Juiverie de Draguignan

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La Juiverie de Draguignan fut selon les époques et les auteurs une rue, un quartier ou un ghetto habité au Moyen Âge par une communauté juive. Le premier écrit mentionnant un juif dans la ville daterait de 1297. La communauté juive de Draguignan aurait pu atteindre jusqu'à 225[1] habitants tandis que celle de Marseille n'aurait pas dépassé 300 habitants à la même époque[2],[3].

Rue de la Juiverie numéros 16/18

Localisation et constitution[modifier | modifier le code]

  • Rue de la Juiverie : jusqu'à 50 maisons entre la porte d'Orange et la rue du Portalet de Portaiguières.
  • Traverse Juiverie : créée au début du XVIIe siècle pour réaliser une communication avec la rue Longue (Grande rue).
  • Courroua Trouca (le corridor troué) : un passage ou poterne percée en 1430 permettant de sortir en pleine campagne en direction du cimetière juif situé au quartier Blancon.
  • L'abattoir et la boucherie (1374).
  • Le puits (1380)[4].
  • Le four[5] et la boulangerie(1412).
  • La synagogue : ne serait pas située aux numéros 12/14 et 16/18 de la rue de la Juiverie comme la tradition le veut[6]. Il s'agirait plutôt de maisons romanes[7]. Elles comportaient des fresques et illustrations, interdites selon le culte israélite[8].

Autres lieux excentrés[modifier | modifier le code]

  • Le cimetière juif situé sur un terrain en face de la Pierre de la Fée au quartier dit « Blancon[9],[10]. »
  • La potence Las forcas dels Jusieus sur le versant nord-ouest du « col de l'Ange »[11].
  • La "Domus judeorum", bureau habritant un syndic et des conseillers dans une maison située aux "Aires saint-François" (Allées Azémar).
  • Autres lieux hébergeant des juifs jusqu'en 1374 : rue Saint-François (rue G. Cisson) et rue Droite (rue de Trans).

Quelques portraits[modifier | modifier le code]

Portraits de juifs retrouvés dans les textes du Moyen Âge :

  • Selon Ernest Renan, Isaac Ben Abraham ha-Gorni, écrivain itinérant de la seconde moitié du XIIIe siècle[12],[13], aurait écrit ce quatrain dans l'Histoire du peuple d'Israël :

"Malheur sur le jour où je suis
Habiter ce repaire de Dragons,
Malheur sur le jour où j'ai voulu
M'installer dans cette communauté."
Ce poète-écrivain aurait gardé un mauvais souvenir de la communauté juive de Draguignan, comme de celle d’Aix-en-Provence, mais aurait chanté les louanges de celles d'Apt et de Manosque[2].

autre poème d'Isaac Gorni sur la Juiverie de Draguignan traduit en anglais

Selon Jefim Schirmann, sa mauvaise réputation proviendrait d'un attrait trop prononcé pour les jeunes filles des communautés dans lesquelles il fut accueilli[14]. Autre poème destiné aux Juifs de Draguignan :
"Ils me cherchent dans leur chambres,
Ils croient que je fais le guet dans les coins
Ou que je me joins nuitamment aux débauches ;
Selon eux, je suis les désirs de mon cœur.
Ils disent que tel un adultère, j'observerais le soir,
Et que je garde en ma mémoire la faveur de leur colombe.
Alors je m'enfuirais aussi loin que possible
Si,(ne serait-ce qu')en rêve, je rencontrais leur belle!


  • Salomon Bendes "Physicus". Médecin ayant traité, semble-t-il avec succès, une épidémie (la maladie traitée n'est pas connue). La ville de Draguignan lui paya 20 à 25 florins d'or d'honoraires et on lui accorda des franchises[15].
  • Boniface de Trans. Médecin juif ayant fait le choix de se convertir, il put ainsi rester à Draguignan après 1501. Il dut payer pour cette conversion une taxe de 150 florins. Il fut 3 fois premier consul de la ville, en 1517, 1538 et 1548. Mort en 1549, il aurait fait le choix, par testament, de se faire inhumer à l'église de l'Observance. De nombreuses donations allèrent aux pauvres, à l'Hôpital Saint-Jacques et aux moines du couvent pour célébrer des messes.
  • Régine Abram, fille de Massip Abram en 1469, reçut pour son premier mariage, une dot de 2000 florins et un manuscrit biblique de 40 florins. Elle se convertit et dut changer son nom en Catherine Sicolle. Elle se remaria à l'écuyer Gillet Gillibert d'Aix-en-Provence[16].

Repères historiques[modifier | modifier le code]

  • 1297 : premier acte connu mentionnant un juif à Draguignan.
  • 1313 : interdiction de l'évêché de Fréjus de se « mélanger » aux chrétiens, restrictions dans l'exercice de certaines professions (médecine, fonction publique...).
  • 1348 : peste noire en Provence et accusations calomnieuses envers les juifs qui auraient été responsables de la propagation de l'épidémie.
  • 1363 : décret municipal sur le port de la rouelle (amende de 5 sous pour défaut);
  • 1374 : édit de "réintégration" des juifs dans la Juiverie.
  • 1383 : première mention de "las forcas dels Jusieus", potence réservée aux juifs.
  • 1412 : interdiction d'utiliser un autre passage pour sortir que "leur" porte.
  • 1489 - 1501 : expulsions à la suite de l'édit d'expulsion de Charles VIII.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Petite Histoire de Draguignan E.Poupé,F.Mireur, 1911, page 53
  2. a et b Gayrard 1997, p. 88
  3. Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques Tome1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 132.
  4. Délibération comm. du 8 août 1380. Arch. Com. BB 4, f°226v°. in "Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques" Tome 1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 134
  5. Délibération comm. du 10 juin 1412. Arch. comm.BB. 6, f° 45 v°. in "Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques" Tome 1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 134
  6. Draguignan - Maisons médiévales, quartier de la Juiverie
  7. J.- M.D., « Nouvelle jeunesse pour la vieille synagogue » Accès payant, sur Var-Matin (consulté le ).
  8. Selon F.Fray, historien, conservateur du patrimoine in Gayrard 1997, p. 91
  9. Acte du 23 août. Primum sumptum de Guillaume Dauphin, f°168 v° (Étude de Ruelle à Aix-en Provence) in Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques Tome 1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 135
  10. Cadastre de 1581 Arch. comm. CC.13, f° 148v° in "Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques" Tome 1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 135
  11. Relevé de reconnaissance en 1527. Cah. f°12 Arch, départ. du Var. série H. Dominicains in "Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques" Tome 1, Frédéric Mireur, ed. Le Livre d'histoire (ISBN 2-84373-658-7) page 136
  12. Jefim Schirmann (1949), "Isaac Gorni, poète hébreu de Provence," Lettres Romanes,
  13. (en)« Isaac ben Abraham ha-Gorni », sur Jewish Encyclopedia
  14. Thématique et inspiration d'un poète hébreu de Provence de la fin du XIIIe siècle : le cas d'Isaac Gorni, Arie SCHIPPERS, page 277
  15. Gayrard 1997, p. 92
  16. Selon l'historien L.Honoré in Gayrard 1997, p. 92

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Pierre-Jean Gayrard, Draguignan, le Temps Retrouvé, Barbentane, Édition Equinoxe, , 284 p. (ISBN 2-84135-069-X)
  • Frédéric Mireur, Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques, Tome 1, Paris, Édition Le Livre d'histoire, , 352 p. (ISBN 2-84373-658-7)
  • Edmond Poupé, Histoire de Draguignan (avec Fréféric Mireur), Edition de Draguignan,
  • Louis Honoré, Les Juifs à Draguignan, Bull.Soc.études scient. archéol.Draguignan t. XLLIII-2,
  • Danièle Iancu et Carol Iancu, Les Juifs du Midi, une histoire millénaire, E.Barthélemy éditions, Avignon,
  • Draguignan, 2000 ans d'histoire  ; Raymond Boyer, Pierre-Jean Gayrard, Yann Coudou et Charles Clairici, éditions De Boccard ; 2002.

Liens externes[modifier | modifier le code]