Charles-Hubert Millevoye
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Charles Alfred Millevoye (d) |
Charles-Hubert Millevoye est un poète français né à Abbeville (Somme) le et mort à Paris le .
Il a donné son nom au collège Millevoye, dans sa ville natale
Biographie
« De précoces infirmités développèrent en lui cette mélancolie maladive qui fut le caractère de son talent. Il s’essaya à la poésie sur les bancs du collège, eut même quelques pièces de vers imprimées dans des recueils locaux, et vint à Paris pour achever ses études à l’École centrale, qui remplaçait alors le collège des Quatre-Nations (1798). Après avoir commencé son droit, puis être entré en qualité de commis chez un libraire, il se tourna décidément vers la littérature. A dix-huit ans, il publia un petit recueil de vers : Poésies (1800, in-8o), dont les meilleures pièces sont : les Plaisirs du poëte et le Passage du Saint-Bernard. Son goût et la nature même de son talent le portaient vers les concours académiques ; l’Académie de Lyon couronna son épître sur le Danger des romans (1804) et l’Académie française une série de poèmes : l’Indépendance de l’homme de lettres (1806), les Embellissements de Paris, le Voyageur (1807), la Mort de Rotrou (1811), Goffin ou le Héros liégeois (1812) ; l’Invention poétique fut couronnée par l’Académie d'Angers et Belzunce ou la Peste de Marseille fut désigné pour un des prix décenneaux. Ce genre n’était cependant pas la vraie veine poétique de Millevoye ; il réussit beaucoup mieux dans l’élégie. Son deuxième recueil, qui contenait l’Amour maternel, la Demeure abandonnée, le Bois détruit, la Promesse, le Souvenir, le Poète mourant et la Chute des feuilles, est l’expression la plus complète de son talent.
Millevoye avait de la sensibilité ; il aimait la nature, se plaisait à exprimer les émotions simples, à composer des tableaux touchants. Les cordes mélancoliques de l’âme humaine ont été touchées depuis par des mains plus puissantes ; cependant, quelques-unes de ses pièces méritent de rester. La Chute des feuilles serait un petit chef-d’œuvre sans ce fatal oracle d’Epidaure invoqué bien mal à propos. Millevoye a déparé d’oripeaux mythologiques ses meilleures inspirations. Ce poète, si tendre et qui apparaît, dans ses vers, si détaché des choses d’ici-bas, ne dédaignait pas non plus assez les encouragements officiels. Son Passage du Saint-Bernard et un poème sur la Bataille d’Austerlitz lui valurent une pension et d’assez riches cadeaux. Millevoye, qui possédait par lui-même quelque aisance, aimait la vie élégante et même un peu fastueuse. Jean-Baptiste Sanson de Pongerville dit qu’il se hâtait de convertir en chevaux de luxe, en voitures, en ameublements somptueux, les effets de la munificence impériale. Sa santé chancelante s’épuisait dans le tourbillon du monde et dans les émotions qu’il demandait à des amours de contrebande. Au milieu de la société brillante où il vivait, il rencontra un attachement sérieux ; mais la main de celle qui en était l’objet lui fut refusée, le père déclarant qu’il « aimait mieux voir sa fille morte que femme d’un homme de lettres. » La jeune fille mourut de langueur et Millevoye, en proie à la plus sombre tristesse, alla se confiner à Ville-d'Avray où il composa, sous les titres de Huitaines et Dizaines, deux recueils d’élégies.
En 1807, Napoléon lui commanda un poème sur ses campagnes d’Italie et lui fit proposer d’aller, aux frais de l’État, recueillir ses inspirations sur les lieux mêmes. Millevoye refusa, ne se sentant pas assez de souffle pour écrire une épopée ; il se contenta de composer un petit poème à allusions, Charlemagne à Pavie (1808). Au reste, l’infériorité de Millevoye est sensible dès qu’il aborde la grande poésie ; ce poème est médiocre ; la Peste de Marseille ne vaut guère mieux ; Alfred, roi d’Angleterre, poème en quatre chants, et la Rançon d’Egild, où il veut lutter avec les épopées scandinaves, sont au-dessous du médiocre. Une petite composition dans le genre des fabliaux, Emma et Eginard, fut très-goûtée sous l’Empire ; c’est un modèle du genre sentimental et troubadour, tout à fait passé de mode actuellement. Le poète est plus à son aise dans la Sulamite, ode érotique imitée du fameux Cantique des cantiques et dans quelques élégies imitées des Grecs, où l’on aperçoit comme un reflet d’André Chénier. Il a aussi traduit avec talent quelques fragments des Églogues de Virgile, différents morceaux de l’Iliade, et même il s’est amusé à mettre en vers quelques Dialogues des morts de Lucien. On a trouvé dans ses papiers les manuscrits de trois tragédies, Antigone, Saül et Ugolin ; mais Millevoye n’avait rien de ce qui constitue le poète tragique.
Le pensionné impérial ne crut pas devoir se taire quand vint la Restauration ; il composa un poème, la Fête des martyrs (1815, in-8o), destiné à pleurer Louis XVI et Marie-Antoinette. Ce fut sa dernière production. Les médecins lui avaient ordonné le séjour de la campagne ; à Vincennes, où il s’était retiré, il se maria ; peu de temps après, il fit une violente chute de cheval et se luxa la cuisse. À peine remis de cette grave blessure, il tomba tout à fait aveugle et quelques jours de là il mourut pendant que sa femme lui faisait la lecture. Il n’avait que trente-trois ans. Ses Œuvres, composées de morceaux choisis retouchés avec soin, ont été recueillies par lui-même (1814-1816, 5 vol. in-8°). »[1]
Charles-Hubert Millevoye avait épousé à Abbeville le Marguerite-Flore Delattre dont un seul enfant, Charles-Alfred, né à Abbeville le , mort à Sadroc le qui fut magistrat, chargé de l'organisation judiciaire de la Savoie en 1860. De son mariage le à Paris avec Irma-Malvina Leclerc-Thouin, Charles-Alfred eut trois fils dont Lucien Millevoye (Grenoble 1850-Paris 1918) député d'Amiens de 1882 à 1893 et de Paris de 1898 à 1918, directeur du journal La Patrie.
Sources
- Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Nimes, 1990, réimpression
- Paul Rouet, « La famille du poète Millevoye », Bulletin de la Société d'émulation d'Abbeville, 1983.
- Laurent Fels, « Millevoye : Élégies », In-fusion : revue littéraire no 1, Asnières-sur-Seine, 2008, p. 19-36.
Musique
- Georges Bizet, Rose d'amour (1866)
Notes et références
- Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.