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Affaire Agnès Marin

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L’affaire Agnès Marin est une affaire judiciaire du début des années 2010 sur le viol et l'assassinat d'Agnès Marin, une interne du Collège Cévenol du Chambon-sur-Lignon, par un de ses camarades.

Description

Le 16 novembre 2011, l'un des pensionnaires, âgé de presque 18 ans[1], viole, tue et brûle une camarade âgée de 13 ans, Agnès Marin, après vingt minutes de sévices sous la menace d'un couteau[2]. L'affaire a eu un énorme retentissement, car il a été scolarisé bien qu'il ait commis, un an plus tôt, un viol reposant sur le même mode opératoire, prémédité et sous la menace d'une arme. Il a été condamné à la prison à perpétuité, l'avocat général estimant qu'on a déroulé devant lui, pour le second crime, « une sorte de tapis rouge »[3], au lieu d'encadrer sa réinsertion et la réparation après le premier viol.

Sous prétexte de chercher des champignons hallucinogènes, le meurtrier a attiré sa victime dans un ravin de la forêt accessible directement du parc du Lycée Cévenol[4], pour l'attacher à un arbre. La jeune fille, qui avait prévenu ses camarades de cette promenade, a tenté sans succès de se défendre[5]. Tous deux faisaient partie des 60 pensionnaires de l'internat[6]. Ayant remarqué l'absence d'Agnès à l'étude, puis au dîner, ses amis ont commencé à fouiller le domaine du lycée et la forêt voisine, malgré l'interdiction du surveillant[7]. Plusieurs lycéens voient Mathieu M. sortir seul du bois, le visage caché par une écharpe[4]. Plus tard dans la soirée, lorsque les recherches sont organisées par l'établissement, il fait semblant d'y participer, malgré son visage strié de griffures infligées par la victime[8]. « L'audition de ses camarades a été compliquée et il a été très difficile de démêler son emploi du temps », affirme au sujet de la victime le procureur du Puy-en-Velay, René Pagis. Malgré la mobilisation de 150 gendarmes et d'un hélicoptère, le corps n'est retrouvé que le surlendemain, criblé de 17 coups de couteau, le suspect étant finalement passé aux aveux. L'ADN de sa victime a été retrouvé dans une tache de sang sur son jean.

Quatre jours après le crime, son passé judiciaire est révélé. Fils d'une cadre comptable, conseillère municipale, et du gérant d'une société de formation continue, il a grandi à Nages-et-Solorgues, village du Gard, cent kilomètres plus au sud, où il a commis seize mois plus tôt, le dimanche 1er août 2010, un autre viol avec arme, séquestration et préméditation. La victime, une ex-camarade d'école primaire, l'a dénoncé le soir même, entraînant son incarcération, puis ses aveux et sa mise en examen. Au prétexte de lui rendre 10 euros, il l'avait attirée au pied d'un arbre, aux branches duquel il avait préalablement noué des lacets, pour lui attacher les poignets, la bâillonner et la violer[8]. Après l'appel téléphonique de la mère de la jeune fille[9], il l'avait relâchée. Sa victime, qui estime alors avoir « vu la mort »[10] et l'avait supplié de l'épargner, lui avait dit : « C’est ma mère, elle va venir me chercher ». Trois mois et demi après ce premier crime, le violeur obtenait sa sortie de maison d'arrêt, validée par quatre expertises psychiatriques, en échange d'un contrôle judiciaire, son père faisant valoir qu'il était admis au Lycée Cévenol, après avoir échoué à l'inscrire dans seize autres établissements.

Après le scandale causé par ces révélations, le directeur du Lycée Cévenol, Philippe Bauwens, tente de défendre sa réputation. Il explique qu'il avait reçu l'adolescent violeur, pour un long entretien, avant d'accepter son inscription[11]. Les parents de la victime estiment qu'il savait le meurtrier déjà mis en examen pour viol avec arme et préméditation[12]. Le directeur dément, puis finit par reconnaître que le père de l'adolescent lui avait « parlé d’agression sexuelle ». Il affirmera au procès n'avoir « pas compris que Mathieu était sous contrôle judiciaire » et ignorer « qu'il devait rendre compte de ses problèmes » à la Protection Judiciaire de la Jeunesse[13]. « Si j'avais été au courant de la nature exacte des faits reprochés à Mathieu, je ne l'aurais pas admis dans mon établissement »[12], tentera-t-il de se justifier. « Nous ne savions pas qu'il était sous contrôle judiciaire, nous n'avons pas eu le moindre contact avec les autorités jusqu'au drame (…) 4 mois de prison préventive, nous savions. Mais que c'était pour viol non", dira Jean-Michel Hieaux, le vice-président du lycée[14].

Pour se justifier, la Protection Judiciaire de la Jeunesse s'abrite derrière une interprétation du « secret professionnel »[15]. Comme la direction du lycée, elle évoque le secret de l'instruction et rejette la faute sur la Juge des libertés chargée de l'affaire du premier viol, qui a commis la première des erreurs : ne pas s'opposer au choix, lui aussi effectué par les parents du meurtrier, de cet internat mixte[15] en grande difficulté financière, qui accueillait des élèves vulnérables car très éloignés de leurs familles et facturait 12 000 euros par an pour les internes[16]. Lorsque l'éducatrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse responsable de Mathieu, remet son rapport validant ce choix, il est déjà scolarisé au Lycée Cévenol depuis deux mois. Alors qu'il n'a plus le droit de séjourner dans le Gard, il y revient à chaque vacances, ses parents n'ayant déménagé que d'une dizaine de kilomètres, ce qui rend malade sa première victime lorsqu'elle le croise[17]. Le procès montrera que le psychothérapeute qui a suivi l'adolescent pendant sa scolarité au Collège Cévenol n'avait pas les diplômes requis et qu'il a été choisi par ses propres parents.

Le 28 juin 2013, le récidiviste est condamné à la prison à perpétuité [18], peine rarissime pour un crime commis avant l'âge de 18 ans. La famille de la victime a obtenu une levée partielle du huis clos, afin d'établir les différentes responsabilités éducatives et judiciaires[19]. La presse a pu suivre les débats dans une salle annexe, équipée d'un écran géant[6]. Lors du réquisitoire, l' avocat général estimera que le choix de cet internat mixte, véritable « campus sans murs », aura été « le moins adapté au cas de Matthieu M, une insulte au bon sens »[20]. Le lycée « n'a pas creusé la question des antécédents » de l'intéressé, faisant preuve d'un « manque de curiosité étonnant », a-t-elle dénoncé. L'éducatrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse chargée du suivi de l'adolescent, ne s'est rendue qu'une fois au Lycée Cévenol, en mars 2011, plus de trois mois et demi après son admission[21]. Ne parvenant pas à rencontrer le directeur, qui a annulé le rendez-vous pour cause de « carnaval » organisé dans le lycée, elle ne parle qu'au conseiller d'éducation, qu'elle ne reverra jamais. Selon le lycée, elle ne l'informe pas du viol avec arme et préméditation pour lequel l'élève est mis en examen[22],[23]. « Nos échos étaient positifs. Il n'(y) avait rien à signaler dans son comportement, si ce n'est un point minime », expliquera-t-elle. Elle ne demande pas à être informée de ce « point minime » : l'introduction d'alcool fort au sein du lycée[13]. Les enquêteurs découvriront que le dossier disciplinaire du futur meurtrier ne mentionnait pas non plus la consultation de sites internet à caractère pédopornographique au centre de documentation du lycée, qui lui a pourtant valu une semaine d'exclusion[24]. Il n'indiquait pas non plus que des camarades l'avaient vu promener une autre élève en laisse ou passait les mains sous sa jupe au vu de tous[25]. Lors du procès, l'avocat général relèvera que Matthieu avait « des relations sexuelles quasi quotidiennes » dans l'internat[24] avec une jeune fille éloignée de sa famille, résidant à Tahiti, qui allait fréquemment le week-end dans la famille de Mathieu dans le Gard. Deux fois exclu pendant une semaine, ce dernier a même évité d'extrême justesse un refus d'inscription pour l'année suivante, lors d'un passage devant le conseil de la vie scolaire en juin 2011[26]. Malgré cela, le lycée n'a jamais eu aucun contact avec le juge d'instruction chargé du premier viol[27] et n'a effectué aucun signalement à la PJJ. Appelé au procès, le directeur central de la PJJ, Jean-Louis Daumas, un ancien membre de cabinets ministériels, a refusé devant le tribunal de reconnaître des erreurs de son administration, concédant seulement une « faiblesse » mais pas de « fautes » dans le suivi de l'adolescent[28]. Lors du procès, il signalera que le cabinet du ministre de la justice n'a pas commandé d'inspection.

Le 29 juin 2013, au lendemain de l'annonce du verdict qui condamne Matthieu M. à perpétuité, les avocates de la défense, Maître Joëlle Diez et Maître Isabelle Mimran annoncent qu'elles font appel de cette décision[29].

Notes et références

  1. Mort d'Agnès : le lycéen mis en examen pour assassinat et viol
  2. Autour du collège Cévenol, ce sont les médias qui font l’enquête
  3. "Chambon-sur-Lignon : la perpétuité pour Matthieu M" par Pascale Robert-Diard, dans LE MONDE du 29.06.2013 [1]
  4. a et b "Disparition d'Agnès : un corps calciné retrouvé" par Le Figaro du 18/11/2011 à 22:43 [2]
  5. "Le Chambon-sur-Lignon : le viol et le meurtre d'Agnès Marin auraient-ils pu être évités ?", par Par Michael Bloch, sur France TV, le 18/06/2013 [3]
  6. a et b "Procès du meurtrier présumé d'Agnès: levée partielle du huis clos", par 20 Minutes, le 20 juin 2013 [4]
  7. "Meurtre d'Agnès : un collégien témoigne" par Christophe Cornevin, dans Le Figaro du 21/11/2011 [5]
  8. a et b "Meurtre d'Agnès Marin : au cœur du procès, un jeune perturbé et un suivi défaillant" par Pascale Robert-Diard, dans LE MONDE du 17.06.2013 [6]
  9. "Un proche de la 1re victime de l'agresseur d'Agnès parle", par Fabrice Amedeo dans Le Figaro du 22/11/2011 [7]
  10. http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Agnes-La-premiere-victime-pensait-qu-elle-allait-mourir-145956
  11. "Meurtre d'Agnès : questions sur le suivi du suspect", dans LE MONDE du 21.11.2011, par Patricia Jolly []
  12. a et b "Agnès: le drame "pouvait être évité" par l'AFP, le 21/11/2011 [8]
  13. a et b Meurtre d'Agnès : "Je suis épouvanté par la lâcheté humaine" déclare son père, sur RTL.fr, le 21/06/2013 [9]
  14. "Meurtre d'Agnès : "4 mois de prison, nous savions. Que c'était pour viol, non », dans Sud Ouest du 21 novembre 2011 [10]
  15. a et b "Assassinat d'Agnès Marin: les défaillances d'un suivi judiciaire", dans La Montagne du 20 juin 2013 [11]
  16. Thierry Boinet, dans 'Le Journal du dimanche du 20 novembre 2011 [12]
  17. ""Comment a-t-on pu remettre ce monstre en liberté ?", par Le Figaro, le 21-11-2011 [13]
  18. http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/06/28/le-meurtrier-d-agnes-condamne-a-la-reclusion-criminelle-a-perpetuite_3438832_3224.html
  19. "Le Chambon-sur-Lignon : ouverture du procès du meurtrier présumé d'Agnès", par Le Monde.fr du 17.06.2013 [14]
  20. « Meurtre d'Agnès : Matthieu condamné à la réclusion criminelle à perpétuité », par Stéphane Durand-Souffland, dans Le Figaro du 29/06/2013 [15]
  21. "Meurtre d'Agnès : exclu deux fois une semaine, le lycéen avait frôlé le renvoi l'an dernier", par Sudouest, mardi 22 novembre 2011 [16]
  22. Meurtre d'Agnès : après le drame, la polémique
  23. Agnès : la direction du lycée Cévenol se défend
  24. a et b "Meurtre d'Agnès: le collège Cévenol aux prises avec de grosses difficultés" [17]
  25. "PROCÈS - MEURTRE D’AGNÈS EN HAUTE-LOIRE LES MANQUEMENTS QUI ONT CONDUIT AU DRAME", par L'Est Républicain du 22 juin 2013 [18]
  26. "Agnès : le comportement de Mathieu choquait les élèves", par Marie-Estelle Pech, dans Le Figaro du 23/11/2011 [19]
  27. "Meurtre d'Agnès : exclu deux fois, le lycéen avait frôlé le renvoi l'an dernier", par Sudouest, mardi 22 novembre 2011 [20]
  28. "Meurtre d'Agnès : une "faiblesse" dans le suivi de Matthieu" par le Nouvel Observateur du 21-06-2013 [21]
  29. [22]