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Lophiiformes

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Lophiiformes
Description de cette image, également commentée ci-après
Poisson-grenouille géant (Antennarius commersonii).
56–0 Ma
Éocène-présent
Origine Crétacé probable.
Classification WoRMS
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Super-classe Osteichthyes
Classe Actinopterygii
Sous-classe Neopterygii
Infra-classe Teleostei
Super-ordre Paracanthopterygii

Ordre

Lophiiformes
Garman, 1899

Les Lophiiformes, souvent appelés poissons-pêcheurs, sont un ordre de poissons marins benthiques. Il s'agit de poissons osseux ayant un mode de prédation caractéristique : la première épine de la nageoire dorsale, appelée illicium ou « tige », est surmontée de l’esca ou « leurre », leur permettant d’attirer des proies.

Description et caractéristiques

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La baudroie commune (Lophius piscatorius) est un lophiiforme de grande consommation.

Les poissons lophiiformes (du grec « lophos », crête) sont caractérisés par des morphologies plus ou moins difformes, par une ouverture branchiale de petite taille en forme de tube, et par la première vertèbre soudée au crâne[1]. De nombreux genres sont caractérisés par la modification de la première épine dorsale (l’illicium), libre et modifiée en un leurre (esca)[1] qui attire les proies vers la bouche et permet une chasse à l'affût. Chez les espèces benthiques (vivant posées sur le fond), les nageoires pectorales sont transformées en sortes de « pattes » charnues, permettant de bondir sur une proie. Tous sont marins, et comportent notamment les antennaires (poissons-crapauds, poissons-grenouilles, poissons-pêcheurs) et les baudroies, mais aussi un bon nombre de familles abyssales.

Reproduction

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La plupart des espèces abyssales de cet ordre se reproduisent de manière tout à fait étonnante. Puisque les individus sont vraisemblablement épars, et les rencontres donc probablement rares, trouver un(e) partenaire est sûrement problématique[2]. Lorsque les scientifiques ont capturé pour la première fois des Lophiiformes, ils remarquèrent que tous les spécimens étaient des femelles. Ces individus mesuraient quelques centimètres et la plupart semblaient avoir des parasites leur étant attachés. Il s'est avéré que ces « parasites » étaient les restes de Lophiiformes mâles.

Femelle d'Haplophryne mollis avec des mâles atrophiés, attachés en bas.

À la naissance, les Lophiiformes mâles sont pourvus d'organes olfactifs pouvant détecter de faibles doses de phéromones dans l'eau. Ils ne vivent que pour trouver une femelle avec qui s'accoupler. Beaucoup plus petits que les femelles, ils ont des problèmes pour se nourrir dans les eaux profondes. Cela les oblige à trouver rapidement une femelle Lophiiforme pour ne pas mourir. Quand le mâle a détecté une femelle[2], il mord dans sa peau, et libère une enzyme qui digère la peau de sa bouche ainsi que celle de la partie du corps de la femelle qu'il a mordue, les fusionnant ainsi jusqu'au niveau des vaisseaux sanguins[2],[3]. Le mâle dépérit ensuite progressivement, d'abord en perdant ses organes digestifs, puis son cerveau, son cœur, ses yeux, et finalement, il n'en subsiste plus qu'une paire de gonades[4],[5], libérant du sperme en réponse aux hormones véhiculées par le sang de la femelle. Une fois la fusion effectuée, cet extrême dimorphisme sexuel assure à la femelle, lorsqu'elle est prête à pondre, de disposer d'un « partenaire », et même généralement plusieurs, immédiatement disponible[6].

La ponte du Lophiiforme (genre Lophius) consiste en une fine couche d'une matière transparente et gélatineuse de 60 à 90 centimètres de long, et de 7 à 9 centimètres de large. Les œufs présents dans cette fine couche sont disposés en une seule épaisseur, chacun étant dans sa propre cavité. La ponte est abandonnée en pleine eau. A l'éclosion les larves nagent librement et sont dotées de nageoires ventrales élongées en filaments. De tels œufs disposés en couches sont rares dans le monde aquatique.

Pour la première fois, en 2016, un accouplement a pu être filmé, en gros plan[7].

Liste des familles

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Selon World Register of Marine Species (2 mai 2016)[8], ainsi que la 5ème édition de Fishes of the World, cet ordre compte 18 familles réparties en 5 sous-ordres[9],[10]. Les taxons suivants ont été classés pour montrer leurs relations évolutives[11],[12] :

Les relations entre les sous-ordres au sein des Lophiiformes, telles qu'elles sont présentées dans l'ouvrage de Pietsch et Grobecker de 1987, Frogfishes of the world: systematics, zoogeography, and behavioral ecology, sont présentées ci-dessous[13].

Lophiiformes

Lophioidei




Antennarioidei




Chaunacoidei




Ogcocephalioidei



Ceratioidei






Des études phylogénétiques ont permis de découvrir les Lophiiformes comme groupe frère des Tetraodontiformes, au sein du clade plus large des Acanthuriformes et donc classés comme clades au sein de ce taxon[14].

Les plus anciens fossiles de baudroies proviennent de la formation éocène de Monte Bolca, en Italie. Ils témoignent déjà d'une diversification vers les familles modernes qui composent l'ordre[15]. Compte tenu de ce fait, et de leur étroite parenté avec les Tétraodontiformes, connus grâce aux fossiles du Crétacé, leur origine est probablement survenue au Crétacé[16],[17].

Une étude phylogénétique du génome mitochondrial de 2010 suggère que les baudroies se sont diversifiées sur une courte période, du Crétacé inférieur au Crétacé moyen, il y a entre 130 et 100 millions d'années[13]. Une prépublication plus récente ramène cette période au Crétacé supérieur, il y a entre 92 et 61 millions d'années[17]. D'autres études indiquent que la baudroie n'est apparue que peu après l'extinction Crétacé-Paléogène, dans le cadre d'une radiation adaptative massive des percomorpha, bien que cela soit en contradiction avec la grande diversité déjà connue du groupe à l'Éocène[17],[18]. Une étude de 2024 a révélé que tous les sous-ordres de baudroies ont très probablement divergé les uns des autres au Crétacé supérieur et au Paléocène, mais les multiples familles de baudroies des grands fonds (Ceratioidei), ainsi que leur parasitisme sexuel caractéristique, sont apparus à l'Éocène, lors d'une radiation rapide suivant le maximum thermique du passage Paléocène-Éocène[19].

La baudroie apparaît dans les fossiles comme suit[20],[21],[22],[23] :

QuaternaireNéogènePaléogèneHolocènePléistocènePliocèneMiocèneOligocèneÉocènePaléocèneAcentrophryneLinophryneLeptacanthichthysChaenophryneBorophryneOneirodesChaunaxDibranchusOgcocephalusAntennariusBrachionichthysLophius


Références taxinomiques

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Vidéographie

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Notes et références

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  1. a et b (en) « Order Summary for Lophiiformes », sur FishBase.
  2. a b et c (en) « Reproduction in the deep sea », sur University of Miami, (consulté le ).
  3. (en) « Precocious sexual parasitism in the deep sea ceratioid anglerfish », sur Nature, (consulté le ).
  4. (en) « True facts about anglerfish », sur The Guardian, (consulté le ).
  5. (en) « Anglerfish », sur National Geographic (consulté le ).
  6. Pierre Kerner (ill. Alain Prunier, Adrien Demilly), Moi, parasite, Paris, Belin, , 186 p. (ISBN 978-2-410-00775-6), chap. 5 (« Le kamasutra parasitaire »), p. 114
  7. Science (2018) Exclusive: ‘I’ve never seen anything like it’ Video of mating deep-sea anglerfish stuns biologist par Katie LanginMar. 22, 2018
  8. World Register of Marine Species, consulté le 2 mai 2016.
  9. Nelson, J.S., Grande, T.C. et Wilson, M.V.H., Fishes of the World, Hoboken, NJ, John Wiley & Sons, , 5th éd., 508–518 p. (ISBN 978-1-118-34233-6, OCLC 951899884, LCCN 2015037522, DOI 10.1002/9781119174844)
  10. Richard van der Laan, William N. Eschmeyer et Ronald Fricke, « Family-group names of recent fishes », Zootaxa, vol. 3882, no 2,‎ , p. 1–230 (PMID 25543675, DOI 10.11646/zootaxa.3882.1.1 Accès libre, lire en ligne)
  11. Theodore W. Pietsch, « Dimorphism, parasitism, and sex revisited: modes of reproduction among deep-sea ceratioid anglerfishes (Teleostei: Lophiiformes) », Ichthyological Research, vol. 52, no 3,‎ , p. 207–236 (ISSN 1341-8998, DOI 10.1007/s10228-005-0286-2, Bibcode 2005IchtR..52..207P, lire en ligne, consulté le )
  12. Rachel J. Arnold, Evolutionary Relationships of the Enigmatic Anglerfishes (Teleostei: Lophiiformes): Can Nuclear DNA Provide Resolution for Conflicting Morphological and Mitochondrial Phylogenies? (thèse), University of Washington,
  13. a et b M. Miya, T. Pietsch, J. Orr, R. Arnold, T. Satoh, A. Shedlock, H. Ho, M. Shimazaki et M. Yabe, « Evolutionary history of anglerfishes (Teleostei: Lophiiformes): a mitogenomic perspective », BMC Evolutionary Biology, vol. 10, no 1,‎ , p. 58 (PMID 20178642, PMCID 2836326, DOI 10.1186/1471-2148-10-58 Accès libre, Bibcode 2010BMCEE..10...58M)
  14. Thomas J. Near et Christine E. Thacker, « Phylogenetic Classification of Living and Fossil Ray-Finned Fishes (Actinopterygii) », Bulletin of the Peabody Museum of Natural History, vol. 65, no 1,‎ , p. 3–302 (DOI 10.3374/014.065.0101 Accès libre, Bibcode 2024BPMNH..65..101N)
  15. Theodore W. Pietsch et Giorgio Carnevale, « A New Genus and Species of Anglerfish (Teleostei: Lophiiformes: Lophiidae) from the Eocene of Monte Bolca, Italy », Copeia, vol. 2011, no 1,‎ , p. 64–71 (ISSN 0045-8511, DOI 10.1643/CI-10-080, lire en ligne)
  16. (en) Bruno Chanet, Claude Guintard, Eric Betti, Cyril Gallut, Agnes Dettai et Guillaume Lecointre, « Evidence for a close phylogenetic relationship between the teleost orders Tetraodontiformes and Lophiiformes based on an analysis of soft anatomy/Des donnees d'anatomie molle corroborent l'etroite parente entre Tetraodontiformes et Lophiiformes », Cybium, vol. 37, no 3,‎ , p. 179–199 (lire en ligne)
  17. a b et c (en) Elizabeth Christina Miller, Rose Faucher, Pamela B. Hart, Melissa Rincon-Sandoval, Aintzane Santaquiteria, William T. White, Carole C. Baldwin, Masaki Miya et Ricardo Betancur-R, Phylogenomics reveals the deep ocean as an accelerator for evolutionary diversification in anglerfishes, (DOI 10.1101/2023.10.26.564281, lire en ligne)
  18. (en) Michael E. Alfaro, Brant C. Faircloth, Richard C. Harrington, Laurie Sorenson, Matt Friedman, Christine E. Thacker, Carl H. Oliveros, David Černý et Thomas J. Near, « Explosive diversification of marine fishes at the Cretaceous–Palaeogene boundary », Nature Ecology & Evolution, vol. 2, no 4,‎ , p. 688–696 (ISSN 2397-334X, PMID 29531346, DOI 10.1038/s41559-018-0494-6, Bibcode 2018NatEE...2..688A, lire en ligne)
  19. Chase D. Brownstein, Katerina L. Zapfe, Spencer Lott, Richard Harrington, Ava Ghezelayagh, Alex Dornburg et Thomas J. Near, « Synergistic innovations enabled the radiation of anglerfishes in the deep open ocean », Current Biology, vol. 34, no 11,‎ , p. 2541–2550.e4 (ISSN 0960-9822, PMID 38788708, DOI 10.1016/j.cub.2024.04.066 Accès libre, Bibcode 2024CBio...34.2541B)
  20. Jack Sepkoski, « A compendium of fossil marine animal genera », Bulletins of American Paleontology, vol. 364,‎ , p. 560 (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  21. Giorgio Carnevale, Theodore W. Pietsch, Gary T. Takeuchi et Richard W. Huddleston, « Fossil Ceratioid Anglerfishes (Teleostei: Lophiformes) from the Miocene of the Los Angeles Basin, California », Journal of Paleontology, vol. 82, no 5,‎ , p. 996–1008 (DOI 10.1666/07-113.1, Bibcode 2008JPal...82..996C, S2CID 129926776, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  22. (en) Giorgio Carnevale et Theordore W. Pietsch, « The deep-sea anglerfish genus Acentrophryne (Teleostei, Ceratioidei, Linophrynidae) in the Miocene of California », Journal of Vertebrate Paleontology, SVP et Taylor & Francis, vol. 29, no 2,‎ , p. 372-378 (ISSN 0272-4634 et 1937-2809, OCLC 238100068, DOI 10.1671/039.029.0232, lire en ligne).Voir et modifier les données sur Wikidata
  23. Mikhail V. Nazarkin et Theodore W. Pietsch, « A fossil dreamer of the genus Oneirodes (Lophiiformes: Ceratioidei) from the Miocene of Sakhalin Island, Russia », Geological Magazine, vol. 157, no 8,‎ , p. 1378–1382 (DOI 10.1017/S0016756820000588, Bibcode 2020GeoM..157.1378N, S2CID 225386060, lire en ligne, consulté le )