Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques

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Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques
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Création 2016
Affiliation Ministère de l'Économie et des Finances – Direction générale des Entreprises
Siège 139 rue de Bercy – 75012 Paris
Direction Thomas Courbe (Commissaire)
Joffrey Celestin-Urbain (Chef de service)
Site web www.sisse.entreprises.gouv.fr

Le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) est un service à compétence nationale rattaché à la Direction générale des entreprises du ministère de l'Économie et des Finances français depuis 2016. Il a notamment pour mission de piloter au niveau interministériel la politique de sécurité et d'intelligence économique de la France.

Historique[modifier | modifier le code]

Les premières tentatives de mise en œuvre d’une politique d’intelligence économique en France font suite à la publication du rapport Martre en 1994. Une première tentative de politique publique d’intelligence économique est confiée au Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN). En 2003 est nommé un Haut responsable à l’intelligence économique rattachée au SGDSN. Différentes structures sont dispersées en parallèle au sein des ministères. En 2009, le Haut responsable à l’intelligence économique est remplacé par un Délégué interministériel rattaché directement au Premier ministre[1].  

Avant la création du SISSE, la politique de sécurité économique reposait ainsi sur deux structures :

Cette organisation était critiquée, certains experts décrivant le dispositif de sécurité économique français comme un "millefeuille administratif" insuffisamment structuré[2]. Sous l'impulsion du président François Hollande et du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique Emmanuel Macron, ces deux structures fusionnent : le Délégué interministériel à l'intelligence économique devient le Commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques (CISSE), qui s'appuie désormais sur son service, le SISSE, officiellement créé par décret le 29 janvier 2016[3] et qui reprend les moyens de la SCIE.

Le premier Commissaire est Jean-Baptiste Carpentier, ancien directeur du service de renseignement financier Tracfin de 2008 à 2015. En 2017, à la suite du départ de Jean-Baptiste Carpentier, le poste de CISSE reste vacant pendant près de 6 mois avant que le président Emmanuel Macron ne nomme Thomas Courbe en juin 2018[4]. Thomas Courbe devient CISSE et directeur de la Direction générale des entreprises à laquelle le SISSE est rattaché.

Missions[modifier | modifier le code]

Le SISSE possède un rôle interministériel de pilotage de la politique publique de sécurité et d'intelligence économique. Il est à ce titre en lien avec plusieurs administrations, notamment celles de la communauté française du renseignement, dont il coordonne l'action en matière économique[5].

Ses missions ont été mises à jour par décret le 20 mars 2019[6]. Il est notamment chargé :

Activités connues[modifier | modifier le code]

Surveillance particulière de la société Huawei[modifier | modifier le code]

En juin 2018, le magazine Challenges révèle que le SISSE pilote la cellule interministérielle Cerbère chargé d'analyser et surveiller les activités de la société chinoise Huawei[7].

Surveillance des activités de prédation sur des sociétés stratégiques françaises[modifier | modifier le code]

De par ses attributions sur la surveillance des investissements étrangers en France[3], le SISSE est notamment chargé de détecter les menaces étrangères sur des actifs stratégiques pour la France. Le 21 mai 2021, son chef de service à ainsi déclaré devant une commission du Sénat que :

"Le rôle au SISSE est de détecter le plus tôt possible des signaux d'alerte, y compris des signaux faibles de menaces étrangères sur des actifs stratégiques, de les collecter et d'en assurer le traitement systématique pour faire en sorte que chacune soit traitée efficacement quand les intérêts souverains sont à risques. Ces menaces étrangères doivent être neutralisées[8]. [...] Chaque année, le SISSE traite plusieurs dizaines de cas de dossiers où la politique de sécurité économique permet de bloquer des menaces[8]."

Le SISSE déclare qu'en 2020, durant la crise sanitaire, près 270 alertes sur des entreprises stratégiques lui sont remontées dont 60 % concernait des tentatives de prédation en provenance de l'étranger[9]. En mai 2021, le général Éric Bucquet, directeur de la DRSD, déclare devant une commission de l'Assemblée nationale faire remonter les informations de sa direction au SISSE pour que celui-ci trouve des moyens de remédiation aux prédations étrangères[10].

Action pendant la crise sanitaire[modifier | modifier le code]

Le SISSE a été mobilisé pour analyser la fiabilité des vendeurs d’équipements médicaux que les entreprises ou les systèmes de santé ont dû acquérir en urgence durant la crise sanitaire. Il aurait traité 176 dossiers pendant le premier confinement et émis des mises en garde pour 50 % d’entre eux[9].

Surveillance des partenariats dans le domaine de la recherche[modifier | modifier le code]

Le chef de service du SISSE se déclare "très vigilant sur certains partenariats de recherche dans des écosystèmes de recherche sensibles qui nous conduisent à dire non à un certain nombre de partenariats qui nous semblent problématiques pour la souveraineté[8]". Le SISSE maintient ainsi une surveillance des organismes de recherche qui peuvent ciblés par des concurrents ou des États étrangers[11].

Loi de blocage[modifier | modifier le code]

La "loi de blocage" est un dispositif permettant de bloquer la transmission à des avocats ou magistrats étrangers de certaines données sensible en cas de litige, notamment dans le cadre de procédures extraterritoriales américaines.

L'avocate Noëlle Lenoire, ancienne membre du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel indique que le SISSE à pour mission depuis 2016 de conseiller les entreprises recevant des demandes de procédure discovery sur les risques d’atteinte à la souveraineté économique. Le SISSE leur donne alors la possibilité de justifier valablement un refus de communication de données sensibles aux magistrats étrangers. Il aurait ainsi aidé 12 entreprises en 2020[12]. Le SISSE serait également chargée de la réflexion sur la réforme de cette loi de blocage qui date de 1982[13].

Fonctionnement[modifier | modifier le code]

Localisation[modifier | modifier le code]

Le SISSE est placé au sein des locaux du Ministère de l'Économie et des Finances (France) dans le 12e arrondissement de Paris. Il est situé au septième étage du bâtiment Necker dans une aile sécurisée[14].

Il dispose également d'un réseau de 21 correspondants en région appelés Délégués à l'information stratégique et à la sécurité économiques (DISSE) et placés au sein des Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités[15].

Direction[modifier | modifier le code]

Le SISSE est rattaché au Commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques (CISSE) :

CISSE Grade Nomination Autres fonctions connues
Jean-Baptiste Carpentier Inspecteur général des finances 5 février 2016 Directeur général de Tracfin[16]

Délégué interministériel à l'intelligence économique[16]

Directeur juridique de l'Agence des participations de l'État

Thomas Courbe Ingénieur général de l'armement 7 juillet 2018 Directeur général adjoint de la Direction générale du Trésor[4]

Directeur général des entreprises[4]

Commissaire du Gouvernement auprès du CNES

Membre du Conseil général de l'armement

Directeur de cabinet adjoint de Christine Lagarde[17]

Directeur de cabinet adjoint de François Baroin[17]

Il dispose également d'un chef de service :

Chef de service Grade Nomination Autres fonctions connues
Joffrey Celestin-Urbain Administrateur civil hors classe 1 octobre 2018[18] Membre du conseil d'administration du CEA

Sous-directeur des relations économiques bilatérales à la direction générale du Trésor

Conseiller au cabinet du secrétaire d'État Pierre Lellouche

Positionnement[modifier | modifier le code]

La position du SISSE au sein de l'administration a récemment été critiquée par la Délégation parlementaire au renseignement qui relève que beaucoup d’autres acteurs continuent de participer, en parallèle du SISSE, à l’animation de la politique publique de sécurité économique. Cette architecture peu claire contribuerait à "réduire l’efficacité de l’action des services"[1] et "nuirait à la déclinaison opérationnelle des axes définis dans le plan national d'orientation du renseignement et, plus généralement, à l’efficacité de la politique de sécurité économique"[1].

Certains experts de l'intelligence économique critiquent également les changements récurrents de nom et de tutelle pour la structure administrative chargé de coordonner l'intelligence économique, qui selon le journaliste économique Nicolas Lerègle, "a souvent changé de rattachement et de formulation, pour aboutir à celui actuel, au fond pas plus satisfaisant que les précédents"[19]. Selon Floran Vadillo, ancien conseiller ministériel et co-auteur du livre Les espions de l'Élysée, "on tarde à voir les effets concrets des changements annoncés, le politique ne parvient toujours pas à impulser une vraie stratégie offensive concernant le renseignement économique".

Citant un expert, le magazine Challenges indique que le SISSE ne s'est pas encore imposé comme un outil indispensable à la sécurité économique et que "les dossiers chauds sont traités en direct par l’Élysée et la CNR-LT"[20]

Le 25 mars 2021, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann soumet une proposition de loi qui propose de refondre une nouvelle fois le dispositif en créant un Secrétariat général à l'intelligence économique rattaché au Premier ministre et qui deviendrait l'autorité de tutelle du SISSE[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Philippe Bas, Rapport fait au nom de la délégation parlementaire au renseignement, Paris, Sénat, , 78 p. (lire en ligne)
  2. Olivier de Maison Rouge, « La sécurité économique : angle mort du renseignement ? », Prospective & Stratégie,‎ , p. 41-51 (lire en ligne)
  3. a et b « Décret n° 2016-66 du 29 janvier 2016 instituant un commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques et portant création d'un service à compétence nationale dénommé « service de l'information stratégique et de la sécurité économiques », sur Légifrance, (consulté le )
  4. a b et c « Macron tient enfin son nouveau dispositif d'intelligence économique », sur Challenges (consulté le )
  5. « Espionnage économique : comment la France fait la guerre pour protéger ses entreprises stratégiques », sur LEFIGARO (consulté le )
  6. « Décret n° 2019-206 du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique », sur Légifrance, (consulté le )
  7. « Comment la France surveille de très près le géant chinois des télécoms Huawei », sur Challenges (consulté le )
  8. a b et c « Entreprises françaises : alerte maximale sur des menaces de prédation étrangères », sur La Tribune (consulté le )
  9. a et b « "Ce qui était permis il y a 5 ans ne l’est plus aujourd’hui": la sécurité économique tricolore fait sa mue », sur Challenges (consulté le )
  10. « Le fonds d'investissement du ministère des Armées se désengage de Fichou, spécialiste de l'optique de haute précision », sur Zone Militaire, (consulté le )
  11. « Souveraineté économique: redoutant une vague prédatrice, Bercy couve ses fleurons », sur Challenges (consulté le )
  12. « Bercy muscle son dispositif contre les procédures extraterritoriales », La Lettre A,‎
  13. « Les cerveaux de la Macronie en ébullition pour protéger les données sensibles de l'œil du DoJ », sur Intelligence Online, (consulté le )
  14. « "Ce qui était permis il y a 5 ans ne l’est plus aujourd’hui": la sécurité économique tricolore fait sa mue », sur Challenges (consulté le )
  15. Centre français de recherche sur le renseignement, « Le SISSE », sur CF2R (consulté le )
  16. a et b « Jean-Baptiste Carpentier nommé commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques », sur LEntreprise.com, (consulté le )
  17. a et b « Carnet : Thomas Courbe, Ministère de l’Economie et des Finances », sur www.optionfinance.fr (consulté le )
  18. « Arrêté du 1er octobre 2018 portant nomination (administration centrale) », sur Légifrance, (consulté le )
  19. Nicolas Lerègle, « Où (en) est l’Intelligence Économique en France ? », sur Journal de l'économie (consulté le )
  20. « Adit vs Avisa, la nouvelle guerre de l'intelligence économique tricolore », sur Challenges (consulté le )
  21. « proposition de loi portant création d'un programme national d'intelligence économique », sur www.senat.fr (consulté le )