Faille du midi

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La « faille du midi » ou «  Grande faille du midi » (parfois dénommée sillon Sambre-et-Meuse pour sa partie belge, ou (faille eifelienne pour sa partie la plus septentrionale) est une importante « zone failleuse » représentée cartographiquement par un trait mais sur le terrain parfois constituée de plusieurs failles non continues[1] qui constitue une ligne de rupture géologique probablement apparue au paléozoïque et qui traverse le Nord-Pas-de-Calais en venant d'Angleterre, pour ensuite obliquer et remonter en ligne droite vers le Nord-Est sur le parcours pris par la Sambre et la Meuse (en Wallonie entre Namur et Liège), à la limite nord du massif du midi (Condroz-Ardenne). Plus loin à l’est, cette faille s'enfonce sous des sédiments datant principalement du mésozoïque, qui la cachent.

En anglais, elle est généralement identifiée sous le nom de Condroz Thrust Fault (faille (de chevauchement) du Condroz).

En géologie, le terme « Faille du midi » désigne aujourd'hui de manière générique toutes les failles « historiquement reconnues, diversement nommées et extrapolées suivant des conceptions tectoniques variables. Le terme Faille du midi stricto sensu devrait ainsi être réservé à la faille reconnue comme telle par Cornet & Briart (1863)[2] et Jules-Auguste Gosselet (1888)[3]. Il en est de même pour la Faille Eifelienne stricto sensu qui est le nom donné par Malherbe (1863)[4] (1876)[5] pour désigner la faille qui met en contact entre Clermont-sous-Huy et Angleur, le Houiller du Bassin de Seraing avec l’Eodévonien qui le borde au sud. Cet auteur prolonge cette faille pour séparer le Bassin houiller de Liège de celui de Herve »[1].

Cette « zone failleuse » serait l'indice le plus visible et le plus récent d'une histoire géologique en réalité probablement antérieurement plus mouvementée en termes de déplacement. Les géologues modernes estiment qu'il existe des failles plus profondes (failles x II ou x III proposées par Graulich en 1961[6] correspondant à des déplacements passés plus importants [1].

Origine[modifier | modifier le code]

Les géologues ont d'abord pensé que cette zone failleuse résultait d'un accident tectonique, mais comme l'avance F Meilliez en 1989, la « Faille du Midi » ne serait pas un accident « paléogéographique »[7], bien qu'elle puisse se superposer sur une partie de son tracé à un niveau stratigraphique correspondant à une fragilité explicable par l'histoire sédimentaire de la région notamment expliquée par A. Beugnies en 1964[8],[9].
Pour Belanger et al. (2012)[1], c'est bien dans un contexte sédimentaire que « la présence ou l’absence de Dévonien inférieur de part et d’autre de la faille » doivent être comprises[10],[11].

La formation du « front varisque » (« zone comprise entre la « Faille du midi » au sud et le massif de Brabant au nord »[1])est encore discutée, mais selon la synthèse faite par Sintubin en 1992[12], il serait au moins en grande partie la résultante de « plis de propagation ( "fault propagation fold") », et au vu des données disponibles, on admet depuis les années 1990 que la Faille du midi, avec une faible pente sud, s'enfonce et se prolonge sous les massifs ardennais au nord et sous le bassin de Paris au sud. Elle est considérée comme formant la principale limite de l’unité structurale allochtone (e.a. Synclinorium de Dinant) qui repose sur les bassins houiller[1].

Le Gall estimait en 1994 que le front varisque s'est constitué en plusieurs étapes, avec des séquences plus récentes de chevauchements. h ance et al. (1999) montrent en Wallonie des indices forts de grandes séquences, avec également des failles de chevauchement apparues hors de ces séquences. Mansy & Lacquement en 2006 déduisent de profils sismiques l'existence de trois unités tectoniques principales : l’Allochtone ardennais, les Ecailles du parautochtone et le Parautochtone brabançon[1].

La Faille du Midi ne serait donc pas le chevauchement principal mais le plus récent de ces chevauchements, et il serait survenu "hors séquence". De plus pour un déplacement varisque total d'environ 70 km, la « flèche de la Faille du Midi » ne serait que de 20 km environ[13],[9],[14].

Emplacement[modifier | modifier le code]

Tout au long de son tracé, cette zone failleuse recoupe des terrains variés. Par exemple en Belgique, d'ouest en est, elle coupe d'abord des séries carbonatées, puis la Bande calédonienne de Sambre-et-Meuse (séries pélitiques qui rendent le tracé de la faille moins visible).

Pour sa partie située en Belgique, cette faille limite au sud le bassin (Synclinorium) de Dinant, plissé et charrié à l'époque tardi-paléozoïque, durant l'orogenèse dite varisque (de 340 à 290 millions d’années ou Ma) vers le Nord[15].

C'est une zone sismiquement encore active, qui a par exemple été impliquée dans le tremblement de terre de Liège du 8 novembre 1983[16].

En Belgique toujours, la voie romaine Bavay-Cologne est parallèle à cette ligne, tout comme l'autoroute E42 et la ligne de chemin de fer Liège-Lille. Les villes de Mons, Charleroi, Namur et Liège (et Aix-la-Chapelle plus au nord) sont construites sur cette faille ou à proximité.

Importance économique[modifier | modifier le code]

Cette zone est depuis longtemps bien desservie en moyens de communication (la faille était déjà longée par plusieurs voies romaines (devenues chaussée Brunehaut), et grâce au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (et au bassin houiller belge dans sa continuité) elle a accueilli aux XIXe et XXe siècles une intense activité économique et une densité de population nettement plus élevée que les moyennes nationales et régionales.

Connaissances scientifiques[modifier | modifier le code]

La géologie de la région de la « faille » a d'abord bénéficié des centaines de sondages, forages puis des activités minières, dont par le géologue Gosselet, mais son étude et sa modélisation sont compliquées par l'existence d'un grand nombre d’écailles qui se sont constituées lors du grand "Charriage du midi"[1]. L'exploration de la "grande faille du midi" s'est ensuite poursuivie via des sondages profonds et des profils sismiques hors des zones minières[1], notamment faits dans le cadre de la recherche de pétrole[9].

Les connaissances sur cette « ligne de multiples failles » ont beaucoup évolué depuis la fin du XIXe siècle. Selon la synthèse cartographique récemment faite en Belgique à l'occasion de la mise à jour de la Carte géologique de la Wallonie conduite par la Région wallonne, les universités francophones de Belgique et le Service géologique de Belgique, les différentes unités structurales liées à ce système ont été précisées, tout en reconnaissant leur complexité[17],[18],[19]. Les cartes géologiques présentent d'autres failles sub-parallèles à la trace laissée par la « Faille du midi » qui sont en Wallonie (d'ouest en est : la failles de Masse, la faille de Chamborgneau, la faille d’Ormont, la faille de Malonne et la faille de Boussale[1].

Il reste des données à collecter afin de confirmer la continuité de la faille dans la zone de Liège en Belgique. Cette continuité est probable car la structure des coupes du front varisque est semblable à l’ouest et à l’est de cette zone[20],[21],[22], mais il n'y a pas eu assez de levées dans cette zone qui connecterait la « Faille du Midi » au sud-ouest à la « Faille Eifelienne » au nord-est.

Aspects sismiques[modifier | modifier le code]

La faille, bien qu'éloignée des grandes limites des plaques tectoniques montre des signes passés et récents d'activité sismique.

Elle a été étudiée au moyen des données géologiques disponibles, des données sismiques du réseau (modernisé en 1985) ainsi que par l'analyse des enregistrements (par des sismographes) des tirs de carrières[23] ou encore via l'étude des anomalies magnétiques et gravimétriques.

L'activité sismique de cette zone se fait en lien avec des zones proches du Nord de la France (du N-E du Nord-Pas-de-Calais aux Ardennes belges et françaises[24] au Sud et jusqu'en Allemagne (Région de l'Eifel) au N-E[25].

Hydrographie, écologie[modifier | modifier le code]

La faille a eu des impacts sur l'évolution de la structure géomorphologique[1] et donc de l'écologie des paysages des régions qu'elle concerne, durant l'orogenèse varisque[15] et depuis le Paléozoïque[26], notamment dans les Ardennes belges[27]. Elle a modifié les écoulements souterrains des nappes mais elle en a aussi en surface, notamment en Belgique.

Elle a en particulier contraint le cours de la Meuse[28] et influé sur sa vitesse et le charriage des éléments que cette rivière transporte[29].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j et k Belanger I, Delaby S, Delcambre B, Ghysel P, Hennebert M, Laloux M, Marion JM, Mottequin B & Pingot JL. (2012). Redéfinition des unités structurales du front varisque utilisées dans le cadre de la nouvelle Carte géologique de Wallonie (Belgique). Geologica Belgica, 15(3) (PDF, 7 pages)
  2. Cornet FL & Briart A (1863). Communication relative à la Grande Faille qui limite au Sud le Bassin houiller belge. Bulletin de la Société des ingénieurs sortis de l’école des mines de Mons, 11, 9-9
  3. Gosselet J (1888). L'Ardenne. Mémoire pour servir à l’explication de la carte géologique détaillée de la France. Paris, Baudry et Cie, In-4, 889 p
  4. Malherbe R (1863). Le système houiller de la Province de Liège. Mémoires de l’Académie royale de Belgique. Inédit, 222 p.
  5. Malherbe R (1876). De la stérilité du système houiller entre Saive, Jupille et La Xhavée. Annales de la Société géologique de Belgique, Mémoires, 3, 89-94
  6. Graulich JM (1961). Le sondage de Wépion. Mémoire pour servir à l’Explication des Cartes géologiques et minières de la Belgique, 2, 1-86.
  7. Meilliez F (1989). Importance de l’évènement calédonien dans l’allochtone ardennais ; essai sur une cinématique Paléozoïque de l’Ardenne dans la chaîne varisque. Thèse de l'Université du Maine, 518 p
  8. Beugnies A (1964), Essai de synthèse du géodynamisme paléozoïque de l’Ardenne. Revue de géographie physique et de géologie dynamique, 6(4), 269-277.
  9. a b et c Lacquement F, Mansy JL, Hanot F. & Meilliez F. (1999). Retraitement et interprétation d’un profil sismique pétrolier au travers du Massif paléozoïque ardennais (Nord de la France). Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, Paris, 329, 471-477.
  10. Meilliez F & al. (1991) Ardenne-Brabant. Sciences Géologiques Bulletin, 44, 3-29
  11. Hance, L., et al., 1991. Nouvelles données sur la bande de Sambre-et- Meuse à Ombret (Huy, Belgique). Annales de la Société géologique de Belgique , 114, 253-264
  12. Sintubin M (1992). An historical evaluation of the geostructural research on the Variscan Front Zone in Belgium (West of Namur). Bulletin de la Société belge de Géologie , 101, 181-198
  13. Mansy JL, Everaerts M & De Vos W (1999) Structural analysis of the adjacent Acadian and Variscan fold belts in Belgium and northern France from geophysical and geological evidence. Tectonophysics, 309, 99-116
  14. Mansy JL, et al. (2003). Dynamics and inversion of the mesozoicbasin of the Weald-Boulonnais area : role of basement reactivation ; Tectonophysics, 373, 161-169
  15. a et b Bouroz, A. (1989). Réflexions sur l’orogenèse varisque dans le Nord de la France. Grande Faille du midi et tectonique globale: Essai de généralisation. Annales de la Société géologique du nord, 108, 45-57
  16. Jongmans, Denis Campillo, Michel Revista ; « Influence de la source et de la structure géologique sur la nature des dégâts lors du tremblement de terre de Liège du 8 novembre 1983 »  ; Bulletin de la Société géologique de France, Paris, 1989, 5(4), série 8 ; p. 849-857
  17. Delcambre B & Pingot JL (2000). Carte géologique de Wallonie, 46/7-8 Fontaine l’Evêque – Charleroi (+ notice explicative). Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique, 114 p.
  18. Delcambre B & Pingot JL, (2000). Carte géologique de Wallonie, 52/3-4 Gozée–Nalinnes (+ notice explicative). Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique, 106 pp
  19. Voir aussi Delcambre, B. & Pingot, J.-L., Carte géologique de Wallonie, 47/5-6 Tamines – Fosses-la-Ville  ; Carte géologique de Wallonie, 47/7-8 Malonne – Naninne  ; Carte géologique de Wallonie, 48/5-6 Gesves – Ohey (+ notice explicative), et autres cartes géologiques de Wallonie produites présentées par M. Hennebert et S. Delaby, également pour le Ministère de la Région wallonne
  20. Ghysel P, Laloux M, Dejonghe L, Hance L. & Geukens F (1995). Carte géologique de Wallonie, 43/5-6 Limbourg – Eupen (+ notice explicative) ; Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique
  21. Ghysel, P., Laloux, M., Graulich, J.-M., Dejonghe, L. & Hance, L., 1996. Carte géologique de Wallonie, 42/7-8 Fléron – Verviers (+notice explicative); Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique
  22. Laloux, M., Dejonghe, L., Ghysel, P. & Hance, L., (1996). Fléron – Verviers 42/7-8, notice explicative; Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique, 150 p. Laloux, M., Dejonghe, L., Geukens, F., Ghysel, P, Hance, L. & Polrot, F. (1996) Limbourg – Eupen 43/5-6, notice explicative; Ministère de la Région wallonne, Namur, Belgique, 82 p
  23. Denis Jongmans & Thierry Camelbeeck ; Structure superficielle de la croute en Ardenne belge, obtenue à partir des enregistrements de tirs de carrière : Méthodologie et premiers résultats. Annales de la Société géologique de Belgique, T 116-1993 (Fascicule 1), p. 119-127. Fév. 1994
  24. Lecocq, Thomas ; thèse de doctorat intitulée L'activité sismique en Ardenne et sa relation avec la tectonique active / The seismic activity in the Ardenne and its relationship with active tectonics, soutenue le 2011-03-01; ULB, Faculté des sciences - Sciences de la Terre et de l'Environnement ; Accès à la thèse
  25. Bouroz A.  ; Géodynamique du bord nord de la chaîne varisque dans le Nord de la France et le Sud de la Belgique: subduction à vergence sud au Stéphanien, coulissements dextres au Tertiaire (Geodynamics of the Northern border of the Variscan chain in North of France and South of Belgium: subduction with southern grade during Stephanian, WE dextral wrenching during the Tertiary) ; Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2, Mécanique, Physique, Chimie, Sciences de l'univers, Sciences de la Terre ; Editeur ; Gauthier-Villars, Paris, FRANCE  ; 1986, vol. 303, n°11, p. 1019-1024 (ISSN 0764-4450)
  26. Bouroz, A. (1960). La structure du Paléozoïque du Nord de la France au Sud de la Grande Faille du Midi. Annls Soc. géol, (80), 101-113.
  27. Burg, J. P. (1999). Ductile structures and instabilities: their implication for Variscan tectonics in the Ardennes. Tectonophysics, 309(1), 1-25.
  28. Adams R & Vandenberghe N (1999) The Meuse section across the Condroz-Ardennes (Belgium) based on a predeformational sediment wedge. Tectonophysics, 309, 179-195
  29. Fourmarier, P. (1913). Les phénomènes de charriage dans le bassin de Sambre-Meuse et le prolongement du terrain houiller sous la faille du Midi dans le Hainaut. Ann. Soc. géol. de Belgique. Ann. Soc. Géologique de Belgique, 1920-25

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • B. Minguely, J. Mansy, M. Everaerts, G. Manby, O. Averbuch ; Apport de la modélisation géophysique pour la compréhension de la structuration du pas de Calais ; Comptes Rendus Geosciences, volume 337, Issue 3, pages 305-313 (Résumé)
  • Prof. F. Boulvain ; Dr. J.-L. Pingot (UCL) Une introduction à la géologie de la Wallonie, 2011, université de Liège ; Faculté des Sciences, Département de Géologie.
  • André Delmer (directeur honoraire du service géologique de Belgique) [1]La structure tectonique transfrontalière entre les bassins houillers de Valenciennes (France) et du Hainaut belge]. Geologica Belgica (2003) 6/3-4: 171-180
  • Francis Meilliez, « La Faille du Midi, mythe et réalités », Annales de la Société géologique du Nord, 2e série, t. 26,‎ , p. 13-32 (e-ISSN 2540-3621, DOI 10.54563/asgn.2110, S2CID 265144903, lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]