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Insurrection décabriste

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Révolte des décembristes, tableau peint par le peintre russe Vasili Timm (1820-1895).

L'insurrection décembriste ou insurrection décabriste — de dékabr, décembre en russe — est une tentative de coup d'État militaire qui s'est déroulée à Saint-Pétersbourg le afin d'obtenir du futur empereur Nicolas Ier une constitution. L'insurrection fut durement réprimée par le nouvel empereur.

Origine

La révolte des décabristes en décembre 1825.

La campagne de Russie en 1812 se conclut en 1814 puis en 1815 par la défaite de Napoléon Ier et la fin du Premier Empire. Parmi les vainqueurs, l'empereur Alexandre Ier, inspirateur de la Sainte-Alliance, avait poussé ses troupes jusque dans Paris. Monarque aux idées modernes, c'est lui qui avait imposé une constitution à Louis XVIII comme condition à sa montée sur le trône restauré de France.

Rentrés au pays, les jeunes officiers, tous issus de l'aristocratie, se mirent à rêver de réformes du régime tsariste inspirées des institutions nées en Occident. Leur attente fut déçue par les tergiversations d'Alexandre. En Russie comme en Ukraine naquit un mouvement réformateur organisé en sociétés secrètes inspirées du carbonarisme italien. C'est de cette mouvance que partit une insurrection plus ou moins improvisée lors de l'interrègne indécis qui succéda à la disparition subite et mystérieuse du monarque le à Taganrog. Selon d'autres sources, la plupart des conspirateurs sont francs-maçons, la maçonnerie est alors mise hors-la-loi et persécutée après la répression de l'insurrection[1]. Le prince Alexandre Nikolaïevitch Golitsyne ordonna une enquête sur une éventuelle participation des francs-maçons lors du soulèvement. Au sein de ces sociétés ou loges s'affinaient les idées réformatrices et s'élaborait un texte constitutionnel.

Le 14 décembre 1825

Tandis que l'héritier légitime, le grand-duc Constantin[2], avait depuis longtemps refusé la couronne (refus officiel, mais cependant tenu secret) et que le futur Nicolas Ier hésitait encore à succéder à son frère, le , à l'occasion de la prestation de serment du sénat et des régiments de la garde au nouveau tsar, le prince Serge Troubetzkoï réunit à 11 heures du matin trois régiments de mutins soit trois mille hommes sur la place du Sénat de Saint-Pétersbourg où encore plus de civils s'étaient rendus et tenta de soulever la garnison pour imposer par ce coup d'État un train de réformes abolissant le servage dont souffraient les moujiks, et une constitution garantissant la liberté d'opinion et d'expression.

Cependant, malgré les apparences, l'insurrection était mal engagée car A. I. Iakoubovitch, qui était chargé de la prise du palais d'hiver et de l'arrestation de la famille impériale, refusa sa mission et Serge Troubetzkoï ne se rendit pas au sénat car il avait anticipé l'échec de l'entreprise. De plus, les soldats ne connaissaient pas le fin mot de leur participation et n'étaient là que par obéissance à leurs officiers. Ceux-ci les avaient abusés en leur faisant croire que la renonciation au trône de Constantin était apocryphe et que c'était à lui qu'ils devaient prêter serment, donc ils n'eurent aucun mal à crier « Vive Constantin » ni à crier « Vive la constitution » car, le mot constitution ne faisant pas partie de leur culture, ils crurent que c'était le prénom de l'épouse de Constantin[3].

Ainsi les troupes restèrent toute la journée sur la place, en carré, face à l'amirauté, tournant le dos au sénat. Ils repoussèrent avec le peuple attroupé une attaque de la cavalerie qui était restée fidèle au tsar. Le gouverneur de la capitale, Michel Miloradovitch, venu parlementer, fut malencontreusement tué et le grand-duc Nicolas se décida à donner, dans la soirée, l'ordre de tirer au canon. Ce fut une débandade sanglante : on dénombra 70 morts.

Les martyrs de la répression

Le nouveau règne s'inscrivit dans le conservatisme le plus absolu et réprima avec un soin maniaque toute trace de l'insurrection. Nicolas Ier chargea Mikhaïl Mikhaïlovitch Speranski de superviser le règlement judiciaire de l'affaire car le soupçonnant de sympathie envers les décembristes, il pensa ainsi qu'il pourrait en apprendre davantage et que les sanctions seraient mieux acceptées ce qui démontrerait leur culpabilité. Les tribunaux voulant prouver leur dévouement au nouveau tsar, environ 3 000 personnes civiles et militaires furent arrêtées, des centaines d'interrogatoires vigoureux furent menés et débouchèrent sur cinq exécutions par pendaison, tandis que 121 décabristes furent condamnés aux travaux forcés, à l'exil, au bagne, à la déportation à vie pour certains en Sibérie et les soldats ayant participé à l'insurrection furent mutés dans des unités disciplinaires.

Les princes Volkonski et Sergueï Troubetzkoï firent partie des exilés. Quand la foule vit les princesses Maria Volkonskaïa et Ekaterina Troubetskaïa, une Française née Loubrevie de Laval, leurs épouses renoncer à leurs biens pour suivre les condamnés au bagne, elle fut durablement émue par leur sort et secrètement gagnée à des idées révolutionnaires.[réf. nécessaire] Neuf autres épouses prirent elles aussi le long chemin de la Sibérie pour rester avec leur mari, parmi celle-ci Prascovia Egorovna Annenkova, une Française née Pauline Gueble épouse de Ivan Alexandrovitch Annenkov et leur fille Olga Ivanovna qu'elle emmena, Camille Ivachova, une Française née Le Dantu épouse de Vassili Ivachiev, Alexandra Grigorievna épouse de Nikita Mouraviov[4], Natalia Dimitrievna Fonvizina épouse de Mikhaïl Fonvizine, Elizaveta Petrovna épouse de Mikhaïl Narychkine. Vu la jeunesse des conjurés, très peu étaient mariés. Ce n'est qu'en 1856 que quelques survivants furent autorisés à rentrer chez eux.

Alexandre Herzen rapporte dans Passé et méditation l'impact considérable des condamnations sur son jeune esprit. Dans son autobiographie, il rapporte que le public ne semblait pas considérer que la peine de mort s'appliquerait : « Tout le monde s'attendait à ce qu'on atténue la sentence des condamnés : le Couronnement était tout proche. Mon père lui-même, nonobstant sa prudence et son scepticisme, assurait que l'exécution n'aurait pas lieu, que tout cela n'était conçu que pour frappper les esprits. Mais comme tout le monde, il connaissait mal le jeune monarque. Nicolas quitta Pétersbourg et, sans entrer dans Moscou, s'arrêta au palais Petrovsky. Les Moscovites n'en purent croire leurs yeux quand ils lurent, dans Les Nouvelles de Moscou, l'atroce compte rendu du 14 juillet[5]. » Herzen précise encore : « Nicolas introduisit la peine de mort dans notre procédure criminelle, illégalement d'abord, après quoi il la fit entrer dans son Code[6] ».

L'idée de venger un jour les décembristes fit son chemin depuis 1830. Elle anima entre autres l'anarchiste Bakounine. Elle inspira diverses tentatives au XIXe siècle et ne disparut qu'après la révolution russe de 1917.

Postérité littéraire

  • Alexandre Dumas, Le Maître d'armes, (roman) aux éditions Maisonneuve & Larose, 2002
  • Henri Troyat raconte l'histoire fictive et romancée d'un jeune décabriste et son épouse dans la pentalogie La Lumière des Justes.

Notes et références

  1. Encyclopédie de la franc-maçonnerie, Le livre de poche, article « Russie, XIXe siècle », p. 774
  2. Constantin, deuxième fils de Paul Ier
  3. Selon Jules Michelet, Légendes démocratiques du Nord, pages 163 et 164, mais l'anecdote est contestée.
  4. Site de généalogie
  5. Alexandre Herzen, Passé et méditation tome 1, p. 87
  6. Alexandre Herzen, Passé et méditation tome 1, p. 88.

Sources

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexe

Liens externes