Chien dans le folklore et les mythes mésoaméricains

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Le jour aztèque signe Itzcuintli (chien) du Codex Laud .

Les chiens occupent une place importante dans le folklore et les mythes mésoaméricains depuis au moins la période classique jusqu'à l'époque moderne[1]. Une croyance répandue dans toute la région mésoaméricaine veut qu'un chien porte le nouveau défunt à travers un plan d'eau dans l'au-delà. Les chiens apparaissent dans des scènes du monde supraterrestre peintes sur des poteries mayas datant de la période classique et, plus tôt encore, au préclassique, les habitants de Chupícuaro enterraient des chiens avec les morts[2]. Dans la grande métropole de Teotihuacan, à l'époque classique, 14 corps humains ont été déposés dans une grotte, la plupart d'entre eux étant des enfants, avec les corps de trois chiens pour les guider sur le chemin de l'au-delà[3].

Le Xoloitzcuintli est un chien sans poils originaire de Méso-Amérique. Des preuves archéologiques ont été trouvées dans les tombes des peuples Colima, Maya, Toltèque, Zapotèque et Aztèque datant de plus de 3500 ans. Longtemps considérés comme des gardiens et des protecteurs, les peuples indigènes pensaient que le Xolo protégeait la maison des mauvais esprits et des intrus. Dans l'Antiquité, les Xolos étaient souvent sacrifiés puis enterrés avec leur maître pour servir de guide à l'âme dans son voyage vers le monde souterrain des enfers. Ces chiens étaient considérés comme des mets de choix et étaient consommés lors des cérémonies sacrificielles, y compris dans les mariages et les funérailles[4].

Dans de nombreuses versions du cycle de 20 jours du calendrier mésoaméricain, le dixième jour porte le nom de chien[5]. Il s'agit de itzcuintli en nahuatl, la langue des Aztèques, tz'i' dans la langue kʼicheʼ maya et oc en maya yucatèque. Chez les Mixtèques, le dixième jour était occupé par le coyote, ua[6].

Les Mayas[modifier | modifier le code]

Vase ou brûleur d'encens maya postclassique en forme de chien. Musée De Young.
Les chiens étaient associés à la divinité Xolotl, le dieu de la mort. La rondeur du corps pourrait suggérer sa valeur en tant que nourriture pour l'âme posthume[7]. Musée d'art Walters.

Les sépultures mayas de la période classique sont souvent accompagnées de restes d'animaux, souvent des chiens[8]. Par exemple, dans les ruines de la cité maya classique de Kaminaljuyu au Guatemala, un chien a été trouvé enterré avec un squelette assis, ainsi que des objets funéraires offerts au défunt[9]. La présence fréquente de squelettes de chiens dans les sépultures des Mayas classiques confirme que la croyance selon laquelle les chiens guidaient les âmes des défunts dans leur voyage vers le monde souterrain existait déjà à cette époque[10].

Dans les codex mayas qui sont parvenus jusqu'à nous, le chien est parfois représenté portant une torche ce qui pourrait être une référence à la tradition maya selon laquelle le chien a apporté le feu à l'humanité[11].

Dans le Popul Vuh postclassique des Kʼicheʼ Maya des hauts plateaux du Guatemala, les chiens et les dindes ont tué les gens du deuxième âge en représailles des coups qu'ils leur avaient portés. Les personnes qui ont échappé à ce sort ont été transformées en singes[2]. Un autre récit dans le Popol Vuh décrit les jumeaux Héros sacrifiant un chien qui appartenait aux Seigneurs du Monde Souterrain, également connus sous le nom de Xibalba. Une fois le chien mort, les jumeaux héros le ramènent à la vie. Les Seigneurs furent si impressionnés qu'ils demandèrent aux jumeaux de les sacrifier et de les ressusciter. Finalement, les jumeaux héros ont sacrifié les seigneurs de Xibalba et n'ont pas réussi à les ramener à la vie. C'est ainsi que les humains ont pu vivre sur terre. L'histoire associe les chiens au renouveau et à la vie humaine. Les chiens sont associés à la mort et ont pour mission de conduire les gens dans le monde souterrain. Ils représentent le feu et sont les protecteurs du foyer, deux composantes de la vie maya.

Les Aztèques et leurs contemporains[modifier | modifier le code]

Dans la mythologie aztèque, le quatrième soleil disparait lors d'une grande inondation. Un homme et une femme survivent à l'intérieur d'une bûche et sont rejetés sur une plage, où ils font rapidement un feu et rôtissent du poisson. La fumée du feu dérange les étoiles Citlallatonac et Citlalicue, ce qui met en colère le grand dieu Tezcatlipoca. Furieux, il leur coupe la tête et la coud sur leurs pattes arrière, créant ainsi les premiers chiens[12].

Xolotl du Codex Fejervary-Mayer du XVe siècle

Chez les Aztèques, le dieu Xolotl est un chien monstrueux[13]. Lors de la création du Cinquième Soleil, Xolotl est chassé par la Mort mais il lui échappe en se transformant d'abord en germe de maïs, puis en feuille de maguey et enfin en salamandre dans une mare d'eau. La troisième fois que la Mort trouve Xolotl, celle-ci le piège et le tue. A partir du corps de ce chien mythologique trois aliments importants sont produits[12]. Mictlantecuhtli, le seigneur des morts, possède dans le monde souterrain les ossements de l'homme des créations précédentes. Xolotl descend dans le monde souterrain pour voler ces os afin que l'homme puisse renaître dans la nouvelle création du Cinquième Soleil. Xolotl réussit à récupérer les os et ramène l'homme à la vie en lui perçant le pénis et en le saignant. Ce chien est considéré comme une incarnation de la planète Vénus en tant qu'étoile du soir (l'étoile du matin est son frère jumeau Quetzalcoatl). Il est le compagnon canin du Soleil, suivant son chemin à travers le ciel et le monde souterrain[14]. Le lien étroit de Xolotl avec le monde souterrain, la mort et les morts, est démontré par les symboles qu'il porte. Dans le Codex Borbonicus, Xolotl est représenté avec un couteau dans la bouche, symbole de la mort, et a des cheveux noirs ondulés comme ceux portés par les dieux de la mort[15].

La quatorzième période de 13 jours du calendrier rituel tonalpohualli commençait par le jour ce itzcuintli (1-chien) et les gens, en particulier les souverains, étaient considérés comme particulièrement chanceux s'ils étaient nés ce jour-là. Le dixième jour du calendrier agricole xiuhpohualli de 20 jours xiuhpohualli, itzcuintli (chien), était gouverné par Mictlantecuhtli, le sinistre seigneur des morts[16]. Au postclassique, lorsqu'un homme du peuple aztèque mourait, il devait passer par chacun des neuf niveaux du Mictlan, le monde souterrain. Le Mictlan n'était atteint qu'après quatre ans d'errance, accompagné d'un chien qui avait été incinéré avec le défunt. Le premier niveau de Mictlan s'appelaitApanoayan (où l'on traverse la rivière), cet endroit était également connu sous le nom d'Itzcuintlan (le lieu des chiens) en raison des nombreux chiens qui erraient sur la rive proche. Un chien qui reconnaissait son ancien maître l'emmenait sur son dos pour traverser la rivière[17]. Selon certains récits, les chiens de la rive agissent différemment selon leur couleur : les chiens jaunes portent l'âme du défunt à travers la rivière, tandis que les chiens blancs refusent parce qu'ils viennent de se laver et les chiens noirs parce qu'ils viennent de nager dans la rivière [2] ou parce qu'ils sont sales[18].

Dans le folklore aztèque, l'<i id="mwgw">ahuizotl</i> était un monstre aquatique ressemblant à un chien avec une main au bout de sa queue enroulée. On dit qu'il vit sous l'eau près des berges des rivières et qu'il entraîne les imprudents vers une mort aquatique. L'âme de la victime était alors emportée à Tlalocan, l'un des trois paradis aztèques[19]. Un mythe similaire existait chez les Purépechas voisins, leur dieu-chien s'appelait Uitzimengari et sauvait les âmes des noyés en les transportant jusqu'au pays des morts[2].

Folklore moderne[modifier | modifier le code]

Xoloitzcuintli .

À l'époque moderne, les Chinantèques et les Mixes d'Oaxaca croient qu'un chien noir aidera les nouveaux morts à traverser une étendue d'eau, qu'il s'agisse d'une rivière ou d'une mer, jusqu'à la terre des morts[20],[21]. Les Huitzilan croient qu'un chien fait traverser l'eau aux morts pour qu'ils atteignent le monde souterrain où vit le Diable[2].

Dans une grande partie du Mexique, les croyances populaires disent que les sorciers maléfiques sont capables de se transformer en chien noir pour s'attaquer au bétail de leurs voisins. Dans les États du Mexique central (Oaxaca, Tlaxcala et Veracruz ), un tel sorcier est connu sous le nom de nahual, tandis que dans la péninsule du Yucatan, il porte le nom de huay chivo. Un autre chien mythologique du folklore du Yucatan est le huay pek (chien-sorcier en maya yucatèque), un énorme chien noir fantôme qui attaque tous ceux qu'il rencontre et dont on dit qu'il est une incarnation du Kakasbal, un esprit maléfique[22],[23],[24].

Un conte populaire de Tlaxcala raconte qu'une nuit, des chasseurs ont vu un énorme chien noir et ont décidé de le capturer et de le garder. Le chien s'étant enfui à leur approche, l'un des chasseurs lui tira dessus et le blessa à une patte. En suivant la trace de sang, ils arrivèrent à une hutte de paysan richement meublée, dont le propriétaire soignait une blessure à la jambe. Ils abandonnent la poursuite et se dirigent vers le village le plus proche, où les habitants leur racontent que le paysan était un nahual qui pouvait se transformer en chien pour voler des richesse[25].

Les MayasTzeltal et Tzotzil des hauts plateaux du Chiapas, au Mexique, affirment qu'un chien blanc s'est accouplé avec Eve lors de la troisième création, donnant naissance aux Ladinos, tandis qu'un chien jaune a engendré les peuples indigènes[12].

Un conte Jakaltek des hauts plateaux du Guatemala raconte que le premier chien a été témoin de la création du monde et a couru partout pour raconter à tous les secrets de la création. Hunab' Kuh, le Dieu créateur, en a été furieux et a échangé la tête du chien contre sa queue et sa queue contre sa tête. Désormais, chaque fois qu'un chien veut parler et livrer ses secrets, il ne peut pas parler, il ne peut que remuer la queue[26].

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Burchell 2007, p.10.
  2. a b c d et e Read & Gonzalez 2000, p.172.
  3. Heyden 1998, p.26.
  4. « Xoloitzcuintli Club of America, Inc. - ABOUT XOLOS », xoloitzcuintliclubofamerica.org (consulté le )
  5. Read & Gonzalez 2000, p.170.
  6. Burchell 2007, p.25.
  7. « Dog Effigy », The Walters Art Museum
  8. Garza 1999, p.133.
  9. Braswell 2003, p.94.
  10. Garza 1999, p.135.
  11. Neumann 1975, p.19.
  12. a b et c Read & Gonzalez 2000, p.171.
  13. Fernández 1992, 1996, p.160
  14. Read & Gonzalez 2000, pp.171-172.
  15. Neumann 1975, p.16.
  16. Matos Moctezuma & Solis Olguín 2002, pp.206, 417.
  17. Burchell 2008, pp.5, 25.
  18. Fernández 1992, 1996, p.38
  19. Burchell 2008, p.6.
  20. Pardo & Robledo Hernandez 2002.
  21. Torres Cisneros 2004, p.12.
  22. Burchell 2007, pp.23-27.
  23. Burchell 2008, pp.4-5.
  24. Jijena Sánchez 1952, p.108.
  25. Valadez Azúa & Téllez Estrada 2001.
  26. Montejo 2000, p.41.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Lectures complémentaires[modifier | modifier le code]