« Découverte du corps de Richard III » : différence entre les versions

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Ce portrait anonyme de Richard III, réalisé vers la fin du XVIe siècle, illustre la déformation de la colonne vertébrale dont souffrait le roi.

Richard III, dernier roi d'Angleterre de la maison Plantagenêt, est tué le 22 août 1485 à Bosworth. Après la bataille, son corps est inhumé dans l'église de la confrérie franciscaine de Leicester, dans une tombe anonyme. La confrérie disparaît lors de la dissolution des monastères, en 1538, et son église est démolie. La tombe de Richard tombe alors dans l'oubli, et une légende voit le jour selon laquelle ses os auraient été jetés dans la Soar depuis un pont situé non loin de là, le Bow Bridge.

En août 2012, le projet « Looking for Richard », qui vise à la redécouverte des restes du roi, est lancé avec le soutien de la Richard III Society. Le département d'archéologie de l'université de Leicester entreprend des fouilles en partenariat avec le conseil municipal de Leicester. Lors du premier jour de fouilles, le squelette d'un homme d'une trentaine d'années est découvert. Il présente les signes de graves blessures dues à des armes tranchantes, dont plusieurs infligées post mortem, ainsi que plusieurs caractéristiques anatomiques singulières, dont une grave scoliose. L'analyse génétique du génome mitochondrial retrouvé sur le squelette permet de le relier à deux descendants d'Anne d'York, la sœur de Richard. À la lumière de ces découvertes, l'université de Leicester annonce le 4 février 2013 qu'il s'agit sans doute possible du squelette du roi.

Une fois le squelette identifié, une controverse voit le jour quant à l'endroit où il doit être inhumé. Il était entendu que le roi serait inhumé en la cathédrale de Leicester, mais des voix s'élèvent pour proposer d'autres lieux, comme la cathédrale d'York ou l'abbaye de Westminster. En fin de compte, la Haute Cour de justice refuse de se saisir de l'affaire. Les restes de Richard sont enterrés à nouveau à Leicester le 26 mars 2015, lors d'une grande cérémonie à laquelle assiste l'archevêque de Cantorbéry et des représentants d'autres Églises chrétiennes.

La mort de Richard et le sort de ses restes

Richard III à Bosworth vu par James Doyle en 1864.

Richard III trouve la mort lors de la bataille de Bosworth, le 22 août 1485, en affrontant le prétendant au trône d'Angleterre Henri Tudor. Cet affrontement marque la fin de la guerre des Deux-Roses. D'après le poète gallois Guto'r Glyn, c'est un soldat gallois, Rhys ap Thomas, qui aurait porté le coup fatal au roi[1]. Après sa mort, le corps de Richard est dénudé et emporté à Leicester pour y être exposé à la vue de tous[2],[3]. Une ballade anonyme affirme qu'il est exposé à « Newarke » : il pourrait s'agir de St Mary in the Newarke, une église fondée par la maison de Lancastre en périphérie de la ville médiévale[4],[5]. Selon le chroniqueur Polydore Virgile, Henri VII s'attarde deux jours à Leicester avant de partir pour Londres, et c'est le jour de son départ (le 25 août) que Richard est enterré « au couvent des moins franciscains à Leicester », « sans grande solennité ». Quelques années plus tard, John Rous indique que Richard est enterré « dans le chœur des Frères mineurs à Leicester ». Bien que des chroniqueurs ultérieurs citent d'autres lieux, la version de Virgile et Rous semble la plus plausible[6].

Dix ans après la bataille, Henri VII finance l'édification d'un monument de marbre et d'albâtre pour marquer l'emplacement de la tombe de Richard[7]. Il subsiste des documents légaux témoignant d'un désaccord concernant le paiement de ce monument : ils indiquent qu'un homme a reçu 50 £ pour sa confection et un autre, 10 £ 1 s pour son transport de Nottingham à Leicester[8]. Aucune description de première main du monument ne nous est parvenue, mais Raphael Holinshed mentionne en 1577 qu'il comprenait « un portrait d'albâtre » du roi, en s'appuyant peut-être sur le témoignage d'une personne l'ayant vu. Quarante ans plus tard, George Buck décrit « une belle tombe de marbre aux couleurs mêlangées ornée de son portrait » et cite l'épitaphe portée dessus[9].

L'emplacement du manoir de Robert Herrick est aujourd'hui au no 1, Grey Friars Street.

Lors de la Dissolution des monastères, la confrérie franciscaine de Leicester est dissoute en 1538 et ses bâtiments détruits. Le monument a pu connaître le même sort, à moins qu'il ait été laissé en l'état et que les éléments se soient chargés de le détruire. Le terrain de l'ancienne confrérie est racheté par deux spéculateurs immobiliers du Lincolnshire, puis acquis par le maire de Leicester Robert Herrick, qui y fait construire un manoir entouré de jardins : Greyfriars House[10]. Le monument avait certainement disparu à ce moment-là, mais l'emplacement de la tombe reste connu : l'antiquaire Christopher Wren (père de l'architecte homonyme) indique que Herrick fait édifier un nouveau monument à cet emplacement, un pilier de pierre haut d'un mètre et portant l'inscription « Here lies the Body of Richard III, Some Time King of England[11] ». Ce pilier disparaît à une date inconnue entre 1612 et 1844[12].

Dans son Historie of Great Britaine (1611), l'antiquaire et cartographe John Speed relate une tradition locale selon laquelle le corps de Richard aurait été emporté hors de la ville et jeté du haut du Bow Bridge dans la Soar[13]. Cette version des faits est couramment reprise par les auteurs postérieurs, et une plaque commémorative est installée près de ce pont en 1856, affirmant que « Near this spot lie the remains of Richard III the last of the Plantagenets 1485[14] ». En 1862, un squelette est découvert dans les sédiments près du pont, et l'on commence à croire qu'il s'agit de celui du roi, mais un examen approfondi démontre qu'il s'agit plutôt des restes d'un homme âgé d'une vingtaine d'années[14]. L'origine du récit de John Speed est difficile à établir : il ne cite pas ses sources, et on n'en connaît aucun antécédent[14]. Il pourrait s'agir d'une variante confuse de la profanation de restes de John Wyclif, déterrés, brûlés et jetés dans la Swift par une foule en colère à Lutterworth en 1428[15]. Il est également possible que Speed se soit trompé sur l'emplacement de la tombe de Richard, et qu'il ait inventé cette histoire pour expliquer son absence. S'il s'était rendu à Greyfriars House, il n'aurait pas pu ne pas voir le pilier commémoratif dans les jardins, mais son livre affirme que les lieux sont à l'abandon, recouverts de broussailles, et qu'il n'y a aucune trace de la tombe du roi. Sa carte de Leicester situe la confrérie franciscaine au mauvais endroit, à l'emplacement de l'ancienne confrérie dominicaine : il est possible qu'il ait cherché la tombe de Richard au mauvais endroit[16].

Une autre légende locale mentionne un cercueil de pierre, prétendument celui de Richard, dont Speed affirme qu'il servait à son époque d'abreuvoir pour les chevaux dans une auberge locale. L'existence d'un cercueil semble bien attestée : John Evelyn le mentionne en 1654, de même que Celia Fiennes en 1700. En 1758, William Hutton indique que le cercueil, usé par le passage des années, est conservé à la White Horse Inn, sur Gallowtree Gate. Ce qu'il est devenu par la suite reste à découvrir, mais les descriptions qui en ont été faites ne correspondent pas au style des cercueils de la fin du XVe siècle, et il est peu probable qu'il ait eu quoi que ce soit à voir avec Richard. Il est plus plausible qu'il s'agisse d'un objet rescapé d'un des établissements religieux détruits après la Dissolution[14].

Greyfriars House reste dans la famille Herrick jusqu'en 1711, date à laquelle la propriété est vendue par Samuel, l'arrière-petit-fils de Robert. Elle est divisée en lots et vendue à nouveau en 1740. New Street est ouverte à travers la partie ouest du site trois ans plus tard, et de nombreuses sépultures sont découvertes durant la construction de maisons neuves le long de cette rue. L'activité immobilière se poursuit au XIXe siècle. Le manoir de la famille Herrick est démoli en 1871, l'actuelle Grey Friars Street est percée deux ans plus tard et de nouveaux bâtiments sont édifiés. Le reste du site est acquis par le Leicestershire County Council en 1915, qui y fait construire des bureaux repris par le conseil municipal de Leicester en 1965[14]. Un parking pour les employés remplace les anciens jardins du manoir en 1944[17].

En 2007, la démolition d'un immeuble des années 1950 sur Grey Friars Street offre aux archéologues l'occasion de procéder à des fouilles pour retrouver les traces de la confrérie médiévale. Les résultats sont minces et se limitent à un fragment de couvercle de cercueil, postérieur à l'époque médiévale. Ces fouilles infructueuses tendent cependant à démontrer que l'église de la confrérie se trouvait plus à l'ouest qu'on le pensait[18].


Références

  1. Rees 2008, p. 212.
  2. Hipshon 2009, p. 25.
  3. Rhodes 1997, p. 45.
  4. « The Newarke and the Church of the Annunciation », University of Leicester (consulté le )
  5. Morris et Buckley 2013, p. 22.
  6. Ashdown-Hill et al. 2014, p. 8, 19.
  7. Baldwin 1986, p. 21-22.
  8. Ashdown-Hill et al. 2014, p. 18.
  9. Ashdown-Hill et al. 2014, p. 17.
  10. Morris et Buckley 2013, p. 26.
  11. Ashdown-Hill et al. 2014, p. 20.
  12. Halsted 1844, p. 401.
  13. Morris et Buckley 2013, p. 28.
  14. a b c d et e Morris et Buckley 2013, p. 29.
  15. Ashdown-Hill et al. Langley, p. 22.
  16. Langley et Jones 2014, p. 7, 10.
  17. Ashdown-Hill et al. 2014, p. 35, 46.
  18. Philippa Langley, « The Man Himself: Looking for Richard: In Search of a King », Ricardian Bulletin, Richard III Society,‎ , p. 26–28 (lire en ligne)

Bibliographie

  • (en) John Ashdown-Hill, The Last Days of Richard III and the Fate of His DNA, Stroud, England, The History Press, (ISBN 978-0-7524-9205-6)
  • (en) John Ashdown-Hill, David Johnson, Wendy Johnson et Pippa Langley, Finding Richard III: The Official Account of Research by the Retrieval & Reburial Project, Horstead, Imprimis Imprimatur, (ISBN 978-0-9576840-2-7)
  • David Baldwin, « King Richard's Grave in Leicester », Transactions, Leicester Archaeological and Historical Society, vol. 60,‎ (lire en ligne [PDF])
  • (en) Michael John Bennett, The Battle of Bosworth, Gloucester, Alan Sutton, (ISBN 978-0-8629-9053-4)
  • Richard Buckley, Mathew Morris, Jo Appleby, Turi King, Deirdre O'Sullivan et Lin Foxhall, « "The King in the Car Park": New Light on the Death and Burial of Richard III in the Grey Friars Church, Leicester, in 1485 », Antiquity, vol. 87, no 336,‎ , p. 519–538 (lire en ligne)
  • (en) Caroline Amelia Halsted, Richard III, as Duke of Gloucester and King of England. Volume 2, Carey and Hart, (OCLC 2606580)
  • (en) The Grey Friars Research Team, The Bones of a King: Richard III Rediscovered, Wiley-Blackwell, (ISBN 978-1118783146)
  • (en) David Hipshon, Richard III and the Death of Chivalry, History Press, (ISBN 978-0750950749)
  • TE King, G Gonzalez Fortes, P Balaresque, MG Thomas, D Balding, P Maisano Delser, Rita Neumann, Walther Parson, Michael Knapp, Susan Walsh, Laure Tonasso, John Holt, Manfred Kayser, Jo Appleby, Peter Forster, David Ekserdjian, Michael Hofreiter et Kevin Schürer, « Identification of the remains of King Richard III », Nature Communications, vol. 5,‎ (DOI 10.1038/ncomms6631)
  • (en) Philippa Langley et Michael Jones, The Search for Richard III: The King's Grave, John Murray, (ISBN 978-1-84854-893-0)
  • (en) Morris Mathew et Richard Buckley, Richard III: The King Under the Car Park, Leicester, University of Leicester Archaeological Services, (ISBN 978-0-9574792-2-7)
  • (en) Thomas Penn, Winter King – Henry VII and the Dawn of Tudor England, Simon & Schuster, (ISBN 978-1-4391-9156-9)
  • (en) Mike Pitts, Digging for Richard III: How Archaeology Found the King, London, Thames and Hudson, (ISBN 978-0-500-25200-0)
  • (en) EA Rees, A Life of Guto'r Glyn, Tal-y-bont, Ceredigion, Y Lolfa, (ISBN 978-0-86243-971-2)
  • (en) Neil Rhodes, English Renaissance Prose: History, Language, and Politics, Tempe, AZ, Medieval & Renaissance Texts & Studies, (ISBN 978-0-8669-8205-4)