphological stock structure of the southern African anglerfish Lophius vomerinus », South African Journal of Marine Science, vol. 9, no 1,‎ , p. 379–398 (ISSN 0257-7615, DOI 10.2989/025776190784378862, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d et e (en) A. C. Fariña, M. Azevedo, J. Landa et R. Duarte, « Lophius in the world: a synthesis on the common features and life strategies », ICES Journal of Marine Science, vol. 65, no 7,‎ , p. 1272–1280 (ISSN 1095-9289 et 1054-3139, DOI 10.1093/icesjms/fsn140, lire en ligne, consulté le )
  5. a b c et d John H. Caruso, « The Systematics and Distribution of the Lophiid Anglerfishes: II. Revisions of the Genera Lophiomus and Lophius », Copeia, vol. 1983, no 1,‎ , p. 11 (DOI 10.2307/1444694, lire en ligne, consulté le )
  6. a b et c Robin W. Leslie et W. Stewart Grant, « Redescription of the Southern African Anglerfish Lophius vomerinus Valenciennes, 1837 (Lophiiformes: Lophiidae) », Copeia, vol. 1991, no 3,‎ , p. 787 (DOI 10.2307/1446406, lire en ligne, consulté le )
  7. a b c d et e (en) L Maartens et Aj Booth, « Aspects of the reproductive biology of monkfish Lophius vomerinus off Namibia », African Journal of Marine Science, vol. 27, no 1,‎ , p. 325–329 (ISSN 1814-232X et 1814-2338, DOI 10.2989/18142320509504090, lire en ligne, consulté le )
  8. a b c d e et f (en) Lima Maartens, Anthony J Booth et Thomas Hecht, « The growth of monkfish Lophius vomerinus in Namibian waters, with a comparison of otolith and illicia methods of ageing », Fisheries Research, vol. 44, no 2,‎ , p. 139–148 (DOI 10.1016/S0165-7836(99)00078-8, lire en ligne, consulté le )
  9. a b c et d (en) Ana Gordoa et Enrique Macpherson, « Food selection by a sit-and-wait predator, the monkfish, Lophius upsicephalus, off Namibia (South West Africa) », Environmental Biology of Fishes, vol. 27, no 1,‎ (ISSN 0378-1909 et 1573-5133, DOI 10.1007/BF00004906, lire en ligne, consulté le )
  10. a b et c UICN, consulté le 25 mai 2023
  11. (en) Theodore W. Pietsch et David B. Grobecker, « The Compleat Angler: Aggressive Mimicry in an Antennariid Anglerfish », Science, vol. 201, no 4353,‎ , p. 369–370 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.201.4353.369, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) E Macpherson, « Daily ration and feeding periodicity of some fishes off the coast of Namibia », Marine Ecology Progress Series, vol. 26,‎ , p. 253–260 (ISSN 0171-8630 et 1616-1599, DOI 10.3354/meps026253, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Victoria Ndinelago Erasmus, Bronwen Currie, Jean-Paul Roux et Simon Harvey Elwen, « Predatory species left stranded following the collapse of the sardine Sardinops sagax (Pappe, 1854) stock off the northern Benguela upwelling system: A review », Journal of Marine Systems, vol. 224,‎ , p. 103623 (DOI 10.1016/j.jmarsys.2021.103623, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Linda L. Stehlik, John Rosendale, Beth A. Phelan et Jonathan A. Hare, « Gastric Evacuation Rates of Spiny Dogfish, Goosefish, and Summer Flounder: Implications for Multispecies Models », Marine and Coastal Fisheries, vol. 13, no 5,‎ , p. 496–508 (ISSN 1942-5120 et 1942-5120, DOI 10.1002/mcf2.10177, lire en ligne, consulté le )
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  16. a et b (en) L. Maartens et A. J. Booth, « Quantifying commercial catch and effort of monkfish Lophius vomerinus and L. vaillanti off Namibia », South African Journal of Marine Science, vol. 23, no 1,‎ , p. 291–306 (ISSN 0257-7615, DOI 10.2989/025776101784528999, lire en ligne, consulté le )
  17. a et b (en) Nanette Greyling, Achinta Bordoloi et Neill J. Goosen, « Optimising enzymatic conditions of monkfish (Lophius vomerinus) heads hydrolysis towards potential waste biomass valorisation », Biomass Conversion and Biorefinery, vol. 11, no 6,‎ , p. 2711–2722 (ISSN 2190-6815 et 2190-6823, DOI 10.1007/s13399-020-00650-z, lire en ligne, consulté le )
  18. a et b (en) Victoria Ndinelago Erasmus, Johannes Angala Iitembu, Steve Hamutenya et Johny Gamatham, « Evidences of possible influences of methylmercury concentrations on condition factor and maturation of Lophius vomerinus (Cape monkfish) », Marine Pollution Bulletin, vol. 146,‎ , p. 33–38 (DOI 10.1016/j.marpolbul.2019.05.060, lire en ligne, consulté le )
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  20. a b c et d GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 25 mai 2023