Histoire de Laval au XVIIIe siècle

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'histoire de Laval au XVIIIe siècle

Infrastructures[modifier | modifier le code]

L'état des routes, auxiliaire de l'activité commerciale était de plus en plus mauvais en raison de l'effort de guerre et des budgets restreints : les travaux commencés était abandonnés. Leclerc du Flécheray indique dans son mémoire: Car si aucun pays de France a besoin de cette réformation , c'est celui de Laval qui est tout en haut et bas avec des fondrières inaccessibles dans l'hiver et le mauvais temps.

Au début du XVIIIe siècle, le maire René Hardy de Lévaré fait réparer les rues de la ville et fait refaire à neuf le pavé aux entrées et aux sorties de Laval. La marquise de Sévigné[1] insiste sur le mauvais état de la route passant par Laval. Elle devait passer par Laval pour se rendre du Château des Rochers-Sévigné à Paris; mais elle aime mieux aller coucher de château en château ; tantôt à Malicorne, chez le marquis de Lavardin, tantôt chez madame de Loresse, parente de madame de Grignan, et cela surtout pour éviter le pavé de Laval dit-elle dans plusieurs de ses lettres[2].

Calamités et épidémies[modifier | modifier le code]

Une tempête le 2 février 1701 touche Laval, et plus particulièrement l'église de la Sainte-Trinité de Laval où est donnée la messe. La grande tempête de 1705 décoiffe une centaine de maisons et abat dans la forêt de Concise tant de chênes et de fouteaux...qu'il semblait qu'on eut pris plaisir à les entasser les uns sur les autres...

En 1707, la dysenterie fait beaucoup de ravages[3].

Les années 1708-1710 sont terribles, en particulier la Grande famine de 1709. Elles sont marquées par le Grand hiver de 1709. Le froid commence dès le mois d'[4]. La disette, arrive à Laval[5]. La maladie cessa au bout de deux mois (juillet et )[6].

Des pluies torrentielles marquent l'hiver de 1711[7].

Fêtes et évènements[modifier | modifier le code]

Deux affaires laissèrent à Laval de longs souvenirs. La première concerne la mort d'une femme dans les Halles de Laval[14]. La deuxième concerne René Dubel de la Renaudie, procureur à l'élection de Laval[15].

L'imprimerie[modifier | modifier le code]

Laval est, par un arrêt de 1704, rayé du nombre des villes qui peuvent avoir des imprimeurs et des libraires. Cependant, l'imprimeur Louis François Ambroise obtient par exception, en 1718, des lettres du conseil qui lui permirent de continuer à y exercer sa profession. Ce dernier semble avoir été proche du jansénisme.

En 1729, un arrêt de la Cour du Parlement de Paris faisait défense à toutes personnes de faire imprimer aucun arrest, et à tous imprimeurs autres que ceux établis dans les villes sièges de parlements, d'en imprimer sans permission expresse. C'était une première menace ; elle resta suspendue pendant dix ans, mais alors l'exécution fut décidée aux termes d'une ordonnance royale en date du . Les réductions furent considérables partout ; sur deux imprimeries, Laval en perdit une, et celle de Château-Gontier fut supprimée.

Le rôle du maire[modifier | modifier le code]

Gilles-Michel Le Long, succède comme juge civil et maire de Laval à Hardy de Lévaré en 1722. Sa législature est marquée par une forte opposition des habitants. Des querelles et des procès seront effectués.

Ces épisodes prennent fin en 1730 après un arrangement entre les habitants, dont un des représentants est René Pichot de la Graverie, et leur seigneur, le duc de Trémoille[16], dont la venue sera l'objet de festivités, mais aussi du règlement des querelles et procès.

Les habitants de Laval, en demandant un maire élu par eux, n'avait fait qu'anticiper. Le Roi ayant, par un édit du mois de décembre 1733, créé des offices de maire et des officiers municipaux dans toutes les villes du royaume, Charles Armand René de La Trémoille négligea d'acheter l'office de la ville de Laval.

Un arrêt du conseil du réunit les offices aux communautés des villes, c'est-à-dire qui remet aux habitants l'élection du magistrat chargé de leurs intérêts. L'élection du maire cause dans la ville de grands mouvements[17], pour empêcher le premier juge du siège ordinaire d'être nommé : il s'agissait de René Pichot de la Graverie[18], dont la duchesse de la Témoille[19] avait fait connaître combien elle désirait qu'il soit élu.

L'assemblée du choisit Ambroise-Jean Hardy de Lévaré pour maire électif, et écarte La Graverie. Ces fonctions étant triennales. Une autre assemblée du les continua à M. Hardy de Levaré pour trois nouvelles années.

Cherté des grains[modifier | modifier le code]

La cherté des grains, à la suite de l'été pluvieux de 1725 en France occasionne beaucoup de souffrances pendant les années 1725 et 1726. La charité des habitants et les mesures[20] qui sont prises pour assurer l'approvisionnement de la ville n'empêchent pas les pauvres de manquer de pain et d'être réduit à se nourrir de légumes.

La saison s’avance, mais des pluies continuelles font différer la moisson et donnent les plus grandes inquiétudes. On a recours à la prière[21]. La récolte peut être effectuée, elle est meilleure que celle de l'année précédente, mais on accueille néanmoins 30 000 boisseaux de blé expédiés par l'intendant au nom de la compagnie des Indes et environ 60 000 autres qui sont amenés de divers côtés et contribuent à maintenir le prix des grains à un taux modéré.

A nouveau en 1738, la récolte est mauvaise, le grain est cher, les pauvres souffrent. Des assemblées de la maison de ville ouvrent des souscriptions, nomment des commissaires pour s'informer des besoins et répartir les secours, envoient des députés en Bretagne pour y acheter du blé[22] On songe à demander l'aide de la duchesse de la Trémoille. Un mémoire lui est adressé[23] qui obtient une subvention du roi[24]. Au commencement de 1739, on se rend compte que l'on était loin d'avoir acheté assez de blé étranger et qu'il serait utile d'en faire venir encore[25]. Quelques symptômes de maladie se manifestent[26]. La liquidation de toute l'opération est faite à la fin de juillet[27]. L'hiver de 1740 étant encore rigoureux, Louis XV alloue à la ville 40 000 livres[28].

En 1752, on a recours pour remédier à la disette, aux mêmes moyens qu'en 1738.

Jeux et vins[modifier | modifier le code]

La jeunesse lavalloise se livre alors au jeu et à l'abus du vin. Un procès célèbre date de cette époque, c'est celui de René François Begeon de Villeminseul.

Travaux et embellissements[modifier | modifier le code]

Chemins royaux[modifier | modifier le code]

Louis XV ordonna l'ouverture des grands chemins royaux[29]. La première route royale entreprise est celle de Paris à Rennes par Mayenne et Laval. Commencée en 1733, elle est achevée en 1745.

Il est sollicité ensuite la construction d'un grand chemin reliant la ville à Cossé-le-Vivien et à Craon, avec lesquels les commerçants de Laval étaient en relations hebdomadaires. Le projet est lancé en 1749 et la route est ouverte à la circulation environ cinq ans après[30]. La route, prolongée jusqu'à Nantes, devait faciliter le transport et l'exportation des toiles. Les chemins royaux s'ouvrent dans toutes les directions, celui de Tours en 1754; celui du Mans en 1766; celui d'Angers en 1774.

Constructions[modifier | modifier le code]

Par les ordres du seigneur de Laval et à ses frais, on construisait au bord de la rivière[31] et non loin de l'hôpital général, une halle pour la vente du poisson[32]. On bâtit aussi un minage ou halle pour l'emmagasinement des grains en 1734.

La première pierre d'un bâtiment destiné à recevoir les vieillards était posée à l'Hôpital Saint-Louis en 1736.

Le grenier à sel est transporté du Val-de-Mayenne à la place du Gast. Michel du Mans de Chalais y fait construire son hôtel particulier en bas de la place en 1746. Un palais pour les justices royales s'élève en 1749.

Les églises s'embellissent. On y emploie à profusion les marbres de la région dont le marbre de Saint-Berthevin, et les retables.

Éducation et culture[modifier | modifier le code]

Le roi, par une déclaration de 1724, ordonne d'établir dans chaque paroisse des écoles de charité[33]. Le règlement est approuvé par l'évêque et l'école de la paroisse de la Trinité s'ouvre en 1738.

La Société du Jardin Berset est créée en 1763.

Fontaines[modifier | modifier le code]

Daniel Gautier de la Villaudray pendant sa magistrature fait construire sur la place du château une fontaine en marbre à la place de celle qui y avait été créée au commencement du XVIe siècle[34]

Il fait aussi établie d'autres fontaines en divers endroits[35].

Transformation[modifier | modifier le code]

À la même période, les plus riches habitants, enrichis par le renouveau de l'industrie du lin se piquent d'émulation et se bâtissent, dans les différents quartiers, des maisons plus belles, plus vastes et plus commodes que celles qu'ils avaient habitées jusque-là.

Laval commence à s'adapter aux besoins du XVIIIe siècle et aux besoins nouveaux. Cette transformation continue jusqu'au XIXe siècle. La magistrature d'Ambroise-Jean Hardy de Lévaré se situe dans la continuité sur ces travaux : Depuis un demi-siècle, Laval s'est beaucoup augmenté[36]. Mais les rues intérieures de la ville, étroites et tortueuses, demandent à être élargies et alignées. Quelques-unes des portes fortifiées entravent une circulation plus active et plus libre que celle du temps pour lequel elles avaient été élevées[37]. On élève et on élargit autant que possible plusieurs portes de ville[38].

Pont et canaux[modifier | modifier le code]

L'établissement d'un deuxième pont à la Chiffolière pour le passage direct de la route de Bretagne est en discussion. Le maire et la maison de ville sollicitqnt l'exécution de ce projet et se montrent même disposés à y contribuer. Le principe est acquis en 1756. Le pont neuf ne sera construit qu'au début du XIXe siècle.

Le projet de Canal pour rejoindre Rennes depuis Laval est étudié à la fin du XVIIIe siècle, mais n'aboutira jamais malgré plusieurs tentatives jusqu'au début du XXe siècle.

Impositions[modifier | modifier le code]

L'impôt de la taille[39] était réparti et perçu d'une manière qui depuis longtemps suscitait de nombreuses plaintes. À cause de la taille, il y avait mésintelligence entre les familles, guerre entre les paroisses[40]. Il en était de même en beaucoup d'autres lieux et déjà un certain nombre de villes avaient cherché à remédier à ce mal par l'adoption d'un tarif[41] Au reste, le tarif n'était pas partout compris de la même manière ; celui que voulaient établir les Lavallois était identique à celui que la ville de Beauvais avait admis la première.

Le projet mis en avant dès 1739, a été l'objet de nombreuses discussions et de plusieurs délibérations de l'Hôtel-de-Ville[42] Le maire le ressuscite et veut arriver à le mettre à exécution. Tâche difficile car si le tarif avait des partisans, il rencontrait aussi des adversaires[43]. Les esprits s'échauffèrent sur le pour et le contre, et non content de discuter et de se disputer à l'occasion, on prit la plume et l'on fit courir de petits pamphlets manuscrits[44]. Ambroise-Jean Hardy de Lévaré cherche à améliorer le projet et se rend lui-même à Paris, où il obtient l'assentiment de la duchesse de la Trémoille, à condition que le tarif serve aussi à payer la capitation[45]. Le Conseil d'Etat est saisi de l'affaire; il ne veut pas porter atteinte aux privilèges des exempts et les maintint exceptés du tarif. Du reste, il considère aussi le changement du mode d'imposition comme avantageux aux habitants et propre à favoriser le développement de la ville; il sanctionne le projet le . Ce premier règlement reconnu imparfait est révisé par un arrêt du Conseil du .

Améliorations[modifier | modifier le code]

Les produits du tarif, affermé pour six ans[46] permettent à la maison de ville d'acheter un hôtel pour servir de siège à l'administration[47]; de réparer les tuyaux de plusieurs fontaines[48]; d'achever la place Hardy-de-Lévaré[49].

Vers 1769, on abat pour améliorer la circulation la porte de la Chiflolière[50], puis la porte de l'entrée de la rue de Rivière. Une porte située au Carrefour-aux-Toiles, à l'entrée de la rue Neuve, avait été jetée par terre lors de l'ouverture du chemin de Rennes. La porte Rennaise qui en était voisine, devait aussi disparaître et les travaux en étaient adjugés en 1783. Le pavage de la plupart des rues est réparé[51].

Loge maçonnique[modifier | modifier le code]

La Loge Les Amis unis de Laval s'établit à Laval au mois de avec des statuts imprimés. Ces statuts comportent un chapitre y est consacré au « travail de la table » ; on leur recommande d'y porter le toast de Roi, de la Reine, de la famille royale, et « de la Reine de Naples, protectrice des maçons persécutés ». Plusieurs associés du jardin Berset figurent parmi les fondateurs et les signataires des statuts.

Hiver 1788-89[modifier | modifier le code]

L'hiver de 1788-89 est très rigoureux. Le , M. Martin de Ligonnière expose à la société du Jardin Berset, formée en assemblée extraordinaire, la misère excessive à laquelle les pauvres étoient réduits par la rigueur du froid et le défaut de travail ; il dit que la Société de la place du Palais vient de voter une contribution aux aumônes publiques. Il demande à l'assemblée :

  • 1° Si elle veut y contribuer en corps ;
  • 2° Quelle serait en ce cas la quote-part de chaque associé ;
  • 3° En quelles mains serait remise cette contribution.

La Société décide immédiatement que la contribution sera de six livres par associé, que la somme sera remise aux commissaires des paroisses chargés de faire aux pauvres la distribution des aumônes recueillies, qu'elle sera répartie dans la proportion des trois cinquièmes pour la Trinité et des deux cinquièmes pour Saint-Vénérand. Ce fut l'aumône de la société qui venait s'ajouter à celle que chaque associé avait le devoir de faire en son particulier.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Descendante de la famille de Mathefelon; c'est Guillaume de Mathefelon qui a fait entrer dans sa famille la terre des Rochers.
  2. Lettres du 9 et du 13 décembre 1671.
  3. Il y a une assemblée générale de l'Hôtel-de-Ville dans laquelle on discute si l'on place les malades dans un local séparé. Quelqu'un proposa de les réunir à l'ancien hôpital Saint-Julien dont les bâtiments étaient vides depuis l'achèvement du nouveau. Mais cette motion fut repoussée avec énergie par les habitants du Pont de-Mayenne. Ils prétendent qu'ils ne pourraient plus venir en ville sans respirer un air vicié. Les voisins menacèrent de déloger. Il fut en conséquence résolu que les malades demeureraient à domicile et que les pauvres y recevraient des secours. Défense fut faite à tous de mettre hors de chez eux les personnes atteintes du mal régnant, qu'elles fussent à gages ou non.
  4. Il tombe le 27 de ce mois une grande quantité de neige: les arbres n'étant pas encore dépouillés de leurs feuilles, n'en peuvnt soutenir le poids; leurs branches furent brisées en certains endroits, comme si une forte tempeste y avoit passé. Les rigueurs de janvier furent telles que beaucoup de vignes gelèrent, des chênes s'entr'ouvrirent, beaucoup de noyers séchèrent. Les tisserands ne pouvaient travailler dans leurs caves si froides. Plusieurs personnes moururent gelées. La Mayenne était couverte d'une glace épaisse sur laquelle on allait sans danger depuis Laval jusqu'à Boz. Un prêtre, célébrant les Saints Mystères, vit l'eau qu'il versait dans le calice se congeler contre la paroi sans descendre jusqu'au fond. Mais ce qui fut plus déplorable encore, c'est que les grains semés à l'automne ne purent accomplir leur germination. On essaya de les remplacer par les menus grains que l'on mit en terre au printemps. Malgré cela, l'orge se vendit bientôt cinquante sous le boisseau; le blé noir trente sous. À la récolte le blé valut quatre livres et quatre livres dix sous; le froment cinq livres. Dans l'été, plusieurs personnes ne vécurent pendant quelque temps que des légumes qu'elles dérobaient la nuit, ou recueillaient au coin des bornes dans les rues. Pour comble de malheur, le commerce chômait et la guerre rendait nécessaires des levées extraordinaires d'argent, auxquelles on soumettait même le clergé séculier et régulier et les fabriques des églises. Pourtant la charité ne fut pas inactive. Nous manquons de renseignements sur ce qui se fit à la Trinité; mais à Saint-Vénérand on secourut en 1709, treize cent seize personnes appartenant à trois cent cinquante cinq familles, et, en 1710, seize cent trente-sept pauvres, depuis le mois de janvier jusqu'au mois de juillet. Un grand nombre d'oiseaux périrent de froid ou de faim. Ceux qui survivaient usaient d'industrie. Les corbeaux s'abattaient sur les porcs et les becquetaient jusqu'à les faire mourir. Un tiercelet vint chaque jour plusieurs fois se percher au haut de la croix du clocher de Saint-Vénérand, pendant les mois de février, mars et avril 1709, janvier, février et mars 1710. De ce point élevé son œil plongeait dans les basses-cours voisines et il fondait avec la rapidité de l'éclair sur les volatiles inoffensifs. L'abbé Duchemin qui nous rapporte ces faits, le vit, dit-il, « dans cet exercice. »
  5. On lui donna le nom de fièvre putride. Elle s'attaquait surtout à ceux qui avaient dû le moins souffrir du froid et de la faim, aux riches, aux personnes les mieux portantes. Il en mourait tous les jours, car très peu revenaient à la santé. À la Trinité, il y eut plusieurs fois deux et trois sépultures solennelles dans la même journée. Les cloches sonnaient sans cesse. À Saint-Vénérand, il en était à peu près de même. On était effrayé à Laval et aux alentours.
  6. Il y avait eu de nombreux malades à l'hôpital général; mais deux seulement avaient succombé: l'économe nommé Charles Fournier, sieur du Pont, et une des dames pieuses qui s'y dévouaient au service des pauvres, mademoiselle Seigneur.
  7. Elles occasionnèrent des débordements inouïs et donnèrent beaucoup à craindre pour les récoltes qui cependant furent suffisantes. Tout le plat pays fut inondé par les petits ruisseaux qui se transformèrent en rivières. Les rivières, devenues des fleuves, emportaient les ponts et les chaussées. Les eaux de la Mayenne se répandirent dans le quartier de Saint-Vénérand. Elles pénétrèrent dans l'église. A l'hôpital Saint-Joseph elles couvrirent le pavé des salles du rez-de-chaussée, dont il fallut faire sortir les malades, et s'élevèrent jusqu'à la troisième marche du grand autel.
  8. Cousine du Père Denisot, sous-prieur des Jacobins du Mans.
  9. Un appareil si pompeux estoit soutenu par la beauté de quarante à cinquante glaces de Venise d'un prix infini. Mille bijoux et mille pierreries lui donnoient encore un nouvel éclat. On ne voyoit partout que chandeliers d'argent, que lustres de vermeil doré. Il y avait partout des devises à l'honneur de saint Pie V, les armes de ce grand saint y estoient relevées en or et portées par deux chérubins Comme on avoit eu soin de faire faire des rideaux de tafetas rouge pour couvrir la plus grande partie des vitres, l'église paroissoit toute en feu dans le temps que les processions arrivoient, à matines, à la grande messe, à vêpres et à la bénédiction du Saint-Sacrement, par le nombre sans nombre de cierges, de flambeaux et de chapelles ardentes. Le R. P. prieur avait eu la précaution de faire faire par M. Bodard et M. Le Gay, fameux peintres, deux riches bannières, pour les porter en procession. La première représentoit le saint d'un costé en pape avec sa chappe, sa thiare et tous ses habits pontificaux; de l'autre elle représentoit saint Pie dans l'habit de son ordre, s'élevant au ciel plein de gloire. » Sur la seconde estoit aussi représenté le saint dans l'habit de son ordre et au revers le globe du monde avec les armes de saint Dominique, un chien tenant en sa gueule un flambeau allumé.
  10. Elle était dirigée par M. Froger, un des plus habiles maîtres de la province. Les religieux avoient fait venir les meilleures voix de Rennes et d'Angers. Tous les motets qui furent chantés au salut pendant l'octave estant accompagnes de quatre corps de symphonistes et hautbois j furent trouvés d'un goût charmant et furent exécutés en toute perfection.
  11. Le premier éclair de la flamme fut salué par le bruit des tambours et des violons et par le tonnerre des gros et moyens canons du château.
  12. On remarque un énorme flambeau soufré qui, du haut du beffroi où on l'avait substitué au panonceau, lançait aux alentours une vive lumière.
  13. Marest de la Bouchefolière, élu pour capitaine de la cavalerie, se montre magnifique en équipant à ses frais une partie de sa compagnie et en se chargeant de sa dépense pendant le voyage qu'il lui fit faire à Vitré et à Rennes, au-devant de la duchesse. Celle-ci étant au lieu des Sept-Fontaines proche la ville de Laval, descendit de son carrosse, monta sur un beau coursier blanc tout bardé d'écarlate à franges d'or; habillée en amazône, pouillée d'un juste-au-corps d'écarlate en broderie d'or, par dessus sa robe à fonds d'or; un chapeau garny d'un plumet blanc luy couvroit la tête, ornée d'une agréable tresse blonde. Elle ne reste que trois jours à Laval et fait à Marest l'honneur d'aller dîner chez lui dans la rue de Chapelle.
  14. Dans la grande Halle, une femme de Laval avait prié une des bouchères qui y tenaient étal, de lui donner la monnaie d'une pièce de six livres. Celle-ci y consentit; mais au moment de compter ce qu'on lui demandait, elle réclama qu'on lui remît d'abord la pièce dont elle devait rendre la valeur. La servante assura qu'elle avait déposé cette pièce en exposant sa demande; la bouchère soutint qu'il n'en était rien, qu'elle n'était pas une voleuse, et, la dispute s'échauffant, en vint à dire que le diable pouvait l'emporter si elle avait reçu ce qu'on prétendait lui avoir donné. Aussitôt elle tomba frappée de mort et la pièce de six livres fut trouvée dans sa poche.
  15. Accusé de blasphémer et d'invectiver la religion, il est traduit par le procureur du roi devant les officiers du siège royal. Il est prouvé qu'il avait blasphémé un certain nombre de fois ; qu'ayant, pendant une maladie, reçu le sacrement d'Extrême-Onction, il avait, aussitôt revenu à lui, protesté qu'on le lui avait administré sans son aveu; enfin, que sa femme étant à son tour dangereusement malade, et M. Renusson s'étant présenté pour l'administrer La Renaudie s'était mis à déclamer contre les Saintes-Huiles et à njurier le prêtre, qu'il avait définitivement chassé de chez lui en le menaçant d'un coup de pistolet. En conséquence, il est condamné à faire amende honorable par trois dimanches consécutifs. Deux huissiers l'amenaient à la porte de l'église de la Trinité, où se trouvaient le rapporteur de l'affaire et le procureur du roi, et, en leur présence, on le faisait asseoir sur un escabeau, tenant en main un cierge de deux livres.
  16. Ce dernier, revenant de présider les États de Bretagne, devait passer par Laval où il craignait d'être froidement accueilli à cause du procès porté devant le parlement. D'après les conseils de La Graverie, on trompa son attente en lui rendant tous les honneurs qui lui étaient dus. La jeunesse, en habit d'écarlate galonné d'or, alla l'attendre à Vitré; la bourgeoisie se mit sous les armes; les rues furent tapissées, les fenêtres illuminées. Les officiers de la ville en offrirent les clefs au duc, dans un plat d'argent aux armes de Laval, qu'ils avaient fait fondre exprès. Tous les corps de justice et le clergé le complimentèrent. Le lendemain il y eut bal au château, les dames de la ville y furent invitées et assistèrent ensuite à la comédie. La journée se termina par un feu d'artifice, un souper et un concert. Sous ces apparences futiles se laissaient entrevoir les résolutions sérieuses et les bienveillantes intentions du prince. Le prince reconnut que Le Long était coupable et l'avait trompé.
  17. Afin de jouir de la plénitude de leurs droits et d'échapper à la main des officiers seigneuriaux, les habitants attachent une grande importance à écarter de la mairie le juge civil qui, jusqu'à la promulgation de l'arrêt, avait continué à faire les fonctions de maire.
  18. Il avait succédé à Gilles-Michel Le Long, et Jérôme Gautier de la Villaudray. Il avait bénéficié d'un don gratuit par la duchesse de la Trémoille, celui d'un titre que d'autres offraient d'acheter 25 000 livres, ce qui faisait craindre qu'il ne soit maintenant trop dévoué au seigneur de Laval.
  19. Le duc de la Trémoille est mort le 25 mai 1741; la duchesse agit alors comme tutrice de son fils.
  20. Le blé se vend 5 et 6 livres le boisseau et le carabin 4 livres ; mais il n'y en a pas en quantité suffisante pour satisfaire toutes les demandes. Les commerçants se cotisent, et, moyennant une somme d'environ 25 000 francs qu'ils réussissent à composer, font venir 10 000 boisseaux de blé des environs de Lyon. Ce blé déposé dans l'ancienne église Saint-Julien de Laval est vendu aux pauvres 65 000 sous le boisseau. Mais cette ressource ne dure guère. En un mois tout au plus elle est épuisée.
  21. Toutes les paroisses font des processions dans lesquelles elles portent leurs plus précieuses reliques; on implore Notre-Dame de Pritz, Notre-Dame d'Avesnières. L'évêque ordonne que les 40 heures soient successivement célébrées dans toutes les églises paroissiales et conventuelles de Laval; elles durent depuis le 11 juillet jusqu'au 21 du mois suivant.
  22. On parvient à réaliser une somme de 45 000 livres; mais cette somme n'est pas suffisante. Il y a dans la paroisse de la Trinité 2 000 pauvres, sans compter les enfants en bas âge ; il y en a 1 200 dans celle de Saint-Vénérand. Chacun peut à peine recevoir 2 livres de pain par semaine.
  23. Elle le met sous les yeux du cardinal de Fleury, qui obtient du roi une subvention de 3 000 livres.
  24. L'évêque du Man, chargé de la répartir, donna 2 000 livres pour la Trinité et Saint-Vénérand, et les 1 000 livres restantes aux paroisses rurales. Les administrateurs attribuèrent 1 200 livres à la paroisse de la Trinité et 800 à celle de Saint-Vénérand. Le duc de la Trémoille fit abandon de 3 000 fagots pour le chauffage des pauvres. Le chapitre de Saint-Tugal donne 120 livres par mois.
  25. 100 000 boisseaux. Le roi prête 50 000 livres; mais cette somme jointe aux ressources locales ne suffisent pas : on emprunte. Le blé acheté arrive dans la ville et est déposé, avec la permission de l'évêque du Mans, dans les églises de Saint-Julien, des Ursulines et des Bénédictines.
  26. On commença à distribuer de la soupe aux indigents. La duchesse de la Trémoille fournit le bois pour les chauffer ; les officiers du grenier à sel donnent pour l'assaisonner un minot de sel tous les huit jours. Il y a chaque semaine six distributions. Un envoi de riz fait de la part du roi fait fausse route et ne parvint à Laval qu'au mois de juillet ; en attendant on reçoit 15 septiers de grosses fèves.
  27. Perrier du Coudray, l'un des receveurs, rend les comptes. Tous les prêteurs avaient été remboursés, sauf le roi auquel il restait dû 20 000 livres. Le roi les fit ajouter à la taille de l'année suivante; mais en même temps il fait inscrire une gratification égale, de manière que la ville ne perde rien.
  28. Dont 2 400 sont accordés à la Trinité et le reste à Saint-Vénérand.
  29. Les routes étaient alors étroites, sinueuses, montueuses et ravinées par les pluies. Toutes celles qui aboutissaient à Laval, à peine viables en été, devenaient en hiver absolument impraticables, et, outre que l'on ne pouvait s'y aventurer dans la mauvaise saison sans courir risque de la vie, elles n'étaient pas sûres pour la bourse. Comme aucune surveillance n'y était exercée, les voleurs pouvaient y opérer impunément.
  30. Outre l'avantage commercial entrevu dès le début du projet, il donne aux bois, aux grains, aux ardoises du Craonnais, moins chères que celles d'Angers, un accès plus aisé dans la ville.
  31. La Mayenne coulait encore alors tout au travers de la place de l'Hôtel-de-Ville ne rejoignant le lit actuel qu'au-dessous du Pont-Neuf.
  32. Elle était de forme circulaire; le public en avait blâmé la disposition qui fut ensuite trouvée fort bien entendue et fort commode.
  33. Des dons ne tardent à être remis pour ce projet à François-Ambroise Fréard, curé de la Trinité. Ils ne suffisent cependant pour que l'établissement soit immédiatement fondé. M. Fréard provoque une assemblée de paroisse, dans laquelle il propose les moyens d'assurer le traitement du prêtre qui serait chargé de le diriger. Il avait déjà acheté et approprié une maison. Il avait aussi préparé un règlement qu'il soumit à la réunion. Le roi ayant permis d'imposer une contribution sur les habitants des paroisses pour fournir à la rétribution des maîtres; mais moyennant le droit d'assistance aux sépultures qui est accordé à celui de la Trinité et l'assurance de secours que donnèrent plusieurs personnes pieuses, il ne fut pas nécessaire de recourir à cette imposition.
  34. Les anciens tuyaux qui y amenaient les eaux de la prairie de Saint-Martin étaient entièrement hors de service; il en fit poser de nouveaux dans un canal voûté.
  35. Par ses soins la place Hardy-de-Lévaré est débarrassée de plusieurs petites maisons qui nuisaient à sa régularité.
  36. Des places, des rues nouvelles ont surgi. On peut les rues de Saint-Mathurin, des Ursulines, des Bénédictines ou de la Mare-Moreau, de Paradis, de Hameau, des Capucins, la place de la Chiffolière, la rue de Rivière et le quai d'Avesnières.
  37. Une statue de Louis XV, en bronze, que l'on conduisait de Bretagne à Paris, ne peut que très difficilement passer par la porte de la Chiffolière. Lévaré fit « ôter les saillies, fenêtres, galeries et balels qui avançaient et incommodaient le passage et la vue. »
  38. Celles qui ne pouvaient absolument être conservées sont jetées par terre; excepté celle de la Grande-Rue, ce n'étaient que des portes avancées qui n'appartenaient pas à la grande enceinte.
  39. La taille, impôt levé annuellement sur les roturiers pour le soutien des charges de l'Etat, était réparti à tant par tête. (Dictionnaire de Trévoux, Taille).
  40. « Tout le monde convient, dit René Pichot de la Graverie, que l'imposition de la taille dans la ville de Laval, produit de grands abus, de violentes injustices et de cruelles vengeances. »
  41. C'était une taxe imposée par les habitants eux-mêmes sur les objets de consommation et sur les produits de leur industrie ; elle était levée par les officiers municipaux et leur servait à acquitter le total de la taille attribué à la ville. Le tarif faisait donc disparaître la répartition par tête, dont l'inégalité suscitait les mécontentements et les jalousies. De plus, les nobles et le clergé, exempts de la taille, pouvaient être soumis au tarif; Paris en avait donné l'exemple, et la charge ainsi partagée devenait moins lourde pour chacun.
  42. Dans lesquelles il avait été approuvé; mais sans que cette approbation fût suivie de l'accomplissement des formalités qui devaient lui donner une existence légale.
  43. Le tarif, disaient ceux-ci, a pour premier défaut de ne pas répartir également les charges publiques. Ils n'en donnaient pas d'autre raison que la possibilité qu'on aurait de se soustraire à l'impôt en se restreignant au strict nécessaire, en ménageant sur sa consommation. En second lieu, ils objectaient que les droits seraient souvent esquivés par la fraude. Et, ce qui était encore plus grave, que le prix des vivres augmentant, chasserait de la ville tous les ouvriers qui faisaient prospérer son commerce, en même temps que l'atteinte portée au privilège des nobles repousserait ceux-ci à leurs châteaux dans les campagnes. Puis, que les marchands blanchisseurs seraient obligés de compenser l'élévation du prix des denrées par une augmentation du salaire de leurs ouvriers, à la suite de quoi, les produits manufacturiers de Laval, cotés plus haut que par le passé et que les marchandises semblables des autres villes, seraient abandonnés et qu'ainsi le tarif ruinerait le commerce. Enfin venait la grande et habituelle accusation contre les défenseurs du tarif, de ne travailler que pour leurs intérêts particuliers. Les partisans de la mesure répondaient que l'intérêt particulier perçait partout et que leurs adversaires eux-mêmes n'étaient pas sourds à sa voix; que toutes les villes dans lesquelles le tarif était en vigueur s'applaudissaient de l'avoir établi; qu'il coupait court aux haines occasionnées par la taille; qu'on ne pouvait trouver d'impôt plus équitable puisque chacun d'ordinaire dépense en raison de ce qu'il possède et que le tarif attaquerait précisément la consommation ; que les étrangers mêmes, par la dépense qu'ils feraient dans la ville, acquitteraient à la décharge des habitants une partie de l'impôt; qu'enfin au lieu de dépeupler la ville, il l'augmenterait, car si l'on ne bâtissait pas davantage, si l'on craignait de faire certaines dépenses ou de tenter certaines entreprises, c'était par la crainte de voir aussitôt augmenter la taille personnelle, crainte qui ne pouvait plus exister après l'établissement du tarif.
  44. Couanier de Launay cite dans Étienne-Louis Couanier de Launay, Histoire de Laval (818-1855), Imp. Godbert, , 608 p. [détail des éditions] (lire en ligne) celui nommé Catéchisme du tarif
  45. La capitation était un droit levé par tête, comme la taille, en raison du travail, de l'industrie, de la charge, etc., de la personne.
  46. Au sieur Dupuis, de Tours.
  47. Cette maison était située près de la place de la Chiffollière et de l'hôpital Saint-Louis. Elle appartenait à M. de Pontfarcy auquel elle fut payée 24 000 livres.
  48. dont la fontaine de Patience
  49. En abattant le boulevard ou demi-lune qui se trouvait audevant de la Porte-Beucheresse, en rectifiant le nivellement et en faisant faire une plantation de tilleuls. En souvenir des querelles précédentes, on essaya de donner à cette place le nom de Bosquet du tarif pour se moquer du maire Lévaré
  50. Puis on débarrasse le pont de la porte qui se trouvait vers le milieu et des maisons qui le rétrécissaient de chaque côté; elles sont remplacées par des parapets en granit.
  51. Celles de Beauvais, du Cimetière ou des Fossés, des Serruriers et des Orfèvres en reçurent un neuf en 1783. La rue Saint-Etienne et la Grande-Rue sont pavées en 1784.