Utilisateur:Patrick.Delbecq/Brouillon7
En thermodynamique chimique, l'enthalpie standard de formation est une valeur de référence de l'enthalpie tabulée pour toute espèce chimique. Pour un corps à la température , elle est notée ou . Les conditions standards sont une pression de 1 bar et une température de 298 K (environ 25 °C). L'enthalpie standard de formation s'exprime en joules par mole ou kilojoules par mole (J mol−1 ou kJ mol−1) dans le Système international d'unités (SI).
Définitions
[modifier | modifier le code]Principe
[modifier | modifier le code]Soit une réaction chimique entre corps notée selon la convention stœchiométrique (coefficients stœchiométriques notés algébriquement : positifs pour les réactifs, négatifs pour les produits et nuls pour les inertes) ; son équation bilan s'écrit :
La chaleur dégagée par cette réaction chimique, si elle est effectuée à pression et température constantes, est égale à la variation d'enthalpie du milieu réactionnel :
Si l'on considère que chaque corps possède une enthalpie molaire partielle , alors une variation , avec l'avancement de réaction, de la quantité du corps induit une variation d'enthalpie égale à . La variation totale d'enthalpie lors de la réaction vaut par conséquent :
Le terme est appelé enthalpie de réaction et s'exprime en joules par mole (J mol−1) ou kilojoules par mole (kJ mol−1) dans le Système international d'unités (SI)
Ainsi, si l'on connait les valeurs des , on peut déterminer . Cependant l'enthalpie , comme l'énergie interne dont elle est dérivée (), n'est pas calculable de façon absolue, seules ses variations peuvent être déterminées ; de plus, l'enthalpie dépend de la composition, de la pression et de la température. Pour pallier ces difficultés, une échelle d'enthalpies molaires a été établie en définissant des zéros arbitraires pour certains corps simples dans des conditions standards ; l'enthalpie molaire de tout autre corps peut ensuite être déterminée à partir de la chaleur produite par la réaction de synthèse d'une mole de ce corps dans les mêmes conditions. Ces enthalpies sont appelées enthalpies standards de formation et s'expriment en joules par mole ou kilojoules par mole dans le SI. Pour un corps à la température , l'enthalpie standard de formation est notée ou .
L'enthalpie standard de réaction , sous une pression standard de 1 bar et à la température , vaut, par définition :
Elle s'exprime également en joules par mole ou kilojoules par mole dans le SI. Elle peut être déterminée par calorimétrie.
Corps simples et composés, état standard
[modifier | modifier le code]Un corps simple est un corps pur constitué d'un ou plusieurs atomes d'un seul élément chimique, par opposition aux corps composés ou composés chimiques composés d'atomes de deux ou plus de deux éléments différents.
Un corps simple ou composé peut se présenter sous plusieurs formes dans des conditions de pression et de température données : cette faculté est appelée allotropie pour les corps simples. Parmi toutes ces formes, une seule est stable, les autres tendant à se transformer en cette forme stable sur des échelles de temps plus ou moins longues. Par exemple, dans les conditions standards de pression et de température, le carbone existe principalement sous deux formes solides : le graphite et le diamant, mais seul le graphite est stable dans ces conditions.
L'état standard d'une espèce chimique simple ou composée est son état (gaz, liquide, solide) lorsqu'elle est pure sous la pression de 1 bar et à une température donnée. Pour un gaz, l'état de référence n'est pas le gaz réel mais le gaz parfait[1].
Il est arbitrairement attribué une enthalpie standard de formation nulle à tout corps simple sous sa forme stable dans son état standard à la température de 298 K (environ 25 °C). :
L'enthalpie standard de formation d'un corps simple sous sa forme stable dans son état standard à 298 K est fixée à 0 kJ mol−1. |
Le tableau suivant présente les principaux corps simples de référence[2].
Élément chimique | Espèce chimique | État standard à 1 bar et 298 K |
---|---|---|
Aluminium | Al | solide |
Antimoine | Sb | solide |
Argent | Ag | solide |
Arsénique | As | solide |
Azote | diazote N2 | gaz parfait |
Baryum | Ba | solide |
Brome | dibrome Br2 | liquide |
Cadmium | Cd | solide |
Calcium | Ca | solide |
Carbone | graphite C | solide |
Césium | Cs | solide |
Chlore | dichlore Cl2 | gaz parfait |
Chrome | Cr | solide |
Cuivre | Cu | solide |
Étain | Sn | solide |
Fer | Fe | solide |
Fluor | difluor F2 | gaz parfait |
Hydrogène | dihydrogène H2 | gaz parfait |
Iode | diiode I2 | solide |
Lithium | Li | solide |
Magnésium | Mg | solide |
Mercure | Hg | liquide |
Or | Au | solide |
Oxygène | dioxygène O2 | gaz parfait |
Phosphore | phosphore blanc (tétraphosphore) P4 | solide |
Plomb | Pb | solide |
Potassium | K | solide |
Silicium | Si | solide |
Sodium | Na | solide |
Soufre | cyclooctasoufre S8 | solide |
Zinc | Zn | solide |
Enthalpie standard de formation des corps composés
[modifier | modifier le code]On définit l'enthalpie standard de formation à 298 K d'un corps composé par[3],[4] :
À 298 K, l'enthalpie standard de formation d'un corps composé est égale à la chaleur absorbée ou dégagée lors de la réaction de synthèse d'une mole de ce composé dans son état standard à partir des corps simples stables et dans leur état standard dans ces conditions. |
Autrement dit, à 298 K, l'enthalpie standard de formation d'un corps est égale à l'enthalpie standard de réaction lorsque (formation d'une mole du produit) et que l'enthalpie standard de formation de tous les autres réactifs et produits est nulle, soit = 0 pour tout différent de .
- Exemple[3],[4]
- Soit la réaction de formation du dioxyde de carbone CO2 à partir des corps simples carbone graphite C et dioxygène O2 :
- réécrite selon la convention stœchiométrique :
- À 298 K, l'enthalpie standard de réaction est de = −393,52 kJ/mol, et, par convention, les enthalpies de formation du graphite et du dioxygène sont nulles, soit = = 0. Ainsi :
- Dans ces conditions, l'enthalpie standard de formation du dioxyde de carbone est donc de = −393,52 kJ mol−1.
Applications
[modifier | modifier le code]Calcul indirect, loi de Hess
[modifier | modifier le code]Lorsque la réaction de synthèse d'un corps composé ne peut être établie directement à partir des corps simples, la loi de Hess permet de décomposer cette réaction en réactions intermédiaires[4]. Par exemple, la réaction de synthèse du monoxyde de carbone CO :
ne peut être réalisée seule, car le monoxyde de carbone se forme toujours en équilibre avec les dioxyde de carbone CO2. On considère les deux réactions :
La connaissance des enthalpies standards de ces deux dernières réactions, = −393,65 kJ mol−1 et = −283,07 kJ mol−1, permet de déterminer l'enthalpie standard de la première réaction[4] :
- = −110,58 kJ mol−1
L'enthalpie standard de formation du monoxyde de carbone dans ces conditions est donc de = −110,58 kJ mol−1.
Calcul d'une enthalpie standard de réaction à une autre température, relation de Kirchhoff
[modifier | modifier le code]Avec la capacité thermique isobare molaire du corps dans son état standard, on a la relation entre la grandeur à 298 K et la grandeur à une température quelconque, à une pression standard de 1 bar[4],[5] :
Avec l'enthalpie standard de réaction à 298 K :
et l'enthalpie standard de réaction à :
Cette formule est la forme intégrale de la relation de Kirchhoff :
avec . On peut la décomposer en trois termes[4],[5] :
- correspond à l'enthalpie nécessaire pour amener les réactifs de la température à 298 K ;
- est l'enthalpie standard de réaction à 298 K ;
- correspond à l'enthalpie nécessaire pour amener les produits de 298 K à .
- Exemple[4]
- Le monoxyde de carbone est formé par la réaction :
- L'enthalpie standard de réaction à 298,15 K est de = −110,58 kJ mol−1. Les capacités thermiques standard molaires des divers corps sont, en J K−1 mol−1 :
- pour le carbone graphite pour 298 K < < 1 100 K :
- = 0,108 8 + 38,95 × 10−3 - 1,482 × 105 - 17,89 × 10−6
- pour le dioxygène gazeux pour 298 K < < 3 000 K :
- = 29,97 + 4,185 × 10−3 - 1,674 × 105
- pour le monoxyde de carbone gazeux pour 298 K < < 2 500 K :
- = 28,42 + 4,102 × 10−3 - 0,46 × 105
- On obtient l'enthalpie standard de réaction à 1 000 K : = −111,97 kJ mol−1
Enthalpie libre standard de formation et entropie standard
[modifier | modifier le code]De la même manière et pour les mêmes raisons, il est défini une enthalpie libre standard de formation à , notée , dont les valeurs sont tabulées pour la plupart des composés à la température de référence de 298 K. Ces valeurs permettent de calculer l'enthalpie libre standard de réaction à 298 K, notée :
Ce qui permet d'avoir accès à la constante d'équilibre (voir l'article Équilibre chimique) :
En revanche, l'entropie d'un corps pur peut être calculée de façon absolue (voir l'article Entropie d'un corps pur), il n'est donc pas nécessaire de définir une entropie standard de formation. Les entropies molaires standards à 298 K, notées , sont directement calculées et tabulées. Elles permettent de calculer l'entropie standard de réaction à 298 K, notée :
Ces grandeurs sont liées par la relation entre enthalpie libre , enthalpie et entropie :
Les tables thermodynamiques donnent soit et , soit et .
Grandeurs thermodynamiques de quelques composés à 298 K
[modifier | modifier le code]
Les enthalpies standard de formation et entropie standard à 298 K sont tirées des tables publiées par la JANNAF[6][réf. incomplète] ainsi que Ribaud et Manson[7][réf. incomplète]. En toute rigueur, ces enthalpies de formation ne sont plus standard car elles ne sont pas données à = 1 bar = 105 Pa, mais à = 1 atm = 1,013 25 × 105 Pa, qui constituait la pression standard lors de leur rédaction. Néanmoins, étant donné la variation minime de pression, les valeurs reportées dans ce tableau sont proches des valeurs réelles en première approximation.
Composé chimique |
Masse molaire (g/mol) |
(kJ mol−1) |
(J K−1 mol−1) |
---|---|---|---|
44,010 | −393,52 | 213,75 | |
28,011 | −110,58 | 197,6 | |
30,008 | 90,32 | 210,7 | |
17,031 | −45,91 | 192,66 | |
16,043 | −74,9 | 186,17 | |
30,068 | −84,7 | 229,57 | |
44,094 | −103,88 | 270,01 | |
58,12 | −124,78 | 310,15 | |
72,146 | −146,50 | 349,49 | |
86,172 | −167,25 | 386,95 | |
100,21 | −187,89 | 425,41 | |
114,224 | −208,52 | 463,84 | |
28,054 | 52,49 | 219,30 | |
42,078 | 20,42 | 267,03 | |
26,038 | 226,81 | 200,92 | |
78,108 | 82,96 | 269,30 | |
2,016 | 0 | 130,46 | |
1,008 | 218,06 | 114,65 | |
28,016 | 0 | 191,32 | |
14,008 | 472,96 | 153,23 | |
16,000 | 249,28 | 161,02 | |
32,000 | 0 | 204,82 | |
48,000 | 142,12 | 237,42 | |
(graphite) | 12,011 | 0 | 5,68 |
(diamant) | 12,011 | 1,92 | 2,45 |
(liquide) | 18,01528 | −285,10 | 69,96 |
(gaz) | 18,01528 | −241,8 | 188,74 |
(liquide) | 20,00634 | −299,8 | |
(gaz) | 20,00634 | −271,1 | 173,7 |
(gaz) | 36,461 | −92,31 | 186,90 |
Remarques :
- les corps simples dont l'enthalpie de formation standard à 298 K est nulle correspondent à la variété stable à cette température ;
- certains composés ne sont pas stables sous la pression standard à 298 K. C'est le cas par exemple de l'eau à l'état gaz. Néanmoins, même si son existence est fictive dans ces conditions, la valeur de son enthalpie standard de formation à 298 K est déterminée en tenant compte de l'enthalpie de vaporisation de l'eau liquide.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Picard 1985, p. 33.
- Atkins et al. 2012, p. tableau 2.8.
- Picard 1985, p. 34-35.
- Corriou 1985, p. 10-12.
- Picard 1985, p. 36.
- Tables thermodynamiques, Joint Army-Navy-NASA-Air Force (JANNAF), Interagency Propulsion Committee.
- Ribaud et Manson, ministère de l'Air, 1961.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Christian Picard, Thermochimie, De Boeck Supérieur, (ISBN 978-2-8041-2113-6, lire en ligne), p. 33-36.
- Jean-Pierre Corriou, Thermodynamique chimique : Équilibres thermodynamiques, vol. J 1 028, Techniques de l'ingénieur, (lire en ligne).
- Peter William Atkins et Julio De Paula, Chimie Physique, De Boeck Superieur, , 4e éd., 1024 p. (ISBN 9782804166519, lire en ligne), tableau 2.8.
- Peter William Atkins et Paul Depovere (trad. de l'anglais par Monique Mottet), Éléments de chimie physique [« The Elements of Physical Chemistry »], De Boeck Supérieur, , 512 p. (ISBN 9782744500107, lire en ligne), p. 66.
- Peter William Atkins, Loretta Jones et Leroy Laverman (trad. de l'anglais par André Pousse), Principes de chimie [« Chemical Principles. The Quest for Insight »], De Boeck Supérieur, , 4e éd., 1088 p. (ISBN 9782807306387, lire en ligne), p. 282.
- Pierre Mayé, Générateurs électrochimiques : Piles, accumulateurs et piles à combustible, Dunod, , 208 p. (ISBN 9782100555642, lire en ligne), p. 21.
- Martine Rebstein et Chantal Soerensen, Chimie : préparation au bac et à la maturité, EPFL Press, , 350 p. (ISBN 9782880747398, lire en ligne), p. 160.
- Marc Venturi, Physique-chimie MP/MP*, Éditions Ellipses, , 312 p. (ISBN 9782340049765, lire en ligne), p. 67.
- Julien Gérard, Chimie PC/PC*, Éditions Ellipses, , 408 p. (ISBN 9782340050518, lire en ligne), p. 19.
- Lionel Vidal, Elsa Choubert, Thierry Finot, Julien Gérard, Marie-Laure Kaiser-Lavielle, David Legrand, Nicolas Tancrez et Marc Venturi, Physique-Chimie : BCPST 2e année - Programme 2022, Éditions Ellipses, , 768 p. (ISBN 9782340080805, lire en ligne), p. 57.
- Bruno Fosset, Jean-Bernard Baudin et Frédéric Lahitète, Chimie PC/PC, Dunod, coll. « Tout-en-un », , 4e éd., 1056 p. (ISBN 9782100845606, lire en ligne), p. 194.
- Richard Mauduit et Eric Wenner, Chimie générale en 30 fiches, Dunod, , 160 p. (ISBN 9782100539482, lire en ligne), fiche 6, p. 30-33.