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Arvanitique

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Arvanitique
arbërisht, αρbε̰ρίσ̈τ, αρϐανίτικα
Pays Grèce
Région Attique, Béotie, Sud de l'Eubée, Îles Saroniques; Thrace de l'Ouest; Péloponnèse; villages du Nord-Ouest de la Grèce; Nord de l'île d'Andros; plus de 500 villages au total[1]
Nombre de locuteurs de 30 000 à 150 000
Classification par famille
Codes de langue
IETF aat
ISO 639-3 aat
Linguasphere 55-AAA-ae
Glottolog arva1236
État de conservation
Éteinte

EXÉteinte
Menacée

CREn situation critique
SESérieusement en danger
DEEn danger
VUVulnérable
Sûre

NE Non menacée
Langue sérieusement en danger (SE) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde

L’arvanitique (en arvanitique arbërisht ou αρbε̰ρίσ̈τ, en grec αρβανίτικα, arvanítika), est la variété de l'albanais traditionnellement parlée par les Arvanites, albanophones chrétiens vivant en Grèce. L'arvanitique est en danger au XXIe siècle[2], car ses locuteurs passent au grec et la plupart des jeunes de la communauté ne le parlent plus[3].

Les noms arvanítika et arvanitique, ainsi que leurs équivalent autochtone arbërisht[4] sont dérivés de l'ethnonyme Arvanites, qui vient du toponyme Arbëna (Άρβανα en grec) désignant l'actuelle l'Albanie au Moyen Âge[5]. Ses équivalents autochtones (Arbërorë, Arbëreshë et autres) étaient l’auto-désignation des Albanais en général. Dans le passé, l’arvanatique était parfois décrit comme du « gréco-albanais »[6] mais aujourd'hui la plupart des Arvanites s'identifient comme Grecs et non comme Albanais[7].

Classification

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L'arvanitique dans l'évolution de l'albanais.
Répartition géographique des dialectes albanais.

L’arvanitique est parlé par des albanophones venus dans le Sud de la Grèce depuis ce qui correspond aujourd'hui à l’Albanie, à l’époque où l’Empire ottoman procédait à l’islamisation de cette région. L'arvanitique est étroitement lié à l’arberèche, le dialecte de l’albanais en Italie, qui a aussi accueilli de nombreux albanophones chrétiens, certains venus de Grèce. L’arberèche italien conserve des mots empruntés au grec – par exemple haristis (merci) est emprunté à ευχαριστώ ; dhrom (route), à δρόμος ; Ne (oui), à ναι, dans certains villages. L'italo-arberèche et le greco-arvanitique ont une base lexicale mutuellement intelligible. Les éléments inintelligibles des deux dialectes proviennent de l’utilisation moderne de l’italien ou du grec, faute de lexique en albanais.

Alors que l’érudition linguistique décrit à l’unanimité l’arvanitique comme un dialecte albanais[8], de nombreux Arvanites seraient réticents à l’utilisation du nom « albanais » pour le désigner[7]. En effet, il a une connotation de nationalité albanaise, aujourd’hui très majoritairement musulmane, qui remet en question leur identité chrétienne et grecque ou italienne.

La sociolinguistique décrit l’arvanitique dans le cadre conceptuel des Ausbausprachen et des Abstandssprachen. En termes d’Abstand (différence objective des systèmes linguistiques), l’appréciation des linguistes du degré d’intelligibilité mutuelle entre l’arvanitique et le tosque standard varie de relativement élevée à seulement partielle[9]. L’intelligibilité mutuelle entre le tosque standard et l’arvanitique est plus élevée que celle entre les deux principaux groupes de dialectes en albanais, le tosque et le guègue[10].

En terme d’Ausbau (« langue par élaboration », variante d’une langue érigée en langue distincte), l’indicateur le plus fort de l’autonomie est l’existence d’un système d'écriture distinct, l’alphabet arvanitique grec. Un système très similaire était autrefois utilisé par d’autres locuteurs de l’albanais tosque entre le XVIe et le XVIIIe siècle[11],[12]. Cependant, ce système d’écriture se pratique rarement aujourd’hui, car l’arvanitique est presque exclusivement une langue confinée à la sphère privée. L’utilisation de l’alphabet latin pour écrire l’arvanitique est un objet de désaccord parmi les Arvanites (comme pour les Aroumains)[7]. L’arvanitique parlé est divisé en sous-dialectes, et ne connait aucune normalisation pour un arvanitique standard, qu’il soit oral ou écrit. Les Arvanites n’utilisent pas l’albanais standard, car ils n’en connaissent généralement pas l’orthographe issue du latin, et n’utilisent pas les médias dans cette langue. En ce sens, l’albanais standard n’est pas une dachsprache ("langue-toit") de l’arvanitique, comme le sont généralement les dialectes d’une langue nationale dans un même pays.

Distribution géographique

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Régions de Grèce où est parlée une autre langue que le grec. Les hachures vert clair représentent les zones où l’arvanitique était / est parlé.
Carte ethnique du Péloponnèse du XIXe siècle. Zones de langue arvanitique en rouge.

Il existe trois principaux groupes de colonies arvanites en Grèce. La plupart des Arvanites vivent dans le sud de la Grèce, en Attique, en Béotie, dans le Péloponnèse et dans certaines régions et îles voisines. Un deuxième groupe, plus restreint, vit dans le nord-ouest de la Grèce, dans une zone contiguë aux terres albanophones proprement dites. Un troisième groupe se trouve dans le nord-est de la Grèce, dans quelques villages de Thrace.

Selon certains auteurs, le terme « arvanitika » au sens propre ne s’applique qu’au groupe sud[13],[14], c’est-à-dire aux dialectes séparés du noyau albanais depuis plusieurs siècles. Les dialectes du nord-ouest seraient plus proches des dialectes tosques voisins d’Albanie et du parler des anciens Albanais musulmans (Çamërishte), qui vivaient dans la même région[15]. Ces dialectes sont classés par Ethnologue comme faisant partie du noyau tosque, par opposition à l’albanais arvanitique, bien qu’Ethnologue note que le terme « Arvanitique » est souvent appliqué indifféremment aux deux formes en Grèce[16]. Dans leur langue, certains groupes du nord-ouest utiliseraient le terme Shqip (langue albanaise) pour faire référence à l'arvanitique, ainsi qu'à la langue des ressortissants albanais, ce qui confirme encore une fois qu’ils sont Albanais assimilés avec le temps[17]. L’arvanitique du sud de la Grèce est richement subdivisé en dialectes locaux. Sasse (1991) distingue jusqu’à onze groupes de dialectes dans cette zone : attique de l’ouest, attique du sud-est, attique du nord-est-béotien, béotien de l’ouest, béotien central, nord-péloponnésiaque, sud-péloponnésiaque, ouest-péloponnésiaque, eubéen et andriote.

Le nombre estimé de locuteurs d’arvanitique varie entre 30 000 et 150 000. Ces chiffres incluent les « locuteurs terminaux » (Tsitsipis 1998) de la jeune génération, qui n’ont acquis qu’une maîtrise imparfaite de la langue et sont peu susceptibles de la transmettre aux générations futures. Le nombre de villages ayant des habitants Arvanites est estimé à plus de 500. Le monolinguisme en cette langue n’existe pas, car tous sont aujourd’hui bilingues en grec. L’arvanitique est considérée comme une langue en voie de disparition en raison d’un remplacement par le grec parmi les descendants des locuteurs de l’arvanitique au cours des dernières décennies[18].

Caractéristiques

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L'arvanitique et le dialecte tosque parlé dans le sud de l'Albanie ont de nombreux traits communs. Cependant, l'arvanitique est influencé par le grec, pour son lexique et son système phonologique. Il aurait conservé certaines règles qui ont évolué en tosque. Par exemple, il conserve certaines suites de consonnes sur la première syllabe qui ont sont simplifiées en albanais standard (par exemple, l'Arvanitique gljuhë [ˈɡljuhə] (« langue »-signifiant à la fois le langage et l'organe), vs. Gjuhë en albanais standard [ˈɟuhə]) .

Des linguistes ont observé des signes de convergence structurelle accélérée vers le grec et de simplification structurelle de la langue, interprétés comme des signes d’« attrition linguistique », c'est-à-dire des effets d'appauvrissement conduisant à la mort de la langue.

Système d'écriture

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Noctes Pelasgicae, une collection de chansons folkloriques, de proverbes et de matériel lexical à Arbërishte, publiée par Karl Th. H. Reinhold

L'arvanitique s'écrit peu. Selon GHM 1995, il s'écrit à la fois dans l'alphabet grec (souvent avec l'ajout des lettres b, d, e et j, ou des signes diacritiques [1] ) et l'alphabet latin. Les Albanais tosques orthodoxes écrivaient également avec une forme similaire de l'alphabet grec (par exemple [2] ) .

Source: Arvanitikos Syndesmos Ellados

Pronom personnel Pronoms possessifs
1Sg. û je ími mien
2Sg. ti tu íti le tien
3Sg.m. ái il atía le sien
3Sg.f. ajó elle asája la sienne
1Pl. ne nous íni les notres
2Pl. ju vous júai le vôtre
3Pl.m. à ils atíre les leurs(m. )
3Pl.f. ató elles atíre les leurs (f. )

Conjugaison

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Le verbe avoir Le verbe être
Présent Imparfait Subjonctif

imparfait

Subjonctif parfait Présent Imparfait Subjonctif Imparfait Subjonctif parfait
1Sg. kam keshë të kem të keshë jam jeshë të jem të jeshë
2Sg. ke keshe të kesh të keshe je jeshe të jesh të jëshe
3Sg. ka kish të ket të kish ishtë, është ish të jet të ish
1Pl. kemi keshëm të kemi te keshëm jemi jeshëm të jeshëm të jeshëm
2Pl. kine keshëtë të kini te keshëtë jini jeshëtë të jeshëtë të jeshëtë
3Pl, kanë kishnë të kenë të kishnë janë ishnë të jenë të ishnë

Comparaison avec d'autres formes de l'albanais

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Notre Père (Áti ýnë / Άτι ύνε̱) en arvanitique, comparé au tosque standard (en rouge), au guègue (en vert) et à l'arberèche (en bleu) :

Áti ýnë që jé ndë qiéjet
Ãτι ύνε̱ κ̇ε̱ ϳέ νdε̱ κ̇ιέϳετ
Ati ynë që je në qiell
Ati ynë që je në qiell
Tata ghine cë jee në chiex
Notre Père, qui es aux cieux,
ushënjtëróft' émëri ýt
ȣσ̈ε̱ν̇τε̱ρόφτ' έμε̱ρι ύτ
u shenjtëroftë emri yt
shënjtnue kjoftë emni yt
schetruarë clost embri ghit
que ton nom soit sanctifié,
árthtë mbëretëría jóte
άρθτε̱ μbε̱ρετε̱ρία ϳότε
arthtë mbretëria jote
ardhtë m(b)retënia jote
jar reghria jòte (jar mbretëria jòte)
que ton règne vienne,
ubëftë dashurími ýt
ȣbε̱φτε̱ dασ̈ȣρίμι ύτ
u bëftë dashurimi yt (u bëftë vullnesa jote)
u baftë dashnimi yt (u baftë vullneti yt)
bûrë clost vulema jùte
que ta volonté soit faite
si ndë qiél, edhé mbë dhét
σι νdε̱ κ̇ιέl, εδέ μbε̱ δέτ
si në qiell, edhe mbi dhe (si në qiell, ashtu në tokë)
si në qiell, edhe m(b)y dheu (si në qiell, ashtu në tokë)
si në chiext, astu në dee
sur la terre comme au ciel
búkënë tónë të përdítëshimen'
bȣ́κε̱νε̱ τόνε̱ τε̱ πε̱ρdίτε̱σ̈ιμεν'
bukën tonë të përditëshme
bukën tonë të përditshmen
bucnë tënë tëdiscmen
notre pain du jour
ép-na néve sót
έπ-να νέβε σότ
na e jep sot
epna neve sod
emna sòt
donne nous aujourd'hui
edhé fálj-na fájetë tóna
εδέ φάλ̇-να φάϳετε̱ τόνα
edhe na i fal fajet tona
edhë falna fajët tona
e ndiena meatëtë tona
pardonne-nous nos offenses
sikúndrë edhé néve ua fáljmë
σικȣ́νdρε̱ εδέ νέβε ȣα φάλ̇με̱
sikundër edhe ne i falim
sikur edhe na ua falim
si (e) na ndicgnëmi
comme nous pardonnons aussi à ceux
fajtórëvet tánë
φαϳτόρε̱βετ τάνε̱
fajtorët tanë
fajtorëvet tanë
armikete tënë
qui nous ont offensé
edhé mos na shtiér ndë ngásie
εδέ μοσ να σ̈τιέρ νdε̱ νγάσιε
edhe mos na shtjerë në ngasje
(edhe mos na ler të biem në tundim)
e mos na shtinë në t'keq
etë mòj bieme ën pirasmô
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
pó shpëtó-na nga i ljígu
πό σ̈πε̱τό-να νγα ι λ̇ίγȣ
por shpëtona nga i ligu (por na liro nga i keqi)
po largona prej të keqit
ma lirona caa ghiet eliga
mais délivre-nous du Mal
sepsé jótia është mbëretëría
σεπσέ ϳότια ε̱σ̈τε̱ μbε̱ρετε̱ρία
sepse jotja është mbretëria
sepse e jotja âsht mretnia
car c'est à Toi qu'appartiennent le Règne
e fuqía e ljavdía
ε φȣκ̇ία ε λ̇αβdία
e fuqia e lavdia
e fuqia e lavdia
la puissance et la gloire
ndë jétët të jétëvet.
νdε̱ ϳέτε̱τ τε̱ ϳέτε̱βετ.
në jetët të jetëvet.
në jetët të jetëvet.
éternelle
Amín.
Αμίν.
Ashtu qoftë.
Ashtu kjoftë.
Astu-clost.
Amen.

Source: Η Καινή Διαθήκη στα Αρβανίτικα; "Christus Rex" website

Flas shumë pak. Je parle très peu.
Je mirë? Tu vas bien?
Jam shumë mirë. Je vais très bien.
Si jam? Shum mir. Comment je vais? Très bien merci.
Edhé un jam shum mir. Je vais bien aussi.
Si ishtë it at? Comment va votre père?
Edhé aj isht shum mir. Il va bien.
Thuai të faljtura. Donnez-lui mes meilleures salutations.
Gruaja jote si ishtë? Et ta femme?
Nani edhe ajo, ishtë mir, i shkoi sëmunda çë kej. Maintenant elle aussi va bien, la maladie est finie.

Références

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  1. (en) Skutsch Carl, Encyclopedia of the world's minorities, Routledge, (ISBN 978-1-57958-468-9, lire en ligne), p. 138
  2. « Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde », sur unesco. org (consulté le )
  3. Babiniotis, Lexicon of the Greek Language
  4. Écrit Arberichte dans Ethnologue, et dans d’autres références basées sur celui-ci.
  5. Babiniotis 1998
  6. Furikis, 1934
  7. a b et c Greek Helsinki Monitor (1995): Report: The Arvanites
  8. E.g. Haebler (1965); Trudgill (1976/77); Sasse (1985, 1991); Breu (1990); Furikis (1934), Babiniotis (1985: 41).
  9. Trudgill/Tzavaras 1977; Tsitsipis 1981, 1983, 1995, 1998; Banfi 1996, Botsi 2003 et Ethnoloque, qui indique que l’intelligibilité mutuelle entre différents sous-dialectes au sein de l’arvanitique peut parfois être problématique.
  10. Trudgill (2004: 5) : "linguistiquement, il ne fait aucun doute que l’arvanitique est une variété d’albanais".
  11. « Albanian-Greek » [archive du ] (consulté le )
  12. « Albanian language, alphabets and pronunciation » (consulté le )
  13. Botsi 2003: 21
  14. « Albanian, Arvanitika » (consulté le )
  15. « Euromosaic-Index1 » (consulté le )
  16. « Albanian, Tosk » (consulté le )
  17. GHM 1995, quoting Banfi 1994
  18. Salminen, Unesco Red Book of Endangered Languages (1993). Voir aussi Sasse (1992) et Tsitsipis (1981).

Bibliographie

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  • (el + aat) Η Καινή Διαθήκη του Κυρίου και Σωτήρος ημών Ιησού Χριστού Δίγλωττος, τουτέστι Γραικική και Αλβανητική. = Δγιατα ε ρε Ε Ζοτιτ σονε κε να Σπετοϊ Ιησού Χριστοϊτ μπε δι Fιουχε, δο με θενε Fερκιστε, ε δε Σκιπεταρτζε., Κορφοί, Εν τη Τυπογραφία της Διοικήσεως,‎ (lire en ligne)