Droit réel

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 18 février 2020 à 21:54 et modifiée en dernier par Lomita (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Un droit réel est un droit subjectif qui porte sur une chose (jus in re), soit la maîtrise totale ou partielle qu'exerce une personne (le sujet du droit) sur une chose donnée (l'objet du droit). La caractéristique principale du droit réel est son opposabilité à tous (effet erga omnes). Il se distingue du droit personnel.

Généralités

Le sujet du droit est susceptible de se présenter sous diverses formes. Une seule personne peut profiter de toutes les prérogatives du bien : il s'agit du cas de la propriété (Art 544 du Code Civil, ou 947 C.c.Q). Plusieurs personnes peuvent bénéficier en commun d'un bien ; c'est la copropriété[1]. Une même chose peut être l'objet de plusieurs droits réels : ainsi en est-il du titulaire d'une servitude de passage qui exerce son droit sur un terrain appartenant à une autre personne (1177 C.c.Q). L'objet du droit réel, quant à lui, est nécessairement un bien, corporel ou incorporel, immobilier ou mobilier[2].

Le titulaire d'un droit réel tire directement avantage du bien objet de son droit sans devoir recourir à l'intervention d'une autre personne. Le contact est immédiat entre la personne et le bien, c'est pourquoi on parle d'un droit sur un bien. Le propriétaire d'une maison est ainsi justifié d'user, de jouir et de disposer librement et complètement de son bien (947 C.c.Q) sans requérir la permission d'autrui. La situation du locataire est différente puisque, n'étant pas titulaire d'un droit réel, mais d'un droit personnel, il n'a la jouissance du bien loué que par l'intermédiaire du bailleur (1851 C.c.Q)[2].

Le droit réel donne accès à son titulaire aux utilités d’une chose. Il peut être principal : droit réel de propriété, droit de propriété démembré comme l’usufruit, ou encore l’emphytéose et le droit de superficie. Dans le cas inverse, il fait partie des droits réels accessoires : les droits réels résultant d’une sûreté réelle tels que l’hypothèque, le privilège, le nantissement ou le gage ainsi que la charge foncière ou la rente constituée.

Contenu

Le contenu spécifique est d'imposer à toute personne de s'abstenir de troubler la maîtrise du titulaire du l'objet du droit. Le droit réel comprend :

Principes fondamentaux

Les droits réels comprennent un certain nombre de principes fondamentaux issus de leur nature particulière[3].

Numerus clausus

Les droits réels sont limitativement énumérés par la loi. Le droit réel étant opposable à tous, chacun doit pouvoir en déterminer le contenu ; il n'est ainsi pas possible d'inventer contractuellement un nouveau type de droit réel. Celui ci fût écarté par la jurisprudence, laissant la possibilité de créer par convention d’autres droits réels, et en particulier des droits de jouissance spéciale.

Toutefois, certains systèmes juridiques admettent l'existence de droits réels innommés[4].

Principe de publicité

Le droit réel doit être revêtu d'une forme extérieure reconnaissable par les tiers. Pour les choses mobilières, c'est la possession, pour les choses immobilières (immeubles), c'est en principe l'inscription dans un registre (cadastre ou registre foncier). Le principe de publicité permet de présumer que le possesseur ou l'inscrit est bien le titulaire du droit réel et il protège le tiers se fiant de bonne foi à cette apparence.

Dans certains pays, il existe des exceptions à ce principe. Par exemple, l'article 2655 du Code civil du Québec dispose que : « Les créances prioritaires sont opposables aux autres créanciers, ou à tous les tiers lorsqu’elles sont constitutives d’un droit réel, sans qu’il soit nécessaire de les publier »[5]. Cela est notamment le cas des créances prioritaires des municipalités sur les impôts fonciers, qui sont constitutives d'un droit réel d'après l'art. 2654.1 C.c.Q.[6]

Processus d'acquisition

L'acquisition des droits réels s'opère conformément au même système, qui distingue le titre d'acquisition, acte juridique générateur de l'obligation de transférer la propriété et le processus d'acquisition qui voit le transfert de la possession ou l'inscription dans le registre.

Principe de causalité

Selon ce principe, l'opération d'acquisition n'est valable qui si sa cause juridique l'est également. Ce principe empêche que l'opération à elle seule justifie le transfert du droit réel.

Principe de spécialité

Un droit réel ne peut porter que sur un bien déterminé individuellement, et non sur un ensemble de biens. C'est particulièrement important en matière de droit des sûretés, le créancier ne pouvant pas constituer un droit de gage sur l'ensemble des biens du débiteur.

Néanmoins, certains systèmes juridiques admettent la possibilité de constituer une hypothèque sur une universalité de biens[7].

Principe de la priorité dans le temps

Ce principe est résumé par l'adage latin prior tempore potior jure (le droit le plus ancien est le plus fort) : entre droits réels limités, c'est le droit le plus ancien qui prime.

Cependant, il existe en droit québécois l'exception de l'hypothèque légale de la construction, qui prime sur les autres hypothèques dans l'ordre de collocation même lorsqu'elle est constituée plus tardivement[8].

Controverse doctrinale

« Réel » vient de res en latin, qui signifie « chose ». Les droits réels portent directement sur une chose. Le droit de propriété est le droit réel le plus parfait puisqu'il réunit l'usus, l'abusus (droit de disposer) et le fructus.

Mais une doctrine (Shalev Ginossar, qui sera repris par Frédéric Zénati) propose d’exclure le droit de propriété du domaine des droits réels.[réf. nécessaire].

En effet, le droit réel ne serait qu’un droit donnant accès aux utilités de la chose d’autrui, ce qui le distingue du droit de propriété. Le droit réel étant selon cette doctrine une chose appropriable il est donc un bien. Si le droit de propriété est un droit réel il est donc lui aussi un bien. Dès lors le droit de propriété doit être approprié par un droit de propriété qui doit lui aussi être approprié, etc. La boucle est sans fin, d’où la distinction entre droit réel et droit de propriété[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. art. 1010 C.c.Q
  2. a et b Sylvio Normand, Introduction au droit des biens, 1re édition, 2000, p. 29-30
  3. Paul-Henri Steinauer, Les droits réels : Introduction à l'étude des droits réels ; Possession et registre foncier ; Dispositions générales sur la propriété ; Propriété par étages., t. I, Stämpfli, (ISBN 9783727223839), no 120
  4. Sylvio NORMAND « Chapitre 10 : Les démembrements innommés », dans Introduction au droit des biens, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2014, p. 305.
  5. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 2655 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art2655> consulté le 2020-02-08
  6. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 2654.1 <http://canlii.ca/t/6c3nl#art2654.1> consulté le 2020-02-08
  7. Yaëll Emerich (2009). « L’hypothèque mobilière universelle : entre impératifs économiques et protection du débiteur ». Revue du notariat, 111 (3), 463–484. https://www.erudit.org/fr/revues/notariat/2009-v111-n3-notariat03598/1044865ar.pdf
  8. Réseau juridique du Québec. « Coup d'œil sur l'hypothèque légale des constructeurs, rénovateurs et fournisseurs de matériaux ». En ligne. Page consultée le 2020-02-09

Voir aussi