Annales regni Francorum

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Folio du manuscrit viennois des Annales regni Francorum : passage relatif à la mort de Charlemagne (814). Bibl. Nat. d'Autriche, Cod. 473, fol. 143v

Les Annales regni Francorum (« Annales du royaume des Francs » ; en allemand Reichsannalen, « Annales impériales »), appelées autrefois Annales Laurissenses Majores (Grandes Annales de Lorsch) et plus tard parfois annales nazariennes[1] ; du nom de l'abbaye de Lorsch où fut découvert au XVIe siècle le premier manuscrit connu, sont un ouvrage historique rédigé dans le cadre de la monarchie carolingienne, rapportant année après année les événements survenus entre l'an 741 (mort de Charles Martel) et l'an 829 (début de la crise du règne de Louis le Pieux).

Élaboration[modifier | modifier le code]

L'élaboration de ces annales, qui ont sûrement eu plusieurs auteurs successifs, a fait l'objet depuis deux ou trois siècles de débats très nourris qui sont loin d'être clos. On dispose d'une compilation existant en versions un peu différentes, et de nombreux scénarios ont été proposés pour sa mise au point.

Il y a un petit nombre de faits sur lesquels tout le monde s'accorde à peu près : que la section 741-788 a été écrite d'un seul jet, à partir de sources en grande partie connues, par un lettré ou scribe de la cour de Charlemagne, peut-être de la chancellerie[2] ; la suite est faite de continuations ajoutées progressivement ; à la fin, la section 820-829 est également attribuée unanimement à une même plume, peut-être celle d'Hilduin de Saint-Denis, alors archichapelain du palais de Louis le Pieux[n 1]. Entre les deux, on remarque que la section 789-795 donne des informations plus maigres. Entre 796 et 820, divers découpages ont été proposés. Au-delà des noms divers avancés, l'essentiel est que l'ensemble est une production de la cour de Charlemagne et de Louis le Pieux, comme l'a fermement établi au milieu du XIXe siècle l'historien Leopold von Ranke (qui a imposé le titre Annales regni Francorum).

Certains manuscrits donnent une version remaniée du début jusqu'en 801 : stylistiquement (l'autre version, en mauvais latin, a parfois été appelée « Annales plébéiennes »), et en enrichissant le texte de détails et d'observations. On trouve aussi des remaniements stylistiques entre 802 et 812. Cette autre version plus élaborée sur toute la première partie a longtemps été attribuée à Éginhard (Annales qui dicuntur Einhardi), depuis André Duchesne et Jean Mabillon notamment, à cause de rapprochements avec la Vita Karoli, et du témoignage du moine Odilon de Saint-Médard (début du Xe siècle), qui parle des « Annales d'Agenhard »[n 2]. De nos jours, on ne croit plus guère qu'il en soit l'auteur.

Ces annales « officielles » ont eu deux prolongements :

Les manuscrits et les différentes versions[3][modifier | modifier le code]

Les manuscrits de la version non remaniée se divisent en quatre classes : la classe A (un texte 741-788) n'est plus représentée que par l'édition imprimée d'Henri Canisius, car son manuscrit a disparu ; la classe B a un texte 741-813 ; la classe C a un texte 741-829, certaines informations des années 773 et 776 sont données dans un autre ordre (par intégration de notes marginales sans doute), et il est question pour 828 d'une pluie de froment dans la région d'Agen qui n'est mentionnée que là (l'archétype de cette classe C a été établi en 830, et les Annales de Saint-Bertin ont été écrites à la suite, comme continuation) ; la classe D diffère des autres en ce qu'elle mentionne en 785 la conjuration du comte Hardrade et en 792 celle de Pépin le Bossu.

La version remaniée (Annales qui dicuntur Einhardi) est connue par une dizaine de manuscrits, et figure presque toujours à la suite de la Vita Karoli d'Éginhard.

Contenu[modifier | modifier le code]

L'histoire des règnes concernés est rapportée de façon assez sommaire, comme c'est généralement le cas dans l'écriture annalistique. Ainsi, pour l'année 772, ces annales évoquent une assemblée tenue à Worms, puis une expédition en Saxe, la prise du fort saxon d'Eresburg et la destruction du sanctuaire d'Irminsul, puis le fait que Charlemagne fête Noël à Herstal. Les Annales qui dicuntur Einhardi ajoutent au début la mort du pape Étienne III et l'avènement d'Adrien Ier.

On peut interpréter ces annales comme un instrument aux mains des souverains francs, pour justifier leurs décisions politiques et militaires. En effet, les Annales regni Francorum ont servi plus d'une fois[réf. nécessaire] à fonder des revendications mal assurées, en fournissant un argument de casus belli.

Malgré leur fidélité douteuse aux événements, ces annales forment l'une des sources écrites majeures du Haut Moyen Âge et un objet d'étude central de l'histoire médiévale.

Les éditions et traductions[modifier | modifier le code]

Époque moderne[modifier | modifier le code]

Les Annales qui dicuntur Einhardi ont été publiés pour la première fois, avec la Vita Karoli d'Éginhard, par le comte Hermann de Neuenahr, en latin Nuenarius, prévôt des chapitres de Cologne et d'Aix-la-Chapelle, chancelier de l'Université de Cologne (Cologne, 1521).

L'autre version (en fait le texte non remanié de la section 741-788), fournie par un manuscrit de l'abbaye de Lorsch (aujourd'hui perdu), a été éditée en 1603 à Ingolstadt par Henri Canisius, dans le tome III de ses Antiquæ lectiones, sous le titre d'Annales Laurissenses Majores.

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

Texte latin[modifier | modifier le code]

La consultation du catalogue SUDOC[4] semble indiquer que les ARF n'ont été éditées en latin que par des chercheurs allemands, à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe :

  • Friedrich Kurze et Georg Friedrich Pertz (éditeurs), Annales regni Francorum inde ab a. 741 usque ad a. 829, qui dicuntur Annales Laurissenses maiores et Einhardi[n 3], Hahnsche Buchhandlung, coll. « Scriptores rerum germanicarum in usum scholarum », Hanovre, 1895 (réimprimé en 1950 par la même maison d'édition), XX + 204 p., in-octavo (ISBN 3-77525-068-9) [SUDOC notices 17 et 10). Texte des deux annales en vis-à-vis.
  • Reinhold Rau (éditeur), Annales regni Francorum, dans Quellen zur karolingischen Reichsgeschichte, Teil 1 (Ausgewählte Quellen zur deutschen Geschichte des Mittelalters, FSGA, vol. 5), Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1955 (réimprimé en 1974, 1987), p. 9–155. Traduction allemande en vis-à-vis. [SUDOC notice 6]
  • Quellensammlung zur mittelalterlichen Geschichte, dans Fontes medii aevi, éd. Bogon Mueller Pentzel, Berlin, 1998, 1 CD-ROM. (ISBN 3-98064-270-4)[5]

Traductions en français[modifier | modifier le code]

Une traduction en français a été réalisée au XIXe siècle et a été récemment rééditée (au moins partiellement).

  • Yves Germain et Eric de Bussac (éditeurs), Annales de Pépin le Bref et Charlemagne (741-814), traduction de François Guizot, Paléo, Clermont-Ferrand, 2010, 114 pp. [ (ISBN 978-2-84909-582-9)].

Sur le net[modifier | modifier le code]

Texte latin


Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes
  1. Hypothèse formulée pour la première fois par Gabriel Monod, « Hilduin et les Annales Einhardi », Mélanges Julien Havet, Paris, E. Leroux, 1895, p. 57-65. Hilduin fut banni momentanément et perdit ses fonctions au palais en 830.
  2. Odilon de Saint-Médard de Soissons († vers 920), auteur d'une Histoire de la translation des reliques de saint Sébastien dans son monastère, qui eut lieu en 826, et qui cite dans sa préface les « Annales d'Agenhard ». On trouve effectivement, dans les Annales que nous lisons, mention de cette translation, organisée par Hilduin de Saint-Denis, pour l'année 826. Mais les Annales qui dicuntur Einhardi figurent dans presque tous les manuscrits connus à la suite de la Vita Karoli, et c'était peut-être le cas dans le manuscrit dont disposait Odilon, ce qui ne veut pas dire que les deux textes soient du même auteur. Quant aux rapports entre les deux, on pense plutôt aujourd'hui qu'Éginhard a consulté les Annales pour écrire sa Vita Karoli.
  3. Einhardus : Eginhard. L'ouvrage comprend les ARF et des annales attribuées à Eginhard, Annales qui dicuntur Einhardi, les annales qui sont dites d'Eginhard.
Références
  1. [Bouquet 1744] (fr + la) dom Martin Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 5 (règnes de Pépin et Charlemagne, de l'an 1252 jusqu'à l'an 1314), Paris, Libraires associés, , 851 p., sur gallica (lire en ligne), iii.
  2. Minois 2010, p. 76.
  3. Minois 2010, p. 77.
  4. « Annales regni Francorum », catalogue SUDOC, sur sudoc.abes.fr (consulté en ). Remarque : les ISBN ne fournissent pas un volume précis, c'est pourquoi les notices SUDOC sont indiquées lorsqu'il y en a.
  5. Références à préciser : il semble s'agir d'un livre avec CD-ROM ou plutôt d'un livre sur CD-ROM.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Les éditions et traductions du texte comportent des éléments explicatifs (introduction, notes, etc.) essentiels.

  • [Minois 2010] Georges Minois, Charlemagne, Paris, Perrin, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    les ARF sont présentées de façon assez détaillée p. 76-80, dans un chapitre consacré à l'étude des sources.
  • [Riché 1997] Pierre Riché, Les Carolingiens, Hachette, coll. « Pluriel », .
  • [Weitzel 1985] J. Weitzel, Dinggenossenschaft und Recht. Untersuchungen zum Rechtsverständnis im fränkisch-deutschen Mittelalter, vol. 15 : Quellen und Forschungen zur höchsten Gerichtsbarkeit im Alten Reich (en deux parties), .

Liens externes[modifier | modifier le code]