Banu Qasi

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Banu Kazi)

Les Banu Qasi ou Banū Qāsī (en arabe : بنو قازي, « les fils de Cassius ») sont une importante famille d'origine hispano-romaine[1]. Devenue muladí, elle joue un rôle politique et militaire de premier plan dans la Marche supérieure d'Al-Andalus, pendant les premières guerres de la Reconquista et lors des nombreux soulèvements que connaît l'émirat de Cordoue entre le VIIIe et le début du Xe siècle.

La famille, originaire de Tudela, dans le sud de l'actuelle Navarre, étend son autorité sur la haute vallée de l'Èbre autour de Tarazona, Ejea de los Caballeros et Nájera. La famille donne également des gouverneurs à Pampelune, du fait de leurs alliances avec les rois de Pampelune. Musa ibn Musa, dans la première moitié du IXe siècle, est, par sa mère, le demi-frère d'Eneko Arista, roi de Pampelune.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le cœur du domaine des Banū Qāsī entre le VIIIe siècle et le début du Xe siècle.

Origines (713-770)[modifier | modifier le code]

Les Banū Qāsī descendent du comte Cassius[2]. Il s'agit, d'après un historien muladi du Xe siècle, Ibn al-Qutiyya[3], d'un noble prétendument wisigoth et vascon, qui gouverne une région autour de la haute vallée de l'Èbre, comprise plus ou moins entre Tarazona, Ejea et Nájera. Au moment de la conquête musulmane du royaume wisigoth, il se convertit à l'islam et devient, avec le changement de pouvoir dans la région, vers 713, vassal des Omeyyades. Il se serait rendu avec son fils aîné, Fortun, peu de temps après sa conversion, à Damas, afin de prêter directement allégeance au calife Al-Walīd Ier. En échange, il conserve ses domaines. C'est de ce comte Cassius que provient le nom de la famille, Banū Qāsī : « les fils de Cassius ».

Le clan des Banū Qāsī accroît son pouvoir au cours du VIIIe siècle, grâce à l'appui que ses membres apportent aux émirs de Cordoue, alors en prise à des luttes internes entre Arabes et Berbères, très fréquentes dans les années qui suivent la conquête. Au cœur de leurs domaines, dans la haute vallée de l'Èbre, ils ont à composer entre plusieurs pouvoirs concurrents : l'émir de Cordoue au sud, les royaumes chrétiens des Asturies, puis de Pampelune, à l'ouest, et le royaume franc au nord et à l'est. Enfin, les familles muladis de l'Èbre, comme les Banū Amrus, ou arabes, comme les Banū Tujib, furent aussi des ennemis acharnés des Banū Qāsī.

Musa ibn Fortún (770-802)[modifier | modifier le code]

Musa ibn Fortún, petit-fils du comte hispano-romain et fils de Fortún ibn Qasi, exerce son pouvoir sur la partie supérieure de la vallée de l'Èbre (Ejea, Tudèle, Tarazona, Borja et Arnedo) jusqu'aux abords de Saragosse. Il soutient l'émir Hicham Ier contre la révolte des Banū Husayn à Saragosse en 788, mais il conditionne son aide au retrait de l'émir. Il combat Said ibn al-Husayn, le tue et s'empare de Saragosse.

Les Banū Qāsī maintiennent des relations ambiguës avec leurs voisins chrétiens. En 778, un oncle de Musa ibn Fortún, Abu Taur, wali de Huesca, traite avec Charlemagne pour obtenir son soutien, puis propose son alliance en 790 au roi d'Aquitaine, le fils de Charlemagne, Louis. En 784, Musa ibn Fortún épouse en secondes noces Oneca (ou Iñiga ou Leodegundia), elle-même veuve du Vascon Íñigo Ximenes Arista et mère d'Eneko Arista, futur roi de Pampelune. De cette union naît Musa ibn Musa. En 796, Musa ibn Fortún entre en rébellion contre le nouvel émir de Cordoue, al-Hakam Ier. En 799, des Vascons pro-carolingiens assassinent le wali de Pampelune, Mutarrif Ier ibn Musa, fils d'un premier lit de Musa ibn Fortún.

Finalement, Musa ibn Fortún succombe à la rivalité qui l'oppose au clan des Banū Husayn. Il est tué en 802 par un proche de Said ibn Husayn.

Musa ibn Musa (802-862)[modifier | modifier le code]

La péninsule Ibérique vers 850, à l'apogée des Banū Qāsī, qui dominent presque l'ensemble de la Marche supérieure d'al-Andalus.

La famille parvient au zénith de son pouvoir avec Musa ibn Musa. En 806, il décide de rentrer dans la soumission à l'émir de Cordoue, mettant fin à vingt ans de guerre contre le pouvoir de l'émir. Dans le même temps, il renforce l'alliance avec les rois de Pampelune, les Arista, et épouse sa nièce Assona, fille de son demi-frère Eneko Arista de Pampelune.

La situation change en 840. Musa ibn Musa ne supporte en effet pas l'éviction d'un de ses cousins, Abd al-Yabbar ibn Qasi, du poste de wali de Tudèle, tandis que les frères Abdallah ibn Kalayb et Amir ibn Kalayb sont nommés par l’émir de Cordoue, Abd al-Rahman II, comme walis de Saragosse et Tudèle. À la suite d'une campagne menée en 841 par le fils de l'émir, Mutarrif, il participe aux côtés de l'émir à une campagne contre les seigneurs chrétiens de Cerdagne. Mais en 842, il reprend le conflit contre l'émir avec le soutien de son neveu, García Íñiguez, fils du roi de Pampelune. Il s'empare de Saragosse, Borja et Tudèle. En 842, 843, 844, 845, 846, 847 et 850, le conflit perdure et voit les armées d'Abd al-Rahman II revenir dans la vallée de l'Èbre, mener des expéditions punitives contre les Banū Qāsī. En 844 et 846, Musa ibn Musa est battu et soumis, mais reprend systématiquement les armes. En 852, Musa ibn Musa se réconcilie finalement avec Abd al-Rahman II, qui le confirme comme wali de Tudèle.

À partir de ce moment, Musa ibn Musa s'oppose plus vigoureusement aux princes chrétiens. En 852, il défait les armées des Asturiens d'Ordoño Ier et des Aquitains à la première bataille d'Albelda. Cette victoire ouvre la décennie de plus grande influence des Banū Qāsī. Musa ibn Musa étend son contrôle sur l'ensemble de l'actuelle région de la Rioja et obtient d'Abd el-Rahman II le titre de wali de Saragosse et de la Marche supérieure. Son gouvernement s'étend sur les terres de Tudèle, Saragosse, Calatayud et Daroca jusqu'à Calamocha. Il intervient dans la région de Huesca, et installe même son fils Lubb II ibn Musa comme wali de Tolède. Il se fait alors appeler « troisième roi d’Espagne » (tertius regem in Spania), aux côtés du roi des Asturies et de l'émir de Cordoue.

En 854, Musa ibn Musa s'oppose à la rébellion qui agite Tolède, alors qu'elle est soutenue par les rois des Asturies, Ordoño Ier, et de Pampelune, García Ier. Cela marque une première rupture entre Musa ibn Musa et son neveu. En 856, il attaque les seigneurs de Catalogne, à Barcelone et Tarrasa. En 859, Musa ibn Musa permet à un raid viking de traverser ses territoires et d'attaquer son ancien allié, le roi de Pampelune, García Ier, rançonné pour une somme de 70 à 90 000 dinars d'or. La même année, il est cependant défait à la deuxième bataille d'Albelda : García Ier apporte son soutien à Ordoño Ier, qui détruit la forteresse de Musa ibn Musa à Albelda. Son propre fils, Lubb II ibn Musa, soutient les rois chrétiens, tandis que l'émir retire à Musa ibn Musa son titre de wali de la Marche supérieure. En campagne dans la région de Guadalajara, Musa ibn Musa trouve la mort à Tudèle en 862, à la suite des blessures reçues alors qu'il attaquait le wali de Guadalajara, Azraq ibn Mantil ibn Salim, qui avait épousé une des filles de Musa ibn Musa[4].

Le déclin (862-924)[modifier | modifier le code]

La décennie de 862 à 872 est une période de déclin pour les Banū Qāsī, qui restent fidèles à Cordoue, alors que leurs domaines sont peu à peu diminués. En 870, Amrus ibn Umar ibn Amrus, muladí de Huesca, est à l'origine d'une nouvelle révolte contre l'émir de Cordoue, Muhammad Ier. En 871, les fils de Musa ibn Musa se joignent à la rébellion. Lubb, avec ses frères Ismail ibn Musa, Mutarrif II ibn Musa et Fortún II ibn Musa, se soulève : Lubb et Ismail occupent Saragosse, Mutarrif entre dans Huesca et Fortún conquiert Tudèle. Muhammad Ier réagit en renforçant Daroca et Calatayud qu'il confie aux Banū Tujib. En 873, il mène une campagne militaire et organise une expédition contre les fils de Musa : il récupère la ville de Huesca avec l'aide d'Amrus, qui s'est soumis, et le nomme wali de cette ville, où sa famille se maintient jusqu'au milieu du Xe siècle.

Les Banū Qāsī réagissent vivement et Mutarrif II ibn Musa s'empare de Barbitaniya, au point qu'en 874, hormis Huesca, toute la Marche supérieure est soumise aux Banū Qāsī. Jusqu'en 878, ils profitent même des affaires qui éloignent l'émir loin de la région. En 878, 879, 881, 882 et 883, les campagnes militaires se multiplient contre les Banū Qāsī. Finalement, Saragosse tombe aux mains de Muhammad Ier en 884, qui y place les Banū Tujib. Les territoires contrôlés par les Banū Qāsī sont alors coupés en deux : d'un côté, la zone de Lérida et Monzón, attaquée par les Banū Amrus depuis Huesca, de l'autre côté les régions occidentales.

Lubb II ibn Musa, qui dirige Tudèle et Tarazona, voit les complications se multiplier. Le roi des Asturies, Alphonse III, entre dans la vallée de Borja, à l'ouest, tandis que le comte de Pallars l'attaque au nord-est, le comte de Barcelone par l'est et le roi de Pampelune, Sanche Ier, par la Rioja. Les défaites, puis les dissensions mènent les quatre frères Banū Qāsī à la ruine : Mutarrif est exécuté et Lubb II doit affronter la rébellion de Fortún et Ismail. Lubb II ibn Musa se soumet à l'émir Abd Allah, mais il ne reçoit pas vraiment de soutien dans sa lutte contre les princes chrétiens.

Au cours du premier quart du Xe siècle, les Banū Qasi perdent leurs positions dans la vallée de l'Èbre au profit de lignages concurrents comme les Banū Tujib. En 924, l'émir Abd al-Rahman III leur enlève la dernière charge qu'ils conservent comme walis de Tudèle et les oblige à le suivre à Cordoue.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (es) Jaime de Salazar y Acha, « Urraca. Un nombre egregio en la onomástica altomedieval », En la España medieval, 2006, vol. 1, p. 32, note 11.
  2. Cañada Juste, 1977, p. 5.
  3. Cañada Juste, 1977, p. 6.
  4. Cañada Juste, 1977, p. 12-41.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (es) Alberto Cañada Juste, « El posible solar originario de los Banu Qasi », Homenaje a Lacarra, Saragosse, 1977.
  • (es) Alberto Cañada Juste, « Los Banu Qasi (714-924) », Príncipe de Viana, no 158-159, Pampelune, 1982.
  • (es) María Jesús Viguera Molins, Aragón musulmán. La presencia del Islam en el Valle del Ebro, Saragosse, 1988.

Articles connexes[modifier | modifier le code]