À une Malabaraise
Auteur | |
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Date de création |
Incipit |
« Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche… » |
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Explicit |
« …Des cocotiers absents les fantômes épars ! » |
À une Malabaraise est un poème de Charles Baudelaire écrit en .
Contexte
[modifier | modifier le code]Ce poème est le poème no XX du recueil Les Épaves[1].
Charles Baudelaire publie Les Fleurs du mal en . Puis en , il publie Les Épaves, recueil constitué de trois parties :
- un premier chapitre composé d'un seul poème (poème I) ;
- un second chapitre Pièces condamnées tirées des Fleurs du Mal (poèmes II à XX) ;
- un troisième chapitre Bouffonneries constitué de trois poèmes.
Titre
[modifier | modifier le code]Une Malabaraise est au sens strict une habitante de la région de Malabar sur la côte sud-ouest de l'Inde (État actuel du Kerala). En français néanmoins, le mot « Malabar » a aussi servi à désigner tout habitant du sud de l'Inde et notamment aussi de la côte sud-est (pays tamoul) ainsi que, par extension, les habitants d'origine tamoule des îles Maurice et de La Réunion. Dans le contexte du poème, la « Malabaraise » fait référence à une Indienne d'un comptoir de la France en Inde du Sud : Pondichéry probablement, ou alors Mahé sur la côte occidentale.
Publication dans la revue L'Artiste
[modifier | modifier le code]Charles Baudelaire publie ce poème en dans l'hebdomadaire L'Artiste, sous le nom de Pierre de Fayis[2],[3].
Le poème se termine alors par les six vers suivants non repris dans les publications suivantes[2] :
- Amour de l'inconnu, jus de l'antique pomme
- Vieille perdition de la femme et de l'homme,
- O curiosité, toujours tu leur feras
- Déserter, comme font les oiseaux, ces ingrats,
- Pour un lointain mirage et des cieux moins prospères,
- Le toit qu'ont parfumé les cercueils de leurs pères.
Dans cette publication[2] :
- ce poème portait le titre À une indienne ;
- le vers 2 était :
- Est large à faire envie à la plus fière blanche ;
- les vers 4–5 :
- Tes grands yeux indiens sont plus noirs que ta chair
- Aux climats chauds et bleus où on Dieu t'a fait naître,
- le vers 8 :
- Et de chasser du lit les moustiques rôdeurs,
- le vers 12 :
- Et fredonnes tout bas de doux airs inconnus ;
- les vers 22–24 :
- Frissonnantes là-bas sans la neige et les grêles,
- Que tu regretterais tes loisirs doux et francs
- Si le corset brutal martyrisant tes flancs,
- les vers 27–28 :
- L’œil errant et suivant dans nos vastes brouillards,
- Des cocotiers natifs les fantômes épars !
et ce dernier vers dans les éditions et :
- Des cocotiers aimés les fantômes épars !
Datation du poème
[modifier | modifier le code]Le millésimé est probablement erroné, ce poème datant sans doute du voyage à Maurice en , où une servante de Mme Autard de Bragard put l'inspirer[2], une Indienne affranchie de Bénarès, la sœur de lait et servante de Mme Autard de Bragard[4],[5] voire cette dernière elle-même[6].
Influence d'un poème de Théophile Gautier
[modifier | modifier le code]Ce poème témoigne une influence certaine de la pièce de Théophile Gautier Ce monde-ci et l'autre, issue du recueil Poésies diverses accompagnant La Comédie de la mort[2] paru en .
Analyse
[modifier | modifier le code]Ce poème est le premier proposé dans le chapitre « Femmes » de l'étude « Baudelaire et la modernité » de l'ouvrage Littérature XIXe siècle, dans la collection dirigée par Henri Mitterand. Dans son introduction, l'auteur termine par ces mots : « Que ce soit l'une de ces « dames des îles » (À une Malabaraise) qui anticipent le portrait de Jeanne Duval, ou l'une de ces « passantes » qui préfigurent les rencontres hasardeuses et anonymes chères aux surréalistes, les femmes de Baudelaire font ainsi « germer mille sonnets » où le bonheur s'appelle exotisme, sensualité, raffinement ou mystère »[7].
« Les deux derniers vers ne sont pas les plus beaux des Fleurs du Mal mais sont de grande importance, par un dédoublement qui s'y dessine, entre femme heureuse et choyée, et femme victime, et qui va dominer toute la grande œuvre à venir et lui assurer sa qualité spirituelle »[8], Elvire Maurouard dans son ouvrage Les Beautés noires de Baudelaire conclut « l'exagération des hanches est décrite comme un atout pour la Noire puisqu'elle fait envie à la plus belle Blanche »[9].
Ce poème ne fait partie ni de l'Anthologie de la poésie française de Georges Pompidou ni de l'Anthologie de la Bibliothèque de la Pléiade.
Il fait l'objet d'une analyse dans l'ouvrage French Cultural Studies: Criticism at the Crossroads[10].
Postérité
[modifier | modifier le code]Traductions
[modifier | modifier le code]Ce poème a été traduit en de nombreuses langues, notamment en anglais par des auteurs tels le poète Roy Campbell[11], en néerlandais[12], en tchèque[13] mais aussi[14] en allemand, en arabe, en espagnol, en hongrois, en italien, en portugais, en russe…
Mise en musique
[modifier | modifier le code]Le poème a été chanté par plusieurs chanteurs, tels Georges Chelon[15], Léo Ferré[16] en [17] ou encore le groupe Exsangue en [18].
Gravure
[modifier | modifier le code]Le poème a inspiré André Domin (–) dans l'une de ses lithographies[19].
Lectures publiques
[modifier | modifier le code]Le poème a été lu par de nombreux acteurs, dont Jean-Louis Barrault dans une émission de France Culture en [20]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Œuvres de Baudelaire, tome 1, 1er volume de la collection « La Pléiade », p. 179–180.
- Œuvres de Baudelaire, tome 1, 1er volume de la collection « La Pléiade », p. 619.
- Pierre de Fayis (pseud. de Charles Baudelaire), « À une Indienne », L'Artiste, 4e série, vol. VIII, no 6, , p. 92 (lire en ligne).
- Robert-Benoît Chérix, Commentaire des "Fleurs du mal" : essai d'une critique intégrale : avec introduction, concordances et références, notes et index, Genève, Slatkine, , XXXI-500 p. (ISBN 2-05-101267-9), p. 228 [lire en ligne].
- Emmanuel Richon, « Le voyage de Charles Baudelaire aux Mascareignes », sur mplf.be, Maison de la Poésie (version du sur Internet Archive).
- Gaston D'Haese, « Les maîtresses de Baudelaire » (version du sur Internet Archive).
- Collection dirigée par Henri Mitterand, Littérature XIXe siècle, éditions Nathan, 1986 p. 393 (ISBN 2-09178-861-9).
- Elvire Maurouard, Les beautés noires de Baudelaire, Paris, Karthala, coll. « Lettres du Sud », , 217 p. (ISBN 2-84586-651-8, présentation en ligne), p. 39–40 [lire en ligne].
- Alain Mabanckou, « Mais pourquoi Baudelaire et les autres aimaient-ils les beautés noires ??? », sur Congopage, (consulté le ).
- (en) Françoise Lionnet (en), « Reframing Baudelaire : Literary History, Biography, Postcolonial Theory, and Vernacular Languages », Diacritics (en), Johns Hopkins University Press, vol. 28, no 3 « Doing French Studies », , p. 78–79 (DOI 10.1353/dia.1998.0023, JSTOR 1566465), repris dans Marie-Pierre Le Hir (dir.) et Dana Strand (dir.), French Cultural Studies : Criticism at the Crossroads, Albany, SUNY Press, , IX-325 p. (ISBN 0-7914-4585-2 et 0-7914-4586-0), chap. II.8, p. 174–175 [lire en ligne].
- Trois traductions en anglais du poème.
- Traduction en néerlandais du poème.
- Traduction en tchèque du poème.
- Traduction du poème en allemand, en arabe, en espagnol, en hongrois, en italien, en portugais, en russe.
- Georges Chelon chante Les Fleurs du Mal / Charles Baudelaire volume 2.
- Le poème chanté par Léo Ferré.
- Léo Ferré chante Baudelaire.
- Le poème chanté par le groupe belge Exsangue en 2016.
- Lithographie en couleurs d’André Domin, in Suite de vingt-six gravures pour illustrer Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, Paris, René Kieffer, 1920.
- Charles Baudelaire lu par Jean-Louis Barrault (1962).