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{{Titre en italique}}[[Fichier:Gaslight 1944 trailer(3).jpg|vignette|[[Ingrid Bergman]] dans le film ''[[Hantise (film, 1944)|Gaslight]]'' en 1944 (en français ''Hantise'').]]
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Le '''''gaslighting''''' ou '''''gas-lighting''''', connu sous le nom de '''détournement cognitif'''<ref>{{Lien web|titre=détournement cognitif|url=http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26542769|site=oqlf.gouv.qc.ca|date=}}</ref> au [[Québec]], est une forme d'[[abus mental]] dans lequel l'information est déformée ou présentée sous un autre jour, omise sélectivement pour favoriser l'abuseur, ou faussée dans le but de faire douter la victime de sa mémoire, de sa perception et de sa santé mentale<ref name="MW">{{harvsp|Merriam-Webster - Gaslighting|id=a}}</ref>{{,}}<ref name="Dorpat">{{harvsp|Dorpat|1994|p=91–96}}</ref>. Les exemples vont du simple [[Déni (psychanalyse)|déni]] par l'abuseur de moments pénibles qu'il a pu faire subir à sa victime, jusqu'à la mise en scène d’événements étranges afin de la désorienter.
Le '''''gaslighting''''' ou '''''gas-lighting''''', connu sous le nom de '''détournement cognitif'''<ref>{{Lien web|titre=détournement cognitif|url=http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26542769|site=oqlf.gouv.qc.ca|date=}}</ref> au [[Québec]], est une forme d'[[abus mental]] et de [[maltraitance]], {{Citation|un type subtil et secret de violence émotionnelle et psychologique}} selon E. Hightower (2017)<ref name=facteurs2017>Hightower E (2017) [https://www.proquest.com/openview/0c6d2066bc1732bdd632be2194fad496/1?pq-origsite=gscholar&cbl=18750 An exploratory study of personality factors related to psychological abuse and gaslighting] (Doctoral dissertation, William James College).</ref> dans lequel l'information est déformée ou présentée sous un autre jour, omise sélectivement pour favoriser l'abuseur, ou faussée dans le but de faire douter la victime de sa mémoire, de sa perception et de sa santé mentale<ref name="MW">{{harvsp|Merriam-Webster - Gaslighting|id=a}}</ref>{{,}}<ref name="Dorpat">{{harvsp|Dorpat|1994|p=91–96}}</ref>. Les exemples vont du simple [[Déni (psychanalyse)|déni]] par l'abuseur de moments pénibles qu'il a pu faire subir à sa victime, jusqu'à la mise en scène d’événements étranges afin de la désorienter en passant par certains hommes politiques ([[Donald Trump]], typiquement)<ref>Gibson, C. (2017, January 27). “What we talk about when we talk about Donald Trump and ‘gas-lighting.’” The Washington Post. Retrieved June 7, 2017 from https://www.washingtonpost.com/lifestyle/
style/what-we-talk-about-when-we-talk-about-donald-trump-and-gaslighting/2017/01/27/b02e6de4-
e330-11e6-ba11-63c4b4fb5a63_story.html</ref>.


Le terme provient de la pièce ''{{lien|trad=Gas Light}}'' et de [[Hantise (film, 1944)|son adaptation cinématographique]]. Depuis, le terme a été utilisé dans le domaine clinique et la littérature spécialisée<ref name="Dorpat1996">{{harvsp|Dorpat|1996}}</ref>{{,}}<ref name="JacobsonGottman1998">{{harvsp|Jacobson|Gottman|1998|p=129–132}}</ref>.
Le terme provient de la pièce ''{{lien|trad=Gas Light}}'' et de [[Hantise (film, 1944)|son adaptation cinématographique]]. Depuis, il est notamment utilisé dans le domaine clinique et la littérature spécialisée<ref name="Dorpat1996">{{harvsp|Dorpat|1996}}</ref>{{,}}<ref name="JacobsonGottman1998">{{harvsp|Jacobson|Gottman|1998|p=129–132}}</ref>.


== Étymologie ==
== Étymologie ==
La pièce datant de 1938 ''Gas Light'' connue sous le nom d{{'}}''Angel Street'' aux États-Unis, ainsi que les adaptations cinématographiques de 1940 et 1944, sont à l'origine du terme qui fait référence à l'utilisation systématique par le personnage principal de la manipulation psychologique sur sa victime. Dans cette pièce, le mari essaye de faire croire à sa femme et à son entourage qu'elle devient folle en manipulant de petits éléments de leur environnement, tout en essayant de lui faire croire qu'elle commet des erreurs et qu'elle a une mauvaise mémoire lorsqu'elle pointe les changements. Le titre original provient de l'affaiblissement de l'éclairage au gaz dans la maison lorsque le mari utilisait celui du grenier alors qu'il était en quête d'un trésor caché. Sa femme remarque justement ce changement et aborde le sujet mais son mari lui affirme qu'elle s'imagine ce changement de luminosité.
La pièce de 1938 ''Gas Light'', connue sous le nom d{{'}}''Angel Street'' aux États-Unis, ainsi que les adaptations cinématographiques de 1940 et 1944, sont à l'origine du terme qui fait référence à l'utilisation systématique par le personnage principal de la manipulation psychologique sur sa victime. Dans la pièce, le mari cherche à persuader son épouse et son entourage qu'elle devient folle, en manipulant des détails de leur environnement. Il cherche à lui faire croire qu'elle commet des erreurs et qu'elle a une mauvaise mémoire lorsqu'elle pointe les changements. Le titre original provient de l'affaiblissement de l'éclairage au gaz dans la maison lorsque le mari utilisait celui du grenier alors qu'il était en quête d'un trésor caché. Sa femme remarque justement ce changement et aborde le sujet mais son mari lui affirme qu'elle s'imagine ce changement de luminosité.


La première occurrence de ''Gaslighting'' dans ce sens apparaît en 1956<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Definition of GASLIGHT |url=https://www.merriam-webster.com/dictionary/gaslight |site=www.merriam-webster.com |consulté le=2021-03-17}}</ref>. Le terme décrit les manœuvres utilisées pour manipuler la perception de la réalité d'autrui. Dans un livre de 1980 à propos des abus sexuels sur mineurs, [[Florence Rush]] résume l'adaptation cinématographique de ''[[Gaslight|Gas Light]]'' par [[George Cukor]] et commente : {{citation|même aujourd'hui, le mot [gaslighting] est utilisé pour décrire une tentative de détruire la perception de la réalité d'autrui<ref>{{Ouvrage |prénom1=Rush, Florence, |nom1=1918- |titre=The best-kept secret |sous-titre=sexual abuse of children |éditeur=Human Services Institute |année=1992 |pages totales=226 |isbn=978-0-8306-3907-6 |oclc=24501791 |lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/24501791}}</ref>.}}
La première occurrence de ''Gaslighting'' dans ce sens apparaît en 1956<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Definition of GASLIGHT |url=https://www.merriam-webster.com/dictionary/gaslight |site=www.merriam-webster.com |consulté le=2021-03-17}}</ref>. Le terme décrit les manœuvres utilisées pour manipuler la perception de la réalité d'autrui. Dans un livre de 1980 à propos des abus sexuels sur mineurs, [[Florence Rush]] résume l'adaptation cinématographique de ''[[Gaslight|Gas Light]]'' par [[George Cukor]] et commente : {{citation|même aujourd'hui, le mot [gaslighting] est utilisé pour décrire une tentative de détruire la perception de la réalité d'autrui<ref>{{Ouvrage |prénom1=Rush, Florence, |nom1=1918- |titre=The best-kept secret |sous-titre=sexual abuse of children |éditeur=Human Services Institute |année=1992 |pages totales=226 |isbn=978-0-8306-3907-6 |oclc=24501791 |lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/24501791}}</ref>.}}


== Fonctionnement ==
== Principes ==
Pour l'essentiel, le ''gaslighting'' consiste en une inversion des rôles coupable-victime. L'objectif de l'abuseur est de supprimer les réactions d'autodéfense de sa victime pour échapper aux sanctions qui lui sont dues. Cela lui permet également de reproduire ses abus plus facilement.
Le ''gaslighting'' vise à inverser les rôles coupable-victime. Et l'abuseur cherche à supprimer les réactions de défense de sa victime, par exemple pour échapper aux sanctions qui lui sont dues. Il peut ensuite aussi reproduire ses abus plus facilement.


Le ''gaslighting'' est un cas particulier de diversion basée sur des manipulations verbales ou autrement subtiles (gestuelle, expressions faciales, intonations, attitude, etc.). À titre comparatif, dans les phénomènes de [[bouc émissaire]], la culpabilité des souffrances d'un groupe est injustement attribuée à une entité externe au groupe d'abuseurs. Alors que dans le ''gaslighting'', la culpabilité de la souffrance de la victime est injustement attribuée à la victime elle-même.
Le ''gaslighting'' est un cas particulier de diversion, basée sur des manipulations mentales et verbales appuyées par la gestuelle, des expressions faciales, intonations, attitude, etc. À titre comparatif, dans le cas du [[bouc émissaire]], la culpabilité des souffrances d'un groupe est injustement attribuée à une personne ou à un petit groupe, externe au groupe d'abuseurs ; alors que dans le ''gaslighting'', la culpabilité et la souffrance de la victime sont injustement attribuée à la victime elle-même, ou à ses attributs ou capacités mentales ou psychologiques. Le manipulateur amène la victime à remettre en cause chacun de ses choix, sentiments, émotions, valeurs, etc. ; il la fait douter de sa santé mentale. Par exemple, pour dégrader l'[[estime de soi]] de la victime, l'abuseur peut l'ignorer fortement, puis la reconsidérer fortement, puis l'ignorer de nouveau, etc. Ainsi, la victime abaisse ses propres standards relationnels et affectifs et se perçoit davantage comme indigne d'intérêt<ref>{{Lien web |langue=anglais |titre=7 Signs You Are A Victim Of Gaslighting |url=https://divorcedmoms.com/7-signs-you-are-a-victim-of-gaslighting/ |site=divorcedmoms.com |date=2 July 2015 |consulté le=14 avril 2017}}</ref>. Mais aussi, elle ne parvient plus à faire confiance à ses sentiments d'attachement.


Outre l'état d'inaction dans lequel le doute positionne la victime, il la rend encore plus dépendante du manipulateur. La victime pense parfois que si son abuseur voit ses faiblesses, c'est qu'il est plus fort qu'elle et donc qu'elle devrait lui faire confiance. Elle se dit aussi parfois que si son abuseur lui montre ses faiblesses, c'est qu'il se soucie d'elle (comme un médecin montre des blessures pour mieux les soigner).
Dans le ''gaslighting'', l'abuseur fait porter le chapeau des souffrances de sa victime à la victime elle-même ou à ses attributs ou capacités mentales ou psychologiques. Le manipulateur amène la victime à remettre en cause chacun de ses choix, sentiments, émotions, valeurs, etc. et la fait douter de sa santé mentale. Par exemple, pour dégrader l'estime de soi de la victime, l'abuseur peut l'ignorer fortement, puis la reconsidérer fortement, puis l'ignorer de nouveau, etc. Ainsi, la victime abaisse ses propres standards relationnels et affectifs et se perçoit davantage comme indigne d'intérêt<ref>{{Lien web |langue=anglais |titre=7 Signs You Are A Victim Of Gaslighting |url=https://divorcedmoms.com/7-signs-you-are-a-victim-of-gaslighting/ |site=divorcedmoms.com |date=2 July 2015 |consulté le=14 avril 2017}}</ref>. Mais aussi, elle ne parvient plus à faire confiance à ses sentiments d'attachement.


Cynthia A Stark montre que c'est l'un des aspects de la [[misogynie]], qui souvent se manifeste comme phénomène collectif d’oppression psychologique. La isogynie vise à « saper » les femmes, en déniant la valeur ou la réalité de leurs témoignages sur les torts que leur font les hommes. Pour cela le manipulateur utilise deux tactiques : le « contournement » (esquive des preuves soutenant le témoignage) ; et le « déplacement » (en énonçant de prétendus défauts cognitifs ou de caractère)<ref>{{Lien web |langue=en |prénom=Cynthia A |nom=Stark |titre=Gaslighting, Misogyny, and Psychological Oppression |url=https://academic.oup.com/monist/article/102/2/221/5374582 |site=The Monist |date=2019-04-01 |issn=0026-9662 |doi=10.1093/monist/onz007 |consulté le=2024-04-02 |page=221–235}}</ref>.
Outre l'état d'inaction dans lequel le doute positionne la victime, il la rend encore plus dépendante du manipulateur. La victime se dit parfois que si son abuseur voit ses faiblesses, c'est qu'il est plus fort qu'elle et donc qu'elle devrait lui faire confiance. Elle se dit aussi parfois que si son abuseur lui montre ses faiblesses, c'est qu'il se soucie d'elle (comme un médecin montre des blessures pour mieux les soigner).

Selon E. Hightower (2017)la littérature scientifique, certaines personnes y sont plus vulnérables, et selon xxx le gaz-lighting semble souvent accompagné d'autres formes de violence ; les facteurs et traits de vulnérabilité seraient l'intolérance à l'incertitude, une forte sensibilité au traitement sensoriel et le [[névrosisme]]<ref name=facteurs2017/>.

== Conséquences pour la victime ==
La victime va éprouver de la confusion, de plus en plus douter d'elle-même, perdre son estime de soi, ce qui génère confusion, anxiété, dépression, et envie de se retirer du monde. Le gaz-lighting peut conduire à la psychose et/ou au suicide<ref name=facteurs2017/>.

== Sociologie du Gas-lighting ==
Paige L. Sweet, sociologue à l' [[Université d'Harvard]], notait en 2019 que cette notion est devenu populaire (dans les pays anglophones surtout), et que ce sont surtout des psychologues qui s'y sont intéressé et qui l'ont théorisé. Selon lui, le gaslighting est pourtant avant tout un phénomène [[sociologique]], plutôt que psychologique. C'est une violence domestique ou professionnelle, genrée, qui prend racine dans les inégalités sociales (dont les inégalités de genre). C'est une violence qui est pratiquée dans la sphère intime, et dont les effets sont particulièrement importants quand l'agresseur mobilise contre sa victime les stéréotypes sexistes, et quand il s'appuie sur des vulnérabilités (structurelles) liées à l'âge, la race, les origines ethniques, les fréquentations, la sexualité, un handicap... ou qu'il s'appuie sur les inégalités structurelles et institutionnelles, pour manipuler et éroder la réalité de la victime. <br>Selon Sweet (2019), les sociologues peuvent et devraient - en étudiant le gas-lihting - théoriser des {{Citation|formes de pouvoir sous-reconnues et genrées, et leur mobilisation dans les relations interpersonnelles}}<ref>{{Article |langue=en |prénom1=Paige L. |nom1=Sweet |titre=The Sociology of Gaslighting |périodique=American Sociological Review |volume=84 |numéro=5 |pages=851–875 |date=2019-10 |issn=0003-1224 |issn2=1939-8271 |doi=10.1177/0003122419874843 |lire en ligne=http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0003122419874843 |consulté le=2024-04-02}}</ref>.

Le gaslighting est aussi un phénomène sociohistorique lié au racisme institutionnel. IL est une partie d’un processus systémique et historique de [[racisme]], souvent utilisé par certaines polices et les organisations gouvernementales, dont pour cibler illégalement les personnes de couleur et nier l'existence du fichage et du profilage racial, comme par exemple dans la ville de Hamilton (Ontario). Là, une étude des discours des services de police (antérieurement dénoncé pour des pratiques racistes systémiques) et des médias locaux à propos des contrôles de routine et du fichage des citoyens racisés et/ou marginalisés par la police de Hamilton (de juin 2015 à avril 2016) a révélé une utilisation du Gas-lighting comme forme de violence psychologique<ref>{{Article |langue=en |prénom1=Heston |nom1=Tobias |prénom2=Ameil |nom2=Joseph |titre=Sustaining Systemic Racism Through Psychological Gaslighting: Denials of Racial Profiling and Justifications of Carding by Police Utilizing Local News Media |périodique=Race and Justice |volume=10 |numéro=4 |pages=424–455 |date=2020-10 |issn=2153-3687 |issn2=2153-3687 |doi=10.1177/2153368718760969 |lire en ligne=http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2153368718760969 |consulté le=2024-04-02}}</ref> (les fiches, stockée et catégorisée comportaient 65 champs d'information)<ref>Bennett K (2015, 25 juillet). Le fichage à Hamilton : 5 choses que nous avons apprises. CBC Hamilton. SRC. Consulté le 1er février 2016, en anglais | url= http://www.cbc.ca/news/canada/hamilton/news/carding-in-hamilton-5-things-we-learned-1.3166501</ref>.


== Techniques ==
== Techniques ==
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==== Éducation nationale (France) ====
==== Éducation nationale (France) ====
De nombreux cas de harcèlement moral, pouvant conduire au suicide, sont associés au traitement des personnels enseignants par les personnels de direction et les personnels d'[[Inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional|inspection]] dans l'Éducation nationale.
De nombreux cas de [[harcèlement moral]], pouvant conduire au suicide, sont associés au traitement des personnels enseignants par les personnels de direction et les personnels d'[[Inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional|inspection]] dans l'Éducation nationale.


Le détournement cognitif consiste alors à cibler un enseignant et à le présenter comme responsable de dysfonctionnements structurels : sa formation, ses pratiques pédagogiques ou sa personne seront accusées ; son témoignage et son expérience seront remis en doute par sa hiérarchie. Un exemple célèbre est celui du professeur [[Assassinat de Samuel Paty|Samuel Paty]] assassiné en octobre 2020 : alors qu'il demandait de l'aide à la suite de menaces répétées, sa hiérarchie l'a convoqué pour «lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité», sans promettre de mesures de protection fonctionnelle<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Pauline Moullot |titre=Checknews : Samuel Paty était-il sur le point d’être sanctionné par la rectrice de l’académie de Versailles ? |url=https://www.liberation.fr/checknews/2020/10/18/samuel-paty-etait-il-sur-le-point-d-etre-sanctionne-par-la-rectrice-de-l-academie-de-versailles_1802754/ |site=Libération.fr |date=18 octobre 2020 |consulté le=21 avril 2023}}</ref>. Ces stratégies de manipulation peuvent s'insérer dans des situations de [[mobbing]] plus large, lorsqu'elles concernent l'ensemble d'une équipe pédagogique<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Michel Rocca |titre=« Mobbing » : le monde académique, un terrain propice au harcèlement en meute |url=https://theconversation.com/mobbing-le-monde-academique-un-terrain-propice-au-harcelement-en-meute-150390 |site=The Conversation |date=23 novembre 2020 |consulté le=21 avril 2023}}</ref>.
Le détournement cognitif consiste alors à cibler un enseignant et à le présenter comme responsable de dysfonctionnements structurels : sa formation, ses pratiques pédagogiques ou sa personne seront accusées ; son témoignage et son expérience seront remis en doute par sa hiérarchie. Un exemple célèbre est celui du professeur [[Assassinat de Samuel Paty|Samuel Paty]] assassiné en octobre 2020 : alors qu'il demandait de l'aide à la suite de menaces répétées, sa hiérarchie l'a convoqué pour «lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité», sans promettre de mesures de protection fonctionnelle<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Pauline Moullot |titre=Checknews : Samuel Paty était-il sur le point d’être sanctionné par la rectrice de l’académie de Versailles ? |url=https://www.liberation.fr/checknews/2020/10/18/samuel-paty-etait-il-sur-le-point-d-etre-sanctionne-par-la-rectrice-de-l-academie-de-versailles_1802754/ |site=Libération.fr |date=18 octobre 2020 |consulté le=21 avril 2023}}</ref>. Ces stratégies de manipulation peuvent s'insérer dans des situations de [[mobbing]] plus large, lorsqu'elles concernent l'ensemble d'une équipe pédagogique<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Michel Rocca |titre=« Mobbing » : le monde académique, un terrain propice au harcèlement en meute |url=https://theconversation.com/mobbing-le-monde-academique-un-terrain-propice-au-harcelement-en-meute-150390 |site=The Conversation |date=23 novembre 2020 |consulté le=21 avril 2023}}</ref>.
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===

* {{Lien web |langue=en | url=http://www.merriam-webster.com/dictionary/gas-lighting | titre=Gas-lighting - Definition and More from the Free Merrian-Webster Dictionary | site=[[Merriam-Webster]] | consulté le=23 mai 2014|id=a}}
* {{Lien web |langue=en | url=http://www.merriam-webster.com/dictionary/gas-lighting | titre=Gas-lighting - Definition and More from the Free Merrian-Webster Dictionary | site=[[Merriam-Webster]] | consulté le=23 mai 2014|id=a}}
* {{Article |langue=en |nom1=Dorpat|prénom1=Theodore L. |année=1994|titre=On the double whammy and gaslighting |journal=Psychoanalysis & Psychotherapy |volume=11 |numéro=1 |url=http://psycnet.apa.org/psycinfo/1995-25157-001 |accès url=inscription}}
* {{Article |langue=en |nom1=Dorpat|prénom1=Theodore L. |année=1994|titre=On the double whammy and gaslighting |journal=Psychoanalysis & Psychotherapy |volume=11 |numéro=1 |url=http://psycnet.apa.org/psycinfo/1995-25157-001 |accès url=inscription}}
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* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Theodore L. |nom1=Dorpat |titre=Gaslighting, the Double Whammy, Interrogation, and Other Methods of Covert Control in Psychotherapy and Psychoanalysis |éditeur=Jason Aronson |année=1996 |pages totales=278 |isbn=978-1-56821-828-1 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=3vLaAAAAMAAJ}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Theodore L. |nom1=Dorpat |titre=Gaslighting, the Double Whammy, Interrogation, and Other Methods of Covert Control in Psychotherapy and Psychoanalysis |éditeur=Jason Aronson |année=1996 |pages totales=278 |isbn=978-1-56821-828-1 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=3vLaAAAAMAAJ}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Neil S. |nom1=Jacobson |prénom2=John M. |nom2=Gottman |titre=When Men Batter Women |sous-titre=New Insights Into Ending Abusive Relationships |éditeur=Simon and Schuster |année=1998 |mois=mars |jour=10 |pages totales=304 |isbn=978-0-684-81447-6 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=PXvhE_AD084C&pg=PA129}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Neil S. |nom1=Jacobson |prénom2=John M. |nom2=Gottman |titre=When Men Batter Women |sous-titre=New Insights Into Ending Abusive Relationships |éditeur=Simon and Schuster |année=1998 |mois=mars |jour=10 |pages totales=304 |isbn=978-0-684-81447-6 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=PXvhE_AD084C&pg=PA129}}
* {{Article |prénom1=Veronica E. |nom1=Johnson |prénom2=Kevin L. |nom2=Nadal |prénom3=D. R. Gina |nom3=Sissoko |prénom4=Rukiya |nom4=King |titre=“It’s Not in Your Head”: Gaslighting, ‘Splaining, Victim Blaming, and Other Harmful Reactions to Microaggressions |périodique=Perspectives on Psychological Science |volume=16 |numéro=5 |pages=1024–1036 |date=2021-09 |issn=1745-6916 |issn2=1745-6924 |doi=10.1177/17456916211011963 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1177/17456916211011963 |consulté le=2024-04-02}}


==Voir aussi==
==Voir aussi==

Version du 2 avril 2024 à 23:40

Ingrid Bergman dans le film Gaslight en 1944 (en français Hantise).

Le gaslighting ou gas-lighting, connu sous le nom de détournement cognitif[1] au Québec, est une forme d'abus mental et de maltraitance, « un type subtil et secret de violence émotionnelle et psychologique » selon E. Hightower (2017)[2] dans lequel l'information est déformée ou présentée sous un autre jour, omise sélectivement pour favoriser l'abuseur, ou faussée dans le but de faire douter la victime de sa mémoire, de sa perception et de sa santé mentale[3],[4]. Les exemples vont du simple déni par l'abuseur de moments pénibles qu'il a pu faire subir à sa victime, jusqu'à la mise en scène d’événements étranges afin de la désorienter en passant par certains hommes politiques (Donald Trump, typiquement)[5].

Le terme provient de la pièce Gas Light (en) et de son adaptation cinématographique. Depuis, il est notamment utilisé dans le domaine clinique et la littérature spécialisée[6],[7].

Étymologie

La pièce de 1938 Gas Light, connue sous le nom d'Angel Street aux États-Unis, ainsi que les adaptations cinématographiques de 1940 et 1944, sont à l'origine du terme qui fait référence à l'utilisation systématique par le personnage principal de la manipulation psychologique sur sa victime. Dans la pièce, le mari cherche à persuader son épouse et son entourage qu'elle devient folle, en manipulant des détails de leur environnement. Il cherche à lui faire croire qu'elle commet des erreurs et qu'elle a une mauvaise mémoire lorsqu'elle pointe les changements. Le titre original provient de l'affaiblissement de l'éclairage au gaz dans la maison lorsque le mari utilisait celui du grenier alors qu'il était en quête d'un trésor caché. Sa femme remarque justement ce changement et aborde le sujet mais son mari lui affirme qu'elle s'imagine ce changement de luminosité.

La première occurrence de Gaslighting dans ce sens apparaît en 1956[8]. Le terme décrit les manœuvres utilisées pour manipuler la perception de la réalité d'autrui. Dans un livre de 1980 à propos des abus sexuels sur mineurs, Florence Rush résume l'adaptation cinématographique de Gas Light par George Cukor et commente : « même aujourd'hui, le mot [gaslighting] est utilisé pour décrire une tentative de détruire la perception de la réalité d'autrui[9]. »

Principes

Le gaslighting vise à inverser les rôles coupable-victime. Et l'abuseur cherche à supprimer les réactions de défense de sa victime, par exemple pour échapper aux sanctions qui lui sont dues. Il peut ensuite aussi reproduire ses abus plus facilement.

Le gaslighting est un cas particulier de diversion, basée sur des manipulations mentales et verbales appuyées par la gestuelle, des expressions faciales, intonations, attitude, etc. À titre comparatif, dans le cas du bouc émissaire, la culpabilité des souffrances d'un groupe est injustement attribuée à une personne ou à un petit groupe, externe au groupe d'abuseurs ; alors que dans le gaslighting, la culpabilité et la souffrance de la victime sont injustement attribuée à la victime elle-même, ou à ses attributs ou capacités mentales ou psychologiques. Le manipulateur amène la victime à remettre en cause chacun de ses choix, sentiments, émotions, valeurs, etc. ; il la fait douter de sa santé mentale. Par exemple, pour dégrader l'estime de soi de la victime, l'abuseur peut l'ignorer fortement, puis la reconsidérer fortement, puis l'ignorer de nouveau, etc. Ainsi, la victime abaisse ses propres standards relationnels et affectifs et se perçoit davantage comme indigne d'intérêt[10]. Mais aussi, elle ne parvient plus à faire confiance à ses sentiments d'attachement.

Outre l'état d'inaction dans lequel le doute positionne la victime, il la rend encore plus dépendante du manipulateur. La victime pense parfois que si son abuseur voit ses faiblesses, c'est qu'il est plus fort qu'elle et donc qu'elle devrait lui faire confiance. Elle se dit aussi parfois que si son abuseur lui montre ses faiblesses, c'est qu'il se soucie d'elle (comme un médecin montre des blessures pour mieux les soigner).

Cynthia A Stark montre que c'est l'un des aspects de la misogynie, qui souvent se manifeste comme phénomène collectif d’oppression psychologique. La isogynie vise à « saper » les femmes, en déniant la valeur ou la réalité de leurs témoignages sur les torts que leur font les hommes. Pour cela le manipulateur utilise deux tactiques : le « contournement » (esquive des preuves soutenant le témoignage) ; et le « déplacement » (en énonçant de prétendus défauts cognitifs ou de caractère)[11].

Selon E. Hightower (2017)la littérature scientifique, certaines personnes y sont plus vulnérables, et selon xxx le gaz-lighting semble souvent accompagné d'autres formes de violence ; les facteurs et traits de vulnérabilité seraient l'intolérance à l'incertitude, une forte sensibilité au traitement sensoriel et le névrosisme[2].

Conséquences pour la victime

La victime va éprouver de la confusion, de plus en plus douter d'elle-même, perdre son estime de soi, ce qui génère confusion, anxiété, dépression, et envie de se retirer du monde. Le gaz-lighting peut conduire à la psychose et/ou au suicide[2].

Sociologie du Gas-lighting

Paige L. Sweet, sociologue à l' Université d'Harvard, notait en 2019 que cette notion est devenu populaire (dans les pays anglophones surtout), et que ce sont surtout des psychologues qui s'y sont intéressé et qui l'ont théorisé. Selon lui, le gaslighting est pourtant avant tout un phénomène sociologique, plutôt que psychologique. C'est une violence domestique ou professionnelle, genrée, qui prend racine dans les inégalités sociales (dont les inégalités de genre). C'est une violence qui est pratiquée dans la sphère intime, et dont les effets sont particulièrement importants quand l'agresseur mobilise contre sa victime les stéréotypes sexistes, et quand il s'appuie sur des vulnérabilités (structurelles) liées à l'âge, la race, les origines ethniques, les fréquentations, la sexualité, un handicap... ou qu'il s'appuie sur les inégalités structurelles et institutionnelles, pour manipuler et éroder la réalité de la victime.
Selon Sweet (2019), les sociologues peuvent et devraient - en étudiant le gas-lihting - théoriser des « formes de pouvoir sous-reconnues et genrées, et leur mobilisation dans les relations interpersonnelles »[12].

Le gaslighting est aussi un phénomène sociohistorique lié au racisme institutionnel. IL est une partie d’un processus systémique et historique de racisme, souvent utilisé par certaines polices et les organisations gouvernementales, dont pour cibler illégalement les personnes de couleur et nier l'existence du fichage et du profilage racial, comme par exemple dans la ville de Hamilton (Ontario). Là, une étude des discours des services de police (antérieurement dénoncé pour des pratiques racistes systémiques) et des médias locaux à propos des contrôles de routine et du fichage des citoyens racisés et/ou marginalisés par la police de Hamilton (de juin 2015 à avril 2016) a révélé une utilisation du Gas-lighting comme forme de violence psychologique[13] (les fiches, stockée et catégorisée comportaient 65 champs d'information)[14].

Techniques

Les manipulateurs peuvent aussi utiliser les phrases suivantes de manière récurrente ou à chaque fois que leur pouvoir est remis en question[15],[16] :

  • « Tu es trop susceptible. »
  • « Tu prends les choses trop à cœur. »
  • « Tu te fais des idées. »
  • « De toute façon, tu n'es jamais content(e). »
  • « Tu te trompes ou confonds (comme toujours). »
  • « Ça ne va pas ? Tu dis des choses très bizarres. »
  • « Tu ne sais pas ce qui est bon pour toi. » (après avoir fait souffrir)
  • « Tu es seul(e) maître de ce qui t'arrive. » (après avoir mis dans une situation compromettante sans l'accord de sa victime voire contre son gré)
  • « Tu es trop faible pour y arriver seul(e). »
  • « Tu n'as aucune volonté (de t'en sortir). »

Comme décrit par l'essayiste Patricia Evans, les sept « signes d'avertissement » du gaslighting sont :

  • retenir ou réduire les informations données à la victime ;
  • contrer les informations contradictoires pour s'adapter au point de vue de l'agresseur ;
  • minimiser l'information émise par la victime ;
  • utiliser l'abus verbal, généralement sous forme de blagues ;
  • bloquer et détourner l'attention de la victime de sources extérieures ;
  • minimiser ou trivialiser la valeur de la victime ;
  • affaiblir socialement la victime, en l'affaiblissant progressivement ainsi que ses processus de pensée.

Evans considère qu'il est nécessaire de comprendre les signes avant-coureurs afin de commencer le processus de guérison[17].

Exemples cliniques

Milieu familial

Dans les cas de maltraitances physiques conjugales ou infantiles, le ou la partenaire ou le parent physiquement abusif gaslighte souvent son ou sa partenaire ou enfant victime[18]. Par exemple, il peut nier catégoriquement sa violence[19] jusqu'à ce que sa victime y croie par effet de force et de répétition. Cela contribue au maintien de l'emprise.

L'emprise psychologique par le discours fait que des spectateurs extérieurs, qui auraient autrement pris la défense des victimes, peuvent se retrouver complices malgré eux car ils sous-estiment ou minimisent les abus. Cela renforce d'autant plus la situation et les sentiments d'abandon et de culpabilité des victimes. Par exemple, les spectateurs externes peuvent se dire : « Si c'était si grave, il(elle) l'aurait déjà quitté(e) ou coupé les ponts ». Or précisément, si la victime ne se sépare pas de son abuseur, ce n'est pas parce qu'elle n'a pas été « assez » abusée mais parce qu'elle a été « tellement » abusée que mêmes ses mécanismes d'autodéfense (fuite ou rébellion) sont anéantis.

Cet aveuglement des pairs peut faire partie intégrante de la structure de gaslighting mise en place par l'abuseur. En effet, la mise au jour des manipulations augmente les chances des victimes de s'en sortir. Notamment, la révélation des abus est indispensable en cas de poursuites judiciaires.

Le gaslighting peut également décrire une dynamique observée dans certaines infidélités maritales. « Les thérapeutes peuvent contribuer à la détresse des victimes en attribuant une explication erronée à leurs réactions [...] Le comportement du mari usant du gaslighting est un ingrédient provocateur de la dépression nerveuse pour certaines femmes [et] de leur suicide dans le pire des cas »[20].

Milieu hospitalier

Des cas de gaslighting ont été observés entre du personnel d'hôpital psychiatrique[21] et des patients

Éducation nationale (France)

De nombreux cas de harcèlement moral, pouvant conduire au suicide, sont associés au traitement des personnels enseignants par les personnels de direction et les personnels d'inspection dans l'Éducation nationale.

Le détournement cognitif consiste alors à cibler un enseignant et à le présenter comme responsable de dysfonctionnements structurels : sa formation, ses pratiques pédagogiques ou sa personne seront accusées ; son témoignage et son expérience seront remis en doute par sa hiérarchie. Un exemple célèbre est celui du professeur Samuel Paty assassiné en octobre 2020 : alors qu'il demandait de l'aide à la suite de menaces répétées, sa hiérarchie l'a convoqué pour «lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité», sans promettre de mesures de protection fonctionnelle[22]. Ces stratégies de manipulation peuvent s'insérer dans des situations de mobbing plus large, lorsqu'elles concernent l'ensemble d'une équipe pédagogique[23].

Dans une situation de harcèlement scolaire, l'enfant victime de harcèlement ne sera pas entendu[citation nécessaire] (par ses parents ou le personnel éducatif) ou son statut de victime sera retourné contre lui : des éléments inhérents à sa personne expliqueraient qu'il attire à lui les violences et justifieront l'inaction de l'entourage familial ou pédagogique pour le protéger.

Sociopathie

Le gaslighting est très régulièrement utilisé par les sociopathes. Les sociopathes sont des personnes qui, sur une base très régulière, exploitent les autres, n'ont pas de considération pour les intérêts d'autrui et transgressent les lois et les mœurs sociales. Mais lorsque ces derniers sont charismatiques ou bons menteurs, ils peuvent rester indétectés de leurs victimes et des autorités punitives, parfois même pris en flagrant délit. Pour y arriver, ils amènent leurs victimes à douter abusivement de leurs propres perceptions[24].

Effets et auto-diagnostic

Selon Ramani Durvasula (en), psychologue clinicienne, ressentir un besoin d'enregistrer ses conversations avec une personne, pour être sûr de ne pas avoir inventé des choses, indique que l'on est très probablement victime de gaslighting[15].

Parmi d'autres indices, une culpabilité systématique : se dire « c'est (toujours) de ma faute » au moindre désagrément.

L'introjection

Dans un article influent de 1981, « Some Clinical Consequences of Introjection: Gaslighting » (« Quelques conséquences cliniques de l'introjection : Gaslighting »), Calef et Weinshel débattent du fait que le gaslighting implique l'introjection et la projection d'un conflit psychique de l'auteur à la victime. « Cette imposition est basée sur un type de transfert très particulier de conflits psychiques dangereux ou potentiellement dangereux pour leur sujet »[25].

Les auteurs explorent une variété de raisons qui expliqueraient pourquoi la victime pourrait avoir « une tendance à assimiler et incorporer ce que les autres extériorisent et projettent sur eux » et concluent que le gaslighting pourrait être une « configuration structurelle hautement complexe qui englobe les contributions de plusieurs éléments de l'appareil psychique »[25].

Solutions

Hilde Lindemann argumente énergiquement sur le fait que l'habileté de la victime de gaslighting à résister à la manipulation dépend notamment de « son aptitude à faire confiance à ses propres jugements ». L'établissement de « contre-récits » aide la victime à retrouver « un libre-arbitre plus solide »[25].

La victime doit apprendre à douter des perceptions et messages d'autrui au moins autant qu'elle doute de ses propres perceptions. Elle doit en particulier identifier et remettre en question les perceptions qu'elle doit à autrui, même partiellement, par opposition aux perceptions qu'elle ne tient que de son expérience sensorielle propre. Elle doit apprendre à décrire ses souffrances factuellement sans minimisation, au plus proche de ce qu'elle ressent et en toute indépendance d'autrui.

Une victime de gaslighting développe souvent des cognitions autodestructrices qui la rendent hypertolérante à la critique, à la dévalorisation et à la violence. Pour les aider, les acteurs extérieurs doivent savoir se mettre à la place de la victime, être patients, compatissants, prudents et prompts à remettre leur propre perception de la victime en question.

Gaslighting dans la fiction

Films

Sources

Références

  1. « détournement cognitif », sur oqlf.gouv.qc.ca
  2. a b et c Hightower E (2017) An exploratory study of personality factors related to psychological abuse and gaslighting (Doctoral dissertation, William James College).
  3. Merriam-Webster - Gaslighting
  4. Dorpat 1994, p. 91–96
  5. Gibson, C. (2017, January 27). “What we talk about when we talk about Donald Trump and ‘gas-lighting.’” The Washington Post. Retrieved June 7, 2017 from https://www.washingtonpost.com/lifestyle/ style/what-we-talk-about-when-we-talk-about-donald-trump-and-gaslighting/2017/01/27/b02e6de4- e330-11e6-ba11-63c4b4fb5a63_story.html
  6. Dorpat 1996
  7. Jacobson et Gottman 1998, p. 129–132
  8. (en) « Definition of GASLIGHT », sur www.merriam-webster.com (consulté le )
  9. Rush, Florence, 1918-, The best-kept secret : sexual abuse of children, Human Services Institute, , 226 p. (ISBN 978-0-8306-3907-6, OCLC 24501791, lire en ligne)
  10. (en) « 7 Signs You Are A Victim Of Gaslighting », sur divorcedmoms.com, (consulté le )
  11. (en) Cynthia A Stark, « Gaslighting, Misogyny, and Psychological Oppression », sur The Monist, (ISSN 0026-9662, DOI 10.1093/monist/onz007, consulté le ), p. 221–235
  12. (en) Paige L. Sweet, « The Sociology of Gaslighting », American Sociological Review, vol. 84, no 5,‎ , p. 851–875 (ISSN 0003-1224 et 1939-8271, DOI 10.1177/0003122419874843, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Heston Tobias et Ameil Joseph, « Sustaining Systemic Racism Through Psychological Gaslighting: Denials of Racial Profiling and Justifications of Carding by Police Utilizing Local News Media », Race and Justice, vol. 10, no 4,‎ , p. 424–455 (ISSN 2153-3687 et 2153-3687, DOI 10.1177/2153368718760969, lire en ligne, consulté le )
  14. Bennett K (2015, 25 juillet). Le fichage à Hamilton : 5 choses que nous avons apprises. CBC Hamilton. SRC. Consulté le 1er février 2016, en anglais | url= http://www.cbc.ca/news/canada/hamilton/news/carding-in-hamilton-5-things-we-learned-1.3166501
  15. a et b (en) [vidéo] Dr. Ramani Durvasula, What is Gaslighting? sur YouTube.
  16. Christel Petitcollin, « Je pense trop : Comment canaliser ce mental envahissant »
  17. Patricia Evans, The Verbally Abusive Relationship: How to Recognize it and How to Respond, Holbrook, Mass.: Adams Media Corporation, , 2nd éd. (lire en ligne Inscription nécessaire).
  18. R. Cawthra, G. O'Brien et F. Hassanyeh, « 'Imposed psychosis'. A case variant of the gaslight phenomenon », The British Journal of Psychiatry: The Journal of Mental Science, vol. 150,‎ , p. 553–556 (ISSN 0007-1250, PMID 3664141, lire en ligne, consulté le )
  19. Jacobson, Neil S., 1949-, When Men Batter Women : New Insights Into Ending Abusive Relationships, Simon & Schuster, , 304 p. (ISBN 978-0-684-81447-6, OCLC 37748396, lire en ligne)
  20. (en) Gass, G.Z.; Nichols, W.C., "Gaslighting : A Marital Syndrome". Journal of Contemporary Family Therapy., .
  21. (en) C. A. Lund et A. Q. Gardiner, « The gaslight phenomenon--an institutional variant », The British Journal of Psychiatry: The Journal of Mental Science, vol. 131,‎ , p. 533–534 (ISSN 0007-1250, PMID 588872, lire en ligne, consulté le ).
  22. Pauline Moullot, « Checknews : Samuel Paty était-il sur le point d’être sanctionné par la rectrice de l’académie de Versailles ? », sur Libération.fr, (consulté le )
  23. Michel Rocca, « « Mobbing » : le monde académique, un terrain propice au harcèlement en meute », sur The Conversation, (consulté le )
  24. Stout, Martha, 1953-, The sociopath next door : the ruthless versus the rest of us, Broadway Books, , 241 p. (ISBN 978-0-7679-1582-3, OCLC 74470101, lire en ligne)
  25. a b et c Weinshel, Edward M., Commitment and compassion in psychoanalysis : selected papers of Edward M. Weinshel, Analytic Press, , 360 p. (ISBN 978-0-88163-379-5, OCLC 844924535, lire en ligne)

Bibliographie

Voir aussi

Lectures associées

Liens externes

Articles connexes