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La crise moderniste est-elle encore d'actualité ?[modifier | modifier le code]

Peinture de Gustave Caillebotte, en couverture de Jean Barois, roman de la crise moderniste

Le Sain d'Antonio Fogazzaro est, en 1905 et en Italie, selon Maurilio Gasco, le premier roman qui fait connaître au grand public « et pas seulement en Italie »[1], les débats soulevés par le modernisme. Pour Émile Goichot, le livre s'inscrit au cœur de la période d'aggravation de cette crise, entre le livre d'Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église (1902) et l'encyclique Pascendi (1907) qui condamne le modernisme et il est un élément de cette crise. En effet, il est publié en un pays, lieu de réception et de rayonnement vers « tous les horizons européens », il raconte l'expérience d'un simple fidèle, non d'un ecclésiastique, ni d'un intellectuel spécialisé dans les disciplines engagées dans le débat (philosophie, théologie, exégèse)[2]. Pour M.Gasco, Le Saint donne une image plus fouillée du modernisme que les autres romans car Il n'en ignore pas a polyvalence ou la polysémie. En dépit de sa modération, il est mis à l'Index, l'année de sa publication en France (1906).

Au sens français, le modernisme selon Goichot, c'est « la crise culturelle provoquée par l'intrusion d'une rationalité positive et des méthodes critiques dans le champ des sciences religieuses »[3]. Avec trois types de « modernistes » : ceux détachés de toute foi comme Albert Houtin et Joseph Turmel, ceux qui sont suspectés mais le récusent comme Maurice Blondel et Lucien Laberthonnière, enfin Loisy et George Tyrrell qui demeurent des esprits religieux.


Mais pour Poulat, ce n'est pas seulement une crise des Églises, mais une crise annonçant la crise des Églises aujourd'hui et qui concerne toute la société chrétienne [4]. Le premier roman français célèbre sur le modernisme, c'est celui de Roger Martin du Gard, en 1913, Jean Barois : Jean Barois (titre du roman et identité du personnage principal), découvre la fragilité historique des évangiles qui ne lui paraissent pas suffire à fonder de manière crédible l'Église [5]. Jean Barois est dédicacé à Marcel Hébert prêtre catholique qui finira par quitter l'Église et qui, en 1905, dans L'Évolution de la foi catholique, avait exposé la thèse du caractère purement symbolique des représentations religieuses[6]. Le modernisme d'Hébert est un modernisme qui va jusqu'au rationalisme[7].

Goichot pense aussi qu'en France que le modernisme est une crise que le grand public n'a pu comprendre qu'à travers des romans[8]. Il analyse Le Démon de midi de Paul Bourget et Augustin ou le Maître est là de Joseph Malègue. Le premier roman ne s'intéresse que peu aux problèmes ou difficultés exégétiques, car pour Paul Bourget, l'essentiel, comme il l'écrit déjà dans L'Écho de Paris en 1907, c'est l'ordre que guarantit l'Église, « le milieu par excellence de la discipline et de la hiérarchie »[9]. Le second, en revanche, est lié au modernisme « stricto sensu ». Pierre Colin est du même avis en 1997 et souligne que le héros de Malègue fait face aux mêmes difficultés que Prosper Alfaric, soit des doutes venant de la lecture critique des évangiles, mais aussi des philosophies athées voire des découvertes scientifiques[10]. Goichot pense que le roman de Malègue a contribué à évacuer le modernisme de la mémoire collective d'un public catholique cultivé. L'embellie culturelle et intellectuelle dans le monde chrétien souligné notammnt par Louis Chaigne[11], n'étant selon lui que l' Été de la Saint Martin de l'Église « si on en juge par ce qui a suivi[12]. » Geneviève Mosseray y voit par contre la récurrence de problèmes permanents pour les croyants. Pauline Bruley compare Augustin et Jean Barois de Roger Martin du Gard. La critique littéraire italienne Wanda Rupolo considère, pour ce qui est des thèses philosophiques du modernisme, leur problématique se reflète, outre les romans déjà cités, dans deux autres livres ; L'Oblat de Joris-Karl Huysmans et L'Enfant chargé de chaînes de François Mauriac[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. M. Gasco « Émile Goichot, historien du modernisme » dans François-Xavier Cuche et François Trémolières (textes réunis par) Émile Goichot historien de la spiritualité, Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2009.
  2. « Le modernisme au miroir du roman : la primauté de Il Santo » dans P.Marangon, dir., Antonio Fogazzaro e il modernismoe, Academia Olympica, Vicenza, 2003, p. 121.
  3. Émile Goichot, Henri Bremond, historien de la « faim de Dieu », choix des textes et introduction par François Trémolières, éd. Jérôme Milon, Grenoble, 2006.
  4. « le peuple des villes et des campagnes se détache de la religion ancestrale, la culture se soustrait au contrôle traditionnel de l'Église et la concurrence même sur son propre domaine en opposant « les sciences religieuses » aux « sciences sacrées » dans Emile Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Casterman, Tournai-Paris, 2e édition revue, 1979, p.614.
  5. Roger Martin du Gard, Jean Barois, in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Paris, 1955, p. 235.
  6. Cité par Pierre Colin, L'Audace et le Soupçon. La Crise du modernisme dans le catholicisme français (1893-1914, Desclée de Brouwer, Paris, 1997, p. 154.
  7. E.Poulat, op. cit., p. 150
  8. E.Goichot, Anamorphoses : le modernisme aux miroirs du roman, in Revue d'histoire et de philosophie religieuses, Université de Strasbourg, Vol 68, 1988/4 pp. 435-459, p.436.
  9. L'Echo de Paris du 31 mai 1907 cité par Goichot (art.cit., p.448).
  10. PIerre Colin, L'audace et le soupçon. La crise du modernisme dans le catholicisme français 1893-1914, DDB, Paris, 1997, p. 44.
  11. Anthologie de la Renaisance catholique, Alsatia, 1938.
  12. art.cit.,p.435.
  13. Wanda Rupolo, Le Roman français à la croisée des siècles, Champion-Slatkine, Paris-Genève, 1989, p. 20.